La Société Française d’Ecologie et d’Evolution (SFE2) vous propose ce Regard de Jean-Louis Martin, directeur de recherche CNRS émérite à Montpellier, sur les interactions prédateurs-proies-biodiversité et « l’écologie de la peur ».
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Ecologie de la peur et biodiversité
(Le risque de prédation promeut la biodiversité
en modifiant le comportement )
Jean-louis Martin, Directeur de recherche émérite CNRS au CEFE, Montpellier
Regard R131, édité par Anne Teyssèdre
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Mots clefs : Réseaux trophiques, herbivores et cascades trophiques, prédateurs, loups, chasse, cerfs, îles, comportement et prédation, mortalité, perception du risque, adaptation, modification comportementale et sélection
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- Résumé
- Introduction
- Un laboratoire grandeur nature
- Quel lien entre présence de risque et végétation ?
- La présence de risque affecte-elle le comportement ?
- Des protocoles standardisés
- Qu’avons-nous appris ?
- 1. La végétation du sous-bois varie avec le risque
- 2. La distance d’initiation de fuite et la distance parcourue varient avec le risque
- 3. Les réponses aux appâts et aux pièges varient avec le risque
- 4. Le risque influence le patron d’activité journalier
- Encart 2 : Le risque affecte-il l’utilisation des milieux ?
- 5. Des comportements durablement médiés par le risque
- Conclusion: Quelles leçons pour l’évolution des comportements, l’écologie et la conservation ?
- Glossaire
- Note éthique
- Remerciements
- Bibliographie
- Regards connexes
- Forum de discussion
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Résumé
L’ «écologie de la peur» postule que le risque de prédation façonne le comportement des grands herbivores et leurs effets sur les forêts. Ce Regard teste ces hypothèses grâce à des données collectées sur les îles Haida Gwaii et les zones côtières voisines de la Colombie-Britannique (Canada). Les sites d’études différaient par la présence ou l’absence de risques liés à la chasse et/ou aux prédateurs.
En l’absence de risque, les cerfs avaient un effet négatif important sur la végétation du sous-bois, une tolérance remarquable aux humains, une faible méfiance devant la nouveauté, et une propension à être actifs toute la journée.
Sur une île initialement sans risque, mais soumise à de sévères chasses expérimentales pendant plusieurs années, les cerfs nés des survivants étaient plus farouches, plus méfiants et plus nocturnes. Le transfert de cerfs peu farouches d’une île sans risque vers l’île où la chasse avait restauré la végétation montre, qu’en dépit d’une nourriture abondante, ils restaient tolérants aux observateurs, en contraste avec la prudence des cerfs locaux nés après les chasses. Dans la zone côtière, où les cerfs ont toujours été exposés à la chasse et aux prédateurs, le sous-bois était dense et diversifié. Enfin, les cerfs soumis au risque fréquentaient moins les rivages exposés pour se nourrir, même si cette tendance pouvait être en partie influencée par les ressources disponibles dans le sous-bois.
Nos résultats soulignent le rôle du risque dans la formation et, potentiellement, la sélection des comportements et leurs conséquences sur la végétation et la complexité des écosystèmes.
Introduction
Les grands herbivores modifient leur comportement en réponse au risque perçu de prédation. Ces modifications sont au cœur du concept d’« écologie de la peur » (Brown et al., 1999), et de l’idée d’un « paysage de la peur » (Laundré et al., 2001). En présence de risque de prédation, les proies devraient passer moins de temps à chercher leur nourriture en un lieu donné et limiter l’utilisation des parties de leur habitat perçues comme plus exposées à ce risque. Cela induit une hétérogénéité spatiale dans l’intensité d’abroutissement* de la végétation et, par conséquent, de ses conséquences sur le reste de la communauté vivante. L’absence de risque devrait éliminer ces effets spatiaux et intensifier l’abroutissement sur la végétation avec des conséquences sur la faune. Ces ajustements comportementaux au risque perçu pourraient, avec le temps, sélectionner des comportements mieux adaptés au risque présent (Bøhn & Amundsen, 2004).
