Résumé du projet de thèse :
Face aux épisodes croissants de sécheresse liés au changement climatique, comprendre les mécanismes d’adaptation des plantes est crucial pour préserver la biodiversité et concevoir des agroécosystèmes résilients. Cette thèse vise i) à identifier les traits racinaires qui permettent d’expliquer les capacités des plantes herbacées à faire face au déficit hydrique, et ii) à tester si l’impact des signaux microbiens sur les traits dépend de la stratégie fonctionnelle de la plante et module sa réponse au déficit hydrique. En combinant des approches d’écologie fonctionnelle, d’anatomie végétale en conditions naturelles et contrôlées, le projet explorera la diversité racinaire d’une cinquantaine d’espèces issues d’habitats contrastés, et analysera leur réponse à des signaux microbiens modulateurs de l’architecture et potentiellement de la tolérance au stress hydrique. Les résultats ouvriront la voie à une meilleure compréhension des interactions complexes mises en place par les plantes et les microbes pour faire face aux stress.
Contexte et objectif :
Le changement climatique amplifie les épisodes de sécheresse, modifiant le fonctionnement des écosystèmes naturels et anthropisés. Dans ce contexte, les prairies et les espèces qui les composent apparaissent comme un objet d’étude idéal pour mieux comprendre les mécanismes d’adaptation des plantes face aux contraintes hydriques et leur impact sur le fonctionnement des écosystèmes (Mooney et al., 2009). En effet, les prairies sont présentes tout au long de gradients de disponibilité hydrique, allant des pelouses méditerranéennes jusqu’aux tourbières montagnardes. Elles contribuent à la préservation des sols, à la régulation du cycle de l’eau et abritent une forte biodiversité, tout en fournissant une ressource fourragère de haute qualité nécessitant peu d’intrants. Identifier les traits favorisant la tolérance et la résilience des espèces prairiales face aux événements climatiques extrêmes permettra d’améliorer notre compréhension des relations trait-fonction chez ces espèces, mais aussi de la durabilité des prairies et de la pérennité des services qu’elles fournissent.
Dans ce contexte, les racines — organes clés pour l’acquisition de l’eau — jouent un rôle central mais encore insuffisamment compris dans l’adaptation des espèces à différents environnements. De même, il est établi depuis plusieurs années que l’écologie fonctionnelle doit intégrer de nouveaux traits en lien avec les fonctions du système racinaire afin de mieux comprendre l’adaptation des plantes à leur environnement (Fort, 2023). De récentes méta-analyses ont mis en avant l’importance des symbioses microbiennes dans la définition des stratégies végétales (Bergmann et al., 2020). Parallèlement, les avancées récentes en biologie des interactions plantes-microbes ont mis en lumière l’effet de signaux microbiens naturels, tels que les lipo-chitooligosaccharides (LCO), sur la croissance, la morphologie racinaire et potentiellement la résilience au stress (Motte et al., 2023).
Ce projet de thèse a pour ambition de mobiliser des traits morphologiques classiquement utilisés en écologie fonctionnelle (longueur spécifique, densité, diamètre), anatomiques (organisation des tissus), et architecturaux pour décrire la diversité racinaire des espèces herbacées caractéristiques d’une gamme d’habitats se différenciant par leur régime de disponibilité hydrique. Ces différentes approches ont indépendamment montré leur intérêt pour comprendre l’écologie des espèces végétales (Fort & Freschet, 2020; Hodge et al., 2009; Yamauchi et al., 2021) mais nous faisons l’hypothèse, dans ce travail de thèse, que les combiner pourrait permettre de dépasser leurs limites respectives. De plus, l’intégration des approches d’écologie fonctionnelle et microbienne dans le cadre de ce projet permettra d’approfondir nos connaissances sur le rôle des interactions microbiennes dans la réponse des plantes au stress hydrique, et sera un moyen novateur de tester l’existence d’un axe de réponse et de dépense aux interactions microbiennes dans le spectre d’utilisation des ressources racinaires. Cela sera fait en vue de l’inclusion du potentiel de réponse aux signaux microbiens dans la définition des stratégies racinaires des plantes.
La présente thèse s’intègre au projet TRASR (Des Traits RAcinaires et Signaux microbiens pour l’adaptation et la Résilience au stress hydrique), porté par le CEFE et le LIPME autour d’une ambition commune : croiser écologie fonctionnelle, biologie moléculaire et génétique pour comprendre et mobiliser les leviers d’adaptation des plantes herbacées face à la sécheresse.
