Contexte scientifique
Les interactions mutualistes plantes-animaux sont essentielles au maintien de la biodiversité. Comme d’autres interactions biotiques (par exemple la prédation ou la compétition), elles contribuent à la structure, au fonctionnement et à la résilience des communautés d’organismes et des écosystèmes. Les animaux, agents mobiles, participent à la connectivité fonctionnelle des habitats et des populations de plantes à différentes échelles. En effet, ils permettent aux plantes, à travers leur transport, de circuler dans l’environnement et de suivre les conditions abiotiques favorables le long de gradients latitudinaux et altitudinaux. Parmi ces animaux agissant comme agents mobiles dans un paysage, les ongulés sauvages sont des vecteurs généralistes pour la flore, puisqu’ils peuvent disperser quotidiennement les diaspores (graines et fruits) sur de longues distances par endozoochorie, en consommant et expulsant du tractus digestif les diaspores, et épizoochorie, en les transportant sur leur pelage.
En Europe, l’expansion géographique et démographique des populations d’ongulés sauvages (et domestiques) ces dernières décennies questionne sur leur rôle dans le fonctionnement des écosystèmes, notamment dans ceux qui subissent déjà de fortes pressions anthropiques qui réduisent, fragmentent et modifient les habitats naturels. Impliqués dans la dispersion de la flore, ces ongulés pourraient atténuer les effets des pressions anthropiques en reconnectant des patchs d’habitat favorable. Si la dispersion zoochore par les ongulés est une opportunité pour la flore locale de se maintenir dans un paysage modifié/fragmenté par les activités humaines, elle représente aussi une menace, quand elle favorise la dispersion des plantes exotiques envahissantes. Enfin, comme beaucoup d’ongulés sauvages vivent en groupe, cette vie en groupe, en influençant les capacités de déplacement des individus, devrait indirectement influencer l’efficacité de la dispersion zoochore. Ce mécanisme, pourtant fondateur dans la dispersion zoochore, reste actuellement très peu étudié dans la littérature.
Les mécanismes écologiques explorés ici font écho aux exigences de restauration des écosystèmes des Nations Unies et des initiatives de ré-ensauvagement basées, entre autres, sur la capacité de dispersion des plantes. Ce sujet intéresse aussi les processus naturels permettant de conserver les populations existantes, réparer les écosystèmes endommagés et restaurer les paysages dégradés (habitats plus sauvages et plus riches en biodiversité). D’autres solutions fondées sur la nature s’en inspirent, notamment l’éco-pâturage en milieux urbains, qui réduit l’utilisation d’engins et de désherbants chimiques. C’est aussi le cas du pastoralisme ovin en bord de Loire qui maintient les milieux ouverts, habitats patrimoniaux et réservoirs de biodiversité floristique et entomologique. Ces milieux jouent aussi le rôle de champs d’expansion pour la Loire et limitent ainsi les conséquences des crues à l’aval.