Récemment, avec plusieurs de mes collaborateurs, j’ai revisité une série d’études que nous avions réalisées entre 1989 et 2023 sur les conséquences écologiques de l’introduction de cerfs à queue noire de Sitka Odocoileus hemionus sitkensis sur l’archipel de Haïda Gwaii au Canada (cf. Martin et al. 2025). Il s’agissait d’explorer, sur la base des concepts de « l’écologie de la peur », les liens entre risque de prédation et dynamique de la biodiversité à travers trois questions : (1) la présence de risque affecte-t-elle l’impact des cerfs sur la végétation, (2) ces effets varient-ils en fonction du niveau de risque, (3) avec quelles conséquences sur les comportements des cerfs ? Ce Regard reprend et résume les résultats de cette recherche.
Un laboratoire grandeur nature?
L’introduction, à la fin du 19ème siècle, de cerf à queue noire de Sitka sur Haïda Gwaii, un archipel de Colombie-Britannique, Canada (Fig. 1) a, de manière fortuite, créé un laboratoire grandeur nature qui nous a permis d’aborder ces questions. Formé de plus de 150 îles de superficies variées (cf. la Fig.1), cet archipel est dépourvu des grands prédateurs naturels auxquels ces cerfs sont confrontés sur le continent voisin. Par ailleurs, ces cerfs ne sont chassés que sur un nombre limité d’îles et vivent en l’absence de chasse sur la majorité d’entre elles. Sur deux îles sans chasse, nous avons appliqué une série de chasses sévères dans le but d’étudier la réponse de la végétation et de la faune à une réduction drastique de la pression d’abroutissement* (Encart 1). Enfin, un petit nombre d’îles qui n’ont jamais été colonisées par les cerfs offraient un état de référence exceptionnel (Encart 1). Nous avons complété ce dispositif par des données collectées sur la partie côtière de Colombie-Britannique, où les cerfs ont toujours été confrontés aux loups, dont ils constituent plus de 80% de l’alimentation, et à la chasse (Darimont & Paquet, 2001).

Figure 1. Carte de la zone d’étude. Encart = localisation de Haïda Gwaii et des îles Graham et Yeo dans l’ouest de la Colombie-Britannique, Canada. Carte principale = localisation des îles étudiées dans le centre de la côte est de Haïda Gwaii, BC, Canada. Yeo = chasse et prédateurs naturels. © de la carte Gowgaia Institute.
Encart 1 : Haïda Gwaii et les conséquences de l’introduction de cerfs
Le climat de Haïda Gwaii est tempéré-océanique humide. La température annuelle moyenne est de 8,5°C. L’archipel est couvert de forêts pluviales tempérées dominées par la Pruche occidentale (Tsuga heterophylla), le Thuya géant (Thuja plicata) et l’Épicéa de Sitka (Picea sitchensis). Les habitats terrestres ouverts sont limités aux zones alpines et aux vastes tourbières qui s’étendent sur la partie nord-est de l’île Graham, la plus grande des îles de l’archipel.
Originaires de la côte de la Colombie-Britannique, les cerfs à queue noire introduits sur l’île Graham ont colonisé à la nage presque tout l’archipel, à l’exception d’une dizaine d’îles. L’absence de prédateurs naturels a permis à la population de cerfs de prospérer. L’existence de quelques îles de référence n’ayant jamais accueilli de cerfs a permis de montrer que, sur les îles où les cerfs sont présents depuis longtemps, indépendamment de la taille de l’île, ils étaient le principal facteur d’appauvrissement des communautés végétales et animales (Martin et al. 2010, Chollet et al. 2013). La présence de cerfs induit de surcroit une diminution de l’épaisseur des sols (Chollet, Maillard, et al., 2021 ; Maillard et al., 2021). Les chasses expérimentales sévères et récurrentes sur deux îles, Reef et SGang Gwaay, ont permis de suivre la réponse de la végétation aérienne et de l’avifaune pendant 13 ans (Chollet et al., 2016). Voir aussi https://rgis.cefe.cnrs.fr.
Quel lien entre risque et végétation ?
