Contexte scientifique
L’urbanisation constitue un moteur évolutif puissant, mais ses interactions avec la compétition interspécifique dans le cadre de la coexistence entre espèces sont encore largement sous-étudiées.
Les signaux de communication animale offrent un modèle idéal pour relier l’écologie urbaine à l’écologie comportementale. Selon la théorie du Sensory Drive, les environnements urbains agissent comme des filtres abiotiques qui modifient les caractéristiques physiques des signaux. Parallèlement, l’écologie comportementale considère ces signaux comme des vecteurs d’information essentiels à la reconnaissance spécifique et à la coexistence des espèces, notamment via les processus de déplacement de caractères qui minimisent la compétition interspécifique.
Le chant des oiseaux a été largement étudié dans chacun de ces deux cadres séparément, ce qui en fait un trait idéal pour explorer comment urbanisation et compétition interspécifique interagissent pour façonner l’évolution phénotypique. Par exemple, le bruit du trafic réduit l’espace acoustique disponible, entraînant des ajustements comportementaux sur les paramètres physiques du chant (tels que des modifications de fréquence). En parallèle, la structure du chant (i.e., les types de chants utilisés) peut évoluer sous l’effet de la compétition entre espèces, illustrant une différenciation de niche ou des réponses évolutives individuelles par déplacement de caractères.

Objectifs du projet
Ce stage vise à explorer comment le bruit urbain et la compétition interspécifique influencent conjointement l’évolution du chant chez deux espèces de mésanges écologiquement proches : la mésange bleue (Cyanistes caeruleus) et la mésange charbonnière (Parus major).
Depuis 2022, nous suivons le comportement de chant de ces deux espèces sur trois sites en France (Dijon/Auxonne ; Besançon/Chaux ; Lyon/Vérot), représentant des gradients croisés d’urbanisation et de densité relative des deux espèces ; offrant une base de données de 492 individus enregistrés in natura (~10 chants/individu). L’analyse préliminaire des données indique que les mésanges charbonnières ajustent les paramètres physiques de leur chant (fréquence) en fonction à la fois du bruit ambiant et de la densité des mésanges bleues.

Le stage de M2 aura pour objectifs principaux :
1. Caractériser les types de chants individuels (i.e., répertoires de chant) :
o En développant une méthode d’identification automatique des types de chants à partir des enregistrements, via des outils statistiques et potentiellement des approches en intelligence artificielle, pour surmonter le caractère chronophage, complexe et observateur dépendant de cette tâche.
2. Analyser la variabilité des types de chants :
o En lien avec les gradients d’urbanisation (via l’analyse acoustique du bruit et l’analyse spatiale des infrastructures urbaines en SIG) et de compétition interspécifique (via des indices ponctuels d’abondance IPA disponibles à chaque points d’écoute).
3. Tester la fonctionnalité des types de chants identifiés :
o Par le biais d’expériences de playbacks in natura visant à mesurer les réponses comportementales des deux espèces à différents types de chants, le long des gradients d’urbanisation et de compétition.

Profil recherché
Le ou la candidat·e devra faire preuve :
• D’un fort intérêt pour l’analyse statistique de grands jeux de données bioacoustiques, idéalement avec un intérêt pour le développement d’outils automatiques (voire utilisant l’IA).
• D’une motivation pour le travail de terrain, incluant plusieurs semaines d’expérience comportementale (Bourgogne-Franche-Comté), dans des conditions parfois exigeantes
• Idéalement de compétences en analyses acoustiques et comportementales, en particulier sous R.
• D’une bonne compréhension des concepts d’écologie comportementale et évolutive.

Le stage de 6 mois (rémunéré selon la loi, de Janvier à Juin, dates à préciser) se déroulera au sein du laboratoire Biogéosciences de l’Université Bourgogne Europe (Dijon, France) ; sera encadré par Dr. Claire Dufour (Biogéosciences, UBE Dijon) ; et intègre une équipe plus large (B.Faivre, P.Alibert, N.Navarro, C.Guillaumot) aux compétences interdisciplinaires (écologie évolutive, bioacoustique, statistique, IA).
Lettre de motivation et CV à envoyer à claire.dufour@u-bourgogne.fr avant le 3 novembre 2025 (minuit). Les entretiens se dérouleront avant mi-novembre (réponse dans la foulée).

Quelques références
Gause, G. F. The Struggle of Existence. (1934).
Brown, W. L., & Wilson, E. O. Character displacement. Systematic zoology, 5, 49–64 (1956).
Endler, J. A. & Basolo, A. L. Sensory ecology, receiver biases and sexual selection. Trends Ecol Evol 13, 415–420 (1998).
Bradbury, J. W. & Vehrencamp, S. L. Principles of Animal Communication. vol. 132 (Sunderland, MA, 1998).
Duquette, C. A., Loss, S. R. & Hovick, T. J. A meta-analysis of the influence of anthropogenic noise on terrestrial wildlife communication strategies. Journal of Applied Ecology 58, 1112–1121 (2021).
Doutrelant, C. et al. Blue Tit Song Repertoire Size, Male Quality and Interspecific Competition. Journal of avian biology vol. 31 (2000).
Doutrelant, C. & Lambrechts, M. Macrogeographic Variation in Song ± a Test of Competition and Habitat Effects in Blue Tits.
Slabbekoorn, H. & Peet, M. Birds sing at a higher pitch in urban noise. Nature 424, 267 (2003).
Le Magoarou, E. et al. Reduced breeding success in nest boxes for great tits (Parus major) and Eurasian blue tits (Cyanistes caeruleus) in highly urbanised areas: An ecological trap? Science of the Total Environment 988, (2025).
Merino Recalde, N. pykanto: A python library to accelerate research on wild bird song. Meth.EcolEvol 14, 1994–2002 (2023)

Le contenu de cette offre est la responsabilité de ses auteurs. Pour toute question relative à cette offre en particulier (date, lieu, mode de candidature, etc.), merci de les contacter directement. Un email de contact est disponible: claire.dufour@u-bourgogne.fr

Pour toute autre question, vous pouvez contacter sfecodiff@sfecologie.org.