La Société Française d’Ecologie et d’Evolution (SFE2) vous propose ce Regard-essai de Philippe Jarne, Directeur de Recherche au Centre d’Ecologie Evolutive et Fonctionnelle (CEFE, Montpellier) et Grand Prix de la SFE2 en 2020, sur la frontière entre écologie et évolution.

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A la frontière entre écologie et évolution

Philippe Jarne

Directeur de Recherche au Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive, CNRS-Univ Montpellier-IRD-EPHE,1919 route de Mende, 34293 Montpellier cedex 5, France, (philippe.jarne@cefe.cnrs.fr )     Grand Prix SFE2 2020

Regard RO18

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Mots-clés : dynamique de la biodiversité, boucles éco-évolutives, rapprochement écologie-évolution

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Introduction

The theory of evolution by natural selection is an ecological theory – founded on ecological observation by perhaps the greatest of all ecologists (Harper, 1967).

« À la frontière entre écologie et évolution » – tout parait curieux dans ce titre. Écologie et évolution, sciences de la biodiversité[1], mais l’écologie* est une science ou un ensemble de sciences, et l’évolution*, une théorie ou un processus historique (cf. Glossaire). Pourquoi associer une science et une théorie ? Et il y aurait une frontière entre les deux, alors même qu’elles sont si souvent associées, ne serait-ce que depuis peu dans le nom SFE2 (Société Française d’Ecologie et d’Evolution)[2], ou dans celui de formations, laboratoires ou départements universitaires ? Une telle question eu probablement parue étrange à Charles Darwin, évolutionniste et écologue s’il en est. Mais de fait, écologie et évolution se sont lentement séparées dès la fin du 19e siècle pour former des champs d’étude distincts, globalement peu connectés.

On assiste cependant depuis une vingtaine d’années à des tentatives explicites de rapprochement, et des termes tels que « dynamique éco-évolutive » ou « boucle éco-évolutive » ont fait florès (Vellend, 2016 ; Hendry, 2017), à tel point qu’on en arrive à se demander si toute étude d’écologie ou d’évolution n’est pas éco-évolutive (i.e. quand un changement écologique entraine un changement évolutif qui va, à son tour, affecter les interactions écologiques). Je défendrai ici l’idée que ce n’est pas le cas, mais qu’on peut effectivement affirmer qu’une partie des études sont réellement éco-évolutives, et qu’il est nécessaire d’élargir cette zone d’hybridation pour comprendre la dynamique de la biodiversité en général, et pour en prédire les trajectoires futures en particulier.

[1] J’entends biodiversité au sens actuel du terme, incorporant les entités vivantes et leurs environnements.

[2] Les regards de la SFE2 ont largement porté sur des thèmes écologiques ou évolutifs, voire éco-évolutifs, mais le sujet des interactions entre écologie et évolution n’a pas été traité directement.

Un (tout petit) peu d’histoire…

La séparation, ou la distinction, entre écologie et évolution est un sujet de réflexion depuis un siècle. La structuration de la « nouvelle synthèse évolutive » dans les années 1930-1940, sous l’impulsion de théoriciens tels que R. Fisher ou S. Wright, et d’empiristes tels que T. Dobzhansky ou E. Mayr (voir par ex. Gayon, 1992), n’y est probablement pas étrangère, pas plus d’ailleurs que celle de bases conceptuelles pour l’écologie à la même époque, sous l’impulsion de personnalités telles que H. Gleason ou F.E. Clements (aux positions assez opposées).

Cette dynamique séparatiste [possiblement caractéristique de sciences en construction ou consolidation] n’a pas échappé aux protagonistes des deux camps, et a donné lieu à des tentatives récurrentes de rapprochement (Futuyma, 1986 ; Huneman, 2019). Par exemple, on peut citer l’ouvrage classique Principles of Animal Ecology de W.C. Allee et al. (1949) qui consacre une partie conséquente à cette nouvelle synthèse évolutive, mais il s’agit plus d’une tentative « d’acclimatation » de la nouvelle synthèse, pour reprendre l’expression de Huneman (2019), fortement marquée par la proximité entre C. Allee et S. Wright (tous deux professeurs à l’Université de Chicago), que d’une réelle tentative de considérer écologie et évolution dans une vision fusionnelle.

