Offre de Contrat de Post-Doc : relations ICU / arbres / insectes
Dans le cadre du projet IRIS-E : UMACC, Urban Mortality And Climate Change

Contexte :
Les impacts du changement climatique sur la santé de tous les organismes vivants (humains, végétaux et animaux) sont de mieux en mieux identifiés dans la littérature scientifique et les rapports du GIEC. En effet, le réchauffement climatique, causé par les modifications de la composition
atmosphérique, a un effet en cascade sur les systèmes physiques et biologiques. Cet impact du réchauffement climatique est encore plus préoccupant en ville, où il est décuplé par les effets locaux de l’urbanisation sur le climat, comme l’illustre le phénomène des îlots de chaleur urbains (ICU).
Depuis 2004, le laboratoire LETG, en partenariat avec Rennes Métropole, a développé un réseau de surveillance climatique, le Rennes Urban Network (RUN). Ce réseau est composé de 32 stations automatiques et d’environ 120 capteurs thermo-hygrométriques connectés, fournissant des données en temps réel, toutes les heures, et disponibles sur http://run.letg.cnrs.fr. Les mesures effectuées au cours des 20 dernières [1] années montrent que des ICU de forte intensité (plus de 4°C) sont observées 16,5 % des nuits, et particulièrement en été [2]. Depuis 2008, des études interdisciplinaires menées par les laboratoires LETG et ECOBIO montrent l’impact des modifications climatiques locales (notamment l’ICU et le stress hydrique qu’il peut induire) sur la phénologie [3}, la distribution et l’abondance de diverses espèces (par exemple, cerisiers, oiseaux, carabes et arthropodes [4]). Pourtant, aucune approche globale visant à comprendre simultanément l’impact du climat sur la mortalité de plusieurs espèces (animales, végétales, humaines) n’a encore été menée.
UMACC s’inscrit pleinement dans les objectifs de la ville durable. Le projet aborde la planification stratégique du territoire en tenant compte de son adaptation au changement climatique (gestion de la santé humaine, maintien de la faune et implantation de la végétation) afin de limiter les risques
d’ICU tout en réduisant l’artificialisation du territoire. En définissant et en quantifiant les facteurs de mortalité biologique urbaine dans un contexte de changement climatique, UMACC permettra de proposer des solutions en termes de gestion et d’aménagement des espaces publics afin de
préserver la biodiversité et les services écosystémiques, ainsi que la qualité de vie et le confort thermique des citoyens. La prise en compte des facteurs sociaux et écologiques permettra d’identifier les populations humaines, animales et végétales les plus vulnérables et de mettre en
œuvre des politiques adaptées pour assurer la résilience du territoire.

Objectifs
L’objectif principal du projet UMACC est d’étudier comment le changement climatique observé à Rennes, combinant effets globaux et locaux (ICU), conduit à une surmortalité biologique chez les humains, les animaux et les plantes, en utilisant une approche « one-health ». À partir de cette
problématique générale, les questions spécifiques sont :
⮚ Comment quantifier et suivre la mortalité/morbidité humaine, végétale et animale induite par les conditions climatiques (vagues de chaleur, nuits tropicales, sécheresses) à plus ou moins long terme ?
⮚ Quels indicateurs climatiques rendent le mieux compte de la mortalité observée ?
⮚ Comment ces indicateurs climatiques sont-ils susceptibles d’évoluer selon différents scénarios de changement climatique et d’urbanisme ?
⮚ Quels types de politiques publiques ou de décisions des acteurs pourraient contribuer à limiter la mortalité/morbidité urbaine future liée au climat ?
Un premier post-doc a été recruté dans le cadre du projet sur les enjeux de santé humaine. La présente offre vise à couvrir les questions concernant la mortalité des arbres et des insectes.

