La Société Française d’Ecologie et d’Evolution (SFE2) vous propose ce regard de Jean-François Ponge, chercheur au Muséum National d’Histoire Naturelle, sur la dynamique de la forêt française face aux changements globaux.
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Quel avenir pour la forêt française? L’exemple du Morvan
par Jean-François Ponge,
Professeur au Muséum National d’Histoire Naturelle, UMR 7179
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Article édité par Anne Teyssèdre et Sébastien Barot
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Mots clés : Forêt, sylviculture intensive, changement climatique, protection des sols, exploitation durable, plantation, feuillus, résineux, acidification.
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- Introduction
- Résineux et feuillus : quels effets sur les sols ?
- Changements globaux et intensification de la sylviculture
- Quelles solutions pour la forêt morvandelle ?
- Glossaire
- Bibliographie
- Pour en savoir plus
- Forum de discussion sur ce regard
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Introduction
La France est très fière, et à juste titre, de son patrimoine forestier, qui la place au quatrième rang des pays européens par sa superficie forestière, derrière la Suède, la Finlande et l’Espagne. Mais qu’en est-il de l’avenir de cette forêt dans le cadre de l’actuelle politique européenne en faveur de l’augmentation de la productivité, déclinée en France par le Plan d’Action Interministériel Forêt-Bois du 16 novembre 2018 ?
Partons d’un exemple régional, celui du Morvan, connu pour l’importance qu’y revêt la forêt, non seulement en termes de surface mais aussi en termes d’enjeux socio-économiques (Jouffroy-Bapicot, 2010), pour élargir ensuite le débat. Le Schéma Régional de Cohérence Écologique (SRCE) de la Région Bourgogne a fait l’objet d’un arrêté préfectoral en date du 6 mai 2015. Il fait le point sur les attentes de la région en matière de développement économique et préconise un certain nombre d’actions en faveur de la biodiversité, mais n’a pas un caractère contraignant.
La forêt morvandelle, qui couvre aujourd’hui la moitié de la superficie du Morvan, a subi depuis plusieurs siècles des mutations de très grande envergure, selon les aléas des besoins, en général totalement extérieurs à sa propre économie en raison de la très faible densité de population (15 habitants au km2). Les forêts du Morvan sont restées jusqu’à une époque très récente un produit que l’on pourrait qualifier de « colonial », essentiellement au profit de sociétés ou de particuliers n’habitant pas la région. D’où une certaine anarchie dans les objectifs économiques et bien entendu les pratiques qui leur sont liées, en raison d’une vision à très court-terme qui peut sembler un comble en matière de sylviculture et se retrouve aux antipodes du développement durable. Plantations de conifères (ou « résineux ») de même âge et taille, dites « équiennes », avec les coupes rases –c.-à-d. l’abattage de la totalité des arbres d’une parcelle- qui leur sont associées, cultures de sapins de Noël gourmandes de pesticides (cf. Fig.2 ci-dessous), forment aujourd’hui une part essentielle du paysage morvandeau.
Cet usage de la terre brade le patrimoine naturel et contribue à l’épuisement de sols déjà appauvris par des siècles d’utilisation intensive pour alimenter Paris en charbon de bois. Il était donc urgent d’encadrer cette évolution anarchique et de définir une fois pour toutes ce qui est bon et ce qui est mauvais pour le Morvan. Ce schéma est donc le bienvenu, mais comme cela est souvent le cas et malgré l’ampleur de son volume (96 pages de rapport, 12 pages de conclusions), il présente de graves lacunes, qui laissent planer un doute sur les conséquences de son application et sur sa capacité à être appliqué. Les questions qui se posent concernent essentiellement les pratiques qui peuvent contribuer, ou nuire, à la biodiversité et surtout au respect du patrimoine morvandeau en matière de sols, d’essences forestières, d’activités économiques liées au bois et aux autres produits de la forêt.
Résineux et feuillus : quels effets sur les sols ?
Tout d’abord, il convient d’admettre que la végétation, quelle que soit sa nature (forêt, prairie, culture, lande, friche) acidifie les sols. Sans un apport sous la forme d’alluvions, de colluvions* (en bas de pente), ou d’amendements*, un sol sur lequel poussent des plantes s’acidifie, et ce d’autant plus que la production végétale, qu’il s’agisse de fourrage, de céréales ou de bois, est exportée (Ulrich, 1986).
Ce processus inéluctable est lié à l’activité microbienne des sols (libération de nitrates, de CO2,…) ainsi qu’à l’assimilation préférentielle, par les racines des plantes, des ions positifs ou cations (ions ammonium NH4+, calcium Ca++, magnésium Mg++, potassium K+, fer Fe++ ou Fe+++, etc.) par rapport aux ions négatifs ou anions (nitrates, phosphates,…). Ce phénomène accroît la proportion résiduelle d’anions dans les sols et génère de l’acidité sous la forme d’ions hydronium H30+, excrétés par les racines pour maintenir la neutralité électrique du végétal (Hinsinger et al., 2003).
Les arbres et en particulier les résineux, mais aussi les chênes et les hêtres, sont au premier rang dans ce processus d’acidification en raison de leur préférence pour l’azote ammoniacal et leur fort degré de dépendance vis-à-vis des champignons mycorhiziens pour leur nutrition minérale (Plassard et al., 1991). Bien entendu, plus la plante croît vite, plus elle va acidifier les sols (Nilsson et al., 1982). On comprend aisément que la dynamisation de la sylviculture, prônée par la Loi d’Avenir pour l’Agriculture, l’Alimentation et la Forêt (LAAAF) du 13 octobre 2014, malgré ses beaux principes (respect de la biodiversité, etc.) n’est pas, en ce qui concerne l’acidification des sols, le « bon plan ». Et ce d’autant plus que les sols sont déjà naturellement acides, comme cela est le cas de la quasi-totalité du Morvan, en raison de sa géologie : malgré sa faible altitude (901 m au Haut Folin) le Morvan est une « montagne », ancienne et fortement érodée, ne présentant pratiquement plus aujourd’hui aucun terrain sédimentaire à l’exception des vallées cultivées (Carpéna et al., 1984).