Comme cheminement inverse, de l’évolution vers l’écologie, on peut considérer la génétique écologique dont le tenant le plus connu est E.B. Ford, ou l’écologie évolutive qui apparait dans les années 1950 et met l’emphase sur les traits de vie et leur lien avec la démographie des populations (Huneman, 2017). Cependant, dans les deux cas, on peut se demander si l’environnement n’est guère plus qu’une « tapisserie » (ou une trame de fond) dont la structure et le fonctionnement n’ont pas une importance fondamentale.

Des figures marquantes des années 1960-70, telles que R. McArthur, R. Levins, R. Lewontin ou E.O. Wilson, ont aussi mené des tentatives de réflexions synthétiques et de construction d’une trame conceptuelle dans laquelle des modèles simples peuvent jouer un rôle de support dans la compréhension de processus éco-évolutifs, des individus aux communautés biologiques. En pratique, ces tentatives n’ont guère changé les programmes de travail en écologie et en évolution, et les communautés scientifiques sont restées très cloisonnées dans la période 1970 à 2000. On peut cependant noter quelques succès, tels que la prise en compte explicite de la démographie en biologie évolutive (par ex. Charlesworth, 1980), ou des modèles prenant en compte simultanément des dynamiques d’espèces et de matières et leurs conséquences évolutives (par ex. Loreau, 2010). Une trame évolutive forme aussi la base d’explication de la complexité de la biodiversité dans les écrits d’éminents écologues (Levin, 2000).

Figure 1 : Schéma simplifié de l’impact décroissant de la théorie de l’évolution (triangle rouge) dans les études considérant des niveaux croissants d’intégration du vivant (triangle bleu), en allant des gènes (génétique des populations) aux écosystèmes (écologie des écosystèmes). Le triangle bleu pourrait aussi être un indicateur de l’espace, avec des échelles spatiales de plus en plus vastes (en général) vers le bas de la figure.

… et des définitions

J’ai parlé jusqu’ici d’écologie et évolution sans vraiment les définir (au delà des définitions basiques du glossaire), si ce n’est qu’elles sont au cœur des sciences de la biodiversité. On n’en a pas non plus dressé les « frontières ». Commençons par un point central : écologie et évolution s’intéressent à la dynamique de la biodiversité, incluant l’ensemble du vivant, aux forces et processus qui l’animent, à la reconstruction de son histoire et à la projection de son futur. Je retiendrais cependant ici une distinction, certes quelque peu artificielle, en trois vastes champs de travail dans une vision en partie hiérarchique du vivant, la biologie des populations (incluant la génétique), l’écologie des communautés et l’écologie des écosystèmes. (Figure 1).

A grands traits, on peut dire que la biologie des populations s’intéresse aux processus évolutifs et écologiques, du niveau de l’individu (génotype et phénotype) à celui de l’espèce. L’écologie des communautés se focalise plutôt sur l’assemblage et la dynamique des communautés, et c’est l’espèce qui joue le rôle central. Enfin, l’écologie des écosystèmes s’intéresse à la relation entre espèces et environnement, et peut-être plus encore à la dynamique environnementale, aux flux de matière et d’énergie dans les écosystèmes.

De la biologie des populations à l’écologie des écosystèmes, on va donc d’une perspective où la pensée évolutive (et la diversité intraspécifique) joue un rôle majeur à une perspective où l’écologie la domine, avec une entrée biologique centrée sur l’espèce, voire sur la communauté (Figure 1). J’insiste sur le fait qu’il s’agit d’une vision caricaturale, qui change rapidement vers une plus grande intégration, en particulier pour prendre en compte les crises écologiques actuelles. On peut aussi noter que la démographie n’a pas été mentionnée dans ces définitions. Or elle joue un rôle central dans la compétition, intra- ou interspécifique, et donc dans les processus écologiques et évolutifs, à tous les niveaux de la Figure 1. On va essayer d’avoir une approche plus nuancée dans ce qui suit, en exposant ce qui sépare et ce qui rapproche, avant d’identifier ce qui est vraiment éco-évolutif.

Ce qui sépare, ce qui rapproche

Mettre en évidence clairement ce qui sépare et rapproche écologie et évolution en termes de concepts, d’idées, d’approches … n’est pas toujours simple car, comme souvent quand on a à faire à sœurs et frères, ce qui fait divergence peut aussi être un point commun, d’autant plus que divergences et recouvrements ont pu évoluer dans le temps. Je m’en tiendrai à quelques aspects qui me semblent majeurs, proposant donc une vision partielle.

