La Société Française d’Ecologie et d’Evolution (SFE2) vous propose ce Regard RE3 d’Elie Bodin et al., étudiant.e.s du Master Biologie-Ecologie-Evolution de l’Université de Poitiers, sur la lutte biologique.
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La lutte biologique,
une solution viable pour l’avenir ?
Elie Bodin, Dorine Bodin, Clara Chaigne, Félix Desmoulin, Rudy Gnagni, Axel Jame et Flavien Mouclier
Master Biologie-Ecologie-Evolution, Université de Poitiers.
Regard RE3, édité par Sébastien Barot
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Mots clés : Lutte biologique, préservation de la biodiversité, agriculture, auxiliaires de culture, nuisibles, biodiversité, société
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- Introduction
- Qu’est-ce que la lutte biologique?
- La lutte biologique est-elle efficace et viable à long terme?
- La lutte biologique est-elle applicable à grande échelle?
- La lutte biologique permettra-t-elle de nourrir la planète?
- Conclusion
- Remerciements
- Bibliographie
- Regards connexes
- Forum de discussion sur ce regard
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Introduction
Le monde dans lequel nous vivons ne cesse d’évoluer. La population humaine augmente de jour en jour et la nourrir est un défi majeur et les consciences commencent à s’éveiller. Les modes d’agricultures conventionnelles ne semblent pas durables et sont de plus en plus contestés. L’utilisation des pesticides est souvent remise en question et certains agriculteurs n’hésitent plus à s’en passer en utilisant d’autres pratiques et en développant d’autres types d’agricultures. Pour remplacer les pesticides ces agriculteurs peuvent mettre en place la lutte biologique. Celle-ci consiste à utiliser un organisme vivant auxiliaire pour lutter contre les ravageurs et les maladies qui nuisent aux cultures. Elle est de plus en plus utilisée, surtout en agriculture biologique. Cependant, il ne faut pas utiliser cette méthode n’importe comment. En effet il faut absolument éviter au maximum l’introduction d’espèces exotiques, voir bannir ce procédé, et privilégier les espèces auxiliaires déjà présentes dans l’écosystème ou bien sur le territoire. Cette technique est viable à l’échelle d’une exploitation et semble viable à grande échelle mais cela implique de repenser la façon de cultiver. Pour que cela fonctionne, il semble évident que cela ne doit pas être seulement une volonté des agriculteurs en tant qu’individus mais aussi une volonté collective appuyée par les organismes agricoles et la législation.
La lutte biologique est une méthode de lutte contre les parasites, les maladies et autres ravageurs de cultures. Son but est de réduire, voire d’annuler leur impact négatif sur les cultures sans répandre de pesticides mais en utilisant des organismes auxiliaires (Suty, 2010). Aujourd’hui, la lutte biologique est beaucoup utilisée dans l’agriculture biologique.
En effet, le constat est qu’aujourd’hui les sols sont de plus en plus pollués, et beaucoup d’écosystèmes sur Terre ont été impactés par les pesticides. Les pratiques agricoles utilisant des produits phytosanitaires sont à l’origine de certains problèmes de santé pour les humains. En effet des recherches ont montré que certains produits phytosanitaires provoquent des cancers, notamment chez l’enfant, et peuvent être à l’origine de problèmes pour la reproduction humaine (Tron et al., 2001). Leur utilisation a également des effets néfastes pour la biodiversité. En effet sur le long terme les espèces “nuisibles” peuvent s’adapter en évoluant vers des formes résistantes aux pesticides (Denholm et Rowland, 1992). Ces produits phytosanitaires ont également un rôle dans la disparition de certaines espèces (Rathore & Nollet, 2012) ou en modifiant leur environnement (Kersting & van Wijngaarden, 1992). Ceci qui provoque des changements dramatiques pour le reste du réseau trophique. Il est donc nécessaire de faire évoluer les modes de production agricole conventionnels vers de nouveaux modes plus respectueux de l’environnement.
