Pour débuter cette année 2012, la Société Française d’Ecologie (SFE) vous propose le regard de Jacques Tassin, chercheur au CIRAD, sur les échelles d’étude de la biodiversité.
MERCI DE PARTICIPER à ces regards et débats sur la biodiversité en postant vos commentaires après cet article. Les auteurs vous répondront et une synthèse des contributions sera ajoutée après chaque article.
Faut-il monter aux échelles
pour mieux voir les fleurs ?
Jacques Tassin
CIRAD, UR BSEF, Montpellier
Regard R26, édité par Anne Teyssèdre
(Fichier PDF)
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Mots clés : échelles, biogéographie, diversité locale, diversité globale, espèces invasives, relation homme-nature, changements globaux.
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Lorsqu’aux Feuillantines, Madame Hugo raisonnait ses deux fils, leur disant : « jouez mais je défends qu’on marche dans les fleurs et qu’on monte aux échelles », je veux croire qu’elle se révélait visionnaire… C’est que pour l’écologue que je suis, le rapport entre les fleurs et les échelles n’est pas si lointain.
Comme Abel et Victor, et comme chaque écologue, je n’ai pas obéi à ma mère et suis monté aux échelles. D’abord, pour mieux voir les fleurs, sans doute, mais probablement plus encore pour découvrir le grenier, admirer le jardin, espionner la rue voisine, et pourquoi pas, apercevoir les collines voisines ou, plus loin même, deviner la plaine du Loir. J’ai cependant découvert, au terme de mon ascension, que les barreaux dont sont munies les échelles nous élèvent souvent mais nous malmènent aussi quelquefois.
Les points de vue culturels dépendent des échelles auxquelles on se réfère
La première de mes échelles, ce furent mes deux jambes. Depuis que j’ai appris la marche, elles m’ont uni au monde tangible : « plaines, forêts, rochers, vallons, fleuve argenté » pour ne citer qu’eux. Un monde fait de diversité locale ou « alpha-diversité », m’enseignera-t-on plus tard, en prise directe avec mes sens, mon vécu quotidien. Par la suite, j’ai pédalé vers d’autres paysages puis, devenu adulte, j’ai rejoint d’autres pays en prenant l’avion. La mémoire et quelques lectures aidant, j’ai acquis une représentation mentale de la diversité globale ou « gamma-diversité », si vaste et étendue qu’on ne peut l’embrasser du seul regard… Du plus haut de mon échelle, j’ai ainsi découvert la biogéographie, merveilleuse de mondes lointains où j’ai eu la chance de me rendre parfois. Si j’avais creusé vers le bas, mettant à jour des barreaux plus obscurs, j’aurais également pu découvrir le vertige génétique, mais le destin ne m’y a pas convié.
Comme chacun, l’homme que je suis devenu s’est forgé un regard qui sait s’ajuster, presque instantanément et par sauts brutaux, à l’étendue qu’il envisage. Ce qui à mes yeux vaut pour une fleur ou un oiseau ne vaut plus nécessairement pour un paysage, une région, ou un biome. Je saute à chaque fois de référentiel culturel. Mes propres valeurs basculent d’une échelle à l’autre. Je ne crois pas être différent de mes semblables sur ce point : mes points de vue culturels dépendent des échelles auxquelles je me réfère.
Le domaine des « plantes invasives » illustre à merveille, me semble-t-il, cet ajustement mental et culturel permanent qui opère à mesure que l’on gravit ou descend les échelles. Ainsi, mon jardin est empli de plantes introduites que j’entretiens, que j’arrose, et que j’aime voir croître et fleurir. Que j’en sorte cependant pour arpenter un peu la garrigue voisine, et je ne puis alors m’empêcher de distinguer les exotiques des indigènes. Une distinction purement culturelle, qui ne repose sur aucun fondement biologique (Thompson et al., 1995). Pas plus qu’aucun autre, je n’ai donc échappé à l’apprentissage de seuils spatio-temporels qui séparent ainsi la représentation du vivant en parties distinctes (Warren, 2007). Des seuils que, précisément, l’on doit à notre irrépressible manie de gravir les échelles ! Immanquablement, les regards que je porte sur mon jardin, son paysage environnant, ou même la région qui m’entoure, éveillent en moi des valeurs différentes. Je pense l’un et l’autre séparément.