La nature de la diversité

Comme mentionné ci-dessus, écologie et évolution s’intéressent au même objet, la biodiversité ; ce qui signifie que la notion de variation, du génotype à l’écosystème, joue un rôle central, parce qu’elle est le carburant de la dynamique des systèmes écologiques – variation écologique, variation évolutive. Une telle variation joue un rôle bien moindre dans les autres secteurs de la biologie, et encore moins en physique, ce qui confère d’ailleurs un statut épistémologique particulier aux sciences de la biodiversité. Bien entendu, l’emphase ne porte pas sur la même diversité, du génotype pour le généticien jusqu’à la chaine trophique pour l’écosystémicien ; le premier, en se centrant sur une espèce, se passera volontiers des relations interspécifiques, alors que la diversité intraspécifique n’est pas centrale en écologie des communautés ou des écosystèmes.

Depuis une vingtaine d’années, on assiste cependant à une volonté forte de rapprochement qui prend différentes formes. Si on regarde du côté de l’évolution, un nombre croissant de programmes de recherche se développe en conditions naturelles pour prendre en compte pleinement la variation environnementale, tout en restant cependant souvent centrés sur une espèce (Hendry, 2017). Du côté de l’écologie, le développement de travaux visant à comprendre la relation entre diversité spécifique et fonctionnement des écosystèmes prend maintenant aussi en compte la diversité intraspécifique, fortement poussé par des développements théoriques et conceptuels (Violle et al., 2012 ; Vellend, 2016). Les tentatives de lier diversités génétique et spécifique pour expliquer le fonctionnement des communautés, via le truchement de l’environnement, est un autre rapprochement entre écologie et évolution (Lamy et al., 2017).

Valeur sélective vs flux de matières et d’énergie

Une compréhension globale de la dynamique de la biodiversité peut difficilement faire l’impasse sur une « devise » commune. La biologie des populations considère qu’il s’agit de la valeur sélective (« fitness »), c’est-à-dire du nombre de descendants transmis à la génération suivante par un gène, un génotype ou un individu ; on retrouve une idée similaire en écologie des communautés, via le nombre d’individus produits par une espèce. Même si l’unité considérée n’est pas la même, la dynamique est médiée par le nombre d’unités dénombrables à la génération N+1 produites par une unité à la génération N (donc via la dynamique individuelle), et c’est ce qui va mesurer l’effet de la sélection naturelle ou des interactions biotiques.

À l’autre bout du spectre, l’écologie des écosystèmes a trouvé sa valeur d’échange dans les flux, de matière ou d’énergie, donc beaucoup plus proches d’approches physico-chimiques, et en particulier de notions thermodynamiques comme l’entropie (et l’information). Dans la psyché écologique, cette perspective est inévitablement associée aux travaux des frères Odum, mais aussi à des hypothèses génériques du fonctionnement de la terre comme Gaia (Lovelock, 1972). Va aussi apparaitre ici une pensée basée sur les « systèmes complexes » (Holling, 2001) qui incorpore des notions telles que résilience, auto-organisation, systèmes adaptatifs complexes, point de basculement … toutes notions peu usitées jusqu’à il a peu en biologie évolutive, à part dans certaines approches très théoriques, et un peu plus en dynamique des populations.

Il parait difficile de transformer directement une valeur sélective en flux de matière ou d’énergie, ou le contraire. D’ailleurs, la première concerne plutôt le côté biotique de la biodiversité et insiste sur l’adaptation à l’environnement, alors qu’on reliera plutôt les flux à la dynamique abiotique via par exemple des échanges entre compartiments des écosystèmes. Pourtant, la valeur sélective se nourrit de matières et d’énergie, et l’analyse des flux ne fait sens pour la compréhension de la biodiversité que si ces flux s’incarnent en unités de valeur sélective – c’est même un fondement de l’écologie fonctionnelle (Calow, 1987).

Une intégration possible passe par la considération simultanée et couplée des dynamiques biotiques et abiotiques, par exemple en analysant le lien entre physiologie et valeur sélective ou via des modèles simples, de type prédateur-proie dans lesquels la dynamique environnementale (par ex., litière) dépend de, et influence, la dynamique des prédateurs et proies (Loreau, 2010). Ce type de modèles permet aussi de comprendre la dynamique évolutive de tels systèmes.

