La Société Française d’Ecologie et d’Evolution (SFE2) vous propose ce Regard R106 d’Hélène Soubelet, Denis Couvet et Robin Goffaux (Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité), sur la COP 15 et le nouveau Cadre mondial pour la Biodiversité.

Ce Regard est une version largement augmentée d’un article-analyse d’Hélène Soubelet et Denis Couvet sur le nouveau Cadre mondial sur la biodiversité, mis en ligne le 20 décembre 2022 sur le site de la FRB (depuis Montréal) : https://www.fondationbiodiversite.fr/actualite/cap-sur-la-cop-carnet-de-bord/

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Regard de la FRB sur La COP 15
et le nouveau Cadre mondial pour la biodiversité

Hélène Soubelet (1), Denis Couvet (2) et Robin Goffaux (3),
Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité (FRB)

(1) : Directrice de la FRB,  (2) : Président de la FRB,  (3) : Chargé de mission à la FRB (Point focal national SBSTTA)
Regard R106, édité par Anne Teyssèdre

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Mots clefs : Préservation de la biodiversité, Accords internationaux, Stratégie mondiale, COP 15, Convention sur la Diversité Biologique (CDB), nouveau Cadre mondial pour la Biodiversité, Projet de cadre mondial, COP10, Objectifs d’Aichi

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Introduction

La COP15 Biodiversité s’est tenue du 7 au 19 décembre dernier à Montréal (Canada). Organisée par le gouvernement chinois (et initialement prévue à Kunming, en Chine), cette Conférence des Parties de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) a rassemblé les Ministres de l’Environnement et des scientifiques de 196 États (dont l’Union Européenne, considérée comme un État) pour d’intenses négociations sur le futur de notre Biosphère. Attendu depuis deux ans – car plusieurs fois retardé du fait de la pandémie de Covid 19 -, l’événement était une étape importante pour la CDB : il s’agissait de réviser les objectifs d’Aichi[1] fixés en 2010 pour 2020, c’est-à-dire de fixer des cibles d’action en faveur de la biodiversité pour 2030 (ainsi que, dans une perspective à plus long terme, pour une « Vision à 2050 » visant à vivre en harmonie avec la nature).

[1] Objectifs d’Aichi : 20 objectifs constituant le nouveau plan stratégique pour protéger la biodiversité ont été adoptés par la CDB à Aichi (Japon) en octobre 2010. Ces objectifs sont organisés en 5 buts stratégiques pour enrayer l’érosion de la biodiversité en s’attaquant aux facteurs responsables de l’érosion. cf. https://www.cbd.int/sp/targets/

COP 15, Montréal (15 dec. 2022): salle de la plénière. Cliché D. Couvet.

Cette COP 15 s’est conclue sur l’Accord dit de Kunming-Montréal, marquant l’adoption par les 196 États signataires d’un nouveau « Cadre mondial pour la biodiversité », caractérisé par 4 objectifs et 23 cibles (cf. https://www.cbd.int/article/cop15-cbd-press-release-final-19dec2022 ). Quel.le.s sont les principales avancées et/ou les éventuels reculs de cet accord, par rapport aux précédents textes de la CDB ? Dans la première partie de ce Regard, nous comparons ce nouveau Cadre mondial pour la biodiversité, adopté le mois dernier à Montréal, avec le texte préparatoire du projet rédigé par la CDB en 2021. Dans la seconde, nous comparons les cibles et objectifs de ce nouveau Cadre avec les objectifs d’Aïchi* énoncés en 2010. Enfin, nous proposons une synthèse critique des progrès et éventuels reculs accomplis par la CDB, avec ce nouvel Accord international.

 

Comparaison entre le Cadre mondial adopté en 2022 et le projet de 2021

À quelques mois de la COP 15, la FRB a produit une analyse du projet de Cadre mondial pour la biodiversité (https://www.fondationbiodiversite.fr/cadre-mondial-post-2020-pour-la-biodiversite-analyse-du-projet-de-cadre-par-la-frb ). La comparaison de ce document pré-COP avec l’Accord international finalement adopté à Montréal, au terme de nombreuses négociations, facilite l’analyse des acquis, des succès et des échecs de ces négociations.

