1) Contexte et problématique du stage
Face à l’urgence climatique actuelle, réduire les émissions de gaz à effet de serre en supprimant progressivement les combustibles fossiles tout en favorisant les énergies renouvelables est une stratégie majeure de lutte contre le changement climatique dans le secteur de l’énergie (Nathaniel et al. 2021). En France, cela s’est également traduit par la promulgation de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables en 2023, avec l’ambition de multiplier par deux le nombre d’éoliennes terrestres entre fin 2018 et 2028 (Programmation pluriannuelle de l’énergie 2019-2028, 2020). L’impact des énergies éoliennes a été bien documentés à travers les collisions mortelles avec la faune volante (oiseaux, chiroptères, insectes) et la perte d’habitats fonctionnelle par dérangement (Marques et al. 2021 ; Voigt et al. 2021 ; Nazir et al. 2020 ; Arnett et al. 2016). Par ailleurs, pour des raisons logistiques, les éoliennes ont tendance à se retrouver à proximité des routes, qui elles-mêmes peuvent avoir des effets directs sur la biodiversité (mortalité due aux collisions) ou indirects tels que la dégradation effective ou fonctionnelle de l’habitat (évitement causé par le bruit du trafic) (Bennett 2017). Ainsi, la littérature scientifique compte de nombreuses études sur les effets isolés du réseau routier et des éoliennes terrestres sur la biodiversité et notamment les chauves-souris et l’avifaune. Cependant, les effets cumulés d’infrastructures de nature différente sont quasiment absents de la littérature (Santangeli et al. 2016).
Les chiroptères, de par leur écologie- larges domaines vitaux, comportements de migration, comportement nocturne et leur utilisation de l’écholocalisation- sont plus susceptibles d’être affectées par le bruit émis par le réseau routier et les éoliennes. En raison de leur statut de protection à l’échelle européenne et nationale (voir Arrêté du 29 octobre 2009 et Arrêté du 23 avril 2007), ce taxon constitue un choix judicieux dans l’étude des effets cumulés des infrastructures bruyantes. De nombreuses études se sont intéressées à l’impact de l’éolien sur l’activité des chiroptères mettant en évidence des effets d’évitement sur plusieurs kilomètres (Reusch et al. 2022 ; Barré et al. 2018), avec des variations importantes pouvant passer de l’attraction à l’évitement, selon l’écologie des espèces et l’habitat considéré (Leroux et al. 2022). De même, plusieurs études montrent que les infrastructures de transport réduisent l’activité des chiroptères, en particulier des espèces de bas vol, jusqu’à plusieurs kilomètres autour des routes (Claireau et al. 2019 ; Berthinussen & Altringham 2012), avec également des variations observées selon les traits fonctionnels des espèces (Abbott et al. 2015). Le bruit perturberait le comportement des chauves-souris, les dissuadant de s’approcher des routes par évitement de la zone bruyante, distraction et/ou masquage auditif. Le masquage peut être plus prononcé chez les espèces dites glaneuses (qui dépendent de l’écoute des sons générés par les proies pour capturer les proies, comme les oreillards), en particulier si le bruit de basse fréquence chevauche la sensibilité auditive de ces espèces.
Ce stage s’inscrit dans le projet CUMUL (https://www.ittecop.fr/fr/tous-les-projets/recherches-2024/projets-de-recherche-2024/item/1265-cumul), qui vise à évaluer les effets cumulés des infrastructures de production d’énergie renouvelable (centrales photovoltaïques au sol et éoliennes terrestres) et des axes routiers sur la biodiversité, en particulier l’avifaune et les chiroptères. Les données mobilisées dans le cadre du stage constituent un sous-échantillon de l’échantillonnage globale déjà réalisé pour le projet CUMUL. Celui-ci repose sur la pose d’enregistreurs audibles (avifaune et trafic routier) et ultrasoniques (chiroptères) en lisière de forêts, le long d’un gradient de distances par rapport aux différentes infrastructures. Plus spécifiquement, le stage exploitera les données du trafic routier, du bruit émis par les éoliennes et des chiroptères pour répondre aux objectifs suivants : (i) caractériser les effets cumulés du bruit et (ii) analyser ces effets sur la richesse spécifique et l’activité des chiroptères le long d’un gradient de distance.
2) Déroulement du stage
L’étudiant.e sera amené.e à :
-Réaliser un travail bibliographique sur l’impact bruit émis par les éoliennes et le trafic routier sur les chiroptères
-Estimer le bruit émis par les différentes infrastructures en analysant des séquences acoustiques via un logiciel d’édition audio (ex : Audacity).
