Ce stage s’inscrit dans un projet de thèse qui étudie l’adaptation des plantes à fleurs aux changements globaux (augmentation des températures, fragmentation et perte des habitats…). Ces changements modifient profondément les interactions écologiques et sont notamment identifiés comme facteurs du déclin généralisé des pollinisateurs (Biesmeijer et al., 2006; Potts et al., 2016), dont la majorité des plantes dépendent pour se reproduire (Ollerton et al., 2011). Chez les espèces à système mixte (capables de fécondation croisée et d’autofécondation), plusieurs travaux théoriques (Thomann et al., 2013) et expérimentaux (Bodbyl Roels and Kelly, 2011) suggèrent un basculement vers des stratégies de reproduction plus autofécondantes lorsque la pollinisation devient limitante. Chez Viola arvensis par exemple, une approche d’« écologie de la résurrection » a démontré, en seulement 30 ans, une augmentation de 27 % du taux d’autofécondation et une diminution de traits floraux liés à l’attractivité des pollinisateurs (Acoca-Pidolle et al., 2024). Si ces résultats semblent suggérer que le déclin des pollinisateurs induit effectivement une augmentation du taux d’autofécondation chez cette espèce, cette hypothèse reste à être testée en condition de pollinisation réelle.
Cette thèse propose de tester cette hypothèse en milieu urbain, où nous faisons l’hypothèse que les effets des changements globaux et ultimement le déficit de pollinisation sont plus marqués. Pour cela, nous nous appuyons sur un dispositif expérimental original, constitué d’un réseau de 14 jardins partagés, répartis le long du gradient urbain-périurbain à Montpellier.
Travaux déjà réalisés :
Lors de la première année de thèse, 40 génotypes de V. arvensis ont été répliqués et cultivés dans chacun des jardins afin d’étudier les effets du gradient urbain sur leurs traits végétatifs et floraux. Des graines ont été collectées et serviront à identifier, via des analyses génétiques, si les descendants proviennent de fécondation croisée (= allofécondation) ou d’autofécondation.
Objectifs pour la deuxième année :
Le·la stagiaire sera donc potentiellement amené·e à travailler sur l’un, l’autre ou l’ensemble des deux axes suivants, selon ses appétences.
1. Mesurer la pollinisation réalisée dans les jardins
Si nous savons d’ores et déjà que les 14 jardins partagés varient en température et en contexte paysagé, il nous reste à confirmer notre hypothèse quant à la variabilité de la pollinisation réalisée dans chaque jardin. Nous faisons l’hypothèse, dans notre système, que la diversité des pollinisateurs et leur activité (nombre d’interactions fleurs-insectes) sera plus faible en milieu urbain qu’en milieu périurbain. Pour tester cette hypothèse, nous souhaitons mettre en place un protocole standardisé d’observations d’interactions plantes-insectes dans les 14 jardins, sur l’espèce Crepis sancta.
Modèle : Crepis sancta est une espèce auto-incompatible, dont on peut distinguer les ovules fécondés vs non-fécondés. Elle est également considérée comme une espèce attractive vis-à-vis des pollinisateurs. Ainsi, elle constitue un bon modèle pour mesurer directement la pollinisation réalisée (observation d’interactions réelles entre fleurs et pollinisateurs) et indirectement via la proportion d’ovules fécondés.
Le·la stagiaire participera :
– Aux observations standardisées des pollinisateurs sur les Crepis dans les jardins partagés (diversité par morpho-groupes, nombre d’interactions fleurs–insectes)
– A la mesure indirecte de la pollinisation via le comptage du nombre d’ovules fécondés vs non-fécondés
2. Évaluer la dépression de consanguinité chez Viola arvensis
Si l’autofécondation permet de garantir la reproduction en l’absence de pollinisateurs, elle peut également engendrer une dépression de consanguinité, c’est-à-dire une perte de fitness due à l’expression de mutations délétères récessives. Dans cette expérimentation, il s’agira de cultiver les descendants des individus de l’expérimentation de première année puis à comparer leur performance selon leur statut (allo ou autofécondé). Cette expérimentation sera réalisée sur le Terrain d’Expérimentation du CEFE.
Le·la stagiaire participera à :
– L’entretien des plantes (surveillance, arrosage)
– La mesure de traits végétatifs et reproducteurs
– La récolte des fruits et le comptage / la pesée des graines
Selon ses appétences et la durée de son stage, le·la stagiaire pourra également s’investir dans les analyses statistiques des résultats.
Profil recherché :
– Formation en écologie/évolution
– Intérêt pour les interactions plantes–pollinisateurs
– Goût pour le travail de terrain et le suivi expérimental
– Autonomie, rigueur et sens de l’organisation
– Compétences en analyses statistiques (R)
Références :
Acoca-Pidolle S, Gauthier P, Devresse L, Deverge Merdrignac A, Pons V, Cheptou P-O (2024) Ongoing convergent evolution of a selfing syndrome threatens plant–pollinator interactions. New Phytologist 242: 717–726
Biesmeijer JC, Roberts SPM, Reemer M, Ohlemüller R, Edwards M, Peeters T, Schaffers AP, Potts SG, Kleukers R, Thomas CD, et al (2006) Parallel Declines in Pollinators and Insect-Pollinated Plants in Britain and the Netherlands. Science 313: 351–354
Bodbyl Roels SA, Kelly JK (2011) Rapid Evolution Caused by Pollinator Loss in Mimulus Guttatus. Evolution 65: 2541–2552
Ollerton J, Winfree R, Tarrant S (2011) How many flowering plants are pollinated by animals? Oikos 120: 321–326
Potts SG, Ngo HT, Biesmeijer JC, Breeze TD, Dicks LV, Garibaldi LA, Hill R, Settele J, Vanbergen A (2016) The assessment report of the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services on pollinators, pollination and food production. Secretariat of the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services, Bonn, Germany
Thomann M, Imbert E, Devaux C, Cheptou P-O (2013) Flowering plants under global pollinator decline. Trends in Plant Science 18: 353–359
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