D’autres phénomènes naturels acidifient les sols, comme la croissance des champignons. La surveillance des humus (Humus Index*) permet de déceler une évolution vers des formes qui privilégient les champignons (humus dit moder*, voire mor* comme forme extrême d’évolution, particulièrement sous les résineux) au détriment des bactéries (humus dit mull*, cf. Fig.3 a et b ci-contre). Lorsque la matière organique s’accumule en surface (litières épaisses difficiles à décomposer), les champignons sont favorisés et le milieu s’acidifie. Ce phénomène est lié au métabolisme respiratoire alternatif (et facultatif) des champignons, qui produit de l’acide oxalique (liquide, qui reste dans le sol et piège le calcium) ainsi que de l’acide citrique (liquide, qui entraîne le fer en profondeur), au lieu de dégager du gaz carbonique (Gadd, 1999).
Qui dit acidification des sols dit appauvrissement et perte progressive des stocks de calcium, magnésium, potassium, etc., via le lessivage*, processus naturel auquel s’ajoute l’exportation des nutriments par le bois récolté (Ulrich, 1986), donc des sols définitivement impropres à l’agriculture. La conversion des terres agricoles en plantations de conifères ou d’autres essences à nutrition ammoniacale ‒ généralement, qui plus est, dans un but d’exploitation/exportation du bois ‒ ne contribue donc pas à protéger le « patrimoine sol » de la région. Bien au contraire, on peut dire qu’elle le ruine (Brand et al., 1986).
Au contraire les feuillus « précieux » (frêne, merisier, érables, etc.), moins déséquilibrés dans leur nutrition minérale et aux litières facilement dégradables, qui ne demandent qu’à se développer spontanément lorsque les terres sont en friche, ne vont pas engager les sols dans ce processus de dégradation (De Schrijver et al., 2012). Malheureusement aucune aide financière n’est accordée, bien au contraire, lorsqu’un propriétaire laisse se boiser naturellement (sans planter ni semer) un terrain en friche. Et le Schéma Régional de Cohérence Écologique ne prévoit rien allant dans ce « bon » sens, malheureusement, puisqu’il ne veut en aucune sorte se substituer à la loi, même tenant compte des spécificités régionales.
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Enfin, la façon dont la forêt est gérée intervient pour une large part pour freiner ou au contraire accélérer le processus d’acidification (Hornung, 1985). Le SRCE préconise la futaie irrégulière, telle que toutes les tranches d’âge soient présentes en mélange. C’est une bonne chose puisque cette technique, s’apparentant à la « cueillette » ancestrale, s’oppose à la coupe rase ou « à blanc » (cf. Fig.5) , facteur d’érosion et esthétiquement déplorable, dont on a vu également les conséquences néfastes sur la durabilité des peuplements lors des tempêtes de décembre 1999 qui ont abattu ou cassé 140 millions de m3 de bois, essentiellement des résineux (Carbiener, 1999). La forêt « allumette » n’est donc plus en odeur de sainteté et c’est très bien ainsi.
Il existe d’ailleurs en Morvan des peuplements de sapins de Douglas menés en « futaie jardinée », une technique proche de la futaie irrégulière, qui présentent des sols avec des « humus doux » (mull*). En dépit de leur acidité naturelle, comme dans tout le Morvan, ces sols montrent une forte activité de vers de terre (les « ingénieurs du sol » cf. les regards n°24, 28, RE2, 70), capables de restituer au sol les nutriments renfermés dans les aiguilles de certains résineux, dont le sapin pectiné et le sapin de Douglas (Ranger et al., 2009). Les vers de terre, en favorisant les bactéries au détriment des champignons, sont également capables de « renverser » le processus d’acidification, ou du moins de le ralentir considérablement (McLean et al., 2006).
Au-delà du choix des essences, ce sont donc bien les pratiques sylvicoles qui importent, la façon dont sont menés les peuplements. Cet aspect est pris en compte dans le SRCE mais aucune contrainte n’est mentionnée et une meilleure coordination avec le Centre Régional de la Propriété Forestière (CRPF), chargé d’orienter les décisions des propriétaires en matière de sylviculture, aurait été la bienvenue.
Changements globaux et intensification de la sylviculture
Un des prétextes fournis pour justifier l’intensification de la sylviculture (inscrite dans la LAAAF) est l’augmentation de la croissance des arbres observée sous les effets conjoints de l’augmentation de la teneur de l’atmosphère en dioxyde carbone (un « fertilisant » naturel de la croissance végétale) et du réchauffement climatique qui lui est lié (« effet de serre ») (Bréda et al. 2000). Un autre prétexte est la lutte nécessaire contre l’effet de serre, en utilisant les arbres pour « pomper » du dioxyde de carbone et le « fixer » sous forme de bois (Luyssaert et al., 2008). Examinons de plus près ces deux arguments.
Les mesures effectuées sur la forêt française par le L’Institut National de Recherche en Sciences et Technologies pour l’Environnement et l’Agriculture (IRSTEA, ex-CEMAGREF) et le Centre Régional de la Propriété Forestière (CRPF) ont montré en effet un accroissement en hauteur et en épaisseur des arbres, qu’il s’agisse de feuillus (hêtres) ou de résineux (pins), sous les effets conjoints de l’allongement de la saison de végétation et de l’augmentation de la température (un « stimulant » naturel de l’activité biologique). On peut donc penser que l’on peut raccourcir la durée des rotations forestières et exploiter les arbres à un âge moins avancé, pour obtenir le même volume de bois sur un pas de temps raccourci et, au final, avoir une production annuelle moyenne en augmentation. Du point de vue de la démographie des arbres, cela se traduit par un rajeunissement des peuplements.
C’est sans compter, malheureusement, sur le fait que l’on augmente ainsi, sur l’ensemble d’un territoire boisé, la part des peuplements en phase de croissance active, plus gourmands en nutriments et donc plus acidifiants pour les sols, au détriment des peuplements en phase de maturation, permettant un meilleur équilibre entre production et décomposition (Ryan et al., 1997). L’observation des humus montre que la litière se décompose mieux (et donc le recyclage est plus intense, d’où une moindre acidification) sous les peuplements âgés que sous les peuplements jeunes, du fait d’une augmentation des populations de vers de terre, liée à une moindre captation des nutriments du sol par l’arbre (Bernier et Ponge, 1994). L’arbre « jeune » acidifie le sol (et donc l’appauvrit) dans une plus grande mesure que l’arbre « mature » (Ryan et al., 1997).