Cependant, la population humaine planétaire n’a jamais été aussi nombreuse et continue de croître. Elle devrait atteindre les 10 milliards d’humains en 2050 (United Nations, 2017). L’agriculture conventionnelle remplit son devoir de nourrir l’humanité. Elle permet de cultiver de multiples espèces végétales partout autour du monde, sur de vastes espaces, grâce à des techniques d’irrigation et à l’utilisation de pesticides. Mais depuis quelques années des études ont montrées que les rendements en agriculture biologique étaient parfois aussi élevés qu’en agriculture conventionnelle. Par exemple, « En France, 100 000 des 500 000 hectares de cultures attaquées par la pyrale du maïs sont traités, avec un taux de réussite comparable à celui obtenu avec des pesticides, en utilisant des trichogrammes, des insectes parasitoïdes, qui s’attaquent aux œufs de ce papillon. » (Ter Minassian, 2012).
Différentes questions se posent alors : l’utilisation de la lutte biologique peut-elle permettre de produire autant que des cultures utilisant des produits phytosanitaires ? Cette technique est-elle applicable à l’échelle de la planète ? Est-elle efficace sur le long terme ? Permettra-t-elle de nourrir tous les humains ? En d’autres termes, la lutte biologique est-elle une solution viable pour l’avenir ? Afin de répondre à ces questions, nous allons dans un premier temps expliquer ce qu’est la lutte biologique. Nous verrons ensuite si elle est efficace et viable à long terme, puis si elle est applicable à grande échelle. Enfin nous verrons si elle peut permettre de nourrir la planète.
De plus, Jérôme Audurier, un agriculteur des Deux-Sèvres qui est passé de l’agriculture conventionnel à l’agriculture biologique, a été interviewé. Il a ainsi expliqué son point de vue et sa façon de penser sur l’utilisation de la lutte biologique. Jérôme Audurier ne pratique pas de lâcher d’auxiliaires mais il met tout en place pour rétablir un agro-écosystème viable sur le long terme et ainsi permettre l’arrivée naturelle de certains auxiliaires (fig.1).
Qu’est-ce que la lutte biologique ?
La lutte biologique consiste en l’utilisation d’organismes auxiliaires afin de contrôler d’autres organismes “nuisibles” présents sur les exploitations agricoles. Un auxiliaire est un organisme vivant qui va avoir une action régulatrice sur des ravageurs de cultures (Jourdheuil et al, 1991). Plusieurs formes de lutte biologique peuvent alors être envisagées. La première consiste à augmenter artificiellement, par apports extérieurs, les populations de parasites ou de prédateurs des espèces “nuisibles”. Quant à la seconde, plus classique, elle consiste à favoriser la présence d’une biodiversité auxiliaire naturelle par la création d’une mosaïque d’écosystèmes à l’échelle du paysage agricole (Harvielo Ravaomanarivo). Enfin, dans certains cas, l’introduction d’espèces exotiques capables de réguler à long terme les populations de ravageurs ont pu être testées, non sans laisser de traces (Vandereycken, 2011). En effet, l’introduction d’auxiliaires exotiques peut déstabiliser l’écosystème et causer des dommages irréversibles. C’est notamment ce qui s’est passé avec l’introduction du crapaud buffle en Australie (Tingley et al, 2017).
La population d’un ravageur peut augmenter à la suite de la disparition de ses ennemis après utilisation massive de pesticides. De plus certains ravageurs peuvent devenir résistant aux pesticides employés (Auberto et al, 2005). Mais, dans certains cas, un ravageur peut être introduit accidentellement dans un écosystème sans que son cortège de parasites l’accompagne (Suty, 2010). Il faut alors procéder à l’introduction de parasitoïdes. On dit qu’un parasitoïde est acclimaté lorsqu’il s’est établi sur son hôte et se maintient dans l’écosystème.
Certaines espèces végétales qui se trouvent autour ou au sein des cultures permettent le maintien d’auxiliaires indigènes. En effet, il a été démontré que la présence de haies abrite de nombreuses espèces d’insectes prédatrices des “nuisibles” (Boisclair & Estevez, 2006). Afin de favoriser les espèces auxiliaires, il est également possible de laisser pousser certaines plantes adventices dans les champs ou de les remplacer par un couvert végétal adapté (Juste et al., 2012 ; Puech, 2014) (fig.2). La densité d’individus auxiliaires dans les populations présentes au sein des champs peut également être augmentée par des multiplications en insectarium puis par des lâchers périodiques dans les cultures.