Des avancées notables…

Le projet est plus ambitieux sur un certain nombre de visions écologiques et sociales

Logo de la COP15, dite de Kunming-Montréal

En termes écologiques, il faut saluer l’apparition de l’objectif de restauration de la diversité génétique pour le maintien du potentiel adaptatif des espèces sauvages et domestiques (cible 4), du renforcement de la notion d’intégrité écologique, étendue à l’ensemble des écosystèmes au-delà des plus ‘naturels’, qui a été introduite dans les cibles 1 (planification écologique territoriale), 2 (restauration des écosystèmes dégradés), 3 (aires protégées), 12 (zones urbaines), la comptabilité nationale des impacts avec intégration progressive dans toutes les activités, réglementations et stratégies (cible 14), dans les secteurs économiques (cible 15) et dans les modes de consommation (cible 16).

En termes de justice sociale et d’inclusivité, ce nouveau cadre intègre la nécessité de ne pas compromettre la capacité des générations futures à subvenir à leurs besoins (objectif C et section E). Il multiplie les références aux droits et aux territoires des peuples autochtones et des communautés locales (cibles 1, 3, 5, 9, 19, 21, 22), aux droits des femmes, en créant une cible dédiée (cibles 22 et 23).

En termes de changement systémique, le cadre inclut, et c’est nouveau :

  • la modification des valeurs sociales, comportements individuels ou styles de vie comme moteurs du changement,
  • l’intégration explicite des diverses valeurs de la biodiversité (alors que le cadre de 2021 focalisait plus sur les valeurs économiques),
  • le maintien, la restauration des fonctions et des services écosystémiques dans l’objectif B, la cible 10 (relative aux agrosystèmes), la cible 12 (relatives aux zones urbaines),
  • les droits et l’accès équitable aux ressources naturelles et des terres (cible 23),
  • l’ajout explicite du recours aux solutions fondées sur la nature, ou approches basées sur les écosystèmes pour restaurer, augmenter les contributions de la nature (cible 11),
  • la notion de responsabilité commune mais différenciée avec un renforcement de la solidarité des pays du nord envers les pays du sud (cible 19),
  • le rôle de la science (section C) et l’accès aux données (cible 21) sont également explicitement mentionnés à plusieurs reprises comme outils essentiel d’appui à la décision.

Plusieurs cibles sont renforcées, ou précisées :

Par ailleurs, le cadre proposé par la Chine renforce certaines cibles par rapport à 2021. C’est le cas pour :

. la cible 1 sur l’intégrité des écosystèmes, qui demande l’arrêt de la perte de biodiversité dans les zones à haute intégrité écologique d’ici 2030 ;

. la cible 2 sur la restauration des habitats, qui requiert la restauration d’au moins 30 % des écosystèmes terrestres, des écosystèmes d’eau douce et des écosystèmes côtiers et marins (contre 20 % en 2021);

. la cible 6 sur les espèces exotiques envahissantes, qui demande la réduction de 50 % du taux d’introduction de ces espèces d’ici 2030 (alors qu’aucune date n’était mentionnée en 2021).

La cible 16 sur les modes de consommation est quant à elle plus explicite, avec un objectif (réduire l’empreinte de la consommation et réduire significativement la surconsommation) et des moyens pour y arriver (établir des réglementations, politiques, cadre réglementaire, améliorer l’éducation et l’accès à des informations pertinentes et des alternatives).

Le cadre est également plus ambitieux sur le financement (cible 19), à la demande des pays en développement, avec un flux financier des pays développés vers les pays en voie de développement de 20 milliards de dollars par an d’ici 2025 puis 30 milliards par an en 2030.

La cible 3 sur les aires protégées contient à présent une mention indiquant que, dans ces aires, il convient de s’assurer que tout usage durable soit compatible avec les objectifs de conservation.

