Encadrants : Sabrina Renaud, Julien Clavel, Pascale Chevret
JC : Laboratoire d’Ecologie des Hydrosystèmes Naturels et Anthropisés, Université Lyon 1
SR, PC : Laboratoire de Biométrie et Biologie Evolutive, Université Lyon1

Contexte. – Reconstruire l’histoire évolutive ayant mené à la biodiversité actuelle est un enjeu majeur pour comprendre le jeu complexe entre contraintes à la diversification et innovations qui peuvent la promouvoir. Si les données moléculaires sont de nos jours la source incontournable pour reconstruire les patrons phylogénétiques, la description de caractères morphologiques présente l’intérêt de pouvoir être appliquée à des fossiles même anciens, pour lesquels l’ADN n’est pas préservé, ouvrant la voie à des « phylogénies sur évidences totales » incluant aussi bien espèces actuelles qu’éteintes [e.g. (López-Antoñanzas et al., 2022)]. La morphométrie géométrique a représenté une avancée majeure dans la description des différences morphologiques et de la variation inter- et intra-spécifique (Adams et al., 2013), mais l’analyse de ces variables continues en termes phylogénétiques a longtemps constitué un verrou (López-Antoñanzas et al., 2022) qui est en train d’être levé par des développements méthodologiques (Alvarez-Carretero et al., 2019; Clavel et al., 2019). Un couplage devient donc possible entre analyses phylogénétiques et morphométriques, ce qui soulève de nouvelles questions. Les directions de plus grande variance morphométrique ont été suggéré être des « directions de moindre résistance » à l’évolution [e.g. (Renaud and Auffray, 2013)], car elles représentent des morphologies favorisées par le développement (Hayden et al., 2020). Si une prise de conscience existe de ces contraintes développementales entre traits dans les modèles d’évolution le long des phylogénies (Billet and Bardin, 2019), l’intégration de la variation intra-spécifique comme contrainte à l’évolution des traits morphométrique reste à réfléchir et implémenter.

Objectifs du stage. – Le stage se focalisera sur les rongeurs, qui représentent le plus diversifié des ordres de mammifères, et plus spécifiquement sur les murinés, ou rats et souris de l’Ancien Monde, comprenant 120 genres et 550 espèces actuelles. De nombreuses données moléculaires existent pour ce groupe, permettant l’établissement d’une phylogénie détaillée et robuste (Lecompte et al., 2008; Steppan and Schenk, 2017) et de mieux en mieux datée en intégrant des données paléontologiques (Aghová et al., 2018). D’autre part, la forme de leur molaire est un marqueur bien étudié au moyen des méthodes de morphométrie géométrique. Elle porte un signal à la fois phylogénétique et écologique (Renaud et al., 2005), et montre des patrons de variation intra-spécifique conservés, qui constituent des lignes de moindre résistance à l’évolution (Renaud et al., 2006).
Les objectifs du stage seront les suivants :
– Enrichir la base de données existantes concernant le contour 2D des molaires (~50 espèces déjà disponibles) ;
– Caractériser sur quelques espèces les patrons de variation morphologique ;
– Reconstruire la phylogénie datée des espèces analysées en morphométrie à partir des données disponibles dans GenBank ;
– Analyser l’évolution des variables morphométriques sur la phylogénie moléculaire ;
– Mesurer la variation « intra », et la comparer aux estimations de variation « inter » sur la phylogénie ;
– Selon l’avancée du stage et les compétences méthodologiques, l’objectif ultime est finalement d’intégrer le la variation intra-spécifique dans les algorithmes de reconstruction phylogénétique et évaluer son rôle comme contrainte ou facilitatrice de l’évolution.
Ce stage s’intègre dans le projet ANR RoMa « Rodent Macroevolution in the context of Major Miocene Environmental Changes », supervisé par R. López-Antoñanzas (ISEM, Montpellier). Un accent sera donc mis sur l’intégration de données morphométriques fossiles, avec notamment le cas emblématique de l’espèce éteinte Malpaisomys, endémique des Canaries, longtemps faussement rapprochée du groupe des Arvicanthini, et pour laquelle des données d’ADN ancien ont permis de montrer qu’il s’agissait en fait d’une souris (Murini) (Pagès et al., 2012).

