Thèse : Impact de l’agriculture biologique et des pesticides sur le parasitisme et les zoonoses des oiseaux spécialistes du milieu agricole.
Dans le cadre de l’ANR Phytobird et de l’école doctorale de La Rochelle Université, nous recherchons un candidat pour une thèse financée sur l’impact de l’agriculture biologique et des pesticides sur le parasitisme et les zoonoses des oiseaux spécialistes du milieu agricole. Vous trouverez le descriptif ci dessous.

Cette thèse se déroulera principalement au Centre d’Etudes Biologiques de Chizé.
Pour candidater à cette thèse, merci d’adresser à Jérôme Moreau par email (jerome.moreau@univ-lr.fr) un seul fichier PDF (nommé avec votre nom et prénom) contenant votre CV, une lettre de motivation, le détails de vos notes de L3, de M1 et du premier semestre de Master 2 avec les classements pour le master (le classement doit obligatoirement être fourni) ainsi que les références de deux personnes que nous pourrons contacter le cas échéant pour fournir un avis sur votre candidature. Merci d’indiquer également vos compétences en ornithologie sur une page word.
La date limite pour candidater est fixée au 25 avril. Des auditions seront organisées pour les candidats retenus.

Descriptif de la thèse.
L’intensification de l’agriculture est indissociable de transformation massive de l’environnement rural concomitant avec le déclin des espèces aviaires spécialistes (Chamberlainet al. 2000, Chiron et al. 2014). Différents processus contribuent à expliquer ce déclin comme la diminution des ressources (Brickle et al. 2000), la fragmentation/destruction de certains habitats (Wilson et al. 1997), la mécanisation (Green 1995) et l’usage de pesticides. Toutefois, l’impact des produits phytosanitaires sur l’avifaune a principalement été étudié au travers du déclin de la biodiversité (Mitra et al. 2011). Même si l’innocuité des molécules actives est testée (via des tests de toxicité et la détermination de la dose létale 50) avant d’obtenir l’autorisation de mise sur le marché, les effets indirects et différés dans le temps sont probablement sous-estimés par les agences de régulation (Mineau et Whiteside 2013), en raison i) du faible nombre d’études réalisées in natura, ii) du nombre limité d’espèces testées (espèces modèles comme canard colvert ou caille japonaise) qui ne représentent pas la diversité de l’avifaune, iii) du manque de prise en compte de l’exposition multiple auxquels tous les organismes sont soumis (effets cocktails) et iv) de la méconnaissance des effets de ces molécules sur la physiologie, le comportement, les traits d’histoire de vie, les interactions entre les espèces et leurs conséquences sur la dynamique des populations. Tous ces éléments font d’ailleurs l’objet d’une revue large de la littérature réalisée par les encadrants de la thèse (Moreau et al. 2022a). A l’heure actuelle, un faisceau d’éléments tend à montrer que les pesticides pourraient constituer une pression de sélection importante sur la survie des oiseaux.
L’ingestion de nourriture ou d’eau contaminée est considérée comme la voie principale de contamination aux pesticides (Lopez-Antia et al. 2016). Par la suite, les molécules actives transitent par le tractus digestif puis sont absorbées et diffusées dans la circulation sanguine jusqu’aux tissus cibles. En fonction des cibles atteintes, plusieurs fonctions physiologiques peuvent être atteintes comme le système nerveux (Wood et Goulson 2017) puis générer par un effet de cascade des modifications du comportement des individus. Certaines molécules peuvent également induire une réaction de détoxication pouvant générer des dégâts au niveau de l’ADN et des tissus, appelés stress oxydatif qui est généralement neutraliser par un complexe anti-oxydant (Ghasemi et al. 2015). Les pesticides peuvent également affecter le système immunitaire en réponse au stress oxydatif ou par la modulation de la sécrétion de la testostérone (i.e., perturbation endocrinienne) via son effet immunosuppresseur, cette hormone ayant par ailleurs un effet sur l’agressivité des mâles ainsi que sur leur fertilité (Monhanty et al. 2017). Les caroténoïdes sont des molécules antioxydantes d’intérêt dans ce contexte car ils interviennent à la fois au niveau de la fonction immunitaire et des colorations. De ce fait, ils sont au cœur de compromis évolutifs entre la maintenance de l’intégrité de l’organisme (via la limitation du stress oxydatif et le système immunitaire) et l’expression des caractères sexuels secondaires lies à la reproduction via la sélection sexuelle (Moller et al. 2000). Comme les caroténoïdes ne peuvent être acquis que par l’alimentation (Goodwin 1984), les individus capables de monopoliser une ressource riche en caroténoïdes devraient être mieux protégés contre les effets néfastes des pesticides. Pour résumer, les pesticides peuvent impacter les individus du niveau intracellulaire (ADN) jusqu’aux fonctions majeures de l’organisme affaiblissant ainsi grandement la qualité des individus et leur capacité à se défendre vis-à-vis des prédateurs et des parasites évoluant dans leur milieu de vie. L’impact des pesticides sur les relations entre les espèces partageant le même écosystème reste aujourd’hui un champ d’investigation presque totalement ignoré (Christin et al. 2003, Rohr et al. 2008).