De son côté, la cible 7 sur les pesticides a été atténuée en termes de chiffrage (en 2021, la réduction visée était de deux tiers, mais portait sur la part « rejetée dans l’environnement »), mais l’introduction de la notion de « réduction des risques liés aux pesticides de 50 % » pourrait dans les faits être plus ambitieuse, car ce qui compte en termes de pollutions c’est davantage la dangerosité de la substance active que la quantité de substance épandue.

Tabacs d’Espagne butinant en bordure d’un chemin, dans une région agricole (Côte d’Or). (Cliché A. Teyssèdre)

Enfin, deux cibles ont été ajoutées :

  • La première (cible 20) sur le renforcement de capacité, propose de favoriser le développement et le transfert de technologies, de promouvoir le développement et l’accès à l’innovation et à la coopération technique et scientifique, les programmes de recherche scientifique conjoints.
  • La seconde (cible 23) concerne l’égalité des genres avec la reconnaissance d’un droit d’accès équitable à la terre et aux ressources naturelles et d’une participation et d’un leadership complets, équitables, significatifs et informés à tous les niveaux d’action, d’engagement, de politique et de prise de décision liés à la biodiversité.

… malgré certains reculs…

Points moins ambitieux :

Il faut noter l’affaiblissement du texte sur la théorie du changement qui était assez innovante dans la proposition de 2021. Cet affaiblissement a notamment fait disparaitre l’évocation du coût de l’inaction. Certaines des notions qui étaient présentes dans ce paragraphe sont désormais réparties dans l’ensemble du cadre, notamment : changement transformateur, nécessité de transformation économique, sociale et des modèles financiers, reconnaissance de l’égalité des genres, de l’accès au pouvoir des femmes, des jeunes et la participation entière et effective des peuples autochtones et des communautés locales.

La cible 15 sur l’engagement des entreprises a été particulièrement atténuée, avec des termes comme « encourage et appuie le business à (…) évaluer et rapporter leurs dépendances et risques », alors qu’en 2021 il était écrit que « toutes les entreprises (…) évaluent et rapportent sur leurs dépendances et risques en matière de biodiversité ».

La cible 18 sur l’élimination des subventions néfastes perd aussi toute force par l’ajout de deux termes : « proportionné » et « progressivement ».

Notons aussi l’atténuation, voire la disparition de certains chiffrages :

  • Les indicateurs de l’objectif A (préservation de la biodiversité) ont été presque tous supprimés. Sont ainsi disparus du texte final, adopté à Montréal, ces requis pour 2030 énoncés dans le projet de Cadre mondial (de 2021) :
    • augmentation d’au moins 15 % de la surface, la connectivité et l’intégrité des écosystèmes naturels ;
    • division par 10 du risque d’extinction d’espèces dans tous les domaines taxonomiques et groupes fonctionnels;
    • maintien d’au moins 90 % de la diversité génétique au sein de toutes les espèces, sauvages et domestiques ;
    • gain net de superficie, de connectivité et d’intégrité des systèmes naturels d’au moins 5 % ;
    • réduction d’au moins 10% des risques d’extinction d’espèces ;
    • l’augmentation de la proportion d’espèces qui conservent au moins 90 % de leur diversité génétique ;
  • La réduction de 50 % des déchets a disparu du cadre 2022 (cible 16).
  • Par ailleurs, la cible chiffrée de réduction de moitié des impacts négatifs des entreprises a disparu (cible 19).

… et certains points à clarifier ou préciser

Certains ajouts restent peu explicites et exigeront des précisions sur leur signification, comme l’intensification durable de l’agriculture (cible 10) – quel sens pour l’Afrique, l’Europe ? -, les activités, services et produits basés sur la biodiversité (cible 9), les opportunités des biotechnologies pour la conservation de la biodiversité (cible 17).

Enfin, la cible 13 sur le partage des avantages contient à présent une référence aux séquences numériques issues du séquençage et un engagement d’ici 2030 à favoriser l’augmentation des bénéfices à destination des pays détenteurs des ressources génétiques. Mais surtout, cette cible a été atténuée par l’ajout de la mention « lorsqu’approprié », relative à la prise de mesures administratives et de renforcement de capacités… (Voir à ce sujet le Regard R102 de C. Aubertin et J-L. Pham, sur l’APA et la numérisation du vivant.)