La production et la libération massive d’entomophages peuvent être réalisées soit par libération ‘‘inoculative’’ (lutte préventive, qui consiste à importer soit un entomophage soit un agent pathogène au ravageur afin de contrôler sa population de façon pérenne sans avoir à faire des lâchers tous les ans), soit par lâchers ‘‘inondatifs’’ (lutte curative, qui consiste à faire un lâcher de d’entomophages en grand nombre dès que la population de ravageurs augmente de façon considérable) le plus souvent de manière répétée dans le temps (Boisclair & Estevez, 2006).
La lutte biologique est-elle efficace et viable à long terme?
Les effets néfastes des produits phytosanitaires sur la vie du sol sont connus depuis quelques années. Ils peuvent par exemple affecter le pH du sol en le rendant plus acide. Cette modification entraîne alors la perte de la faune intolérante à ce nouveau pH (Kersting & van Wijngaarden, 1992). Ces produits peuvent également avoir des effets sur les organismes qui ne sont pourtant pas visés. En effet ils peuvent se retrouver dans les cours d’eaux bordant les champs et affecter la faune aquatique en modifiant notamment les rythmes de reproduction des amphibiens (Rohr et al., 2003). De même ils peuvent aussi affecter la faune du sol.
L’utilisation d’auxiliaires de cultures permet de diminuer considérablement l’utilisation de ces produits. En effet, ces organismes sont des prédateurs naturels des “nuisibles” visés. Les traitements chimiques peuvent donc être partiellement ou totalement remplacés si l’implantation des auxiliaires au sein des cultures est effectuée. Le sol, qui se trouve alors moins pollué, permet à la pédofaune de s’établir naturellement. Celui-ci devient plus aéré et les nutriments minéraux sont plus facilement assimilés par les plantes notamment grâce au travail des différents vers de terre. En effet ceux-ci ont la capacité d’améliorer à la fois les propriétés physiques, biologiques et chimiques du sol (Domenech, 2015) (Eijsackers, 2011). La lutte biologique favorise donc la biodiversité. In fine, elle a potentiellement des effets positifs sur la santé humaine en permettant de réduire l’usage des pesticides.
La transition d’une culture utilisant les produits chimiques (Fig. 3) vers une agriculture en utilisant moins peut s’avérer compliquée pour les agriculteurs. En effet ils ont déjà investi dans des machines spécifiques pour l’utilisation des pesticides. De plus il peut se passer plusieurs années avant de trouver l’espèce auxiliaire la plus apte à la culture (Jourdheuil, Grison & Fraval, 1991). Il est alors parfois compliqué de se passer de produits phytosanitaires lorsqu’aucune lutte biologique ne fonctionne. Cependant de nombreuses études ont d’ores et déjà démontré l’efficacité de la lutte biologique sur tous les continents (Jourdheuil, Grison & Fraval, 1991). Ceci permettra à l’agriculteur d’y gagner financièrement sur le long terme. En effet les réseaux trophiques se rétablissent, ce qui permettra de réguler naturellement les populations d’organismes attaquant les cultures. L’agriculteur y gagne aussi financièrement, parce que les pesticides sont chers.
Afin de rendre cette approche efficace plus rapidement il est important de continuer les recherches sur les organismes vivants encore mal étudiés car ils pourraient être la solution contre un futur organisme “nuisible”. Le défi majeur pour cette technique est de trouver des espèces auxiliaires autochtones. Ce critère est essentiel pour réduire au maximum les potentiels risques que ces espèces deviennent elle-même invasives (Vandereycken et al., 2011). De plus, en choisissant des espèces déjà adaptées à la région, ses chances de survie sur la zone pourraient être plus importantes. Il est aussi intéressant de choisir une espèce non spécialiste afin qu’elle puisse survivre une fois que l’espèce “nuisible” n’est plus ou moins présente dans le milieu. Il faut également favoriser l’arrivée naturelle de cette espèce sur la zone de culture en créant des flushs artificielles ou en améliorant l’environnement. Ceci lui permettra de se développer de manière pérenne dans l’environnement et ne pas avoir à la ré-introduire tous les ans. L’espèce en question doit donc être adaptée au milieu (Étilé, 2012). En effet, si l’auxiliaire reste présent aux abords de la culture alors il sera apte à réduire le nombre de “nuisibles” si ceux-ci réapparaissent. Il faut également vérifier qu’un prédateur de l’espèce auxiliaire est présent dans l’environnement, ceci afin d’empêcher la croissance non-régulée de celle-ci. (Giraudoux, 2014)
“La lutte biologique est efficace à long terme si tout est mis en œuvre pour garder et attirer les auxiliaires. On peut atteindre cet objectif en cultivant de petites parcelles (<5 ha), en favorisation les haies et la polyculture et en utilisant des rotations des cultures” (Jérôme Audurier, comm. pers.).