Mortalité des plantes (arbres)
L’étude des arbres en ville s’est principalement concentrée sur leur contribution au refroidissement urbain via leur évapotranspiration, qui contribue à réduire l’ICU [5]. L’effet de rétroaction du climat urbain sur les arbres est cependant moins souvent étudié. Or, pour continuer à contribuer à atténuer
l’ICU, les arbres doivent rester en bonne santé et être capables de résister aux changements climatiques futurs. Leur rôle dans l’aménagement paysager urbain pour les citoyens et dans le maintien d’une plus grande biodiversité en fournissant des habitats et des corridors écologiques pour
la faune et la flore sont également des enjeux majeurs qui nécessitent l’attention des parties prenantes sur l’évolution future de la mortalité des arbres.
La survie des arbres est à la fois un enjeu économique et un facteur crucial dans la production de services écosystémiques associés en milieu urbain (microclimat, aménagement paysager, etc.). Hilbert et al. (2019) [6] ont montré que les taux de mortalité varient considérablement (de 0 à 65 %) et
identifient les facteurs les plus souvent cités comme étant associés à la mortalité : l’espèce, la gestion des arbres, l’âge des arbres et les caractéristiques du site. De plus, ils ont souligné le manque d’études intégrant la dynamique de croissance des individus conduisant à la mortalité,
rendant impossible une compréhension détaillée des conditions environnementales qui déterminent la mortalité. Comprendre le rôle des facteurs climatiques dans la mortalité des arbres est complexe. D’une part, il faut prendre en compte non seulement l’intensité des vagues de chaleur, mais aussi leur fréquence et leur calendrier à moyen terme. D’autre part, cela implique de contrôler le rôle d’autres facteurs (par exemple, l’âge des arbres, les maladies). Le projet palliera ce manque de perspective dynamique en utilisant une approche dendrochronologique [7]. L’objectif est de mieux
comprendre les conditions micro-environnementales qui conduisent à la mortalité des arbres en identifiant la date de mort de l’arbre et la dynamique de croissance de la période précédente, et en croisant ces informations avec les conditions environnementales. L’utilisation d’une approche dendrochronologique nous permettra d’analyser la mortalité des arbres, mais aussi la période d’affaiblissement qui peut survenir avant la mort, période cruciale pour les individus.
La première étape consistera à cartographier les arbres morts et sénescents (réalisé en partenariat avec AUDIAR et Rennes Métropole lors de précédents inventaires). Dans un deuxième temps, trois catégories d’arbres seront échantillonnées pour les deux taxons les plus fréquents : arbres morts, arbres sénescents, arbres sans signe de sénescence. Pour chaque groupe, deux carottes dendrologiques perpendiculaires seront prélevées à la tarière de Pressler. Les cernes annuels de croissance seront mesurés en laboratoire. Dans un troisième temps, les conditions environnementales seront caractérisées à la fois pour l’année d’échantillonnage et pour la période précédente à partir des données cartographiques et climatiques du RUN et seront comparées aux indicateurs de croissance à l’aide d’analyses statistiques descriptives et prédictives (ACP, GLM, etc.) afin d’identifier (i) la période d’observation la plus pertinente pour analyser les causes de mortalité des arbres urbains et (ii) le poids relatif des facteurs climatologiques expliquant cette mortalité et (iii) les rôles respectifs de l’intensité, de la fréquence et du moment des ICU dans l’affaiblissement et la mort des arbres. Enfin, sur la base de la mortalité observée et des changements climatiques attendus, des zones de mortalité potentielle future des arbres seront identifiées et comparées à la sensibilité humaine et animale à la chaleur pour aider aux politiques publiques.