… pour un bilan plutôt positif

En bref, par rapport au projet de 2021, l’ambition du cadre mondial a été réduite sur certains sujets importants, comme la suppression des subventions néfastes ou la réduction des impacts du secteur privé. Mais cette ambition est plus forte sur de nombreux autres points, comme la prise en compte du potentiel adaptatif, de l’intégrité écologique, de la restauration des fonctions écosystémiques, des diverses valeurs de la biodiversité, la nécessité d’un nouvel objectif (D : se donner les moyens d’agir) et celle d’une gouvernance plus inclusive, multilatérale.

(Escargot sur réséda, Cliché A. Teyssèdre)

Escargot parmi les résédas.. (Cliché A. Teyssèdre)

 

Comparaison avec les objectifs d’Aichi

Il est intéressant de comparer aussi cette nouvelle stratégie mondiale avec les objectifs d’Aichi (cf. https://www.cbd.int/sp/targets/ ).

Apports et avancées

De nombreux éléments, absents des objectifs d’Aichi, ont été pris en compte dans les objectifs et cibles du nouveau Cadre mondial pour la Biodiversité :

  • La diversité génétique des espèces sauvages
  • La gestion durable des stocks d’espèces sauvages autres que les poissons et les plantes aquatiques
  • La restauration des écosystèmes à d’autres fins que la lutte contre le changement climatique
  • La référence aux zoonoses
  • La lutte contre les impacts du changement climatique sur les écosystèmes
  • La nature en ville
  • Le rapportage des entreprises sur les risques et leurs dépendances à la biodiversité
  • Le renforcement de capacités et la coopération scientifique et technique
  • L’orientation «Nord > Sud » des flux financiers internationaux pour la mise en œuvre du cadre
  • La disponibilité d’indicateurs de suivi pour un certain nombre d’objectifs et de cibles du cadre post-2020
  • Le replacement de cette stratégie décennale dans une trajectoire à plus long terme à 2050 (la «Vision » de la CDB)

Logo de la COP 10, Aichi, nov. 2010.

D’autres avancées sont à noter :

  • Les formulations d’objectifs et cibles de ce nouvel Accord (dit de Kunming-Montréal) sont nettement plus détaillées que celles des objectifs d’Aichi ;
  • l’Accord d’Aichi visait la réduction de la perte de biodiversité, alors que ce nouvel Accord vise des gains de biodiversité ;
  • le nouveau Cadre mondial contient des cibles d’actions nettement plus quantifiées que celles d’Aichi (financements et subventions néfastes, réduction des extinctions et des pollutions, ensemble des surfaces pour la planification et des écosystèmes pour l’objectif A du nouvel Accord) ;
  • la question des financements est nettement plus avancée dans le cadre post-2020 et associée à des montants ;
  • les Peuples Autochtones et les Communautés Localesvoient une plus forte participation à ce cadre et une défense de leurs droits et territoires ;
  • la question du genre fait l’objet d’une cible dédiée alors que les besoins des femmes n’apparaissaient qu’une seule fois dans le texte d’Aichi ;
  • L’intégration des valeurs de la biodiversité à différents niveaux de la société apparait nettement plus développée dans le nouveau Cadre mondial ;
  • la mention de limites écologiques sûres semble avoir été remplacée par le concept d’empreinte globale de la consommation :
  • des aspects développement et services écosystémiques sont plus présents dans le nouveau cadre ;
  • l’extension du concept d’Accès et Partage des Avantages (APA) au delà des ressources génétiques est plus ambitieuse dans le nouvel Accord que dans celui d’Aichi ; en outre le nouveau Cadre appelle à l’augmentation des bénéfices pour les populations concernées, alors qu’Aichi ne visait qu’à l’opérationnalisation du Protocole de Nagoya (voir le Regard R102 sur l’APA et la numérisation du vivant).