Parmi les relations entre les différentes espèces, le parasitisme prend une place majeure dans la vie de n’importe quel être vivant puisque toutes les espèces libres hébergent une communauté de parasites plus ou moins diverses (Poulin et Morand 2000). Les parasites peuvent classiquement se diviser en deux grands groupes. Premièrement, les ectoparasites sont caractérisés par un cycle de vie se déroulant à l’extérieur de leur hôte. Ce dernier sera infecté par contact direct au travers d’interactions avec des conspécifiques ou avec des vecteurs de l’infection (Cupp 1991, Hinkle et Corrigan 2019). Deuxièmement, les endoparasites vont quant à eux rejoindre le milieu interne de l’hôte afin d’y passer l’intégralité de leur cycle de vie et n’en seront extraits que pour infecter d’autres individus via un vecteur ou via sporulation (apparition d’éléments infectieux dans les œufs encapsulés du parasite excrétés par l’hôte) (Valkiunas 2004, Dolnik et al. 2010). De plus, les oiseaux sauvages peuvent transporter des agents pathogènes zoonotiques, soit en tant qu’hôtes réservoirs, soit en propageant des arthropodes vecteurs infectés. Par exemple, les tiques (Acari, Ixodida) sont des ectoparasites très répandus, vivant de l’hématophagie sur différentes espèces. Elles peuvent être responsables de la transmission d’un large éventail d’agents pathogènes zoonotiques, notamment des bactéries telles que Borrelia burgdorferi (l’un des agents responsables de la maladie de Lyme) (Daniels et al. 2003).
La présence de ces parasites engendre de nombreux coûts imposant donc à l’hôte de se défendre contre ces infections. Des barrières comportementales ont été sélectionnées afin de limiter la contamination tel que des comportements de toilettage ou d’épouillage qui permettent de se débarrasser des ectoparasites (Mooring et al. 2004). Ces barrières comportementales étant rarement totalement efficaces, le système immunitaire va prendre le relais pour contrôler l’infection et les coûts associés. Ainsi, les individus pour échapper au coût du parasitisme ont besoin de disposer d’une énergie suffisante pour activer ces différentes barrières de défenses. Les pesticides peuvent donc jouer directement et indirectement un rôle sur la parasitémie des oiseaux et leur allocation de ressources. En effet, des zones où l’utilisation des pesticides est importante pourraient agir comme des zones de dilution ou d’amplification des pathogènes, selon que les pesticides ont des effets positifs ou négatifs sur les vecteurs et les hôtes (Evans et al. 2018). Curieusement à ce jour, aucune étude s’intéresse à comprendre comment la présence de pesticides dans l’agriculture peut altérer ces interactions. En revanche, la modification des interactions hôtes-parasites a été particulièrement bien démontrée dans le contexte de l’urbanisation (Caizergues et al. 2024) nous invitant à prendre à compte la présence de molécules toxiques sur l’évolution des interactions hôtes-parasites dans un contexte agricole. Ce cadre prend d’autant plus de sens que la problématique du lien entre parasite, immunité et santé de l’oiseau peut être transposable à l’humain (concept One Health, une seule santé).
Nos travaux actuels sur l’effet des pesticides comportent un suivi annuel de populations naturelles de passereaux avec une étude du comportement, de la physiologie (système immunitaire, endocrine) et des parasites le long d’un gradient d’agriculture biologique. L’originalité de notre démarche globale est de pouvoir travailler avec une exposition réaliste aux effets cocktails des pesticides. Grâce à une collaboration avec Maurice Millet du laboratoire ICPEES de l’université de Strasbourg, nous avons pu développer une méthode de dosage pour plus d’une centaine de molécules pesticide (Rodrigues et al. 2003), permettant ainsi de quantifier l’exposition des individus dans leur sang, reflétant ainsi une exposition récente (Espin et al. 2016). Nous bénéficions également d’un site d’étude remarquable, la Zone Atelier Plaine et Val de Sèvre (ZA- PVS), sur laquelle nous avons une connaissance fine du mode de pratiques agricoles réalisées (agriculture conventionnelle vs. biologique), nous permettant donc de travailler sur un gradient d’exposition aux pesticides (Bretagnolle et al. 2018).
Ce projet vise donc à analyser l’effet de l’agriculture conventionnelle et des pesticides sur les relations hôte-parasite/zoonose chez les passereaux du milieu rural en liens avec leur système immunitaire, afin de savoir si la présence des pesticides est susceptible de modifier la structure des relations entre les parasites et leurs hôtes. Nous analyserons également les conséquences de ces modifications sur la physiologie des individus et plus largement sur leur santé.

Le contenu de cette offre est la responsabilité de ses auteurs. Pour toute question relative à cette offre en particulier (date, lieu, mode de candidature, etc.), merci de les contacter directement. Un email de contact est disponible: jerome.moreau@univ-lr.fr

Pour toute autre question, vous pouvez contacter sfecodiff@sfecologie.org.