La lutte biologique est-elle applicable à grande échelle?
Aujourd’hui, l’agriculture la plus utilisée en France est l’agriculture intensive, autrement dit, l’agriculture conventionnelle (Le monde, 2018). Celle-ci permet des rendements élevés en utilisant des très grandes quantités d’intrants (combustibles fossiles, pesticides, engrais). Or ces méthodes peuvent nuire à l’environnement, mais également, dans certains cas, à la santé des concitoyens (Ridano et al. 2017).
Bien souvent, ce type d’agriculture utilise de grands champs cultivés en monoculture (fig.4) qui défavorisent la biodiversité et favorisent la venue de certains ravageurs de culture (Matson et al. 1997). Appliquer la lutte biologique à grande échelle semble donc difficile si le système de culture n’évolue pas dans son ensemble. Ainsi Jérôme Audurier nous explique : “Pour que la lutte biologique soit viable et efficace, il est important de faire pousser sur de plus petites parcelles des cultures variées”. Dans des grands champs de monoculture, la lutte biologique est réalisable mais il est possible qu’elle ne fonctionne que ponctuellement. En effet cet environnement défavorable n’incite pas l’auxiliaire à rester. Il est donc intéressant de changer la manière conventionnelle de cultiver. En effet, il ne faudrait pas que la lutte biologique devienne un moyen de contourner l’utilisation de pesticide via des lâchers répétitifs à court terme dans d’immenses parcelles de monoculture car ceci ne permettra pas l’implantation d’un agro-écosystème durable. Cette manière d’utiliser la lutte biologique irait contre les principes d’une agriculture respectueuse de l’environnement et de l’agriculture biologique. ”
Les régions Françaises étant très spécialisées dans un type d’agriculture précis (céréales, élevage, etc.) cela ne facilite pas la mise en place d’agro écosystème diversifiés et durables. Il faudrait que les régions se diversifient à nouveaux, cela permettra la mise en place de plus d’écosystèmes différents et pourrait améliorer la viabilité des agro écosystèmes. De plus cela pourrait rendre la lutte biologique plus efficaces car il y aurait une plus diversité d’habitats pour les auxiliaires (fig.5).
Par ailleurs la généralisation de l’utilisation de la lutte biologique est possible à grande échelle, mais cela implique la mise en commun des savoirs, des techniques et des pratiques agricoles et une volonté forte des pouvoirs publiques. Pour Jérôme Audurier “Des subventions tournées vers l’écologie aideraient et inciteraient les agriculteurs à réaliser la transition vers l’agriculture biologique. En effet, un changement de mentalité et de pratique des agriculteurs n’est pas suffisant. Pour que cela fonctionne il faut également un changement au niveau politique et mettre les moyens nécessaires en place pour la pratique d’une lutte biologique viable sur le long terme et plus globalement, une transition vers une agriculture plus responsable et respectueuse de l’environnement et des écosystèmes”
La lutte biologique permettra-t-elle de nourrir la planète ?
Comme dit précédemment, il n’y a jamais eu autant d’humains à nourrir sur Terre, et, sauf événements imprévus (épidémie, guerre…), la population continuera de croître jusqu’en 2050 (United Nations, 2017). Il faut donc trouver une solution écologique et viable en termes de rendement qui puisse nourrir tous les individus. La lutte biologique semble l’une des solutions désignées pour remplir ce rôle. “On estime que 75% des cultures sous serres” utilisent la lutte biologique (= biocontrôle) (Drouet, 2014). Des études sont en cours afin de prouver que le remplacement des pesticides par la lutte biologique est réalisable en démontrant l’impact des auxiliaires sur les organismes ciblés. Ces études ont également pour but de trouver des espèces indigènes efficace, et de déterminer les facteurs qui font qu’une introduction d’auxiliaire fonctionne ou non. Ceci vise à réunir par la suite, pour les futures introductions d’auxiliaires, les conditions leurs permettant d’être efficaces durablement (Borowiec et al, 2013).