Pour lier risque et végétation nous avons identifiés des sites comparables dont l’histoire de présence des cerfs, de chasse et d’exposition aux carnivores variait. Nous avons retenu trois îles de la baie de Laskeek (52°53’12’’ N, 131°35’20’’ W) : Reef 249 ha, Kunga 395 ha, et East Limestone Island 48 ha (Tableau 1, Fig. 1). Les cerfs y étaient présents depuis plus de 60 ans au moment de l’étude (Vila, Guibal, et al., 2004). Il n’y avait jamais eu de chasse. Elles sont ouvertes de forêts matures à canopée fermée et dépourvues d’habitations ou activités humaines. Le sous-bois, ouvert et pauvre en espèces (Martin et al. 2010), est représentatif des impacts sévères du cerf dans l’archipel. Les îles sont bordées de rivages exposés à marée basse. La densité de cerfs y est estimée à 30 cerfs / km² (Martin et al., 2010).
Sur Reef, l’une des deux îles soumises expérimentalement à de la chasse, nous avons complété les données de végétation collectées en l’absence de chasse par un second jeu de données collecté 12 ans après les premières chasses. Nous avons également collecté des données de végétation sur deux sites exposés au risque : l’île de Graham (6 361 km²), la plus grande de l’archipel et l’île de Yeo (Tableau 1, Fig. 1) représentative des conditions de la partie continentale de la Colombie-Britannique. Sur Graham les cerfs sont répandus et chassés depuis le début du 20ème siècle. Leur densité y est estimée à 13 cerfs / km² (Engelstoft et al., 2008).
Sur Yéo et ses environs de la partie continentale de Colombie Britannique, les cerfs sont exposés aux loups et aux couguars (Felis concolor), ainsi qu’à la chasse. Nous n’y disposons pas d’estimations fiables des densités de cerfs. Un exercice de modélisation a toutefois suggéré qu’en présence de loups, un sous-bois dense était compatible avec de fortes densités de cerfs (>10/km²) (Kirchhoff & Person, 2008).
La présence de risque affecte-elle le comportement ?
Nous avons étudié le comportement des cerfs sur les trois îles de la baie de Laskeek retenues pour la végétation : Reef, Kunga et East Limestone. Alors que Kunga et East Limestone sont restées sans chasse, Reef avait été, entre 1997 et 2008, soumise à des chasses répétées et sévères réduisant dès 1999 de plus de 80 % sa population de cerfs (Gaston, Sharpe, et al., 2008). L’analyse génétique a montré que ces chasses ont provoqué un goulot d’étranglement important dans la diversité génétique de cette population. La population actuelle de cerfs de Reef est ainsi issue des descendants d’une poignée d’animaux ayant échappé à la chasse. Au moment de notre étude sur les comportements, Reef avait une population estimée de 30 à 40 cerfs. Cela correspond à la moitié des effectifs estimés avant chasse.
Sur East Limestone, Kunga et Reef, nous avions également accès à, respectivement, 27, 23 et 8 cerfs munis d’un collier GPS équipés entre 2011 et 2013.
Le Tableau 1 liste l’ensemble des sites étudiés et leurs caractéristiques. La Figure 1 indique leur distribution géographique.
Des protocoles standardisés
Des protocoles standardisés nous ont permis de quantifier le recouvrement et la diversité des plantes, de mesurer les distances de fuite des cerfs face à un observateur, et de documenter, grâce à des caméras automatiques, la réaction des cerfs devant des objets inconnus (appât, piège trappe) ainsi que leur rythme d’activité journalier.
Comme la réponse au risque peut être affectée par la disponibilité en ressources (Cooper 2008), nous avons déplacé cinq femelles adultes munies de colliers GPS, de l’île de Kunga, une île sans chasse et au sous-bois fortement brouté, vers l’île de Reef, où les chasses des années 1997 – 2008 avaient permis le retour d’un sous-bois beaucoup plus riche.

Tableau 1 – Liste des îles incluses dans l’étude et leurs caractéristiques. Reef <1997 = Reef avant les chasses expérimentales ; Reef >1997 = Reef après les chasses effectuées entre 1997 et 2008 ; I = îles limitées aux données d’isotopes stables ; * = les os ont été échantillonnés entre Yeo et Bella Bella. Cerfs : + = présents, – = absents ; Chasse : + = chasse saisonnière, + exp. = chasse expérimentale ; – = pas de chasse ; Prédateurs : + = présents (loups principalement), – = absents ; Relevés végétation : chiffres = nombre de relevés de végétation effectués, – = pas d’échantillonnage standardisé ; Comport. = Comportement : + = données comportementales collectées, – = aucune collectée ; Isotope = collecte d’os pour l’analyse d’isotopes stables : + = collectés et analysés, – = non collecté.