Mortalité animale (insectes)
Le déclin des insectes s’avère déjà extrêmement marqué, avec des taux de déclin de plus de 50 % des espèces dans les zones protégées et jusqu’à 95 % dans les zones d’agriculture intensive. La disparition de la biodiversité (et en particulier des insectes) est très problématique pour l’homme, en
raison des services écosystémiques fournis par les insectes, notamment la pollinisation, et la régulation des insectes ravageurs par les prédateurs (dont les carabes, qui sont l’un des modèles de ce projet). La disparition des insectes est particulièrement marquée dans les environnements
agricoles intensifs et il a été démontré que les villes peuvent être des « réservoirs de biodiversité », notamment pour les abeilles, du moins dans les quartiers périphériques moins urbanisés. Cet effet réservoir peut être accentué par une bonne gestion de la végétation en ville, en ajoutant une
végétation ciblée et diversifiée pour créer des zones refuges aux températures plus amorties face aux extrêmes. De plus en plus d’études montrent que les espèces réagissent de manière inadaptée ou insuffisante au changement climatique, en particulier les insectes, qui, parmi tous les organismes, se sont révélés les moins plastiques face à ce changement.
Chez les animaux, l’estimation du taux de mortalité peut s’avérer très complexe, car elle repose sur un suivi rigoureux des populations au fil du temps et, par conséquent, sur des travaux de terrain intensifs. Nous proposons plutôt d’étudier l’assemblage des espèces et leurs paramètres physiologiques comme indicateurs pour évaluer et/ou estimer leur risque de mortalité. À cet égard, les insectes constituent de bons modèles car, en tant qu’organismes ectothermes, ils sont directement affectés par les variations de température de leur habitat. Deux approches méthodologiques complémentaires – expérimentale et basée sur la modélisation – seront utilisées sur deux groupes modèles contribuant aux services écosystémiques : les carabes, impliqués dans le contrôle biologique d’insectes phytophages et de graines d’adventices, et les pollinisateurs.
Dans une première tâche, nous visons à spatialiser la ville en termes d’adéquation thermique actuelle et future aux carabes. Cette démarche s’appuiera sur les données disponibles concernant l’ICU et l’occupation du sol, différents scénarios d’évolution et les seuils de tolérance thermique
physiologique déjà mesurés pour un ensemble d’espèces de carabes. Cette partie s’appuie sur un jeu de données obtenu lors d’un précédent projet, le post-doctorat « Ecoheat » Bienvenüe, dirigé par Hélène Audusseau (2021-2023). À partir de ces valeurs de limites physiologiques des espèces
(CTmax/CTmax sublétale), nous souhaitons modéliser à l’échelle de la ville les « zones à risque de mortalité », c’est-à-dire les zones où le réchauffement climatique ou les vagues de chaleur futures atteindront les limites thermiques pour certaines espèces et, par conséquent, les exposeront à un risque d’extinction.
La deuxième tâche sera réalisée en collaboration avec la thèse de Thibaud Chalet (financée par la chaire « Biodiversité-Climat » de la Fondation Université de Rennes). Dans cette thèse, une quinzaine de bandes fleuries ont été semées dans la ville de Rennes en 2023 et en 2024 (plantes
annuelles), afin de procurer plus de ressources alimentaires aux pollinisateurs et des zones de refuge thermique. Nous évaluerons si les bandes fleuries plantées dans les zones de la ville les moins riches en ressources florales et soumises à des contraintes climatiques plus fortes contribuent
significativement à réduire la mortalité des pollinisateurs. Ainsi, nous développerons un proxy pour analyser la mortalité de ce groupe d’insectes et testerons l’intérêt d’une solution potentielle, à savoir l’ajout de ressources pour limiter la mortalité des pollinisateurs.

Aide à la décision pour les politiques publiques
L’ambition du projet est de comprendre les facteurs contribuant à la mortalité urbaine, mais aussi d’apporter des solutions. C’est pourquoi ce projet est co-construit avec les acteurs du territoire en charge de son développement (urbanisme, adaptation au changement climatique, planification
écologique et sociale, santé environnementale). Les acteurs du territoire participeront à la fois à la collecte des données (bases de données municipales), à leur interprétation et à la discussion avec les chercheurs, mais aussi à la définition de la mise en œuvre de solutions opérationnelles. Cela contribuera aux documents de planification et d’urbanisme (PCAET, PLUi, SCoT, CLS, PLH et PPA), dont certains seront prochainement révisés.
Développer l’approche « One Health » nécessite de renforcer la collaboration entre les acteurs de la santé humaine, animale et végétale et les scientifiques. UMACC contribuera à identifier et à lever les obstacles théoriques et pratiques à la mise en œuvre de politiques publiques favorisant un
urbanisme innovant en matière de santé environnementale. Le décloisonnement entre disciplines et services, basé sur des ateliers participatifs, permettra d’identifier des solutions adaptées pour réduire la mortalité en ville en promouvant un urbanisme juste et durable dans son rapport à la biodiversité et au changement climatique.
Le consortium constitué pour ce projet regroupe des géographes (LETG), climatologues (LETG), écologues (ECOBIO, LETG), économistes (LIRIS) et des spécialistes de la santé (EHESP). Le projet associe étroitement des services de la ville de Rennes et de Rennes Métropole (notamment la
Direction des Jardins et de la Biodiversité) ainsi que l’agence d’urbanisme (AUDIAR) et deux sociétés privées (Alkante et MeteoConcept).