Le projet de thèse
L’objectif principal de la thèse est d’explorer si la vie en groupe (i.e. la socialité) communément observée chez les ongulés influence leur rôle de vecteurs de dispersion zoochore, et si c’est le cas, d’en comprendre les conséquences pour la flore transportée. 3 hypothèses seront testées sur la prise en charge, le transfert et la libération des diaspores (unité de dispersion des plantes, incluant graines et fruits). Sous l’hypothèse que la taille du groupe (TG) influence l’investissement des individus dans le temps passé en alimentation et donc la quantité de diaspores transportées par l’animal, la TG devrait affecter la dispersion des diaspores. Sous l’hypothèse que la TG influence la distance parcourue quotidiennement par les individus, la coordination des déplacements entre individus et donc le transport zoochore, la TG devrait affecter la distance de dispersion zoochore. Sous l’hypothèse que la TG influence les fréquences des interactions (incluant les contacts) entre congénères et donc le transport et la libération des diaspores, la TG devrait alors affecter la durée de rétention des diaspores accrochées sur l’animal. Sous l’hypothèse que les individus de même âge, sexe ou condition corporelle synchronisent davantage leurs activités au sein du groupe, la composition des groupes (CG) devrait alors affecter la distribution spatiale des diaspores libérées dans le paysage.
Pour tester ces hypothèses, le projet s’articulera autour de 4 volets : volet 1 – Revue systématique de la littérature scientifique abordant l’effet de la socialité animale sur l’efficacité de la dispersion zoochore (effets constatés, hypothèses et liste de prédictions associées) ; volet 2 – Effet de la TG sur les déplacements des ongulés ; volet 3 – Effet des interactions au sein du groupe sur la durée de rétention des graines ; volet 4 – Effet de la taille et de la composition du groupe sur le patron d’agrégation des diaspores libérées. Les volets 2 à 4 seront traités au sein d’expérimentations en conditions contrôlées, avec des ongulés sauvages et domestiques imprégnés, hébergés à la Réserve Zoologique de la Haute-Touche. La TG sera testée en faisant varier le nombre d’individus au sein de 3 à 4 modalités et la CG en faisant varier la proportion de 2 catégories d’individus. Chaque individu identifié et équipé d’un collier GPS sera suivi pour évaluer ses déplacements, ainsi que sa position relative par rapport aux autres individus. Chaque individu se verra accrocher une quantité connue de diaspores, identifiées par un code couleur, sur différentes parties de son pelage (tête, flanc, arrière-train). L’observation individuelle se fera à distance avec télescope et jumelles, pendant 6 heures, afin de connaître le destin de chaque diaspore accrochée (moment, localisation et raison du décrochage), identifier chaque défécation (moment et localisation, en lien avec l’endozoochorie). A partir d’un éthogramme de référence, le temps passé à différentes activités (alimentation, vigilance, repos) sur des séquences régulières sera évalué, ainsi que le type d’interactions entre individus au sein du groupe (toilettage, jeux, conflits).

Mots-clés
Ongulés sauvages, épizoochorie, endozoochorie, socialité, communauté végétale, expérimentation, espèce exotique envahissante, connectivité

Endadrement
Directeur de thèse : Pays-Volard Olivier (olivier.pays@univ-angers.fr), BiodivAG – Université d’Angers
Co-directeur de thèse : Baltzinger Christophe (christophe.baltzinger@inrae.fr), UR 1455 EFNO, équipe Fona
Co-encadrant : Locatelli Yann (yann.locatelli@mnhn.fr), UMR 7247 INRAE – CNRS – Université de Tours – IFCE et Réserve Zoologique de la Haute Touche, MNHN

Lieu
Le candidat partagera son temps entre l’UR 1455 EFNO d’INRAE de Nogent-sur-Vernisson, la Réserve Zoologique de la Haute Touche pour les expérimentations et le laboratoire BiodivAG à l’université d’Angers pour réaliser une partie des traitements analytiques

Financement
Contrat doctoral de l’Université d’Angers : environ 2100€/mois brut
Le projet DIASPORE couvre les dépenses liées à la thèse

Profil du candidat
L’étudiant devra détenir un Master 2 en écologie dans le domaine des interactions biotiques plante-animal, écologie animale, écologie comportementale ou écologie du déplacement. Des compétences en programmation sur R et SIG sont attendues car le projet demande des analyses statistiques avancées. Savoir travailler en équipe est aussi fondamental.

Le contenu de cette offre est la responsabilité de ses auteurs. Pour toute question relative à cette offre en particulier (date, lieu, mode de candidature, etc.), merci de les contacter directement. Un email de contact est disponible: olivier.pays@univ-angers.fr; christophe.baltzinger@inrae.fr; yann.locatelli@mnhn.fr

Pour toute autre question, vous pouvez contacter sfecodiff@sfecologie.org.