Le développement de la demande en bois-énergie renforce bien évidemment ce processus, en appelant à des rotations forestières de plus en plus courtes, jointes à la tentation de récolter l’arbre dans sa totalité (parties aériennes et racines), pour ne rien en perdre. On enlève ainsi au sol une plus grande quantité d’éléments (calcium, magnésium, azote, etc…) qui lui seraient autrement restitués par la décomposition, un appauvrissement des ressources dont on connait les effets néfastes sur la biodiversité (Ponge, 2003). Le danger est donc grand, si on laisse s’implanter en région Bourgogne des usines de traitement du bois destinées à la fabrication de « granulats » (utilisables en lieu et place du fuel dans les chaudières domestiques), de voir la forêt morvandelle passée à la moulinette comme elle l’a été dans le passé pour la fabrication de charbon de bois (Buttoud, 1977).
La sylviculture intensive permet-elle de lutter contre l’effet de serre ? Bien entendu, l’arbre, comme toutes les plantes, fixe du carbone atmosphérique via ce que l’on appelle la « photosynthèse », grâce au soleil comme source d’énergie. Et plus la plante (donc l’arbre en particulier) pousse vite, plus elle (ou il) fixe du carbone et donc contribue, du moins à première vue, à lutter contre l’effet de serre. C’est vrai, mais ce que l’on oublie c’est que si le carbone ainsi fixé est destiné à être brûlé, le bilan est nul : ni fixation ni relargage, on se retrouve au même point qu’avant (Malhi et al., 1999).
Les seuls processus industriels ou agronomiques qui peuvent contribuer à « faire durer » le carbone ainsi fixé sont le compostage, la fumure organique (en incluant dans cette catégorie l’utilisation du Bois Raméal Fragmenté), qui utilisent le sol (l’humus) pour assurer la suite du processus de fixation, et, bien entendu et surtout, l’utilisation pérenne du bois pour la construction de meubles, de bâtiments, ou de ponts (Harmon et al., 1990). C’est donc tout le problème de la filière-bois qui est ainsi posé.
Sans une filière économique visant à utiliser le bois ou les sous-produits ligneux de la forêt pour produire autre chose que… du dioxyde de carbone (c’est-à-dire de l’énergie), nous ne pourrons pas utiliser la production forestière pour lutter contre l’effet de serre. Toute autre stratégie est vouée à l’échec. La forêt lutte contre l’effet de serre, certes, mais à condition de savoir l’utiliser durablement et non comme une ressource énergétique. Il vaut mieux utiliser du bois que du pétrole (on remplace un bilan négatif par un bilan nul en termes de stockage du carbone) mais il serait beaucoup plus judicieux de s’orienter vers un bilan positif en développant une filière-bois locale visant à la durabilité de l’usage du bois.
Actuellement, en France, une part essentielle du bois de qualité de nos forêts (celui destiné à la fabrication de meubles par exemple) part au mieux, vers le Portugal et, au pire, vers la Chine, pour nous revenir sous la forme de produits finis (Levet et al., 2014). Quel bilan de carbone au final ? Le gain attendu en termes de fixation de carbone est gâché par le carbone perdu (sous la forme de gasoil) au cours des transports lointains que cette étrange filière mondialisée nécessite. La Loi d’Avenir pour l’Agriculture, l’Alimentation et la Forêt (LAAAF), et sa déclinaison régionale, le SRCE, ne s’en préoccupent guère, puisque ces deux législations se veulent non contraignantes et ne remettent pas en cause notre économie « libérale ».
Quelles solutions pour la forêt morvandelle ?
Au vu de ce qui précède deux voies semblent se dessiner, pour lesquelles les pouvoirs publics peuvent faire l’œuvre d’incitation que les citoyens attendent d’eux.
Tout d’abord, un rééquilibrage entre feuillus et résineux, au bénéfice des premiers, s’impose, dans l’optique d’une meilleure protection des sols, patrimoine commun de l’humanité. Ce rééquilibrage doit s’accompagner d’une modification des techniques en pratique pour mener les peuplements. On privilégiera le mélange des essences et des âges, non seulement par rapport aux enjeux concernant la biodiversité, mais également selon un principe de précaution car nous ne connaissons rien des bénéfices économiques qui seront rendus par la forêt au-delà des 30 prochaines années (Jacobée, 2004). Or la forêt vit bien au-delà de cette échéance relativement rapprochée. On privilégiera également les techniques protégeant les sols (Pillon et al., 2015), une urgence qui a par ailleurs été soulignée lors de la présentation du plan biodiversité présenté le 4 juillet dernier par Édouard Philippe.
Outre leur acidification, la compaction des sols est un des risques majeurs causés par l’utilisation d’engins toujours plus lourds pour l’exploitation forestière (débusquage et débardage). Or il existe une technique, le câblage*, qui ne demande qu’à se développer, et semble particulièrement appropriée aux milieux « difficiles » tels que les zones humides ou en pente (Munteanu et al., 2019). Malheureusement, en France tout au moins, le nombre de personnes capables de mettre en œuvre en toute sécurité cette technique, respectueuse des sols, est ridiculement faible. Un besoin de formation existe donc, qui pourrait faire l’objet d’un développement au niveau régional via le réseau des lycées agricoles.
La valorisation du bois d’œuvre est la seule filière à même de fournir une solution durable aux problèmes d’acidification des sols et de lutte contre l’effet de serre. Une politique volontariste d’implantation et/ou de soutien de scieries et de menuiseries locales s’impose donc également. Cela nécessite bien entendu l’existence de débouchés (le fameux « marché ») et la mise en place d’aides régionales et nationales permettant le redémarrage de cette activité de transformation du bois pour produire autre chose que… du dioxyde de carbone ! La labellisation du bois issu des forêts morvandelles peut être un levier économique important, associé à une politique de communication, dans lequel la région Bourgogne devrait également s’investir. Un tel projet serait réellement créateur d’emplois qualifiés, et ce localement, à condition bien tendu qu’il soit lié indissociablement à une politique volontariste de formation. À cette occasion, il faut saluer la création sur le plateau de Langres du futur Parc National des Forêts de Champagne et Bourgogne, premier parc national forestier français, création dans laquelle la région Bourgogne s’est largement impliquée. Cependant il ne faudrait pas que quelques aires naturelles protégées, aussi vastes soient-elles, servent d’alibi à une politique forestière peu respectueuse de la nature et de la pérennité de notre patrimoine
Glossaire
Amendement d’un sol : Apport de substances fertilisantes (ex. apport d’urée) ou destinées à modifier l’acidité du sol (ex. amendement calcique).
