Contexte scientifique
Les structures biominéralisées, présentes chez de nombreux organismes marins, remplissent des fonctions variées et se distinguent de leurs homologues géologiques ou synthétiques par leurs propriétés remarquables. Par exemple, la nacre biogénique présente dans la coquille des bivalves, possède une résistance mécanique qui dépasse de plusieurs ordres de grandeur celle de l’aragonite minérale pure. Ses propriétés résultent de l’assemblage hiérarchique complexe d’unités inorganiques et organiques, modulé par des paramètres variés, dont la température. Ce matériau inspire la conception de solutions biomimétiques aux applications médicales, industrielles et technologiques. Toutefois, leur reproduction artificielle reste limitée par des contraintes techniques et énergétiques. Pour progresser, une compréhension approfondie des mécanismes de biominéralisation est nécessaire, en particulier du rôle synergique entre microstructure, température et pression dans le contrôle de la morphologie du matériau.
Objectifs
Ce projet vise à explorer l’influence de la température sur la formation des biominéraux. Au- delà de la compréhension biologique, il constitue une première étape essentielle à l’identification de principes applicables en science des matériaux. Son originalité réside dans l’étude d’espèces profondes, encore peu explorées malgré leur potentiel biomimétique lié à leurs adaptations à des conditions extrêmes, notamment de pression, et dans l’analyse de coquilles larvaires aragonitiques, dont l’observation requiert des méthodes de préparation particulièrement précises.
Le stage portera sur la comparaison de la microstructure des coquilles larvaires de Mytilidae issus de milieux contrastés : _Bathymodiolus azoricus_, vivant sur les sources hydrothermales profondes de la dorsale médio-atlantique et formant sa coquille sous haute pression, et _Mytilus edulis_, espèce côtière. L’objectif est d’évaluer l’effet de la température sur la formation de structures aragonitiques dans ces deux contextes afin de répondre à la question centrale : comment la température influence-t-elle la microstructure et quels enseignements en tirer pour la bioinspiration ?
Méthodes et tâches à accomplir
Les coquilles larvaires de _M. edulis_, issues d’élevages réalisés à différentes températures contrôlées, seront comparées à celles de _B. azoricus_ (campagnes MOMARSAT17 ET 23). Pour ces dernières, des analyses isotopiques δ18O (acquisition programmée début décembre, hors stage) fourniront des indications sur les températures de minéralisation.
L’étudiant·e devra (1) identifier et caractériser la microstructure des coquilles de _B. azoricus_ et _M. edulis_ tout au long du développement larvaire. Les coquilles seront incluses et polies selon un protocole préétabli, puis soumises à une attaque acide et à une métallisation avant observation en microscopie électronique à balayage (MEB du laboratoire). Les images obtenues seront analysées sous ImageJ. La détection des phases minérales ainsi que de la quantification de leurs caractéristiques morphologiques (taille, forme, orientation) pourra être réalisée manuellement ou à l’aide d’outils automatisés, tels que Ilastik, si la qualité des images le permet. La microstructure sera ensuite (2) mise en relation avec les conditions de température et l’espèce, les données étant traitées statistiquement sous R (tests de comparaison et régressions). Les enseignements pertinents pour la conception de matériaux techniques seront identifiés (3). Ce travail reposera sur l’interprétation des résultats obtenus, enrichie par une revue bibliographique sur leur application.
Profil souhaité de l’étudiant·e
– Aisance et minutie dans la manipulation d’échantillons délicats
– Maitrise des bases de R pour l’analyse de données et/ou de Fiji pour le traitement d’images
– Curiosité pour le sujet, facultés d’adaptation et rigueur scientifique
– Une première expérience en biominéralisation sera un plus
Mots-clés : biominéralisation, coquilles larvaires, microstructures, reconstitution environnementale.
Laboratoire d’accueil : Adaptation et Diversité en Milieu Marin (AD2M – UMR 7144), Station Biologique de Roscoff (Sorbonne Université)
Durée du stage : 6 mois, à partir de janvier
Encadrement : Awen Le Graët (doctorante), et co-encadrement : Thierry Comtet (CR, Station Biologique de Roscoff, CNRS) et Franck Lartaud (MC, Observatoire Océanologique de Banyuls-sur-Mer, Sorbonne Université)
Contacts : awen.legraet@sb-roscoff.fr, comtet@sb-roscoff.fr, franck.lartaud@obs-banyuls.fr
Références :
Carskaddan, J. S., Rillo, M. C., Harnik, P. G. & Metzler, R. A. Nacre microstructure records spatiotemporal variation in temperature in the modern ocean. Front. Mar. Sci. 12, (2025).
Gilbert, P. U. P. A. et al. Nacre tablet thickness records formation temperature in modern and fossil shells. Earth Planet. Sci. Lett. 460, 281–292 (2017).
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