Transmission et temporalité

Un point clé des théories évolutionnistes est la transmission de l’information génétique (ou épigénétique ; Glossaire) de génération en génération, ce qui dépend de nombreux processus, tels que le système de reproduction. Processus eux-mêmes soumis à sélection naturelle, et dépendant donc de la dynamique environnementale. On peut par exemple penser qu’une modification de l’environnement qui réduit la densité d’une population, ou chez les plantes celle des pollinisateurs, peut conduire à favoriser un régime de sélection uniparental, puisqu’il devient plus difficile de trouver un partenaire pour se reproduire.

On voit donc que la temporalité environnementale interagit avec la dynamique évolutive. Un point-clé de cette perspective temporelle est qu’on a longtemps considéré l’écologie comme la science du temps court, et l’évolution comme celle du temps long – tout simplement, parce qu’il faudrait du temps pour qu’un processus évolutif se mette en place, et qu’un trait se fixe. Bien entendu, il a fallu des dizaines de millions d’années (et beaucoup d’essais) pour qu’un poisson ait pu devenir un mammifère ou un oiseau, ou pour que les plantes à fleurs se diversifient. Bien entendu, les conditions environnementales peuvent changer drastiquement sur des laps de temps très court – les évolutions climatiques récentes le rappellent avec force, et conduire rapidement à des variations de la présence des espèces dans un écosystème, voire à leur disparition.

Cependant, des travaux menés depuis quelques décennies montrent que temps écologique et temps évolutif peuvent se chevaucher. Par exemple, les travaux d’évolution expérimentale (Encadré 1) menés par R. Lenski et ses collègues sur la bactérie Escherichia coli, star des laboratoires, indiquent une adaptation très rapide à des modifications environnementales (voir « Pour en savoir plus »). On pourra arguer qu’il s’agit là d’organismes à cycle de vie rapide (7-8 générations par jour dans cette expérience). Alors prenons des organismes qui vont plus lentement : les moustiques. Les « expériences » malheureuses, que nous, humains, avons menées pour les éradiquer ont systématiquement mené à des réactions évolutives par la sélection de gènes de résistance.

Là, on pourrait développer un autre argument : la pression de sélection est considérable, à la fois par la dose de pesticide et par l’ampleur géographique des traitements. Mais on a aussi observé des processus évolutifs rapides dans des populations naturelles d’espèces à cycles de vie plus lent et soumises à un stress environnemental (par ex., les pinsons de Darwin aux Galapagos ; Grant & Grant, 2003), à la prédation (par ex., des guppies à Trinidad ; Reznick & Travis, 2019) ou à la pression de chasse (par ex., éléphants ; Allendorf & Hard, 2009). Bien entendu, des organismes à longue durée de vie et fécondité limitée auront bien du mal à échapper à la variation environnementale via une évolution génétique rapide, mais ils peuvent disposer d’une plasticité individuelle mobilisable pour une réponse à court terme (voir par ex. les Regards R29, R48 et R80a). On retiendra qu’écologie et évolution peuvent donc jouer à la même échelle temporelle, et que cela peut d’ailleurs servir de base à la définition de processus éco-évolutifs.

Forces et processus

La biologie des populations, en particulier la génétique des populations, a depuis longtemps formalisé le fonctionnement des populations sous l’impact de forces ou de processus dont elle cherche à comprendre l’impact relatif. On peut citer la mutation, qui génère la variation, la taille des populations qui impacte directement l’effet respectif de la dérive génétique et de la sélection naturelle ou encore la migration. On trouve cette trame dans les modèles dès les années 1930, avec une influence plus ou moins grande accordée à la structuration spatiale des populations (Fisher, 1930 ; Wright, 1931).

Une telle trame n’apparait en écologie que dans les années 1960 (McArthur & Wilson, 1967), et a été revivifiée plus récemment (par ex., Hubbell, 2001 ; Vellend, 2016) ; on parle là de spéciation qui fait apparaitre de nouvelles espèces, de dérive écologique, de compétition interspécifique ou de migration. On peut donc détecter des analogies « naturelles » entre les niveaux des populations dans les espèces et des espèces dans les communautés biologiques – les notions de méta-population et de méta-communauté sont une expression directe de cette analogie. Ce genre d’idées a été généralisée aux écosystèmes, avec la notion de méta-écosystème, incluant non seulement des migrations d’espèces, mais aussi des flux de matière et d’énergie (Loreau, 2010).