Qu’avons-nous appris ?
1. La végétation du sous-bois varie avec l’existence de risque
En l’absence de cerfs la quantité de végétation et la diversité en plantes est remarquablement élevée et varie d’un point à un autre. C’est ce que montre la large dispersion des coordonnées des relevés de végétation (cf. Fig.2, symboles et ellipse mauves). Tout aussi remarquable est le fait que là où les cerfs coexistent avec leurs prédateurs on observe une abondance et une diversité végétale élevée comparable à celle des îles sans cerfs (symboles et ellipse bleus, Fig. 2 et proportion des types de plantes, Fig. 3). En fort contraste avec ce qui précède, les relevés de végétation des îles avec cerfs et sans chasse, dont Reef avant 1997, se ressemblent tous à de rares exceptions près (symboles orange et kahki et ellipse grise verticale très étroite). Dans ces relevés la végétation du sous-bois est rare avec un petit nombre d’espèces, essentiellement des conifères en régénération.

Figure 2 – Coordonnées des relevés de végétation sur les deux premières composantes de l’analyse en composantes principales sur le recouvrement végétal du sous-bois en dessous de 1,5 m. Les axes PC1 et PC2 résument respectivement 37 et 19 % de la variance. Les différentes catégories ont été codées en couleur après analyse : orange (et ellipse grise) = échantillons sans risque des îles East Limestone et Kunga, kahki = échantillon sans risque de l’île Reef avant les chasses (< 1997) (ellipse confondue avec l’ellipse grise), vert = chasse annuelle (île Graham) ; vert-bleu = Reef après les chasses expérimentales (Reef > 1997), bleu = chasse et prédateurs (île Yeo), rose = îles sans cerfs (Low, South Low et Lost). Les points se réfèrent aux coordonnées de chaque relevé. Les ellipses sont l’interprétation graphique la plus parcimonieuse de la répartition des relevés de chaque échantillon. Source: J-L. Martin et al., 2025.
Dix ans après la forte réduction de la population de cerfs par des chasses, des relevés de végétation de Reef présente une dispersion de leurs coordonnées comparable à celle des îles sans cerfs (ellipse bleu-vert verticale) traduisant une plus grande variabilité entre relevés, une forte augmentation de la quantité moyenne de végétation dans le sous-bois et une plus grande richesse en espèces (cf. Fig. 2). Mais leur végétation est dominée par la régénération de conifères et d’autres plantes qui ont pu se maintenir prostrées malgré la présence des cerfs, alors que sur les îles sans cerfs, ou avec cerfs en présence de prédateurs, ce sont les buissons qui dominent dans le sous-bois (cf. Fig. 3). Sur Graham (petite ellipse verte horizontale, Fig. 2), où depuis plus d’un siècle a lieu une chasse annuelle modérée (Martin & Baltzinger 2002), le recouvrement de la végétation, sa variation entre les relevés (leur dispersion, Fig. 2) restent faibles et proches de celles des îles sans risque pour les cerfs mais avec plus de buissons (Fig. 3).

Figure 3 – Recouvrement végétal enregistré dans les strates de 0 à 1,5 m pour les principales catégories de plantes du sous-bois dans les différentes catégories de traitement. L’échelle verticale a été limitée à 125 % au détriment d’un petit nombre de valeurs extrêmes pour les conifères sur le graphique 3d et les arbustes sur le graphique 3f. Vert foncé = conifères, vert clair = arbres à feuilles caduques, orange = arbustes, rouge = fougères, jaune vif = plantes herbacées, jaune clair = graminées. Source: J-L. Martin et al., 2025.
Ces résultats illustrent comment l’impact des grands herbivores sur la végétation (Côté et al. 2004) peut être modulé par l’existence d’un risque (de prédation), et plus précisément par l’intensité, la nature (prédateurs carnivores ou chasseurs) et la durée de ce risque.