Prendre de la hauteur au risque de perdre de vue son propre regard
On m’a enseigné, et j’ai longtemps consenti à le croire, que les plantes invasives entrainaient la « banalisation » du vivant, voire sa pernicieuse « macdonaldisation ». Les coquelicots eux-mêmes, trop orientaux, devenaient de médiocres tâches de ketchup n’égayant plus les champs. L’on m’apprit également que les espèces invasives ne faisaient pas partie de la biodiversité, que le vivant faisait lui-même la part des choses entre exotiques et indigènes, qu’une dispersion naturelle et qu’une introduction opérée par l’homme différaient totalement l’une de l’autre, que les propriétés émergentes de la diversité avaient choisi le camp des indigènes, que le déclin de la gamma-diversité était fortement fâcheux, etc.
J’ai ainsi quitté le domaine du tangible pour rejoindre celui du concept, croyant à tort que les deux relevaient d’un même continuum. J’ai ainsi fait mien ce regard lointain que l’on se forge en fréquentant le très haut des échelles de représentation du vivant. En vérité, j’ai tout autant cru que l’objectivité était une propriété inhérente de l’écologie scientifique, que je supposais parfaitement étanche à nos représentations culturelles. Il me semblait ainsi que l’on gagnait en clairvoyance lorsqu’en se hissant aux plus hautes échelles, l’on prenait ainsi « de la hauteur ».
Et puis le doute s’est quand même lentement installé… Pour avoir longtemps vadrouillé dans les îles de l’océan Indien et du Pacifique, j’ai constaté que les récifs coralliens présentaient beaucoup d’espèces communes sous tous les tropiques. Cela ne semblait au demeurant ni contrevenir à la nature, ni choquer qui que ce fût. Au fil de mes lectures, j’ai en outre découvert que la vision holiste des systèmes écologiques n’allait pas nécessairement de soi, mais demeurait bien une construction mentale, d’autant plus élaborée que les systèmes en question étaient eux-mêmes globaux (Blandin, 2007).
Parallèlement, j’ai donc appris à me méfier des échelles les plus globales, certes semble-t-il pertinentes dans le discours politique (encore que…), mais du haut desquelles tout échappe à nos sens, et parfois même à notre bon sens. C’est ainsi que je me suis demandé si les forêts tropicales n’étaient vraiment plus aujourd’hui composées que de carbone… J’ai également douté que la nature pût elle-même éprouver la nostalgie d’un âge d’or datant d’avant la « transgression » de ses frontières biogéographiques par les introductions d’espèces.
Certes, au fil du doute, ma vision du vivant n’a pas toujours gagné en clarté. Naviguer entre nature et cultures est en effet bien difficile tant l’une et l’autre s’entrelacent et se recomposent incessamment, dans ce monde en perpétuel changement. J’essaie donc de me réapproprier mon propre regard, de le décontaminer de valeurs ou de références auxquelles j’avais cru devoir consentir, mais dont j’ai par la suite découvert les écueils. La tache reste cependant impossible. Mon regard m’échappe, demeure puissamment façonné par les valeurs propres à mon environnement socio-culturel, sans même que je n’en aie conscience. La globalité est aujourd’hui partout présente, écrasante, et a profondément pénétré notre pensée occidentale.
Le global est paradoxalement réducteur
Du moins ai-je acquis la conviction que les échelles sont assurément des jeux bien dangereux pour les enfants, qu’ils soient petits… ou grands. En nous éloignant de nos échelles locales de représentation de la nature, nous en perdons la réalité intrinsèque pour céder à une perception beaucoup plus acosmique (pardon pour ce terme pompeux, mais juste), néanmoins trompeuse. Qu’on y songe seulement ! Les invasions biologiques sont devenues un objet d’étude qui, à l’image du changement climatique, ne semble plus devoir s’envisager aujourd’hui qu’à des échelles très éloignées du local (Nuñez et Pauchard, 2009).
Que l’on se réfère à l’article 8(h) de la Convention sur la Diversité Biologique (CBD, 1992) – les Etats Parties prenantes de cet accord international s’engagent à prévenir l’introduction, contrôler ou éradiquer les espèces exotiques qui menacent les écosystèmes, les habitats ou les espèces natives (cf http://www.cbd.int/convention/text/) -, et voilà ces mêmes invasions biologiques aussitôt rendues hors de portée de notre regard, soustraites à l’emprise de nos sens, et de ce fait anxiogènes. Car penser les invasions biologiques à l’échelle planétaire, c’est aussi instruire la peur de voir se modifier « l’ordre naturel » de la distribution du vivant. Pourtant, les années passant, l’on ne cesse de confirmer que les invasions globales demeurent avant tout « contexto-dépendantes » (voir par exemple la toute récente méta-analyse de Vilà et al., 2011).