De fait, ces approches conduisent des auteurs à proposer d’utiliser ces analogies pour comprendre la dynamique de la biodiversité conjointement à différents niveaux d’intégration du vivant en fonction des conditions environnementales qui vont par exemple agir directement sur la dynamique des populations de toutes les espèces (Vellend, 2016 ; Hendry, 2017 ; McPeek, 2017).

Prenons la taille d’un site comme paramètre environnemental : un site de grande taille pourra héberger des populations de plus grande taille, au sein des espèces, ainsi qu’un plus grand nombre d’espèces, parce qu’il peut offrir plus de ressources ou de micro-environnements différents, ou qu’il est plus stable dans le temps et/ou plus facilement atteint par des migrants. Avec des populations de plus grande taille, on aura en moyenne un potentiel évolutif plus élevé, et donc une possibilité de maintenir la stabilité écologique et évolutive (Glossaire) en cas de modification environnementale. Toute analogie a ses limites – ici, la sélection naturelle au niveau populationnel (interactions entre allèles) ne peut pas prendre les mêmes formes que la variété des interactions interspécifiques (mutualisme, parasitisme, compétition, prédation …). Mais il n’en reste pas moins qu’on dispose d’une entrée comparative entre évolution et écologie, via des forces et processus, qui agissent à différents niveaux d’intégration.

Je n’ai abordé qu’un sous-ensemble (important) de ce qui pouvait intégrer, ou délier, écologie et évolution. D’autres aspects qui jouent un rôle non négligeable et croissant dans cette intégration auraient pu être mentionnés. En premier lieu, sélection naturelle et niche sont fortement liées, la sélection naturelle émergeant des interactions écologiques, et j’ai aussi peu insisté sur la notion d’espace. On peut aussi penser à la notion de trait* (cf. Glossaire). Soumis à sélection et exprimant de la plasticité, il peut réagir à la variation environnementale, du niveau de l’individu à celui de l’écosystème, et régler les relations de compétitions intra- et interspécifique (voir par exemple Garnier & Navas, 2013 en écologie ; Roff, 1992 en biologie évolutive).

De plus, un trait* peut aussi être directement lié à la valeur sélective ou aux flux de matières et d’énergie (Violle et al., 2007), offrant un point commun d’entrée dans le triptyque biologie des populations / écologie des communautés / écologie des écosystèmes mentionné plus haut. D’un point de vue plus pragmatique, des outils et approches communs ont un rôle à jouer dans le dialogue éco-évolutif (Encadré 1). La phylogénétique pourrait entrer dans cette catégorie ; utilisée depuis plus d’un demi-siècle pour reconstituer les relations de parenté entre populations ou entre espèces (Felsenstein, 2004), l’écophylogénétique s’est développée dans l’idée de détecter des signaux écologiques dans les patrons phylogénétiques de communautés d’espèces, comme résultat à la fois de l’histoire évolutive et des interactions écologiques en cours (Cavender-Bares et al., 2009 ; Mouquet et al., 2012). Les résultats sont cependant assez décevants, car ces signaux sont faibles.

De l’éco-évolution, vraiment ?

Si ce qui précède explique pourquoi et comment l’écologie et l’évolution s’intéressent à la dynamique de la biodiversité, quand est-il important de développer une pensée et une trame de travail éco-évolutives ? En première approche, on peut catégoriser les approches actuelles en (i) des études évolutionnistes, souvent « espèces-centrées », s’intéressant à la variation génétique et qui introduisent une dose d’environnement dans leurs approches ; (ii) des études écologiques qui considèrent l’impact (ou les mécanismes) évolutif, en s’intéressant aux communautés biologiques ou aux écosystèmes ; (iii) des travaux intégratifs, probablement plus rares. Les trois approches sont valides, autant dans une perspective de recherche fondamentale que lorsqu’il s’agit de gérer la biodiversité (voir le regard R59). De fait, toute étude de la biodiversité est dans l’absolu éco-évolutive puisque sa dynamique et sa structure dépendent de processus écologiques et évolutives.