2. La distance d’initiation de fuite et la distance parcourue varient avec le risque
Sur les îles de Kunga, d’East Limestone, toutes deux sans risque, les distances d’initiation de fuite déclenchées par l’approche lente d’un observateur (Fig. 4a, et Fig.5), sont inférieures ou proches des 10 mètres. Elles le restent pour les cerfs de Kunga transférés sur Reef. Leur distance d’initiation de la fuite est significativement inférieure à celle des cerfs natifs de Reef qui avoisine les 20 mètres pour le petit nombre d’animaux que nous étions capable d’approcher sur cette île.
Les distances parcourues après initiation de la fuite (Fig. 4b) sont toutes inférieures à 10m pour les cerfs observés à Kunga et East Limestone et pour les cerfs de Kunga transférés sur Reef. Ces « fuites » se faisaient au pas. Pour les cerfs nés à Reef après les chasses, elles sont de 40 m en moyenne. Elles se faisaient en pleine course et hors de vue et étaient souvent initiées avant détection. Les valeurs réelles de distances sur Reef étaient probablement proches de celles des cerfs à queue noire du continent (60 à 70 m pour l’initiation de la fuite et 70 à 120 m pour la distance parcourue) où ils subissent la chasse et les carnivores (Stankowich, 2008).

Figure 4 – Histogrammes figurant les distances de fuite et de déplacement et le temps passé aux postes d’appâts avec ou sans appâts. ELI = East Limestone, K = Kunga, K sur Reef = cerfs de Kunga après translocation sur Reef, Reef>1997 = cerfs de Reef nés des individus ayant survécu aux chasses. X dans la boîte = valeur moyenne, ligne continue dans la boîte = valeur médiane. Les lettres indiquent les résultats des tests post-hoc sur le modèle de régression linéaire sur les distances transformée en log10. Les nombres entre parenthèses = tailles d’échantillon. a – Distance d’initiation de fuite (FID). Toutes les comparaisons par paires sont significatives (p < 0,001, sauf pour la comparaison entre cerfs sur Kunga et cerfs de Kunga transféré sur Reef (p = 0,02) et entre cerfs de Reef>1997 et cerf de Kunga sur Reef (p = 0,03). b – Distance parcourue après le début de la fuite (Dtravel). Pour Reef après chasses, médiane = 50 m. Toutes les comparaisons par paires sont significatives, à l’exception de ELI sans risque – K/Reef (p = 0,12) et Kunga sans risque – K/Reef après chasses (p = 0,96). Pour les comparaisons par paires significatives, toutes les valeurs de p étaient < 0,001, à l’exception de ELI sans risque – Kunga sans risque (p = 0,01). c – Temps passé aux postes d’appât avec l’appât présent. Les comparaisons entre catégories sans risque n’étaient pas significatives (valeurs p > 0,80). Pour les comparaisons par paires significatives, p était < 0,05. d – Temps passé aux postes d’appâts par les cerfs lorsque l’appât manquait (consommé depuis que le poste a été réapprovisionné). Aucune des comparaisons entre les catégories sans risque n’était significatives. Pour la comparaison Kunga – Reef, les cerfs Kunga ont passé significativement plus de temps aux postes sans appât que les cerfs indigènes de Reef (p = 0,04). Source: J-L. Martin et al., 2025.
3. Les réponses aux appâts et aux pièges varient avec le risque
En présence d’appât (Fig. 4c) les cerfs des îles sans chasse et les cerfs de Kunga transférés à Reef, passaient en moyenne près de 5 minutes sur une station d’appât, alors que les cerfs natifs de Reef nés après les chasses y passaient à peine une minute. La consommation d’appâts par visite était trois fois plus fréquente à Kunga et East Limestone que celle des cerfs natifs de Reef (75 % contre 20 %). Sur les stations où l’appât avait été consommé, la durée de la visite était courte (Fig. 4d versus Fig. 4c). Sur les îles sans risque le temps passé sur une station pouvait cependant avoisiner les 4min passées à renifler l’endroit où l’appât avait été présent (Fig. 4d).