Câblage : Technique d’exploitation forestière consistant à soulever et tirer les grumes (troncs d’arbres abattus) à l’aide d’un câble aérien, afin d’éviter tout passage d’engin dans le sous-bois. Cette technique protège les sols, en évitant leur compaction et la formation d’ornières. Pour en savoir plus : https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9bardage_par_c%C3%A2ble
Colluvion : Dépôt de matériel minéral provenant du ruissellement ou de coulées de boue.
Humus : Matière organique présente dans le sol et profondément transformée par les processus biochimiques d’origine microbienne et/ou animale, de couleur sombre. Par extension le mot désigne aussi l’agencement de la matière organique dans un profil de sol : forme d’humus, type d’humus (voir Mull, Moder, Mor).
Humus Index : Il s’agit d’un indice basé sur l’observation des formes d’humus, classées selon un gradient d’activité biologique décroissante et d’acidité croissante depuis l’humus « doux (Mull) jusqu’à l’humus « brut » (Mor). Pour en savoir plus : https://www.researchgate.net/publication/225039572_L’Humus_Index_un_outil_pour_le_diagnostic_ecologique_des_sols_forestiers.
Lessivage : Entraînement vertical (ou horizontal, on parle alors de lessivage latéral) des particules fines et des substances dissoutes par l’eau percolant à travers le sol.
Moder : Type d’humus dominé par l’activité biologique des champignons et de la petite faune, caractérisé par une couche noire de déjections animales sous la litière.
Mor : Type d’humus (également appelé « humus brut ») dominé par l’activité biologique des champignons, sans activité notable de la faune, caractérisé par une litière épaisse, peu humifiée, reposant directement sur le sol minéral.
Mull : Type d’humus (également appelé « humus doux ») dominé par l’activité des vers de terre et des bactéries, caractérisé par un mélange intime de la matière organique et de la matière minérale.
Bibliographie
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Pour en savoir plus :
Législation et patrimoine
Plan d’Action Interministériel Forêt-Bois https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/conseil-national-industrie/Contrats_de_filieres/plan-d-action-foret-bois-nov2018.pdf
Loi d’Avenir pour l’Agriculture, l’Alimentation et la Forêt https://www.gouvernement.fr/action/la-loi-d-avenir-pour-l-agriculture-l-alimentation-et-la-foret
Plan biodiversité pour lutter contre l’artificialisation des sols https://www.actu-environnement.com/ae/news/plan-biodiversite-artificialisation-sols-agriculture-31626.php4
Le schéma de cohérence écologique de la Région Bourgogne http://www.bourgogne-franche-comte.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/srce_fc_rnt_cle68dfc4.pdf
Patrimoine du Morvan http://www.patrimoinedumorvan.org/nature/biogeographie/demographie-et-habitat-humain
Page Wikipédia « Morvan » https://fr.wikipedia.org/wiki/Morvan
Charte Forestière du Morvan 2012-2015 http://www.parcdumorvan.org/fic_bdd/pdf_fr_fichier/1352969871_SLDF_PNRM_2012_2015.VD.pdf
Les sols et la forêt
Jean-Michel GOBAT, Michel ARAGNO, Willy Mathey, 2010. Le sol vivant. Bases de pédologie. Biologie des sols, 3ème édition revue et augmentée. Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, Lausanne, 817 pages.
Bernard Jabiol, Alain Brêthes, Jean-François Ponge, François Toutain, Jean-Jacques Brun, 2007. L’humus sous toutes ses formes, deuxième édition. ENGREF, Nancy, 68 pp.
Jean-François Ponge, 2013. Impact des rémanents sur la biodiversité forestière https://www.researchgate.net/publication/267979178_Impact_des_remanents_sur_la_biodiversite_forestiere
Jean-François Ponge, 2012. L’Humus Index: un outil pour le diagnostic écologique des sols forestiers https://www.researchgate.net/publication/225039572_L’Humus_Index_un_outil_pour_le_diagnostic_ecologique_des_sols_forestiers
Jean-François Ponge, 2011. Biodiversité animale du sol et gestion forestière https://www.researchgate.net/publication/41677859_Biodiversite_animale_du_sol_et_gestion_forestiere
Jean-François Ponge, 2009. Effets des amendements sur le fonctionnement biologique des sols forestiers: mieux comprendre le rôle de la méso- et de la macrofaune dans l’évolution des humus. Revue Forestière Française 61(3) : 217-222. https://www.researchgate.net/publication/44390005_Effets_des_amendements_sur_le_fonctionnement_biologique_des_sols_forestiers_mieux_comprendre_le_role_de_la_meso-_et_de_la_macrofaune_dans_l’evolution_des_humus
Jean-François Ponge, Michel Bartoli, 2009. L’air du sol, c’est la vie de la forêt. La Forêt Privée 307 : 63-70. https://www.researchgate.net/publication/44449969_L’air_du_sol_c’est_la_vie_de_la_foret
Centre National de la Propriété Forestière, 2015. Le sol forestier: élément clé pour le choix des essences et la gestion durable https://www.cnpf.fr/data/plaquette_sols_cnpf.pdf
Le climat et la forêt
L’impact du climat sur la croissance des arbres en France : plus hauts, moins denses https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/climatologie-impact-climat-croissance-arbres-france-plus-hauts-moins-denses-3841/
L’arbre et la forêt à l’épreuve d’un climat qui change : Rapport au Premier ministre et au Parlement http://www.gip-ecofor.org/doc/drupal/ONERC_Rapport_2014_Arbre_Et_Foret_WEB.pdf
Les techniques de sylciculture et d’exploitation forestière
La méthode Pro Silva http://www.prosilva.fr/brochures/brochure_Brochure%20Saumon%20PS.pdf
Franck Jacobée, 2004. Le renouvellement des chênes en futaie irrégulière. Forêt-Entreprise 155 : 45-49. http://www.inforet.org/IMG/pdf/FE_155-JACOBEE.pdf
Michel Bartoli, Morgan Vuillermoz, Valérie Laurent, 2006. Le câble Zigzag : un outil original, simple et efficace de transport forestier. Rendez-Vous Techniques ONF 12 : 39-46. https://onf.fr/outils/ressources/8a3e2ce7-f976-4e97-b077-9e6a7499472a/++versions++/1/++paras++/2/++ass++/1/++i18n++data:fr?_=1544441617.113664&download=1
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Regards connexes :
Barot S et F. Dubs, 2012. Les écosystèmes du sol. Regards et débats sur la biodiversité, SFE, Regard n°28, 17 février 2012.