Cependant, a-t-on vraiment besoin d’une pensée évolutive pour expliquer des relations espèces-environnement ici et maintenant ? Symétriquement, la compréhension de processus évolutifs au long cours requiert-elle une connaissance écologique fine ? Ne peut-on renvoyer l’évolution au temps long et l’écologie au temps court ? En quelque sorte, découpler les échelles de temps, comme le font parfois les théoriciens en supposant un régime de sélection faible, tel que la dynamique des populations a le temps de s’équilibrer avant qu’une nouvelle mutation n’apparaisse, et perturbe potentiellement cet équilibre (par ex., Lion 2018).

Quelle place et quelle nécessité alors pour des études éco-évolutives ? En suivant la proposition de Bassar et al. (2021), on va considérer qu’une dynamique est réellement éco-évolutive lorsque les processus écologiques et évolutifs sont contemporains, c’est-à-dire quand ils se positionnent dans une même temporalité ou se déploient à un même rythme. Cela met l’emphase sur des interactions réciproques entre écologie et évolution à la même échelle de temps, tout en notant qu’il n’est pas toujours aisé d’apprécier cette contemporanéité.

Un nombre croissant d’études peuvent être considérées comme éco-évolutives, et on prendra l’exemple des guppies (Poecilia reticulata) à Trinidad (Antilles ; Figure 2), étude menée depuis une quarantaine d’années par D. Reznick et ses collègues (Reznick & Travis, 2019) sur la base d’un ensemble d’approches en nature, en mésocosmes et moléculaires. Les guppies appartiennent à des communautés de poissons dans lesquelles la prédation qu’ils subissent, par ex. par des cichlidés, est faible ou élevée, en amont et aval des rivières ; des différences marquées ont été notées, en réponse à la prédation pour un ensemble de traits (reproduction, morphologie …).

La pression de sélection est en fait due à la différence de densité dans les populations ; la densité est en effet beaucoup plus forte lorsque la prédation est faible. La forte densité dans les populations à faible prédation réduit la disponibilité alimentaire, et vice versa, ce qui conduit à une existence adaptée à ces conditions alimentaires (par ex., une taille plus faible). Dans ces conditions, la productivité primaire est aussi affectée, comme l’est la dynamique d’autres poissons, compétiteurs des guppies (Rivulus hartii). On voit donc bien ici la boucle éco-évolutive qui fonctionne à l’échelle de quelques dizaines de générations, impliquant les différents niveaux de biodiversité, mentionnés en début d’article, populations, communautés et écosystèmes.

Figure 2 : Chute d’eau sur la rivière El Cedro à Trinidad (Antilles), qui sépare des communautés de poissons dans lesquelles la prédation sur les guppies est forte (en aval) de communautés où la prédation est plus limitée. La prédation entraine non seulement des modifications des traits chez les guppies, mais aussi une modification du fonctionnement de l’écosystèmes. Ce site est l’un de ceux où D. Reznick a introduit (en amont) des guppies,  en 1981, pour étudier leur évolution en l’absence de prédation. Cliché Joshua Goldberg.

On peut aussi trouver des exemples où l’on part, non pas des populations et de la biologie évolutive pour aller vers les écosystèmes, mais plutôt de la relation entre la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes (BFE ; par ex., les écosystèmes plus riches en espèces sont-ils plus productifs ?) pour intégrer le processus évolutif. C’est le cas d’une étude menée dans le cadre de l’expérience à long terme sur des plantes de prairie (« the Jena experiment » ; voir « Pour en savoir plus »). Les traitements incluent une diversité variable d’espèces par parcelle expérimentale, en particulier des monocultures versus des polycultures. Il a été montré que la relation BFE se renforçait au fil des générations, ce qui pourrait résulter d’une complémentarité entre espèces dans l’utilisation des ressources dans les polycultures.

L’étude de Zuppinger-Dingley et al. (2014) suggère que ce renforcement pourrait aussi résulter d’une sélection pour une différenciation de niches entre espèces via une différenciation des phénotypes (par ex., la taille des feuilles chez les plantes) – ce qui est appelé « character displacement » dans la littérature. La sélection s’est ici appuyée sur la variation (épi)génétique des plantes qui ont été retenues pour constituer la première génération de l’expérience, conduisant à réduire la compétition interspécifique. Dans cet exemple, la boucle éco-évolutive s’appuie donc sur une sélection qui conduit à une utilisation différentielle des ressources.

