Candidature pour un sujet de Thèse en Écologie et Biologie des Organismes des milieux hydrothermaux,
dans le cadre de l’AO de l’Institut de l’Océan de l’Alliance Sorbonne Université
• Titre de la thèse
Traits d’histoire de vie et connectivité des Mytilidae hydrothermaux : utilisation des coquilles
comme archives de l’histoire individuelle, de la larve à l’adulte
• Informations générales
Lieu de travail :
AD2M, Station Biologique de Roscoff (SBR), Pl. Georges Teissier, 29680 Roscoff
LECOB, Observatoire Océanologique de Banyuls (OOB), Avenue Pierre Fabre, 66650 Banyuls-sur-mer
Encadrants :
Franck LARTAUD (LECOB, OOB, Sorbonne Université)
Thierry COMTET (AD2M, SBR, Sorbonne Université)
• Sujet
Contexte scientifique de la thèse
Les sources hydrothermales profondes constituent des habitats fragmentés qui abritent une faune endémique riche et diversifiée. Ces écosystèmes sont menacés par l’exploitation minière offshore à court ou moyen-terme, dont les impacts potentiels restent mal connus. Ainsi, la résilience face aux perturbations et les capacités de recolonisation de sites impactés restent à définir (Marticorena et al. 2021). Celles-ci dépendent d’échanges démographiques entre populations de sites distincts (connectivité), assurés par la dispersion larvaire. Mais pour de nombreuses espèces hydrothermales la connectivité reste mal caractérisée. En particulier, la durée de vie larvaire et les trajectoires de dispersion (par exemple migration verticale des larves) sont des paramètres fondamentaux qui restent à déterminer.
Objectifs de la thèse
L’objectif du projet est d’étudier la connectivité et la résilience des populations du Mytilidae Bathymodiolus azoricus de la dorsale médio-atlantique (MAR) Nord. Il s’agira de préciser la durée de vie larvaire, quantifier les échanges entre différents sites hydrothermaux, déterminer les trajectoires de dispersion, et étudier le devenir des individus recrutés. Nous combinerons des approches de sclérochronologie et de géochimie élémentaire et isotopique sur des coquilles de larves, postlarves, juvéniles et adultes. Pour cela, nous mettrons à profit le processus de biominéralisation des coquilles de mollusques. En effet, cette coquille carbonatée est formée dès le début du développement (stade larvaire), jusqu’à la fin de vie de l’organisme. Sa mise en place se fait par incréments périodiques correspondant à des unités temporelles aisément identifiables, et ce matériel minéralisé archive les conditions physico-chimiques du milieu dans lequel il est produit.
Méthodologies
La sclérochronologie, au cœur du projet, consiste à étudier les incréments de croissance des coquilles et leur rythmicité (Peharda et al. 2021). Elle permettra (1) de définir la durée des différents stades (larves, post-larves, juvéniles, adultes) et (2) d’associer un cadre temporel aux analyses géochimiques effectuées. Les précédentes études menées chez les adultes de Mytilidae hydrothermaux du Pacifique, tels que Bathymodiolus brevior (Schöne & Giere, 2005) et B. thermophilus (Nedoncelle et al. 2013 ; 2015), notamment par l’équipe proposante, ont montré l’existence de rythmes tidaux, semi-lunaires et lunaires dans la croissance. La démarche sera appliquée pour la première fois à B. azoricus, en s’appuyant sur le marquage de coquilles à l’aide d’un fluorochrome réalisé lors de la campagne TRANSECT 2018, afin de définir le cadre temporel de la minéralisation. La sclérochronologie est encore très rarement appliquée à des larves (e.g. Miller et al. 2020). Son utilisation aux stades larvaire et post-larvaire de B. azoricus constitue une des originalités de ce projet.
Le projet de thèse est découpé en trois parties complémentaires et indépendantes :
(1) La durée de vie larvaire (PLD), paramètre clé de la dispersion, sera recherchée. Les coquilles larvaires (prodissoconque II, PII) sont préservées dans les tissus minéralisés des stades juvéniles. Leur analyse sclérochronologique, couplée à la caractérisation de leur périodicité (e.g. par transformée de Fourier), permettra d’identifier les rythmes de dépôt des incréments et d’ager les individus. L’âge des larves au recrutement (comptage des stries sur la PII) permettra de déterminer la PLD et sa variabilité entre individus.
(2) Les individus recrutés sur un même site peuvent avoir un lieu de naissance et un chemin de dispersion différents. Nous chercherons donc à retracer l’histoire de dispersion à l’échelle de l’individu, à l’aide d’empreintes élémentaires (Mouchi et al. 2024), correspondant à une signature chimique spécifique à chaque site hydrothermal. L’origine possible des recrues sera déterminée en comparant la composition élémentaire de la première coquille larvaire (prodissoconque I, PI), qui enregistre les conditions du site de naissance, à celle de la coquille juvénile (dissoconque) du même individu, servant de composition référence du site de recrutement (Sorte et al., 2013). Cette démarche étendue à plusieurs individus d’un même site permettra d’évaluer la variabilité des zones sources, et possiblement leur origine géographique, certains sites ayant des spécificités géochimiques (e.g. le site Rainbow est particulièrement riche en fer et manganèse ; Konn et al. 2022).