Ponge J-F., 2017. Variation en sol majeur. Regards et débats sur la biodiversité, SFE, Regard n°70 20 février 2017.
Mercadel A.M. et al, 2016. Mille Kilogrammes sous vos pieds. Regards et débats sur la biodiversité, SFE, Regard RE2, 5 mai 2016.
Tassin J., P. Donadieu et B. Roman-Amat, 2018. Trois regards sur le livre de Peter Wohlleben, ‘La Vie secrète des arbres’. Regards et débats sur la biodiversité, SFE2, Regard RO5, 27 mars 2016.
Thompson J. et O. Ronce, 2010. Fragmentation des habitats et dynamique de la biodiversité. Regards et débats sur la biodiversité, SFE, Regard n°6, 18 novembre 2010.
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Article édité par S. Barot et A. Teyssèdre.
Iconographie et mise en ligne : A. Teyssèdre.
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Le glissement des zones bioclimatiques vers le Nord du fait du réchauffement (3 °C ~ 550 km) risque d’entraîner rapidement (à l’échelle de temps du raisonnement forestier !) d’autres difficultés (dépérissement d’essennes hors de leur « niche bioclimatique », incendies, persistance de l’emploi d’essences en désquilibre avec le climat et donc plus sensibles aux ravageurs).. Pouvez-vous développer un peu de prospective sur ces thèmes ?
Bonjour Jean-Dominique,
Tu as entièrement raison sur les conséquences du réchauffement climatique, avec les attentes mais aussi les risques qui lui sont associés. Mais pourquoi ne rédigerais-tu pas un « regard SFE » sur ces questions qui font partie, si je ne me trompe, de tes thèmes de prédilection? Tu le ferais sans doute avec de bien meilleures bases scientifiques que moi, et la SFE est très avide de ce genre de contributions. Rien ne t’empêche d’aborder le problème de façon plus générale et pas seulement sous l’angle de la sylviculture. En tout cas merci pour ton intérêt…
Merci pour cet article sous forme de synthèse très claire et très pédagogique, où les enjeux socio-économiques et écologiques sont bien mis en perspective. J’ajouterai une suggestion. Pourquoi ne pas réintroduire la culture du châtaignier dans l’économie forestière du Morvan ? Une essence largement exploitée au Moyen-Âge et à l’époque moderne, comme en attestent les sources paléoécologiques et historiques.
Réf. Biblio : (Jouffroy-Bapicot et al. 2013, 7000 yrs of vegetation history and land-use changes in the Morvan Mountain (France). The Holocene, 23(12), p. 1888-1902
Balland V., Chevassu V. et Jouffroy-Bapicot I., 2019. Des faînes, des châtaignes et des glands. Regards croisés sur la forêt morvandelle et son exploitation. In : S. Bepoix et H. Richard (eds., La forêt au Moyen-Âge, à paraître oct. 2019).
Merci beaucoup pour votre suggestion. Vous avez entièrement raison, le châtaignier est le fleuron du Morvan. D’après mes souvenirs il a été apporté par les Romains, et le charbon de bois du Morvan (qui a servi à chauffer Paris jusqu’à la fin du dix-neuvième siècle) provenait de cette essence, qui a aujourd’hui pratiquement disparu. Je pense que c’est un des objectifs à long terme du Groupement Forestier pour la Sauvegarde des Feuillus du Morvan (https://www.sauvegarde-forets-morvan.com) auquel j’appartiens.
Mais le choix le plus judicieux me semble le mélange des essences, y compris bien entendu le châtaignier, ne sachant pas quelle utilisation nous feront du bois d’ici cent à deux cents ans. En tout cas un grand merci pour votre travail (que j’aurais pu citer si je m’étais mieux renseigné) et pour la documentation jointe à votre message, et votre intérêt pour ce regard sur la forêt morvandelle…
Bonjour,
Je suis entièrement d’accord pour sauver les feuillus.
La majorité des forêts du Morvan appartient aux morvandiaux… Ces coupes à blanc, qui les autorise sinon les propriétaires? Pourquoi ne pas aider financièrement ces propriétaires afin qu’ils ne vendent plus les feuillus? Ils ont certainement besoin d’argent… alors aidons les.
Enfin c’est mon point de vue…je peux me tromper.
Merci de votre réponse
Cordialement
Bonjour,
Il existe un groupement forestier (je fais partie de son comité scientifique) dont la vocation est d’acheter des forêts feuillues en Morvan dès qu’elle sont mises en vente, pour les mener ensuite selon la méthode Pro Silva. Ce n’est pas toujours facile car souvent les notaires rechignent à diffuser l’information ou ne le font que lorsque c’est déjà trop tard (certains achats ont ainsi été ‘loupés »), mais il y a des communes qui sont favorables à ce genre d’initiative et font leur maximum pour aider le groupement.
Pour plus d’informations, voir le site https://www.sauvegarde-forets-morvan.com/. Ce groupement est en lien étroit avec une association de sauvegarde de l’environnement, appelée Autun Morvan Ecologie (https://www.autunmorvanecologie.org/), créée (comme le groupement forestier) par Lucienne Haese. Merci pour votre intérêt pour ce regard, c’est très gentil…
Merci à Monsieur Ponge de venir argumenter sur les méfaits de l’industrialisation de la sylviculture : coupes rases, destructions des sols, de la biodiversité, des paysages, non résilience des peuplements, etc : votre publication sur ce qu’il advient des sols est essentielle. Forestiers résistants, nous nous battons pour que chaque fois que les stations le permettent, faire le plein d’essences! il faut privilégier la futaie irrégulière, une sylviculture de milieu et non plus simplement d’arbres, donc proche de la nature,et redire encore et encore que le bois ne vient pas d’une usine, mais est produit par et dans un écosystème vivant, fragile, non inépuisable !
Alain Claude Rameau, auteur de nos forêts en danger (Atlande)
Merci pour votre soutien et votre activité en faveur de la préservation de notre patrimoine forestier. Je m’aperçois qu’une confusion existe avec le regretté Jean-Claude Rameau, confusion qui apparaît au niveau des sites de vente de votre ouvrage (cf. https://www.amazon.fr/Nos-for%C3%AAts-danger-Alain-Claude-Rameau/dp/2350304272).