Une proportion importante des cerfs sur East Limestone et Kunga ont été piégés, certains de très nombreuses fois (Tableau 2). Sur Reef (après chasses), le taux de capture était très inférieur aux taux réalisés sur les îles sans chasse (Tableau 2). Seuls 2 des 8 cerfs qui ont pu être capturés sur Reef l’ont été plus d’une fois, contre 35 sur 51 pour les îles sans risque, dont une majorité ont été capturés plus de trois fois. Cela suggère que la chasse sévère sur Reef y a déplacé les profils dominants de comportement vers l’extrémité timide d’un continuum familiarité – timidité.

Tableau 2 – Résumé des données de capture par piège des animaux sur leur île d’origine pour toutes les sessions. Captures + recaptures = nombre total de captures, y compris les recaptures multiples d’individus au cours d’une session. Total ajusté = pour les cerfs recapturés plus de 5 fois au cours d’une session de capture (allant de 6 à 23 fois), nous avons plafonné leurs scores de recapture au cours de la session à 5 pour limiter l’inégalité de variance. Cet ajustement était conservateur car il réduisait le contraste entre les catégories sans risque et à risque. Signification des différences dans les taux ajustés : East Limestone versus Reef : t = 3,31, df = 3,19, p = 0,04 ; Kunga versus Reef : t = 2,84, df = 3,71, p = 0,05 ; East Limestone versus Kunga : t = 1,06, df = 3,50, p = 0,17

Figure 5 – Suivi d’un cerf sauvage en quête de nourriture sur l’île de Kunga (sans risque). Cliché J-L. Martin.
4. Le risque influence le patron d’activité journalier
Entre 2011 et 2014, nous avons enregistré 762 séquences d’observation de cerfs sur des appareils photographiques automatiques. Elles nous ont permis d’attribuer une séquence d’observation au jour ou à la nuit. Ces images ont été prises au printemps et en début d’été, période où, à cette latitude, les jours sont longs et les nuits courtes. Les cerfs natifs de Reef étaient, plus de 10 ans après les chasses, significativement plus nocturnes que ceux des deux autres sites.
Encart 2 : Le risque affecte-il l’utilisation des milieux ?
Dans notre zone d’étude les cerfs s’alimentent d’algues à marée basse, un milieu potentiellement plus risqué du fait de la barrière océanique et du bruit des vagues. Cela affecte-il son utilisation en présence de risque ?
Les plantes marines étant enrichies en Carbon 13 (13C) par rapport aux plantes terrestres, la proportion de 13C dans les os des cerfs renseigne sur l’importance des algues dans leur régime alimentaire.
Sur les îles sans risque la proportion de 13C, et donc d’algues, est plus élevée dans le collagène osseux que sur les sites avec risque. Elle est maximale à Murchison et Faraday (31%, sans chasse) les plus pauvres en sous-bois. Elle est la plus faible sur Graham (8%, chasse annuelle, et sous-bois assez peu dense, Fig. 3c) et sur la côte centrale de Colombie-Britannique (9,6%), avec prédateurs et chasse et un sous-bois dense (Fig. 3e).
Sur Reef après les chasses la proportion d’algues (13,5 %), est intermédiaire entre celle des sites sans risque et celle des sites avec un risque marqué.
Le peu de végétation dans les sous-bois sans risque (Fig. 3) pourrait expliquer la plus forte utilisation de la zone intertidale. Cependant, les deux sites où la proportion d’algues est la plus faible, différent par la richesse de leur sous-bois. Sur la côte centrale de Colombie-Britannique le sous-bois est luxuriant, sur Graham il est plus proche de celui des sites sans risque (Figs. 2 et 3). Ce découplage partiel de la richesse du sous-bois et de la consommation d’algues suggère que le risque a en partie un effet négatif sur l’utilisation du rivage, en cohérence avec la réticence accrue des cerfs à utiliser des lieux plus exposés lorsque le risque est plus élevé (Williams et al., 2008 ; Bonnot et al., 2017).

Figure 6 – Cerf à queue noire broutant en zone intertidale (île sans risque, Haïda Gwaii). Cliché J-L. Martin.