La composition élémentaire le long de transects des coquilles de larves et postlarves permettra de retracer l’ensemble de la vie pélagique de l’individu, et ainsi de détecter les caractéristiques des masses d’eau traversées, par des marqueurs géochimiques préexistants (température par le rapport Mg/Ca, enrichissements en éléments caractéristiques de l’activité hydrothermale tels que Fe et Zn). D’autres marqueurs seront étudiés comme le rapport isotopique du baryum (Ba), indicateur d’une influence hydrothermale. Cela permettra de déterminer les chemins de migration des larves au cours de la dispersion (fond, subsurface, panache hydrothermal). Le couplage sclérochronologique à ces données précisera le moment auquel les larves ont rencontré des conditions particulières.
(3) Pour retracer les fluctuations environnementales au cours du temps, telles que celles de la température, nous utiliserons des traceurs existants pour les carbonates biogènes, comme le rapport Mg/Ca, le 18O et les isotopologues du CO2 ou Δ47 (Mouchi et al. 2013 ; Huyghe et al., 2022). Une calibration du Δ47 pour les coquilles larvaires constituera un défi technique de ce projet. Dans ce cadre, l’étude de la variabilité du signal géochimique observée au même moment pour des individus différents d’un même habitat hydrothermal devrait permettre d’évaluer les capacités de déplacements individuels, notamment pour les jeunes individus (Van Audenhaege et al. 2022).
Références citées
Huyghe et al. (2022) Geochim Cosmochim Acta 316: 41-58
Konn et al. (2022) Deep Sea Res I 179:103630
Marticorena et al. (2021) Mar Environ Res 168:105316
Miller et al. (2020) J Moll Stud 86:342-351
Mouchi et al. (2013) Palaeogeogr Palaeoclimatol Palaeoecol 373:66-74
Mouchi et al. (2024) Biogeosciences 21:145-160
Nedoncelle et al. (2013) Mar Biol 160:1427-1439
Nedoncelle et al. (2015) Deep Sea Res I 106:183-193
Peharda et al. (2021) Palaeogeogr Palaeoclimatol Palaeoecol 570:110371
Schöne & Giere (2005) Deep Sea Res I 52:1896–1910
Sorte et al. (2013) PLoS ONE 8:e80868
Van Audenhaege et al. (2022) Progr Oceanogr 204:102791
• Profil et compétences recherchées
Le.la candidat.e recherché.e devra être titulaire d’un Master 2 en Biologie, Écologie, Géosciences, ou avoir de solides bases dans l’un de ces domaines. Idéalement, il ou elle doit avoir une première expérience en microscopie (optique, électronique) et/ou en analyse chimique ou géochimique (e.g. spectrométrie de masse). Il est attendu une bonne autonomie et des facultés d’adaptations, propres à un tel sujet inter-disciplinaire. Par ailleurs, des connaissances solides en analyses de données multivariées et analyses de séries temporelles constitueront un plus.
• Conditions scientifiques et matérielles
Franck Lartaud est expert en sclérochronologie et géochimie du squelette des invertébrés, notamment pour les milieux profonds. Thierry Comtet est expert de la biologie larvaire.
Leur expertise sera complétée par la participation de Vincent Mouchi, postdoctorant au laboratoire CReAAH à Rennes, qui est spécialiste de biominéralisation et a initié les approches proposées aux stades larvaires. Il participera à l’encadrement avec un degré d’implication selon sa situation future.
Ces expertises complémentaires, et les collaborations déjà en place, permettront la réalisation des objectifs par le transfert sur les stades larvaires microscopiques d’approches habituellement appliquées aux stades adultes.
Une particularité de ce sujet de thèse réside dans son déroulement sur 2 sites distants de Sorbonne Université : la station Biologique de Roscoff et l’Observatoire Océanologique de Banyuls. La personne recrutée sera prioritairement basée à Roscoff mais effectuera des missions régulières sur Banyuls afin de répondre à la progression de son sujet de thèse. L’OOB possède des conditions d’hébergement pour ces missions court terme.
Les laboratoires mettront à disposition du doctorant les moyens nécessaires à la réalisation des travaux de thèse. Ces moyens matériels sont propres au LECOB et à AD2M ou accessibles via les plateformes de l’Observatoire Océanologique de Banyuls et de la Station Biologique de Roscoff, comprenant notamment un service d’imagerie et microscopie et une plateforme de biologie moléculaire.
Les conditions de travail impliquent ou peuvent impliquer la participation à des campagnes océanographiques en milieu hauturier (dorsale médio-Atlantique) ainsi que des missions pour les analyses géochimiques (Univ Pau, Synchrotron SOLEIL).
• Support financier
Le financement de la thèse sera fournie dans le cadre de l’Appel d’Offre de l’Institut de l’Océan.
Le financement des analyses sera assuré par le projet LIFEDEEPER (PPR Océan et Climat).
Une campagne océanographique a été déposée (HYCOMAR, portée par F. Lallier et Didier Jollivet) afin de compléter les échantillonnages (larves, postlarves, juvéniles et adultes) déjà réalisés ou à venir (campagnes annuelles MOMARSAT) sur différents sites de la MAR : Menez Gwen, Lucky Strike, Rainbow, Lost City, Broken Spur.
• Durée du contrat
Le contrat de thèse se déroulera sur 3 ans, du 01/10/2024 au 30/09/2027.
• Procédure de recrutement
Les candidats sont invités à envoyer une lettre de candidature et un CV à Franck LARTAUD (franck.lartaud@obs-banyuls.fr) et Thierry Comtet (comtet@sb-roscoff.fr) avant le 10/04/2024. Après une pré-sélection, un entretien individuel sera réalisé afin de sélectionner le ou la candidat(e) retenu(e) pour la poursuite du processus de sélection qui consistera en un entretien individuel avec le jury de l’Institut de l’Océan entre le 29/04 et 31/05/2024.
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