[Est-ce que Jean-Claude Rameau ne serait pas votre père, par hasard? Je l’ai bien connu, mais c’est quand même dommage que l’on vous confonde, même si vous portez les mêmes valeurs…]
Bonjour M. PONGE,
Nous nous étions croisés il y a fort longtemps quand vous faisiez partie du collectif sur la nouvelle classification des humus et que vous étiez venus, avec d’autres experts comme B. JABIOL, JC RAMEAU …, dans le Vaucluse. Votre article est très intéressant! Je suis forestier et écologue de formation et me suis engagé aux dernières européennes sur la liste conduite par Dominique Bourg. Le sujet de l’industrialisation de la forêt française est un sujet que je suis de près et votre article apporte des éléments scientifiques clairs sur les méfaits des enrésinements, la mécanisation massive de l’exploitation forestière, les effets dévastateurs d’une « optimisation » de la récolte au détriment de la conservation du bois mort…
Au-delà de la publication sur le (très bon) site de la SFE que je vais partager sur les réseaux sociaux, n’auriez-vous pas le souhait de le valoriser sur d’autres revues naturalistes tel que le Courrier de la Nature, voire, si les éditeurs l’acceptent, sur des revues professionnelles tels que La Forêt Privée ?… Sincères salutations.
Bonjour,
Un grand merci pour votre commentaire, qui m’a fait chaud au cœur. J’ai déjà écrit avec Michel Bartoli dans LA FORET PRIVEE (voir https://www.researchgate.net/publication/44449969_L'air_du_sol_c'est_la_vie_de_la_foret) mais jamais dans le COURRIER DE LA NATURE (auquel j’étais abonné lorsque j’étais… au lycée!). Pourquoi pas, en effet, mais je crois qu’il faut être invité, non ? Le sujet dérange et je ne pensais pas me lancer dans la mêlée. Anne Teyssèdre, qui gère les regards SFE, m’a encouragé, mais là on est dans notre cocon douillet de l’écologie (non politique). Quid du milieu forestier proprement dit, lorsqu’on ne fait pas partie du cénacle? J’hésite, la polémique ne me fait pas peur mais je n’ai pas envie de me « ramasser ». Qu’en pensez-vous?
D’expérience (et pour avoir déjà publié deux articles de vulgarisation sur les lichens forestiers dans cette revue avec ma casquette professionnelle), je peux vous assurer que le courrier de la nature est une revue très ouverte aux propositions. Je pense que vous seriez bien accueilli avec un projet sur ce thème! J’ai partagé votre regard sur les réseaux sociaux que ce soit via mon compte personnel ou celui que j’administre à titre politique et, manifestement, il est bien lu!
Bonjour,
J’avais déjà vu que vous aviez partagé mon article sur votre blog, avec un commentaire très élogieux. Voulez-vous que nous poursuivions cette conversation sur la messagerie? Merci de m’envoyer un message à ponge@mnhn.fr. Je vous répondrai…
Bonjour et merci pour cet article qui discute de façon large de l’avenir de la forêt française et remet les fondements de la sylviculture en perspective. Le sujet est important et difficile : il n’est pas étonnant qu’il suscite des commentaires. Je voudrais donc profiter de la possibilité qui m’est donnée ici par la Société française d’écologie et d’évolution pour alimenter la discussion en me limitant à trois commentaires.
Le premier porte sur la dynamisation de la sylviculture que l’article semble vouloir contester. Certes, si la référence est une région qui a déjà subi de grands changements, on peut comprendre que s’expriment des craintes. Mais il faut bien avoir conscience de ce que représente concrètement cette dynamisation voulue par la politique forestière française. S’il s’agit d’éviter une déprise forestière, à l’instar de la déprise agricole, alors il me semble que cette volonté de réaction à la déprise peut elle aussi se comprendre. Il ne faut pas oublier qu’on ne récolte en France que la moitié de l’accroissement biologique de bois et que cela ne s’explique pas seulement par une certaine jeunesse d’une partie de la forêt. Il est donc utile de voir cette dynamisation de manière relative à la sous-exploitation actuelle et non comme la généralisation d’une sylviculture intensive.
Mon deuxième point porte sur les bienfaits d’une analyse multicritère de la situation. Rien n’est jamais parfait à tous points de vue, économique, écologique et social, et il faut donc en permanence évaluer les tenants et aboutissants d’une décision. S’il manquait quelque chose à l’article, ce serait sûrement une analyse économique et sociale pour savoir si, vraiment, les avantages attendus méritent d’être comparés aux inconvénients mis en évidence du point de vue écologique. Dans certains cas, l’analyse économique complète peut même venir renforcer les arguments écologiques si le gain apparaît insuffisant par rapport aux pertes.
Mon troisième point vient juste contester la première phrase de l’article qui place le patrimoine forestier français à la quatrième place européenne comme on le fait trop souvent en se référant à la seule surface et en omettant les outre-mer. J’ai l’habitude d’affirmer que le patrimoine forestier français est le premier en Europe, et de loin, que l’on s’intéresse à la biomasse ou à la biodiversité…
Pardon d’avoir été un peu long et bien cordialement.
Merci pour votre commentaire sur mon « regard » sur la forêt française. Tout d’abord, je voudrais préciser que l’Europe, pour moi, ne comprend pas les restes de notre empire colonial, et il est donc évident (et sans doute pour la plupart des lecteurs) que notre quatrième place en termes de surface forestière ne tient pas compte, bien évidemment, de la Guyane qui, je vous fais confiance, nous place au premier rang de l’Europe « administrative », mais est ici totalement « hors-sujet ». Et la forêt guyanaise n’a certes pas besoin d’être « dynamisée » !
Concernant votre second point, le manque d’une analyse économique et sociale, c’est en dehors de mes compétences mais je voudrais signaler que la mondialisation peut être vue comme un épiphénomène lié à la façon dont le commerce international passe par-dessus la volonté politique. Tout cela peut changer, du jour au lendemain, si les politiques veulent bien se donner la peine d’oser faire passer le bien commun de l’humanité au-dessus de toute autre considération.
Enfin, concernant le premier point que vous soulevez, la dynamisation de la sylviculture comme réponse à la déprise agricole, il ne me semble pas que cela soit la bonne réponse.
