Nous avons appris avec une profonde tristesse la disparition accidentelle de Gabriel Debout le 2 octobre dernier. Gabriel était un jeune chercheur de talent. Après une formation initiale à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon, il effectua sa thèse à Montpellier sur des modèles de plantes à fourmis avec Doyle McKey avant de rejoindre Norwich en Angleterre pour poursuivre ces recherches en collaboration avec Doug Yu et Brent Emerson de l’University of East-Anglia. Il aborda ainsi diverses facettes de l’écologie, de l’architecture génétique, des stratégies de reproduction et de l’évolution de fourmis africaines (Cataulacus mckeyi) et sud-américaines (Allomerus octoarticulatus) associées à des plantes myrmécophytes (respectivement Leonardoxa africana et Cordia nodosa).
Ses travaux montrèrent, de manière remarquable, comment deux traditions conceptuelles longtemps étudiées séparément, la coexistence d’espèces dans les communautés écologiques et la stabilité évolutive des mutualismes, pouvaient être réunies au profit des deux domaines. Il rejoignit ensuite l’Université Libre de Bruxelles, où il s’intéressa avec Olivier Hardy aux questions de phylogéographie et de flux de gènes chez un arbre d’Afrique centrale (Distemonanthus benthamianus), tout en continuant des études de génétique des populations sur les fourmis, notamment Formica rufa (avec Serge Aron). Depuis 2009, il avait rejoint le laboratoire Evolution & Diversité Biologique à l’Université Paul-Sabatier de Toulouse où il développait de nouveaux projets sur l’évolution des métacommunautés d’insectes en interaction avec la plante Antirrhinum majus (avec Benoît Pujol, Jérôme Chave et Christophe Thébaud). Il préparait activement sa candidature au concours CNRS sur ce thème.
Gabriel réunissait un vif intérêt pour la théorie et une passion naturaliste. Dans la meilleure tradition du naturaliste savant, il avait produit des travaux sur des questions fondamentales de l’Evolution ainsi que des publications détaillées sur la biologie des organismes qui, partout où il était passé, avaient suscité sa curiosité. A côté de publications traitant des mécanismes de coexistence d’espèces on trouve ainsi des travaux décrivant l’histoire naturelle d’une mouche myrmécophage, espèce non décrite au Cameroun, ou d’une population relictuelle de pie-grièches dans les vignobles languedociens. Il approchait le monde vivant à la fois par l’unité de la théorie et par la diversité des histoires naturelles.
Ceux qui ont eu le privilège de travailler avec Gabriel garderont le souvenir d’une personne généreuse et d’une gentillesse infinie. Curieux tant des questions de science que de société, très cultivé, toujours disponible pour donner un coup de main ou fournir des conseils avisés, c’était un compagnon de travail idéal. Il trouvait le temps de communiquer sa passion non seulement aux étudiants et stagiaires mais aussi à une audience plus large de non-scientifiques. Gabriel possédait une tranquillité de l’âme qui semblait ne jamais céder à la colère, et un esprit d’équipe infatigable. Toujours partant, toujours prêt, jamais dépassé. Son aisance dans les relations avec les collègues et les étudiants, et son goût immodéré pour la pédagogie, faisaient de lui un membre d’équipe sollicité et respecté. Gabriel était également une personne très modeste et d’une grande honnêteté intellectuelle, pour laquelle la qualité des publications avait infiniment plus d’importance que leur quantité. Dans tous les laboratoires où il a séjourné, il a laissé un héritage riche de connaissances acquises et de perspectives scientifiques ouvertes mais aussi, et surtout, d’amitiés profondes. Sa disparition prématurée, à 34 ans, laisse un vide immense pour tous ceux qui ont travaillé à ses côtés, et plus encore pour sa famille pour laquelle il avait réussi à ménager un équilibre entre vie professionnelle et vie privée.
Nous nous associons à la douleur de la famille et lui présentons nos plus sincères condoléances.
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