5. Des comportements durablement médiés par le risque
La limitation alimentaire et l’état nutritionnel ont été proposés pour expliquer l’atténuation individuelle et temporaire des comportements anti-prédateurs (Gaynor et al., 2019). Ces comportements devraient alors s’inverser en cas d’amélioration des ressources alimentaires. Le retour d’une végétation plus abondante dans le sous-bois de Reef après les chasses pourrait donc expliquer un comportement plus farouche, et la pénurie de sous-bois sur les autres îles l’absence apparente de crainte. Cette hypothèse semble cependant contredite par le maintien du comportement peu méfiant chez les cerfs de Kunga transférés sur Reef malgré la plus forte abondance des ressources alimentaires comparé à Kunga (Fig. 4). Ce constat suggère un lien moins direct entre comportement et ressources.
En suivant le raisonnement de Kirchhoff & Person (2008), nous faisons l’hypothèse qu’en l’absence de risque, le broutage intensif diminuerait petit à petit la quantité de végétation aisément accessible aux cerfs ainsi que la qualité moyenne de la nourriture disponible. Une réduction du comportement anti-prédateur pourrait alors être la condition nécessaire pour libérer du temps de recherche alimentaire pour compenser cette érosion progressive en abondance et qualité de la végétation. Dans ces sous-bois, les ressources, bien que suffisantes pour soutenir une population dense de cerfs, se trouvent réduites à de petits incréments de végétation émergente, de feuilles tombées des arbres du fait du vent, ou d’algues présentes sur les rivages (Le Saout 2014).
Cependant, sur Reef, l’observation après les premiers jours de chasse, que les animaux restants étaient beaucoup plus farouches qu’avant les chasses (AJG et T. Husband, com. pers.), suggère qu’au moins certains animaux vivant dans un habitat fortement brouté pendant plus de 50 ans, conservaient, bien que n’ayant jamais été chassés, une capacité de réagir au risque et que cette capacité restait présente chez leurs descendants malgré des ressources devenues bien plus abondantes.
Conclusion : Quelles leçons pour l’évolution des comportements, l’écologie et la conservation ?
Cette recherche fait partie d’un nombre limité d’études qui relient le comportement animal à la dynamique végétale, aux interactions entre espèces, et au fonctionnement des écosystèmes (voir Chitwood et al., 2022). Avec mes collègues nous avons montré que l’introduction d’une nouvelle menace, comme la chasse sur Reef, a entraîné un changement soudain de comportement. Ce changement reste répandu et perceptible chez les animaux nés de ces survivants près de 10 ans après la fin des chasses les plus sévères.
Nos résultats soutiennent l’hypothèse selon laquelle des changements dans le « paysage de la peur » peuvent modifier les traits comportementaux d’une population. Ces changements peuvent survenir en réponse à des pressions sélectives intenses sur des traits comportementaux particuliers causées par un risque immédiat (par exemple dans le cas d’une chasse sévère) ou, sur des périodes plus longues, en raison de l’avantage reproductif progressif de profils comportementaux mieux adaptés à un environnement changeant (par exemple, une augmentation progressive de l’audace ou de la familiarité en cas d’épuisement progressif des ressources en l’absence de risque aigu de prédation).
Bien que notre interprétation des comportements non méfiants observés sur les îles sans prédation ni chasse, ou du changement rapide vers la méfiance après les chasses, reste spéculative, elle met en évidence la possibilité d’une sélection comportementale. La vitesse du changement comportemental sera influencée par l’intensité de la pression sélective. Elle peut être rapide si une chasse sévère se poursuit sur plusieurs générations, mais peut être plus lente dans le cas du relâchement des comportements anti-prédateurs après colonisation d’un environnement sans prédateurs (Blumstein, 2002). L’évolution de la naïveté face aux prédateurs introduits observée chez les organismes insulaires fournit de nombreux exemples classiques de changements évolutifs de comportement à la fois progressifs et rapides.
Nos résultats peuvent aider à mieux comprendre la réponse des proies au retour de leurs prédateurs et à mieux cerner les défis que les fortes populations de cerfs posent en Europe et en Amérique du Nord à l’agriculture, à l’élevage, à la foresterie ou à la sécurité routière (Martin et al., 2020). Enfin, en améliorant notre compréhension des mécanismes des changements évolutifs, ils aident à prédire les conséquences de l’absence d’espèces-clés dans lescommunautés vivantes et devraient nous encourager à préserver et à restaurer des communautés pleinement fonctionnelles.