Il me semble que l’on ne fait pas assez appel à la dynamique naturelle de la végétation, qui génère le plus souvent l’installation de ce que l’on appelle les « feuillus précieux », en plaine du moins. La loi française exige du propriétaire qu’il gère, c’est-à-dire cultive, bâtisse ou plante des arbres sur les terrains laissé en déprise. La friche n’est pas autorisée, ou seulement à titre très temporaire. Quel dommage lorsqu’on sait que l’on manque cruellement de ces feuillus précieux tels que merisiers, ormes, érables, etc…, connus pour leur croissance très « dynamique », mais dont l’utilité n’est certes pas de remplacer le fuel dans nos chaudières. Il faut donc changer la loi, une fois de plus…
Bonjour
et merci pour ce ‘regard’ sur la dynamique de la forêt tempérée française, qui explore surtout les impacts de la sylviculture ‘intensive’ et des changements d’usage des terres sur les sols et la forêt. Comme Jean-Dominique, j’aurais aimé un focus complémentaire sur l’impact du changement climatique sur la distribution géographique des espèces (‘essences’) forestières. A vrai dire, un article/regard sur ce thème, à l’échelle européenne, est en attente depuis plusieurs années.. mais tarde à se concrétiser! (Auteur surchargé..)
A défaut ou en attendant, je conseille aux lecteurs intéressés ces deux articles récents:
– ‘Climate change and European forests: What do we know, what are the uncertainties, and what are the implications for forest management?’ Lindner M. et al., 2014. Journal of Environmental Management 146: 69-83.
– ‘How much does climate change threaten European forest tre species distribution?’ Dyderski et al., 2018. Global Change Biology 24(3) : 1150-1163.
[Selon les modèles de distribution géographique développés par Dyderski et al, pour l’Europe, la plupart des espèces d’arbres étudiées seront confrontées à une réduction en surface de leur habitat favorable potentiel dans les décennies qui viennent, les espèces septentrionales étant les plus menacées par cette réduction. A l’échelle locale -et de manière paradoxale- des espèces « pionnières » telles que le Bouleau blanc et l’Epicéa commun devraient régresser, à l’inverse d’espèces de fin de succession telles que le Sapin blanc, le Frêne et le Chêne pédonculé. En outre, diverses espèces introduites en Europe depuis un ou plusieurs siècles, telles que le ‘Sapin de Douglas’ (Pseudotsuga menziesii), le Chêne rouge et le Robinier devraient quant à elles bénéficier du changement climatique et poursuivre leur expansion régionale..]
(Auprès de mon arbre, je vivais heureux..!)
Bon été à tous,
Anne
Bonjour,
Par ailleurs, sur la question « Gestion des forêts européennes et changement climatique », je conseille aux scientifiques la lecture de cet article de Naudts K. et al., paru en 2016 :
‘Europe’s forest management did not mitigate climate warming’, Science 351: 597-600, 2016.
Ou plus ‘facilement’ -pour les scientifiques et non scientifiques- le visionnage de ces trois brèves vidéos (de 4-5 mn chacune), ‘questions-clés’ posées à Aude Valade (chercheuse en climatologie à l’IPSL) pour le projet web ‘SocioEcoSystèmes’ (aujourd’hui ‘Nexus Clés’) en 2017 :
• Forêt et climat – Quelle séquestration de carbone dans les forêts d’Europe ? (Question-clé A24) https://vimeo.com/233470792
• Forêt et climat – Quelle gestion des forêts d’Europe depuis le 18e siècle ? Avec quels effets sur le climat ? (Question-clé A25) https://vimeo.com/233367459
• Atténuation du réchauffement climatique – Quelles pistes pour améliorer le bilan Carbone des forêts ? (Question-clé D6) https://vimeo.com/231904591
[Url du projet Nexus clés :
https://www.su-ite.eu/nexus-videos-cles/plan/ ]
Anne
Excellent, cet article publié dans SCIENCE, auquel d’ailleurs Aude Valade a participé, et merci aussi pour les liens vers ses vidéos ! Cela répond tout à fait à la question posée par Jean-Dominique Lebreton sur les relations entre changement climatique et sylviculture. Si je comprends bien, en Europe du moins on a tout faux…
Hello Jean-François,
Et oui, malheureusement.. Les clés de la transition socio-écologique ne sont pas évidentes, face à la complexité (des socio-écosystèmes et) des dynamiques en jeu! [D’où l’utilité de l’IPCC/GIEC et de l’IPBES, du moins peut-on l’espérer..]
A bientôt, Anne
Merci à JF PONGE (que je salue après une longue interruption de nos relations) pour cet article.
Quelques points de référence me sembleraient utiles : quelles sont les roches mères du Morvan et quelle est leur acidité naturelle ? quelles sont les espèces « natives » dans le Morvan, à moyenne altitude (entre 400 et 900 m ?) Quel est le niveau d’acidité des sols de ces forêts « naturelles »? Quel est le comportement du frêne, du merisier, de l’érable (sycomore je suppose) sur les sols du Morvan et entre 400 et 900 m? Peuvent ils durablement y pousser ensemble? peuvent ils y produire du bois de qualité? Les « grands feuillus sociaux » chêne et hêtre ne sont pas cités : ils sont présents pourtant. Quelle est la qualité du bois qu’ils produisent dans les hauteurs du Morvan ? A t on comparé, dans le Morvan, les humus sous Douglas à ceux développés sous pins, sous épicéa , sous sapin pectiné ?
Un commentaire : dans un arbre, la teneur en éléments nutritifs, et en cations, est forte dans les feuilles et l’écorce, beaucoup plus faible dans le bois. Lors des coupes, le sylviculteur peut diminuer les exportations minérales en laissant sur le parterre les feuilles, les brindilles et petites branches, les écorces. Il existe un guide de l’ADEME sur ce sujet, en cours de révision.
Merci pour cette réponse argumentée, et amical souvenir. Concernant la géologie du Morvan, la majorité des roches sont cristallines. On s’attendrait donc à une pauvreté des sols liée à leur acidité (bien réelle). J’ai pourtant été surpris, en observant les formes d’humus, d’y trouver une majorité d’humus de type mull, à forte abondance de vers de terre. Je pense que cela doit être lié à la forte teneur en fer des sols du Morvan, comme en témoigne la présence d’anciennes mines de fer. Je n’ai pas d’explications sous la main mais je crois me souvenir que des travaux de François Toutain et de Sylvain Bruckert à Nancy avaient démontré l’importance du fer et du manganèse dans la genèse des humus de type mull acide. Donc on a là des sols qui, bien qu’acides, se prêtent assez bien à l’installation et la croissance des feuillus précieux (en particulier merisiers et sycomores, mais aussi frênes).