Pour les valeurs chiffrées présentes dans les deux textes sur les mêmes enjeux, à savoir les aires protégées et la restauration d’habitats, les valeurs du nouveau Cadre mondial apparaissent plus ambitieuses. Certains objectifs d’Aichi (tels ceux concernant les extinctions d’espèces ou les pollutions) peuvent sembler plus ambitieux dans leur formulation, mais l’interprétation de ces formulations pourrait autoriser un niveau au moins égal avec ce nouvel Accord.

Enfin, et c’est important, les objectifs et cibles de Kunming-Montréal intègrent une dimension « mise en œuvre » renforcée par rapport à ceux d’Aichi, avec l’adoption du quatrième objectif (D) sur les moyens d’action, associé à des cibles d’action dédiées (de 14 à 23).

Oblades dans un champ de posidonies, sur le littoral méditerranéen. Le futur des écosystèmes marins est bien sûr également en jeu dans ces négociations. (Cliché Anne Teyssèdre)

 

Quelques reculs ou questionnements

D’autres ajouts peuvent questionner la vision de la durabilité ou les modalités de mise en œuvre de la stratégie :

  • la notion « d’intensification durable », dans la cible 10 (sur la durabilité des pratiques), semble paradoxale et pourrait recouvrir des pratiques ou stratégies agricoles aux bénéfices discutables pour la biodiversité ;
  • la mention des biotechnologies comme opportunité pour la conservation ou l’utilisation durable de la biodiversité peut être questionnée, alors que la CDB est habituellement associée au Protocole de Carthagène sur les risques ;
  • le nouveau cadre mondial ouvre davantage les aires protégées aux activités humaines, relativement aux objectifs d’Aichi – activités dont il faudrait garantir la durabilité (voir à ce sujet le Regard R101 de B. Chevassus et R. Luglia) ;
  • l’augmentation des bénéfices issus de l’APA via le protocole de Nagoya, qui implique d’un côté une plus forte utilisation de la biodiversité et de l’autre que les entreprises dégagent potentiellement plus d’avantages, dépend plus de leurs activités que d’un enjeu de conservation ou d’utilisation durable de la biodiversité

Certains éléments du Plan stratégique d’Aichi semblent avoir disparu de ce nouveau Cadre mondial :

  • Mention de la désertification
  • Sensibilisation aux valeurs de la biodiversité

Des cibles et objectifs plus ambitieux, des moyens mieux identifiés

Au total, les objectifs et cibles des Accords de Kunming-Montréal semblent à la fois plus ambitieux, plus inclusifs et souvent plus précis que ceux d’Aichi. On peut aussi noter la disponibilité, dès l’adoption de ce cadre mondial, d’un premier jeu d’indicateurs qui permettront d’évaluer l’avancement de sa mise en œuvre par les Etats Parties. Une mise en œuvre également renforcée par la mention de montants financiers, qu’il s’agisse du financement général du Cadre, des flux dits Nord-Sud (i.e., contribution des pays riches aux actions mise en œuvre dans les pays en développement) ou de la réduction des subventions néfastes.

 

Synthèse et conclusion

Selon nous, cet Accord mondial peut être considéré comme un progrès majeur dans les ambitions de la convention pour la diversité biologique, des possibilités qu’elle atteigne ses objectifs. Ceci pour plusieurs raisons.

« Act now » : Oeuvre figurant l’effondrement dont sont menacés aujourd’hui de nombreux (socio-)écosystèmes, terrestres et marins. Palais des Congrès de Montréal, COP15, (Cliché Denis Couvet)

Ce nouveau Cadre mondial pour la Biodiversité ne se préoccupe pas seulement des écosystèmes ‘naturels’ – ce qui a été longtemps le cas aussi bien de la CDB que de l’Ipbes – mais bien de tous les écosystèmes. En d’autres termes, les écosystèmes agricoles, urbains, sont aussi concernés par la préservation de la biodiversité. Ce doit être une préoccupation des politiques publiques, du monde économique et financier. Étant donné le déclin important de la biodiversité dans ces écosystèmes (voir l’Indicateur Oiseaux communs), l’importance quantitative (plus de la moitié des écosystèmes) et qualitative de ces écosystèmes, pour le devenir de la biodiversité, c’est une montée considérable de l’ambition dans le domaine de la préservation de la biodiversité.