Afin de nourrir toute la population humaine il faudrait jouer sur tout le système de culture. Ceci peut se faire en choisissant les cultures les plus adaptées à l’environnement de la région (Raymond, 2018). En effet, chaque région possède un climat, un sol et des espèces de ravageurs particuliers. Cette approche permettrait également à la lutte biologique d’être plus efficace car les caractéristiques des organismes utilisés dans cette région (le végétal cultivé, le “nuisible” et l’auxiliaire) seraient connues et donc adaptées à chaque situation.
La lutte biologique peut ne pas être la seule solution à mettre en place pour améliorer les rendements. En effet, en parallèle de celle-ci, les associations de cultures (fig.6) peuvent être utilisées afin d’augmenter le rendement (Lele, Kachaka & Lejoly, 2015) et/ou la qualité des récoltes (Justes, Bedoussac & Prieur, 2009). La rotation de cultures, notamment en fonction du climat de la région et des saisons, est également une des approches essentielles pour assurer un bon rendement (Felix, 2015). Lorsque les cultures sont alternées, le sol maintient mieux sa fertilité, l’impact des nuisibles est amoindri et les rendements peuvent se trouver augmentés (Traore, 2012). En effet, il a été démontré que l’association de différentes variétés de pois réduit grandement le nombres de ravageurs, ici les pucerons (réseau Agriculture biologique des Chambres d’agriculture, 2017). Cela peut s’expliquer par le fait que ceux-ci ont davantage de difficultés à trouver les plantes hôtes d’une année sur l’autre.
Conclusion
Les pesticides sont devenus un problème environnemental et sanitaire majeur. La lutte biologique en agriculture peut être une des solutions viables qui permettrait de répondre à la demande croissante en nourriture tout en diminuant l’usage des pesticides. La lutte biologique a tellement progressé qu’elle en est devenue aussi, voire parfois plus, efficace que l’utilisation de pesticides. En revanche elle reste toujours un peu plus longue à mettre en place que les pratiques conventionnelles. Les avantages de cette pratique sont nombreux : les sols se trouvent moins pollués et les ravageurs peuvent être contrôlés ou éliminés. De plus, ceux-ci s’adaptent plus difficilement aux organismes auxiliaires qu’aux pesticides.
En réduisant l’utilisation des produits phytosanitaires, la lutte biologique permet d’augmenter la qualité des aliments. Ceci est un point important pour la population mondiale qui a alors la possibilité de s’alimenter avec des produits plus sains. De plus les agriculteurs, qui sont les premiers en contact avec les produits chimiques, peuvent voir leur santé s’améliorer à mesure qu’ils réduisent les doses de pesticides qu’ils répandent. Il a été démontré que l’agriculture conventionnelle qui utilise des produits phytosanitaires est capable de nourrir la planète. Il n’est pas interdit de penser que l’agriculture qui met en pratique la lutte biologique le pourra également. Le plus compliqué reste sa mise en place à grande échelle. Les premières années de transition peuvent être un frein pour les agriculteurs. C’est pourquoi il est capital de les sensibiliser, mais aussi de les soutenir dans cette démarche responsable. Il est également important de les former à la préservation de l’environnement, et à la lutte biologique.
De nombreuses années vont encore sûrement s’écouler avant que la lutte biologique soit appliquée massivement à l’échelle planétaire. Cependant cette méthode est déjà très présente à l’échelle locale où elle a déjà fait ses preuves. Ces réussites locales apporteront de nouvelles preuves de son efficacité et permettront de plaider en sa faveur mondialement.
Remerciements
Nous remercions Julia Clause, enseignante chercheuse à l’Université de Poitiers, pour nous avoir encouragés et soutenus dans la rédaction de ce ‘Regard’, et Sébastien Barot pour ses relectures et remarques. Nous remercions également Monsieur Audurier pour sa gentillesse et le temps qu’il nous a accordé.
