Encadrants : S Nahon, G Certain
Co-encadrement : F Cerutti, T Hattab, A Jadaud, JH Bourdeix
Durée : 6-8 mois
Pour candidater : Envoyer CV + Lettre de Motivation (1/2 page) à :
sarah.nahon@inrae.fr
Gregoire.Certain@ifremer.fr
Contexte
L’exploitation durable des ressources marines est un enjeu majeur pour la préservation des écosystèmes. Le Golfe du Lion, situé au nord-ouest de la Méditerranée, revêt une importance particulière en tant que zone de pêche stratégique pour la filière halieutique française en Méditerranée. Depuis les années 1990, les campagnes océanographiques MEDITS (pour les espèces démersales) et PELMED (pour les espèces pélagiques) assurent le suivi de l’état des stocks halieutiques dans le Golfe du Lion. Ces séries temporelles à long terme ont permis de mettre en évidence des dynamiques contrastées au sein des communautés, avec des espèces montrant des signes d’effondrement (merlu), d’autres modifiant leur cycle de vie (sardine), d’autres en augmentation (rouget, crevette rose du large…). Ces évolutions ont majoritairement été attribuées aux pressions anthropiques exercées sur les écosystèmes marins tels que la surexploitation des ressources halieutiques et les effets du changement climatique.
Dans ce contexte, l’utilisation de modèles écosystémiques s’avère essentielle pour simuler les dynamiques des écosystèmes et proposer des scenarios de gestion durable des ressources naturelles. Ces outils intégrateurs reposent principalement sur des postulats de catégorisation trophique des espèces ou groupes fonctionnels ainsi que leurs interactions (i.e. consommateur primaire, espèce fourrage, proie, prédateur…). A l’échelle interspécifique, il est généralement admis que le niveau trophique des organismes est corrélé avec leur taille (Romero‐Romero et al., 2016). Toutefois, cette relation dépend fortement de l’écologie fonctionnelle des groupes considérés. Elle se vérifie chez les carnivores, mais tend à disparaître chez les herbivores (Keppeler et al., 2020). Par ailleurs, à l’échelle intraspécifique, le régime alimentaire des individus évolue souvent au cours de leur cycle de vie, les stades juvéniles exploitant en général des ressources de plus bas niveau trophique que les adultes (Romanuk et al., 2011). En Méditerranée, les données empiriques, collectées de manière systématique sur le terrain et permettant de valider ces hypothèses, restent rares, en particulier pour les poissons, les crustacés et les céphalopodes.
Les isotopes stables du carbone (δ¹³C) et de l’azote (δ¹⁵N) permettent de caractériser les interactions trophiques dans les écosystèmes aquatiques (Fry and Sherr, 1989). L’utilisation des isotopes stables repose sur l’hypothèse selon laquelle les valeurs isotopiques des consommateurs reflètent celles des sources alimentaires assimilées. Les valeurs de δ¹³C dans les tissus des consommateurs sont généralement proches de celles de leur alimentation, ce qui permet d’identifier l’origine des ressources alimentaires (DeNiro and Epstein, 1978). En revanche, les valeurs de δ¹⁵N s’enrichissent d’un niveau trophique à l’autre, ce qui en fait un indicateur couramment utilisé pour estimer la position trophique des organismes (Post, 2002). Les développements récents en écologie isotopique ont permis la mise en place de cadres statistiques pour examiner les variations individuelles des valeurs de δ¹³C et δ¹⁵N au sein d’une espèce ou d’un assemblage communautaire (Jackson et al., 2011; Layman et al., 2007). L’aire occupée dans l’espace isotopique (δ-espace) peut être utilisée comme proxy pour étudier les niches trophiques (Bearhop et al., 2004; Newsome et al., 2007). De plus, l’utilisation de modèles de mélanges bayésiens isotopiques permet d’estimer les contributions relatives des différentes sources alimentaires, en intégrant l’incertitude des mesures isotopiques (Parnell et al., 2013).
