Je suis tombée dans la biologie évolutive quand j’ai commencé mes études de biologie à Lille, et mon intérêt pour ce domaine ne m’a plus quittée. Mes stages de Master à Montpellier sur l’interaction figuier-pollinisateur m’ont fait découvrir une problématique qui m’intéressait particulièrement: les processus évolutifs à l’origine des nouvelles espèces, des populations, des variétés, et plus généralement à l’origine de la diversification. Ces stages ont aussi attisé en moi un fort attrait pour les arbres en tant que modèles originaux pour étudier les processus de diversification. Je me suis donc tournée en thèse vers un nouveau modèle d’étude, le pommier cultivé et ses apparentés sauvages, pour comprendre les processus de diversification, notamment en m’intéressant à l’histoire de la domestication du pommier cultivé.
Dans quelle région et chez quelle espèce sauvage le pommier cultivé trouve-t-il son origine? Différentes espèces sauvages ont-elles contribué à créer les différentes variétés de pommes cultivées? Quand j’ai commencé ma thèse, très peu de réponses à ces questions existaient. Plusieurs hypothèses étaient proposées, dont celle d’une origine unique à partir du pommier sauvage d’Asie Centrale dans les montagnes du Tien Shan au Kazakhstan. Cependant, d’autres auteurs suggéraient de potentielles contributions plus tardives d’autres espèces de pommiers sauvages le long des Routes de la Soie résultant des échanges commerciaux entre l’Asie et l’Europe ces 10000 dernières années. En particulier, les pommiers sauvages Sibérien, Caucasien et Européen étaient pointés du doigt. L’hypothèse de la contribution de ces espèces n’ayant jamais été testée, je m’y suis donc intéressée.
Au début de ma thèse, les deux principaux problèmes limitant la compréhension de la contribution des espèces de pommiers sauvages au génome du pommier cultivé étaient (1) l’utilisation de marqueurs génétiques ne permettant pas de différencier les différentes espèces sauvages impliquées, et (2) que les échantillons utilisés dans les études précédentes étaient non représentatifs de la répartition géographique de chacune des espèces. J’ai donc développé des marqueurs génétiques hyper-variables permettant de retracer des évènements récents (comme la domestication) entre espèces peu différenciées génétiquement, et j’ai rassemblé un grand nombre d’échantillons dont la répartition géographique était représentative des espèces sauvages. Dès les premières analyses nous avons été surpris de voir qu’en plus du pommier sauvage d’Asie Centrale le pommier sauvage Européen avait très largement contribué à la diversité des variétés de pommes cultivées en Europe. La grande difficulté de notre étude a été de démontrer que cette contribution n’était pas due à un potentiel polymorphisme ancestral, les espèces impliquées étant très proches génétiquement, ce que nous avons fait en testant des scenarios démographiques. Ces résultats ont établi la base du développement de nouveaux projets sur le pommier, dont l’étude des hybridations entre le pommier cultivé et le pommier sauvage européen à de multiples échelles géographiques (Eurasie et France), ainsi que l’étude des processus de spéciation dans le genre. Il s’agit d’un travail que je continue ici au laboratoire ESE pendant un an en post-doctorat. Je prépare aussi cette année mon futur post-doc en Suède pour lequel je change de modèle biologique et d’approches méthodologiques, pour passer à des aspects de génomique des populations entre espèces de Capselles apparentées génétiquement afin de retracer les processus évolutifs en jeu lors de leur diversification récente.
En savoir plus : Cornille A, Gladieux P, Smulders MJM, Roldán-Ruiz I, Laurens F, et al. (2012) New Insight into the history of domesticated apple: secondary contribution of the european wild apple to the genome of cultivated varieties. PLoS Genet 8(5): e1002703. doi:10.1371/journal.pgen.1002703
Contact : amandine.cornille (at) gmail.com
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