Lucas Marie-Orleach a été récompensée pour la qualité du travail valorisé dans l’article suivant :
Marie-Orleach L, N Vellnow, L Schärer. 2021. The repeatable opportunity for selection differs between pre- and postcopulatory fitness components. Evolution Letters 5 (1), 101-114. DOI: 10.1002/evl3.210
D’abord intéressé par l’étude du comportement animal, c’est au cours de mes études de Master que je me suis intéressé à la biologie évolutive et à la sélection sexuelle. Cette force évolutive omniprésente dans le monde du vivant permet notamment d’expliquer l’évolution de caractères comportementaux, morphologiques, et physiologiques qui ne pourrait l’être par la sélection naturelle. Les bois et les combats des cerfs, ou le plumage des paons en sont des illustres exemples. Après mon Master, je suis parti en Suisse, à l’Université de Bâle, pour y étudier pendant cinq années la sélection sexuelle chez un ver plat hermaphrodite qui répond au nom de Macrostomum lignano. Ce ver permet d’étudier la sélection sexuelle sous un angle unique, et d’apporter ainsi des réponses quantitatives à des questions fondamentales en sélection sexuelle.
Bien que la sélection sexuelle soit reconnue pour intervenir avant et/ou après la copulation, quantifier l’importance relative de la sélection sexuelle pré- et postcopulatoire est difficile pour deux raisons principales. Premièrement, les évènements postcopulatoires sont souvent internes et donc difficiles à observer. Deuxièmement, les mesures existantes de la force de sélection basées sur les traits phénotypiques sont trop restrictives (i.e., ne renseigne uniquement sur la force de sélection sur les traits mesurés), et celles basées sur la variance du succès reproducteur sont trop inclusives (i.e., inclut une part de variance dues à des variations aléatoires).
Dans cet article, nous avons quantifié la sélection mâle pré- et postcopulatoire chez M. lignano, naturellement transparent et chez qui des individus de lignées modifiées génétiquement expriment une protéine verte fluorescente (GFP), notamment dans leurs spermatozoïdes. Ces vers permettent donc de compter in vivo les spermatozoïdes stockés dans le réceptacle femelle, de discriminer les donneurs, et d’analyser la paternité des descendants qui en résulte. Ainsi, nous avons décomposé le succès reproducteur mâle en son succès à copuler (i.e., nombre de copulation), à transférer des spermatozoïdes à ses partenaires (i.e., nombre de spermatozoïdes transférés par copulation), à féconder les ovocytes de ses partenaires (i.e., nombre d’ovocytes fécondés par spermatozoïdes), et les nombres de descendants pondus par les partenaires. Pour estimer la force de sélection issue de ces composantes de fitness, nous avons successivement placé des individus focaux (n=150) dans trois groupes indépendants, constitués de quatre partenaires, et mesuré pour chacune de ces quatre composantes de fitness la part de variance répétable entre groupe (i.e., déterministe – sur laquelle la sélection peut agir) et non-répétable (i.e., aléatoire – sur laquelle la sélection ne peut pas agir).
Les résultats montrent que la part déterministe (que nous appelons repeatable opportunity for selection) est supérieure dans les composantes de fitness postcopulatoire (transfert de spermatozoïdes et fécondation des ovocytes) que précopulatoire (copulation). Ces résultats montrent donc que, bien que généralement cryptique, une forte pression de sélection peut intervenir après la copulation. Cette étude montre par ailleurs que les mesures de succès reproducteur peuvent être fortement influencées par des variations aléatoires, pouvant être quantifiées et exclues pour mieux estimer la force de sélection. La prochaine étape serait de dissocier les effets génétiques et environnementaux dans les parts déterministes des variances du succès reproducteur le long des épisodes de sélection pré et postcopulatoire.
Je remercie bien évidemment la SFE² de m’avoir décerné le prix jeune chercheur 2021, les co-auteurs de cet article–Lukas Schärer et Nikolas Vellnow–ainsi que toutes les personnes rencontrées pendant mon parcours académique, à Bâle, St-Andrews et Rennes.
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