-Estimer la richesse spécifique et l’activité des chiroptères en analysant des séquences ultrasoniques via un logiciel d’analyse bioacoustique (ex : Kaleidoscope, Chirosurf).
-Analyser la richesse spécifique et l’activité des chauves-souris, en lien avec le bruit émis par les éoliennes et le trafic routier, via l’utilisation d’un logiciel d’analyses statistiques (R).
-Présenter les résultats et contribuer à leur valorisation scientifique (rédaction d’un rapport, possibilité de participation à une publication).
Les données pour ce stage étant déjà acquises, du travail de terrain n’est pas prévu mais le.la stagiaire participera à la pose d’enregistreurs acoustiques (avifaune) dans le cadre du projet CUMUL.
4) Profil recherché
-Formation recommandée : Master 2 en écologie, bioacoustique, biologie de la conservation ou école d’ingénieur équivalente.
-Compétences attendues : Solides compétences en analyse de données (analyses statistiques avec R) et, si possible, en bioacoustique des chauves-souris.
-Fort intérêt pour l’écologie acoustique et la recherche scientifique.
-Capacité à travailler en équipe.
-Autonomie, rigueur scientifique et bonnes capacités rédactionnelles (français et anglais).
5) Informations pratiques
Durée et période : 6 mois, à partir de janvier/février 2026 ;
Laboratoire d’accueil : UMR Chrono-environnement, Université Marie & Louis Pasteur/CNRS, 16 route de Gray, 25000 Besançon ;
Indemnité mensuelle : selon la réglementation en vigueur.
Encadrement principal : Samantha Aguillon (Laboratoire Chrono-environnement)
Co-encadrement : Jérémy Froidevaux (Laboratoire Chrono-environnement), Camille Leroux (Auddice), et Juliette Linossier (Biophonia)
6) Modalités de candidature
Envoyer un CV, une lettre de motivation et une lettre de référence à samantha.aguillon@univ-fcomte.fr, avec en objet « Candidature Projet CUMUL – Stage M2 Bioacoustique Chiroptères ». Le recrutement se fera au fil de l’eau et ce jusqu’au vendredi 24 octobre 2025 midi.
7 )Références
Abbott, I.M. et al. (2015). Bats and roads. Handbook “Road Ecology”: 290-299.
Arnett, E. B. et al. (2016). Impacts of wind energy development on bats: a global perspective. Bats in the Anthropocene: conservation of bats in a changing world, 295-323.
Barré, K. et al. (2018). Estimating habitat loss due to wind turbine avoidance by bats: Implications for European siting guidance. Biological Conservation, 226: 205-214.
Bennett, V.J. (2017). Effects of road density and pattern on the conservation of species and biodiversity. Current Landscape Ecology Reports 2: 1-11.
Berthinussen, A. & Altringham, J. (2012). The effect of major road on bat activity and diversity. Journal of Applied Ecology 49: 82-89.
Claireau, F. et al. (2019). Major roads have important negative effects on insectivorous bat activity. Biological Conservation 235: 53-62.
Leroux, C. et al. (2022). Distance to hedgerows drives local repulsion and attraction of wind turbines on bats: Implications for spatial siting. Journal of Applied Ecology, 59(8): 2142-2153.
Marques, A. et al. (2021). A research perspective towards a more complete biodiversity footprint: a report from the World Biodiversity Forum. The International Journal of Life Cycle Assessment, 26(2): 238-243.
Nathaniel, S. P. et al. (2021). The roles of nuclear energy, renewable energy, and economic growth in the abatement of carbon dioxide emissions in the G7 countries. Environmental Science and Pollution Research, 28(35): 47957-47972.
Nazir, M. S. et al. (2020). Impacts of renewable energy atlas: Reaping the benefits of renewables and biodiversity threats. International Journal of Hydrogen Energy, 45(41): 22113-22124.
Reusch, C. et al. (2022). Coastal onshore wind turbines lead to habitat loss for bats in Northern Germany. Journal of Environmental Management, 310: 114715.
Santangeli, A. et al. (2016). Synergies and trade‐offs between renewable energy expansion and biodiversity conservation–a cross‐national multifactor analysis. Gcb Bioenergy, 8(6): 1191-1200.
Voigt, C. C. (2021). Insect fatalities at wind turbines as biodiversity sinks. Conservation Science and Practice, 3(5): e366
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