Passer des échelles les plus locales aux plus globales conduit à une représentation non éprouvée, non vécue et donc non partagée. Comme le changement climatique et ses modèles de prédiction se sont désormais confondus autant que « dé-spatialisés », la nature (ou plutôt ce qu’il en reste, désormais enfouie sous les concepts dévorants de développement durable et de biodiversité) est à son tour devenue de plus en plus globale et, ce faisant, de plus en plus insaisissable.
Pourtant, la mise en perspective locale de n’importe quelle réalité biophysique fait toujours apparaître des situations diverses et nuancées, inhérentes aux combinaisons des processus écologiques en jeu, mais aussi et surtout, aux modes de perception des divers groupes sociaux en présence. Paradoxalement, le global est on ne peut plus réducteur. Il parvient cependant à s’imposer pour des raisons, d’évidence, politiques, bien davantage que scientifiques.
Que conclure de cela ? Il n’y a pas de raison pour que la nature ne soit pas envisagée à tous les niveaux, du plus local au plus global, et il faut bien pour ce faire monter parfois aux échelles, aussi bien pour étendre notre regard que pour éteindre plus efficacement le feu lorsque « la maison brûle ». La nécessité d’action concertée et collective en faveur de la « préservation de la nature » nous contraint souvent, pour des raisons de gestion et de gouvernance, au changement d’échelles, des plus locales aux plus globales. Mais gare à la chute ! Qu’est en effet aujourd’hui devenu notre regard sur la nature ? Ne se serait-il pas lui-même… dénaturé ? Si, responsabilité citoyenne oblige, l’écologue ne peut plus se contenter de « cultiver son jardin » mais doit, a minima, jeter de temps en temps un œil par-dessus la haie, juché sur son escabeau, du moins doit-il alors se méfier de l’ivresse des sommets.
Au bout du compte, pour paraphraser à nouveau Victor Hugo, on pourrait conclure que prendre de la hauteur n’est bon que pour mieux voir où l’on met les pieds. Il s’agit bien, de temps à autre, de redescendre de l’échelle, et d’éviter tout simplement de « marcher dans les fleurs ».
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Bibliographie :
Blandin P., 2007. L’écosystème existe-t-il ? Le tout et la partie en écologie. In Le tout et les parties dans les systèmes naturels (ed T. Martin). p. 21-46, Paris, Vuibert.
Convention on Biological Diversity (CBD), 1992 : http://www.cbd.int/convention/
Nuñez M. A. & A. Pauchard, 2009. Biological invasions in developing and developed countries: does one model fit all? Biological invasions 12: 707-714.
Thompson K., Hodgson J. G., & C.G. Rich, 1995. Native and alien plants: more of the same ? Ecography 18: 390-402.
Vilà M. et al., 2011. Ecological impacts of invasive alien plants: a meta-analysis of their effects on species, communities and ecosystems. Ecology Letters (sous presse).
Warren C. R., 2007. Perspectives on the ‘alien’ versus ‘native’ species debate: a critique of concepts, language and practice. Progress in Human Geography 31(4): 427-446.
Pour en savoir plus (en français) :
Barbault R. et A. Teyssèdre, 2009. ‘La victime était le coupable’ (Invasions biologiques et bouleversement des écosystèmes). Dossier Pour La Science n°65, octobre 2009, pp. 56-61.
Clavel J., 2011. L’homogénéisation biotique, une réponse aux changements globaux. Regards et débats sur la biodiversité, SFE, Regard n°16, avril 2011. (https://sfecologie.org/regards/2011/04/18/r16-j-clavel/ )
Julliard R., 2010. Regards sur une perruche. Regards et débats sur la biodiversité, SFE. Regard n°2, octobre 2010. (https://sfecologie.org/regards/2010/09/25/regards-2-julliard/)
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Article édité par Anne Teyssèdre
Ce regard de Jacques Tassin reprend le débat « Nature-Culture » suscité par l’article de Romain Julliard et Fred Jiguet (regard n°22) sur les impacts du changement climatique sur la biodiversité, en ligne sur cette plateforme (https://sfecologie.org/regards/2011/10/11/r22-biodiversite-rechauffement-climatique/).
