La SFE² est signataire, aux côtés de 21 autres sociétés, de la Tribune du Monde du 11/12/2018 demandant le retrait de l’augmentation des droits d’inscription pour les étudiants étrangers.
Note: Un texte a circulé au sein des Universités listant un certain nombre de conditions et d’exceptions pour prétendre à la non-augmentation des frais. Dossier toujours en cours.
« Nous, sociétés savantes et associations professionnelles, au nom de toutes les disciplines scientifiques et des mondes académiques que nous représentons, manifestons notre opposition à la mesure de hausse des droits d’inscription à l’université pour les étudiants étrangers « non communautaires », annoncée par le premier ministre Edouard Philippe le 19 novembre, sans concertation préalable avec la communauté académique.
Pour ces étudiants et étudiantes extracommunautaires, les droits d’inscription vont passer de 170 euros à 2 770 euros par an en licence et de 243 et 380 euros à 3 770 euros par an en master et doctorat. La réforme est loin d’être anecdotique : 260 000 étudiants et étudiantes hors Union européenne viennent chaque année rejoindre les bancs des amphithéâtres français.
Avec cette annonce, c’est ainsi une nouvelle page de l’histoire de l’enseignement supérieur qui est en train de s’écrire, dans laquelle les principes fondamentaux d’égalité d’accès au savoir sont remis en question. Des effets sur la venue pour études en France de ces étudiants et étudiantes sont à prévoir, qui toucheront d’abord les plus démunis, issus de pays en développement qui ne peuvent pas les soutenir suffisamment. L’accès au savoir doit être libre et sans frontières, et ne doit pas être réservé à celles et ceux qui peuvent payer plusieurs milliers d’euros de frais annuels pour apprendre et faire de la recherche.
Cette mesure, discriminatoire et injuste, répondra-t-elle à l’ambition affichée par le gouvernement d’accroître l’attractivité de l’enseignement supérieur français ? La Cour des comptes a fait état de résultats contrastés lors de l’instauration de droits d’inscription différenciés pour les étudiants et étudiantes étrangers extracommunautaires dans d’autres pays et souligne la possibilité d’un effet d’éviction. Comme elle le fait remarquer, la réforme pourrait finalement avoir un effet mineur sur les recettes, mais risque de réduire de manière significative la diversité des profils dans le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche français, nous privant ainsi d’une richesse d’échanges et de liens nécessaires à la constitution de nos savoirs.
La coopération universitaire en danger
L’ironie de ce projet est qu’il touchera particulièrement les étudiants et étudiantes de la francophonie, en premier lieu ceux qui sont originaires du continent africain dans son ensemble (ils sont 150 000 actuellement en France), mettant ainsi en danger notre politique de coopération universitaire qui a fait de cet espace l’un des piliers de l’internationalisation de l’enseignement supérieur et de la recherche français au cours de ces dernières années.
Adopter ce décret, c’est donc aussi compromettre l’avenir de nos relations scientifiques avec cette région en plein essor, puisque les étudiants et étudiantes d’aujourd’hui seront les scientifiques de demain, dans et hors le monde académique. C’est enfin menacer très gravement le développement de la francophonie comme espace de communication et de savoir partagés.
Depuis le Moyen Age, la France a accueilli dans ses universités celles et ceux qui venaient y chercher le savoir et la culture. Les défis du monde contemporain et de la planète exigent encore plus qu’autrefois l’échange international des connaissances scientifiques. Ils nous enjoignent aussi de ne pas soumettre davantage la recherche à la logique de la concurrence, et à celle des frontières et des « défenses d’entrée » de tous ordres.
Nous considérons ainsi que l’instauration de droits d’inscription différenciés aura un effet globalement négatif pour la France et la francophonie, et demandons solennellement son retrait. Nous appelons à une réflexion incluant les acteurs du monde académique sur la stratégie générale de l’Etat en ce qui concerne l’avenir et le financement du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche qui, selon le code de l’éducation, « doit assurer à toutes celles et à tous ceux qui en ont la volonté et la capacité l’accès aux formes les plus élevées de la culture et de la recherche, sans distinction d’origine et de milieu social ».
Liste des signataires : Sébastien Barot, Société française d’écologie et d’évolution ; Olivier Berné, Société française d’astronomie et d’astrophysique ; Anne Boyé, association Femmes et mathématiques ; Laure Carbonnel, Association française d’ethnologie et d’anthropologie ; Muriel Darmon, Association française de sociologie ; Bruno Dubois, Société française de neurologie ; Emmanuel Fureix, Société d’histoire de la Révolution de 1848 et des révolutions du XIXe siècle ; Matthieu Hély, Association des sociologues enseignants du supérieur ; Thierry Horsin, Société de mathématiques appliquées et industrielles ; Florence Jany-Catrice, Association française d’économie politique ; Lydia Kerkerian-Le Goff, Société des neurosciences ; Antoine Le Blanc, Comité national français de géographie ; Patrick Lemaire, Société française de biologie du développement ; Corine Maitte, Association française d’histoire des mondes du travail ; Barbara Morovich, Association française des anthropologues ; Evelyne Nakache, association Femmes & sciences ; Annie Raoult, Centre international de mathématiques pures et appliquées ; Stéphane Seuret, Société mathématique de France ; Andy Smith, Association française de science politique ; Clément Thibaud, Association des historiens contemporanéistes de l’enseignement supérieur et de la recherche ; Raphaël Trouillet, Société française de psychologie ; Dominique Valérian, Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public.
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