En guise de conclusion

Ecologie et évolution proposent une trame nécessaire pour comprendre la structure et la dynamique de la biodiversité, un sujet complexe s’il en est. Probablement pas une théorie du tout (en a-t-on vraiment besoin, n’en déplaise à Lawton (1999) ?), mais bien plus qu’un ensemble de cas d’études … via une perspective spatio-temporelle, des théories de l’adaptation et des interactions des espèces, entre elles et avec leur milieu. Il me parait important de conserver une distinction entre écologie et évolution, de les laisser se développer dans leurs niches respectives, de s’affiner, de se complexifier pour analyser et comprendre la biodiversité.

Pour filer à nouveau la métaphore du frère et de la sœur, écologie et évolution, en vieillissant et murissant, se sont rapprochées, se comprennent mieux, comme c’est souvent le cas (on espère) dans une fratrie, même si elles devraient interagir plus fortement. Ce rapprochement s’est concrétisé ces deux dernières décennies sur une base théorique et empirique, via la fouille de données et le développement d’outils communs. Les crises écologiques actuelles sont aussi un moteur puissant de ce rapprochement, pour comprendre, mais aussi pour proposer des solutions et agir.

Le terme éco-évolutif est employé de façon courante, tellement courante qu’il en vient à perdre une signification réelle, peut-être jusqu’à tendre à faire croire qu’en écologie et évolution, tout est dans tout. Il est proposé ici de s’en tenir à une définition plus stricte de ce qui est éco-évolutif, qui s’appuie sur une temporalité commune, tout en amplifiant un dialogue via le développement de concepts communs, des approches intégrées (intégratives) examinant conjointement les complexités de systèmes écologiques via un travail collectif. Ni holisme, ni réductionnisme … la juste dose de parcimonie pour décortiquer ces complexités et leur dynamique.

Si écologie et évolution sont nécessaires pour comprendre la dynamique de la biodiversité (c’est la focale de cet article), elles n’en sont pas pour autant suffisantes. Je n’ai en particulier pas abordé la contribution des sciences humaines et sociales, par exemple au travers de la notion de socio-écosystèmes ou de la montée des « humanités environnementales ». Leur regard est aussi nécessaire pour analyser les changements planétaires en cours puisqu’ils sont aux activités humaines, et participer à la réponse des sociétés. L’intégration éco-évolutive me parait aussi intéressante pour aborder des points clés de la relation des humains au monde.

L’évolution nous a appris d’où nous venions, comment nous nous insérons dans l’histoire de la vie sur Terre ou comment nous nous relions au monde (par exemple, via divers systèmes de valeurs). L’écologie nous contraint à réfléchir à notre rapport à la biodiversité (voir RO17), nous questionne sur quel ingénieur de l’écosystème nous sommes, pour le meilleur et (je le crains) pour le pire. L’éco-évolution peut nous aider à projeter nos futurs, et à nous sortir du vortex de destruction environnementale dans lequel nous nous sommes mis – j’y crois dans mes phases les plus optimistes.

Encart : Des approches et outils pour un dialogue

Ecologie et évolution se sont séparées à partir de la fin du 19ème siècle sur les approches et les outils, par exemple avec une emphase beaucoup plus marquée pour l’étude de la biodiversité en « milieu naturel » et pour des analyses physico-chimiques pour l’écologie, et pour les approches expérimentales en laboratoire ou la biologie moléculaire pour l’évolution. Des rapprochements considérables se sont fait jour depuis quelques années, comme mentionné dans le texte principal, en lien avec des évolutions conceptuelles et technologiques, qui nous paraissent ouvrir des lieux de dialogue sur des objets d’étude en commun. En effet, ces approches et outils nécessitent une maîtrise technique élevée compte tenu de leur sophistication croissante, et donc la création de lieux (sensu lato) de transmission et d’échange (par ex., groupes de travail, formations dédiées …). Ils nécessitent aussi de plus en plus un travail et des projets d’équipes intégrant des approches multiples, voire des échanges entre disciplines (inter-, trans-, multi- …). On peut penser aux méthodes moléculaires et chimiques, aux capteurs, aux méthodes statistiques (incluant la montée en puissance de l’intelligence artificielle) ou à la fouille de données. Je développerai ici le cas de l’expérimentation.