Pour ma part, je ne pense pas que la nature approchée à l’échelle globale soit de plus en plus insaisissable au plan scientifique, que la préservation de la biodiversité suggère une croyance dans un certain ordre naturel parfait du vivant, ou que les réponses des sociétés aux changements de biodiversité observés à vaste échelle spatiale (en réponse à l’intensification des activités humaines) ne peuvent être que des choix socioculturels sans fondement scientifique.
L’homogénéisation biotique en cours s’accompagne non seulement du déclin généralisé des espèces spécialistes de leur habitat ou de faible tolérance thermique – c-à-d. d’une large fraction des espèces de plantes et d’animaux à l’échelle mondiale -, mais aussi au plan fonctionnel de la désynchronisation et désorganisation des réseaux d’espèces composant les écosystèmes, de l’érosion de nombreuses fonctions de régulation de ces écosystèmes (ex : purification de l’eau, de l’air, modération des canicules et sécheresse..), dont bénéficient notamment les humains, de cascades trophiques causées par la perte ou l’introduction d’espèces structurantes ou « clés de vôute », d’une perte de résilience de nombreux écosystèmes et du basculement de certains vers d’autres régimes de fonctionnement, souvent défavorables aux niveaux trophiques supérieurs (dont les humains).
Les enjeux de ces changements globaux de biodiversité sont donc bien plus que culturels ! Je pense que les réponses des sociétés à ces changements doivent nécessairement s’appuyer sur une exploration scientifique de la dynamique des composantes de la biodiversité et du fonctionnement des socio-écosystèmes aux échelles régionale et mondiale.
Ce commentaire d’Anne Teyssèdre porte sur deux interrogations que pointe en particulier mon texte : la justification scientifique d’aborder l’écologie aux plus larges échelles spatiales, et les conséquences de l’homogénéisation biotique.
S’agissant du premier point, il me semble qu’il n’existe pas de processus biologiques de régulation ou d’interaction opérant aux très larges échelles, à l’exception des déplacements d’individus ou de populations à grande distance, réguliers ou aléatoires, qui conduisent effectivement à connecter des points géographiques très éloignés. A ces échelles, et en dehors de cette exception, peut-être de quelques autres encore, les modèles de représentation de la diversité biologique se substituent aux réalités tangibles et finissent par fusionner dans nos esprits au point de s’y confondre. Ce n’est certes pas uniquement une question de culture, et ces modèles envisageant le vivant selon de très vastes échelles spatiales sont bien, à n’en pas douter, des constructions scientifiques. En revanche, le flot du vivant et son interaction avec le « milieu », ne procèdent pas pour autant, pour l’essentiel me semble-t-il, à de telles échelles.
Pour ces mêmes raisons, l’homogénéisation biotique, qui vise implicitement l’introduction d’espèces à large répartition et la disparition d’espèces indigènes, voire endémiques, et dont les indices de mesure sont d’autant plus élevés que les échelles spatiales d’investigation le sont aussi, ne me semble pas devoir nécessairement représenter un péril pour le vivant. Les réseaux d’interaction entre espèces ne sont-ils pas en perpétuel réajustement ? Tout au long de la colonisation d’une île océanique vraie (ex : La Réunion) par des espèces animales ou végétales, les assemblages d’espèces ne cessent-ils pas ainsi de se recomposer, sans que cela ne se traduise inévitablement par des catastrophes ? En outre, la question de la perte de résilience d’un écosystème et du déclin de ses services de régulation sous l’effet d’une recomposition des assemblages d’espèces demeure une hypothèse générale qu’il reste à tester. Après tout, pourquoi ne pas considérer, en retour, que les espèces invasives puissent accroître la résilience de certains écosystèmes ? L’observation de paysages escarpés dont l’érosion a été freinée par des invasions de plantes, pour ne prendre que cet exemple, invite à ne pas devoir rejeter d’emblée ce renversement d’hypothèse.