Bibliographie
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Regards connexes
Mouquet et al, 2010. Biodiversité et fonctionnement des écosystèmes. Regards et débats sur la biodiversité, SFE, Regard R3, oct. 2010.
Regards sur l’agriculture : https://sfecologie.org/tag/agriculture/
Sur biodiversité et société : https://sfecologie.org/tag/societes/
Sur les méthodes et outils (en sciences de l’environnement) : https://sfecologie.org/tag/methodes-et-outils/
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Regard édité par Sébastien Barot, revu et mis en ligne par S. Barot et A. Teyssèdre
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Forum de discussion sur ce regard
C’est très intéressant !!
Super ! Merci pour ce bel article aussi intéressant qu’encourageant !!!
Un bel effort de vulgarisation, très complet et montrant un bel enthousiasme, à diffuser impérativement sur les réseaux sociaux
Merci pour ce document. Je souhaite toutefois réagir au sujet du recours aux introductions d’organismes exotiques comme agents de lutte biologique, car il est présenté ici de façon très négative.
N’oublions pas qu’au cours du 20è siècle, environ 2000 acclimatations de tels agents ont réussi dans le monde, et ont très rarement été accompagnées d’effets indésirables sur l’écosystème d’introduction. Les effets délétères restent infimes par rapport à ceux générés par l’utilisation de pesticides à large spectre.
N’oublions pas non plus que les ravageurs venant d’autres régions du monde ne sont pas accompagnés de leur cortège d’ennemis naturels, donc il peut être judicieux d’en introduire certains. Actuellement en Europe ces introductions font l’objet d’une réglementation. En France depuis 2012 un décret régit le dossier des études d’impact potentiel sur l’environnement à réaliser pour demander une autorisation d’introduction. Ce dossier est soumis à plusieurs expertises qui demandent souvent des compléments d’études.
C’est un bel objectif que de mettre en oeuvre des méthodes de culture limitant le développement des ravageurs et favorisant celui de leurs ennemis naturels. Toutefois nous allons rester encore longtemps dépendants des (mono)cultures en grande surface et trouver des méthodes biologiques pour les protéger fait aussi partie de la transition écologique me semble-t-il.
Merci de votre attention.
Bonjour,
La phrase « Il est aussi intéressant de choisir une espèce non spécialiste afin qu’elle puisse survivre une fois que l’espèce nuisible n’est plus ou moins présente dans le milieu » m’a laissé perplexe car l’un des principes fondamentaux de la lutte biologique classique est d’éviter que les agents de lutte biologique (appelés « auxiliaires » en agronomie) ne s’attaquent à d’autres espèces « non-cibles »… Il faut donc privilégier l’utilisation d’espèces très spécialisées (« hôte-spécifique »)versus des généralistes. Mais peut-être que la lutte biologique dans les agrosystèmes n’a pas les mêmes préoccupations que celle menée dans les écosystèmes naturels et semi-naturels où la lutte biologique est utilisée en conservation de la biodiversité ?
Bonjour,
En attendant la réaction des auteurs de ce Regard, voici une première réponse à la question de Jean-Yves : la phrase citée ci-dessus ne concerne pas l’introduction dans un champ préalablement traité aux pesticides d’espèces généralistes exotiques -dont l’émigration hors champ pourrait bien sûr avoir des conséquences désastreuses à vaste échelle-, mais celle d’espèces (auxiliaires des cultures) généralistes régionales, absentes localement du fait du traitement aux pesticides. Espèces a priori sans danger pour la biodiversité locale, puisque régionales, et qui seraient revenues d’elles-mêmes -par colonisation locale- après un arrêt du traitement aux pesticides.
Les deux phrases du texte entourant cette assertion de recours possible à d’espèces généralistes permettent de souligner qu’il s’agit d’espèces autochtones (donc régionales) :
« Le défi majeur pour cette technique est de trouver des espèces auxiliaires autochtones. Ce critère est essentiel pour réduire au maximum les potentiels risques que ces espèces deviennent elle-même invasives (Vandereycken et al., 2011). »
Puis : « Il faut également favoriser l’arrivée naturelle de cette espèce sur la zone de culture en créant des flushs artificielles ou en améliorant l’environnement. »
Bien cordialement,
Anne T