Glossaire
- Abroutissement : action de prélever et de consommer des pousses et des rameaux ligneux sur des arbres et des arbustes par un mammifère herbivore
Ce Regard synthétise les résultats publiés dans : Martin, J.-L.; Chamaillé-Jammes, S.; Salomon, A.; Gomez Pourroy, D. V.; Schlaeflin, M.; Le Saout, S.; Lucas, A.; Bentaleb, I.; Chollet, S.; Pattison, J.; Martin-Blangy, S.; Gaston, A. J. From fear to food: predation risk shapes deer behaviour, their resources and forest vegetation. Peer Community Journal, Volume 5 (2025), article no. e3. https://doi.org/10.24072/pcjournal.506
Note éthique
Toutes les recherches ont été menées en vertu des permis de soins aux animaux appropriés délivrés par la Wildlife Act du ministère des Ressources naturelles de la Colombie-Britannique (n° NA11-68421, approuvé par le permis de recherche n° 9059 du Groupe de travail sur les soins aux animaux de Parcs Canada) et en vertu du permis de recherche n° GWA-2011-8373 du Conseil de gestion de l’archipel de la réserve de parc national et du site du patrimoine haïda Gwaii Haanas.
Remerciements:
Je remercie Simon Chamaillé-Jammes, Anne Salomon, Devana Veronica Gomez Pourroy, Mathilde Schlaeflin, Soizic Le Saout, Annick Lucas, Ilham Bentaleb, Simon Chollet, Jake Pattison, Soline Martin-Blangy, et Anthony Gaston pour leur contribution à la publication dont les résultats sont restitués dans ce regard. Cette recherche a bénéficié du soutien du ministère français des Affaires étrangères, de l’Agence nationale française de la recherche (#2010-BLAN-1718, BAMBI), du Groupe de recherche international (GDRI) Dynamique de la biodiversité et traits d’histoire de vie du CNRS, du South Moresby Forest Replacement Account (SMFRA), du Gwaii Forestry Charitable Trust (GF), et du National Geographic # 9266-13. Nous avons reçu un soutien logistique essentiel de la part de la Laskeek Bay Conservation Society, d’Environnement et Changement climatique Canada, de la réserve de parc national, de la réserve d’aire marine nationale de conservation et du site du patrimoine haïda de Gwaii Haanas, du Coast Sustainability Trust Matching Fund (CST-QCI-HG- 061– RGIS Infrastructure Upgrade) et du programme « Comprendre le Canada » du gouvernement canadien. Nous sommes redevables à Todd Golumbia, Carita Bergman et Peter Dyment ainsi qu’à leurs collègues de Gwaii Haanas pour leur soutien sur le terrain. Tibo Verchère, Ainsley Brown, Barbara et Keith Rowsell, Greg Martin, Jacques Morin, Erin Harris, Terry et Ron Husband, Charlotte Tarver, Mike Gillingham, Malcolm Hyatt, Georges Janeau, Jean-Luc Rames, Denis Picot, Nicolas Morellet, Bruno Cargnelutti, Nicolas Cebe, Helen Schwantje, Tom Smith et Keith Tipper ont fourni une aide essentielle sur le terrain et au-delà. Chris Darimont, Eva Poilvé, Hélène Verheyden et Maurah Van Impe ont aidé au traitement des échantillons pour l’analyse des isotopes stables. Le programme Haïda Watchmen a fourni une aide précieuse en nous hébergeant sur l’île de Tanu. Nous sommes profondément reconnaissants envers les chefs héréditaires de T’aanuu Llnagaay (Tanu) et Ḵ’uuna Llnagaay (Skedans) pour nous avoir accueillis sur leurs terres. De nombreuses personnes de la communauté locale nous ont apporté un soutien inestimable. Enfin, un grand merci à Anne Teyssèdre pour sa lecture attentive du manuscrit et ses suggestions judicieuses.
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Regards connexes :
- Regards les interactions : https://sfecologie.org/tag/interactions/
- Regards sur le comportement : https://sfecologie.org/tag/comportement/
- Regards sur les écosystèmes : https://sfecologie.org/tag/ecosystemes/
- Regards sur l’adaptation : https://sfecologie.org/tag/adaptation/
- Regards sur l’évolution : https://sfecologie.org/tag/evolution/
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Article édité et mis en ligne par Anne Teyssèdre.
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