Bien entendu, parmi les feuillus, chênes et surtout hêtres (forte pluviométrie) figurent en pôle position, mais j’ai souligné leur caractère acidifiant qui risque de s’exacerber en cas de dynamisation de la sylviculture. S’il faut dynamiser la sylviculture, autant en faire profiter des essences à croissance naturellement rapide, peu répandues dans les forêts gérées mais qui ne demandent qu’à s’installer spontanément sur ces sols, acides certes mais à forte activité biologique et donc propices à un recyclage rapide des nutriments. En ce qui concerne les plantations de Douglas, parfois très anciennes dans le Morvan (les sapins de Douglas centenaires sont fréquents), la forme d’humus montre également que la litière du Douglas, comme celle du sapin pectiné, est très bien appréciée par les vers de terre, ce qui n’est pas le cas des pins et, lorsqu’il est introduit, l’épicéa. Mais il ne faut pas oublier que ce dernier, lorsqu’il est dans sa région d’origine (les Alpes du nord pour ce qui concerne notre pays), vit en compagnie de communautés du sol qui lui sont adaptées, dont les vers de terre et notamment Lumbricus terrestris, notre maître laboureur indigène.
Je crois l’avoir souligné dans mon « regard » mais il faut bien se rendre compte que, plus que l’essence, c’est la façon de « mener » la forêt qui compte en tant que services écosystémiques. Ces derniers sont maximisés lorsque la forêt est bien conduite, avec une diversité d’essences et de classes d’âge, dans un souci de préservation de notre patrimoine naturel et pas seulement de rentabilité immédiate. Et entièrement d’accord, bien entendu, avec les conseils que vous donnez aux sylviculteurs en fin de message.
Bonjour,
Merci à Jean-François pour cet article que je découvre un peu tard, mais toujours d’actualité. Il va nous aider à argumenter sur la nécessité de mener une autre sylviculture que la coupe rase et les plantations équiennes de Douglas. L’exemple du Morvan que tu développes est le résultat d’une politique forestière axée sur le produire toujours plus. Nous sommes dans un Parc Régional impuissant puisque pas opposable.
Je ne suis pas une scientifique mais une militante qui à beaucoup appris grâce à toi, grâce au Conseil Scientifique et à PRO SYLVA. Le groupement forestier pour la Sauvegarde des Feuillus du Morvan démontre par sa gestion proche de la nature et continue que l’on peut faire une gestion écologique et économiquement rentable.. Les forêts du groupement sont riche en biodiversité et tellement belles !!!!! Continuons la lutte et l’ achat de nouvelles forêts pour les préserver.
Lucienne Haèse
(https://www.sauvegarde-forets-morvan.com)
http://www.autunmorvanecologie.org
Bonjour Lucienne,
Nous nous connaissons depuis longtemps, en fait depuis une réunion publique au Jardin des Plantes à Paris, qui associait forestiers, scientifiques et associatifs, où j’avais remarqué ta capacité à argumenter et à ne jamais te laisser impressionner par tes interlocuteurs. Encore merci pour m’avoir invité à faire partie du comité scientifique du Groupement Forestier pour la Sauvegarde des Feuillus du Morvan. Il semble que le message passe bien aujourd’hui même si pendant, longtemps tu as eu l’impression de « prêcher dans le désert ». Mais les pratiques sont tenaces et il va falloir encore convaincre et convaincre, inlassablement…
Bonjour,
Je découvre aussi tardivement cet article très intéressant et très utile. Merci. Nous en avons bien besoin pour défendre une gestion plus raisonnable de la forêt. Nous allons diffuser le lien sur nos réseaux sociaux. (Adret Morvan et SOS forêt).
J’ai bien apprécié aussi certaines réponses aux questions…
Merci beaucoup si mon « regard » a pu vous aider à défendre une cause juste, telle que la défense de notre patrimoine forestier…
Bonjour,
Merci pour cet article. En ce qui concerne la Haute-Marne, on paie cher pour refaire dans le nouveau parc national ce qu’on ravage officiellement dans le reste du département! Et votre crainte est hélas validée! A l’est du département c’est un saccage à grande échelle de coupes rases d’anciennes forêts de feuillus en parfaite santé, au mieux, des rotations de 7 ans au lieu de 30, laissant des forêts sans vie, sans sous bois sans lisière étagée…! 530 000 euros sont engagés dans le parc national pour payer un chargé de mission pendant 3 ans pour sensibiliser les propriétaires à la futaie irrégulière, pendant ce temps, à l’est, où ce mode de soin de la forêt a toujours été privilégié, on ravage les futaies irrégulières ancestrales, de tous les bouts, que ce soit en forêts communales, domaniales (la forêt de Morimond n’est plus qu’un souvenir!), ou privées, notamment avec la manne « biomasse » arrachée par des marchands de bois sans scrupules qui ne laissent pas un fétu debout!
Le parc n’est qu’un mensonge destiné à protéger les grandes chasses des élus, et à pomper de l’argent qui doit bien venir d’autres forêts! Les nôtres qu’on saccage sans respect, ni de la vie, ni des paysages, ni des générations à venir! Les photos aériennes IGN ont 3 ans, c’est déjà désolant, toutes les forêts domaniales de l’est du département n’étaient plus que des coquilles vides avec des trompe l’œil en lisière, des coupes à blanc en coteau cachées loin des grands axes… et ça s’est aggravé à grande vitesse! Les piles de bois en bout de 2 mètres s’alignent le long des chemins… La population est révoltée, mais impuissante!
Je peux vous faire parvenir quelques documents, dont un article parlant du fameux poste de chargé de mission!
Et….un mois après la création du parc, le GIP du parc national a déjà donné son accord pour un certain nombre de nouvelles éoliennes de 180 m dans le parc, malgré une page de réserves!!!
Triste exemple que ce cas de la Haute Marne, comme tant d’autres, hélas ! Aujourd’hui, il n’y a plus que les associations, et leur poids en termes de levier de l’opinion publique (qu’elle s’exerce par le biais des bulletins de vote ou de l’occupation des ronds-points), qui portent la voix de la raison face aux intérêts strictement pécuniers qui gouvernent le monde. La convergence des luttes est le seul rempart face à l’appétit des marchands (de bois et d’autres).
Donc, militants associatifs, unissez-vous lorsqu’un intérêt commun est en jeu. Trop souvent, des associations luttant pour le même objectif se « tirent dans les pattes », sous des prétextes aussi futiles que divers, et le résultat est qu’elles passent plus de temps à chercher à se différencier les unes des autres qu’à aboutir à des résultats concrets. On pourrait en dire de même des partis politiques, hélas, mais c’est un autre problème…