Une question fondamentale, quand on s’intéresse au fonctionnement et à la dynamique de la biodiversité, est de savoir si l’approche expérimentale contrôlée est suffisante ou s’il est nécessaire de travailler « dans la nature ». D’un côté, on prend en compte l’environnement réel auquel les organismes sont confrontés, de l’autre on souhaite avoir un contrôle sur l’environnement. Ce vieux débat est loin d’être clos (voir par ex. Hendry, 2019), faisant écho à des perspectives réductionnistes vs. holistes, mais aussi à la possibilité d’une approche hypothético-déductive, et il n’y a certainement pas de réponse unique. D’ailleurs les programmes de recherche incorporent conjointement de façon croissante un ensemble d’approches allant du microcosme en conditions contrôlées de laboratoire, en particulier pour des organismes à temps de génération court, à des ensembles de sites de terrain soumis aux conditions environnementales ambiantes (incluant l’environnement humain), en passant par des dispositifs expérimentaux instrumentés de type Ecotron ou l’utilisation de capteurs permettant de suivre des paramètres biotiques ou abiotiques (Le Galliard & Montoya, 2017).

Dans cette perspective, plutôt que d’opposer laboratoire et terrain, la tendance est à développer des approches à long terme, dites d’évolution ou d’écologie expérimentale. Si elles n’épuisent pas le débat réductionnisme / holisme, elles permettent cependant une compréhension plus intégrative des processus en jeu dans une perspective temporelle et une prise en compte explicite des différents niveaux de variation, par exemple intraindividuelle vs. interspécifique, et de l’apparition d’une nouvelle variation par mutation (voire par spéciation si on peut attendre assez longtemps). Elles permettent aussi d’intégrer dans les études d’écologie et d’évolution divers forçages environnementaux, tels que le changement climatique ou l’arrivée de nouveaux variants ou espèces, ou la structuration spatiale de la biodiversité sous forme plus ou moins fragmentée.

Glossaire

  • Ecologie : l’écologie scientifique est une science (ou un ensemble de sciences) qui étudie les interactions des êtres vivants entre eux et avec leur milieu. Voir par ex. Ricklefs & Relyea (2019) ou https://fr.wikipedia.org/wiki/Écologie .
  • Epigénétique : ensemble des mécanismes ou processus qui modifient l’expression des gènes sans modification de la séquence nucléotidique, par un marquage réversible et transmissible (au sein ou entre générations).
  • Evolution : un processus graduel d’adaptation à l’environnement via la variation (épi)génétique. L’évolution est une théorie qui a donné naissance aux sciences de l’évolution, telles que la génétique évolutive ou la paléontologie. Pour une présentation détaillée, on peut consulter de nombreux ouvrages (par ex., David & Samadi, 2021) ou une encyclopédie en ligne (par ex., https://fr.wikipedia.org/wiki/Évolution_(biologie)).
  • Stabilité écologique et évolutive : on devrait parler de quasi-stabilité puisqu’aucun système vivant n’est stable (par définition). Un système est stable s’il peut revenir au même état (ou à peu près) après une perturbation environnementale. On peut décrire cette caractéristique par le terme « résilience ». Equilibre écologique et évolutif ne sont pas nécessairement identiques, car l’évolution peut faire émerger de nouvelles interactions entre éléments d’un système via par exemple la mutation, conduisant à de nouveaux équilibres.
  • Trait : on retient ici une acception large de trait phénotypique résultant de l’expression génétique ou épigénétique. Ces traits peuvent être moléculaires, individuels (par ex., morphologiques) ou plus intégratifs comme les traits de vie (par ex., âge à la première reproduction, longévité). Ils peuvent aussi être fonctionnels, liés à la réponse aux facteurs environnementaux (par ex., Violle et al., 2007 ; Garnier & Navas, 2013).

Remerciements

Je remercie I. Arpin, C. Violle, E. Fronhofer, P. Huneman et A. Teyssèdre pour leurs commentaires stimulants sur le texte, et D. Reznick pour un échange concernant l’évolution des guppies à Trinidad.

Pour en savoir plus

Sites web des Ecotrons : https://www.anaee-france.fr/service/ecotrons

Sur l’expérience de R. Lenski et collaborateurs : https://en.wikipedia.org/wiki/E._coli_long-term_evolution_experiment

Sur l’expérience de Iéna : http://the-jena-experiment.de

Bibliographie

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Regard édité et mis en ligne par Anne Teyssèdre.

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