Méthodes et prérequis. – Le volet de morphométrie géométrique se fera à l’aide de différents packages R (ade4, geomorph). Le volet phylogénie utilisera les logiciels classiques d’analyse phylogénétiques et datations moléculaires (Seaview, PhyML, Beast). Des bases en programmation (e.g. logiciel R) et analyses statistiques multivariées sont donc requises.

Références
Adams, C.D., Rohlf, F.J., Slice, D.E., 2013. A field comes of age: geometric morphometrics in the 21th century. Hystrix, The Italian Journal of Mammalogy 24, 7-14.
Aghová, T., Kimura, Y., Bryja, J., Dobigny, G., Granjon, L., Kergoat, G.J., 2018. Fossils know it best: Using a new set of fossil calibrations to improve the temporal phylogenetic framework of murid rodents (Rodentia: Muridae). Molecular Phylogenetics and Evolution 128.
Alvarez-Carretero, S., Goswami, A., Yang, Z., Dos Reis, M., 2019. Bayesian estimation of divergence times using correlated quantitative characters. Systematic Biology 68, 967-986.
Billet, G., Bardin, J., 2019. Serial homology and correlated characters in morphological phylogenetics: Modeling the evolution of dental crests in placentals. Systematic Biology 68, 267–280.
Clavel, J., Aristide, L., Morlon, H., 2019. A penalized likelihood framework for high-dimensional phylogenetic comparative methods and an application to new-world monkeys brain evolution. Systematic Biology 68, 93-116.
Hayden, L., Lochovska, L., Sémon, M., Renaud, S., Delignette-Muller, M.-L., Vicot, M., Peterková, R., Hovorakova, M., Pantalacci, S., 2020. Developmental variability channels mouse molar evolution. eLife 9, e50103.
Lecompte, E., Aplin, K., Denys, C., Catzeflis, F., Chades, M., Chevret, P., 2008. Phylogeny and biogeography of African Murinae based on mitochondrial and nuclear gene sequences, with a new tribal classification of the subfamily. BMC Evolutionary Biology 8, 199.
López-Antoñanzas, R., Mitchell, J., Simões, T.R., Condamine, F.L., Aguilée, R., Peláez-Campomanes, P., Renaud, S., Rolland, J., Donoghue, P.C.J., 2022. Integrative phylogenetics: tools for palaeontologists to explore the tree of life. Biology, 1185.
Pagès, M., Chevret, P., Gros-Balthazard, M., Hughes, S., Alcover, J.A., Hutterer, R., Rando, J.C., Michaux, J., Hänni, C., 2012. Paleogenetic analyses reveal unsuspected phylogenetic affinities between mice and the extinct Malpaisomys insularis, an endemic rodent of the Canaries. PLoS ONE 7, e31123.
Renaud, S., Auffray, J.-C., 2013. The direction of main phenotypic variance as a channel to morphological evolution: case studies in murine rodents. Hystrix, The Italian Journal of Mammalogy 24, 85-93.
Renaud, S., Auffray, J.-C., Michaux, J., 2006. Conserved phenotypic variation patterns, evolution along lines of least resistance, and departure due to selection in fossil rodents. Evolution 60, 1701-1717.
Renaud, S., Michaux, J., Schmidt, D.N., Aguilar, J.-P., Mein, P., Auffray, J.-C., 2005. Morphological evolution, ecological diversification and climate change in rodents. Proceedings of the Royal Society of London, Biological Sciences (serie B) 272, 609-617.
Steppan, S.J., Schenk, J.J., 2017. Muroid rodent phylogenetics: 900-species tree reveals increasing diversification rates. PLoS ONE 12, e0183070.

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