En filigrane de mon « regard » domine l’idée que la science ne peut prétendre à la neutralité absolue et ne peut faire l’abstraction de réalités culturelles, tout simplement parce qu’elle est menée par des hommes et des femmes. Dissocier ces deux composantes, c’est concourir aux visions duales du monde qui nous empêchent si souvent de progresser. Je pense vraiment qu’il nous faut accepter qu’au sens de Bruno Latour, la biodiversité et les invasions biologiques sont des concepts hybrides, associant nature et culture, mais aussi que ces mêmes concepts diffèrent avec les échelles de notre regard.
Ce dernier commentaire soulève chez moi une interrogation.
En effet, le grand public (moi en l’occurrence, encore que je fasse des études d’écologie), entend souvent parler des invasions biologiques en des termes semblables à ceux du commentaire d’Anne Teyssèdre: perte de biodiversité, donc perte de résilience des écosystèmes, épidémies… Meilleur exemple en date: l’écrevisse de Louisiane. Cet exemple, c’est un peu l’ours blanc du réchauffement climatique, avec la vision caricaturale qui va avec.
Ensuite, il y a des situations plus subtiles dont on n’entend pas forcément parler: on a un temps entendu parler de Caulerpa taxifolia comme une calamité, mais il semblerait que les populations diminuent bien que cela reste à confirmer à long terme ( » Tela Botanica [Caulerpe, l’algue invasive, disparaît mystérieusement (…) Ce retournement de situation inespéré est toutefois à accueillir avec prudence… ] brève du jeudi 8 septembre 2011 « ).
Enfin, d’après Jacques Tassin, les espèces invasives seraient une composante de plus dans le réajustement perpétuel des équilibres dynamiques que sont les écosystèmes, et certaines espèces permettraient même d’augmenter la résilience des-dits écosystèmes (capacité à récupérer un fonctionnement normal après avoir subi une perturbation) .
Il semblerait donc que les populations invasives ne bénéficient pas du même statut selon les espèces représentées, ou selon les acteurs qui en parlent (politiques, scientifiques, personne lambda…). Cela est-il un débat qui émerge à peine, et où en sommes-nous exactement de la gestion des espèces invasives ? Est-elle aussi caricaturale que la définition donnée au grand public ?
Je vous remercie, et je m’excuse d’avoir peut-être schématisé ou mal compris vos propos.
Réponse à Arnaud : Désolée, mais il y a un malentendu sur mon commentaire ci-dessus, qui poursuivait un débat entamé sur un autre regard (n°22, sur les impacts du changement climatique puis sur les réponses des sociétés aux changements globaux..).
Je ne suis pas du tout une pourfendeuse d’alien, loin de là ! Depuis des années, les recherches en écologie et biogéographie montrent que, hors des écosystèmes isolés (comme les îles océaniques), les invasions d’espèces résultent de la perturbation croissante des habitats et du bouleversement des écosystèmes par les humains : elles sont donc bien souvent la conséquence et non la cause de ces bouleversements. Voir par exemple l’article de Teyssèdre et Barbault paru dans Pour la Science n°376 de février 2009, ou celui de Barbault et Teyssèdre cité ci-dessus, publié dans le Dossier n°65 de Pour la Science consacré aux invasions biologiques, et les références associées. Ce dossier présente bien sûr d’autres approches sur le sujet.
Je suis donc bien d’accord avec Jacques T. pour dédramatiser les invasions d’espèces, ou pour dédiaboliser les « espèces invasives », qui ne sont bien souvent que des espèces opportunistes en expansion à l’échelle régionale voire mondiale du fait de la modification en cours des écosystèmes (dont souffrent les espèces spécialistes des habitats peu anthropisés, en déclin à l’échelle mondiale). Le regard n°16 de Joanne Clavel sur cette plateforme explore les tenants et aboutissants de l’homogénéisation biotique.
Ce qui me semble moins évident de relativiser, et que je voulais souligner dans mon commentaire ci-dessus, c’est l’impact global des activités humaines et donc des changements globaux sur la biodiversité (voir par ex. les regards 1, 4, 16 et 22 sur cette plateforme, et d’autres regards à venir sur ce thème). Pour réduire cet impact, il me semble clair que les sociétés doivent en prendre la mesure et en comprendre les mécanismes et les enjeux, en explorant notamment le fonctionnement des socio-écosystèmes, pour y réagir par des politiques et actions adaptées – fondées en bonne part sur ces connaissances (scientifiques) et non pas seulement sur des préférences culturelles.