Une autre avancée significative est que cet Accord précise le rôle et la responsabilité de chacun et chacune, de chaque institution. Le cadre mondial spécifie ainsi les responsabilités :

  • des Etats et autres entités publiques responsables de la gestion du bien et du péril commun, des arbitrages territoriaux ;
  • du monde économique et financier en charge des systèmes de production, qui doivent devenir beaucoup moins polluants, impactants pour la biodiversité;
  • enfin de la société civile, motrice en ce qui concerne la demande sociale, qui concerne aussi bien la consommation que le bien vivre, le vivre en commun… y compris voire surtout avec les non humains!

Le cadre précise comment ces trois types d’acteurs doivent interagir. Soulignons à ce propos que, lors d’un moment solennel de la COP 15 (à la fin du dit ‘segment de haut niveau’), les représentants du monde économique et financier ont rappelé que les États ont un rôle fondamental dans la fixation des règles qui régissent le devenir et les interactions des institutions, des entreprises, économiques et financières. Ils ont aussi demandé que les Etats énoncent de nouvelles règles à même d’inciter ces institutions à créer de nouveaux modèles moins impactants sur la biodiversité.

Au cœur de ces préoccupations, le vivant, sa diversité, les espèces, les écosystèmes, font l’objet de nouveaux concepts avec la notion d’intégrité des écosystèmes, notion qui doit aider à construire des objectifs partagés entre les différentes parties prenantes, aider à la compréhension et l’interaction entre des naturalistes soucieux du devenir de la biodiversité sauvage, des parties prenantes des systèmes de production…

Il peut être pertinent aussi d’examiner cette ambition du cadre mondial à la lumière des attentes des experts de la biodiversité qui étaient exprimés par Diaz et al. (2022), et qui soulignaient l’importance de fixer des objectifs biophysiques ambitieux, en termes de quantité d’espaces protégés, de réduction d’extinction des espèces, de maintien de la variabilité génétique… Si le cadre mondial a été relativement modeste dans la fixation d’objectifs quantitatifs dans ce domaine, -ce qui peut s’expliquer par la différence des enjeux entre les 196 États, difficile de fixer des normes identiques pour tous ces états-, ce cadre en revanche donne des outils pour fixer des objectifs en effet ambitieux au sein de chaque Etat, région, ce qui concerne notamment la France et l’Europe. Ils peuvent s’inspirer à la fois des exigences énoncées par Diaz et al. et des outils proposés par le cadre mondial, qui donne à chaque institution, à chacune et chacun, à la fois des objectifs et des moyens d’y parvenir.

En exigeant que ‘l’intégrité de TOUS les écosystèmes soit respectée’ (objectif A), que ‘TOUT territoire fasse l’objet d’un aménagement participatif, intégré et inclusif’ (cible 1), cet accord fournit des leviers politiques et juridiques nombreux à même d’influencer, directement ou indirectement, les décisions publiques et privées.

En Europe et ailleurs, la sphère scientifique jouera un rôle fondamental dans l’examen critique de ces objectifs et des moyens qui sont proposés par les différentes parties prenantes les effets de la mobilisation -ou non- de ces moyens, de ces possibles leviers politiques et juridiques.

Côte polluée (Cliché Wilfredor, CC0). Selon le nouveau Cadre mondial pour la biodiversité, l’intégrité de TOUS les écosystèmes doit être préservée…

 

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Remerciements

Nous remercions chaleureusement Anne (Teyssèdre) pour son aide à la construction et à la rédaction de ce Regard.

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Pour en savoir plus

Regards connexes

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Regard édité et mis en ligne par Anne Teyssèdre.

Ce Regard est une version largement augmentée d’un article-analyse d’Hélène Soubelet et Denis Couvet sur le nouveau Cadre mondial sur la biodiversité, mis en ligne le 20 décembre 2022 sur le site de la FRB (depuis Montréal) : https://www.fondationbiodiversite.fr/actualite/cap-sur-la-cop-carnet-de-bord/

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