Objectif
L’objectif principal de ce stage est d’étudier l’écologie trophique d’une vingtaine d’espèces de poissons, crustacés et céphalopodes collectées dans le Golfe du Lion lors des campagnes MEDITS et PELMED en 2024 et 2025 à l’aide des isotopes stables du carbone et de l’azote. Plus particulièrement, ce stage permettra de (1) calculer la position trophique des différentes espèces, (2) analyser les relations entre la taille des organismes et les niveaux trophiques à l’échelle inter et intra-specifique, (3) déterminer la taille des niches isotopiques (espèces spécialistes versus généralistes) et le recoupement de ces niches pour déterminer les relations de compétition trophique, (4) estimer la contribution relative des sources d’origine benthique versus pélagique à l’aide de modèles de mélange isotopique. In fine, ces informations pourront être confrontées aux postulats classiquement faits pour les modèles écosystémiques du Golfe du Lion.
Analyses en laboratoire et données disponibles
Les données isotopiques sur les échantillons issus des campagnes MEDITS (2024 et 2025) et PELMED (2024) sont d’ores et déjà disponibles. Les échantillons issus de la campagne PELMED 2025 seront à préparer au cours de ce stage et envoyés au CEFREM (Université de Perpignan Via Domitia) pour mesurer les valeurs de δ¹³C et δ¹⁵N. Les données de l’ensemble des campagnes MEDITS et PELMED, décrivant les distributions spatiales et les séries d’abondance des espèces suivies depuis 30 ans dans le Golfe du Lion, pourront également être mobilisées en fonction des questions émergeant durant le stage.
Bibliographie
Bearhop, S., Adams, C.E., Waldron, S., Fuller, R.A., Macleod, H., 2004. Determining trophic niche width: a novel approach using stable isotope analysis. J. Anim. Ecol. 73, 1007–1012. https://doi.org/10.1111/j.0021-8790.2004.00861.x
DeNiro, M.J., Epstein, S., 1978. Influence of diet on the distribution of carbon isotopes in animals. Geochim. Cosmochim. Ac. 42, 495–506. https://doi.org/10.1016/0016-7037(78)90199-0
Fry, B., Sherr, E.B., 1989. δ13C measurements as indicators of carbon flow in marine and freshwater ecosystems, in: Rundel, P.W., Ehleringer, J.R., Nagy, K.A. (Eds.), Stable Isotopes in Ecological Research, Ecological Studies. Springer New York, New York, NY, pp. 196–229. https://doi.org/10.1007/978-1-4612-3498-2_12
Jackson, A.L., Inger, R., Parnell, A.C., Bearhop, S., 2011. Comparing isotopic niche widths among and within communities: SIBER – Stable Isotope Bayesian Ellipses in R. J. Anim. Ecol. 80, 595–602. https://doi.org/10.1111/j.1365-2656.2011.01806.x
Keppeler, F.W., Montaña, C.G., Winemiller, K.O., 2020. The relationship between trophic level and body size in fishes depends on functional traits. Ecological Monographs 90. https://doi.org/10.1002/ecm.1415
Layman, C.A., Arrington, D.A., Montaña, C.G., Post, D.M., 2007. Can isotope stable ratios provide for community-wide measures of trophic structure? Ecology 88, 42–48. https://doi.org/10.1890/0012-9658(2007)88[42:CSIRPF]2.0.CO;2
Newsome, S.D., Martinez Del Rio, C., Bearhop, S., Phillips, D.L., 2007. A niche for isotopic ecology. Frontiers in Ecology and the Environment 5, 429–436. https://doi.org/10.1890/060150.1
Parnell, A.C., Phillips, D.L., Bearhop, S., Semmens, B.X., Ward, E.J., Moore, J.W., Jackson, A.L., Grey, J., Kelly, D.J., Inger, R., 2013. Bayesian stable isotope mixing models. Environmetrics 24, 387–399. https://doi.org/10.1002/env.2221
Post, D.M., 2002. Using stable isotopes to estimate trophic position: models, methods, and assumptions. Ecology 83, 703–718. https://doi.org/10.1890/0012-9658(2002)083[0703:USITET]2.0.CO;2
Romanuk, T.N., Hayward, A., Hutchings, J.A., 2011. Trophic level scales positively with body size in fishes: Trophic level and body size in fishes. Global Ecology and Biogeography 20, 231–240. https://doi.org/10.1111/j.1466-8238.2010.00579.x
Romero‐Romero, S., Molina‐Ramírez, A., Höfer, J., Acuña, J.L., 2016. Body size‐based trophic structure of a deep marine ecosystem. Ecology 97, 171–181. https://doi.org/10.1890/15-0234.1
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