Compétences attendues
Le/la candidat(e) sera titulaire d’un doctorat en éco-physiologie et/ou en écologie et/ou en géographie de l’environnement (interaction végétation-climat).
Le/la candidat(e) devra impérativement maîtriser les techniques de modélisation et géostatistiques en écologie et biogéographie.
Une pratique de l’interdisciplinarité est attendue ainsi qu’une forte aptitude au travail en équipes.
Une pratique courante de l’anglais scientifique est exigée mais l’essentiel des travaux et discussions aura lieu en langue française. La bonne maîtrise de cette dernière est donc indispensable notamment pour les interactions avec les acteurs du territoire.

Informations pratiques
Rémunération : échelon 7 de la grille des contractuels IGR actuellement appliquée à Rennes 2, soit environ 2 889,67 € brut/mois pour une durée de 24 mois à compter du 1er septembre 2025.
Le post-doc sera basé au laboratoire LETG de l’université Rennes 2 avec de fréquentes réunions dans l’équipe ECOBIO et les services de la Métropole.
Candidature sous forme de CV détaillé (2 pages max), une lettre de motivation et UNE SEULE publication à envoyer avant le 30 juin 2025 à : vincent.dubreuil@univ-rennes2.fr et joan.vanbaaren@univ-rennes.fr

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1 FOISSARD X., DUBREUIL V., QUENOL H., (2019). Defining scales of the land use effect to map the urban heat island
in a mid-size European city: Rennes (France). Urban Climate, 29 (2019) 100490.
https://doi.org/10.1016/j.uclim.2019.100490
2 DUBREUIL V., BRABANT C., DELAUNAY G., NABUCET J., QUENOL H., CLAIN F., LEPRINCE F., DREANO J.,
GEORGET L., (2022). Rennes, une ville climato-intelligente ? L’IoT au service du suivi des îlots de chaleur. Editions
Techniques de l’Ingénieur. https://doi.org/10.51257/a-v1-sc8020
3 MIMET A., PELLISSIER V., QUENOL Q., AGUEJDAD R., DUBREUIL V., ROZE F., (2009). Urbanisation induces early
flowering: evidence from Platanus acerifolia and Prunus cerasus. International Journal of Biometeorology, 53 : 287–298,
https://doi.org/10.1007/s00484-009-0214-7
4 CROCI S., BUTET A., GEORGES A., AGUEJDAD R. AND CLERGEAU P. (2008). Small urban woodlands as biodiversity
conservation hot-spot: a multi-taxon approach. Landscape Ecology 23: 1171-1186. https://doi.org/10.1007/s10980-008-
9257-0
5 HENDEL M, BOBEE C, KARAM G, PARISON S, BERTHE A, BORDIN P, (2020). Developing a GIS tool for emergency
urban cooling in case of heat-waves. Urban Climate (33) 100646, https://doi.org/10.1016/j.uclim.2020.100646
6 HILBERT D.R., ROMAN L.A., et al (2019). Urban Tree Mortality: A Literature Review. Arboriculture & Urban Forestry
45(5): 167. https://doi.org/10.13140/RG.2.2.25953.15204
7 SCHWEINGRUBER F.H., (1988). Tree rings : Basics and Applications of Dendrochronology. Dordrecht, Kluwer, 276 p.
https://fr.scribd.com/document/382311091/F-H-Schweingruber-Tree-Rings-Basics-and-Applications-ofDendrochronology

Le contenu de cette offre est la responsabilité de ses auteurs. Pour toute question relative à cette offre en particulier (date, lieu, mode de candidature, etc.), merci de les contacter directement. Un email de contact est disponible: vincent.dubreuil@univ-rennes2.fr et joan.van-baaren@univ-rennes.fr

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