Objectifs de la thèse :
• Identifier, sur un large panel d’espèces herbacées représentatives de milieux à régimes hydriques contrastés, les traits racinaires les plus fortement associés à la niche hydrique de ces espèces ;
• Évaluer en conditions contrôlées la réponse de ces espèces à différents types de déficits hydriques, en jouant sur leur intensité et leur fréquence;
• Tester, à l’échelle inter- et intraspécifique, l’hypothèse selon laquelle la réponse des plantes aux signaux microbiens, notamment endomycorhiziens, varie en fonction de leur stratégie fonctionnelle racinaire et de leur écologie.
Méthodes et résultats attendus :
1. Constitution d’un panel d’espèces et collecte de matériel végétal :
Un ensemble d’environ 50 espèces herbacées (principalement Fabaceae, Lamiaceae et Poaceae), représentatives de milieux aux régimes de disponibilité hydrique contrastés (tourbières pyrénéennes, prairies mésophiles, pelouses sèches méditerranéennes, etc.), sera sélectionné. Pour chaque espèce, des prélèvements seront effectués en milieu naturel afin d’obtenir des échantillons de racines de plantes adultes et des propagules. En parallèle, une à deux espèces présentant une large distribution le long de ces gradients seront identifiées, et des populations échantillonnées en maximisant la diversité des habitats considérés. Cela permettra de conduire l’ensemble des analyses aux niveaux inter- et intraspécifique.
2. Caractérisation des traits racinaires fonctionnels :
Les racines collectées seront analysées pour quantifier une série de traits, i) Morphologiques classiques (longueur spécifique, densité racinaire, diamètre…) ; ii) Architecturaux (intensité et angle de branchement, longueur des liens…) ; iii) Anatomiques (épaisseur du cortex, différenciation tissulaire, structures de colonisation mycorhizienne). L’analyse d’image et la microscopie seront mobilisées pour permettre une quantification fine et standardisée de ces différents traits.
3. Expérimentation en conditions contrôlées et application de stress hydrique :
À partir des propagules collectées, des plants seront cultivés en conditions contrôlées sous différents régimes hydriques (optimal, stress modéré et intense, à des fréquences variables). Certains groupes seront également soumis à un traitement par LCO purifiés. Cette phase expérimentale permettra de mesurer la réponse plastique des traits racinaires à la fois à l’environnement hydrique et aux signaux microbiens.
4. Analyse de la variabilité des réponses et de leurs déterminants écologiques :
Les réponses des espèces seront analysées en fonction de leur stratégie écologique, c’est-à-dire la position des espèces le long des axes du spectre d’utilisation des ressources, et de leur origine climatique. L’objectif est d’identifier des combinaisons de traits robustes, permettant d’évaluer si certaines de ces combinaisons rendent les plantes plus sensibles ou réactives aux LCO, et renforcent leur intérêt pour l’adaptation aux contraintes hydriques.
Résultats attendus :
• Un référentiel fonctionnel des traits racinaires (morphologiques, anatomiques, architecturaux) associés à la position de la niche hydrique des espèces herbacées et à leur réponse aux signaux microbiens ;
• Une meilleure compréhension du rôle modulateur des signaux microbiens sur le développement racinaire en fonction de la stratégie fonctionnelle des espèces ou des populations et de leur contexte écologique d’origine ;
• Une évaluation du potentiel de transfert de ces connaissances vers le niveau intraspécifique, et potentiellement vers des espèces d’intérêt agronomique (notamment fourragères), en appui à la sélection variétale ou au développement de biostimulants.
Contexte de travail :
La thèse sera réalisée au CEFE (Centre d’Écologie Fonctionnelle et Évolutive) à Montpellier, au sein de l’équipe ECOPAR, en étroite collaboration avec le LIPME (Laboratoire des Interactions Plantes-Microbes-Environnement) à Castanet-Tolosan.
Le/la doctorant(e) bénéficiera :
• D’un encadrement interdisciplinaire fort (écologie fonctionnelle, biologie végétale et microbienne);
• D’un accès à des plateformes technologiques (imagerie racinaire, métabolomique, serre expérimentale);
• D’un ancrage régional via des terrains d’étude répartis sur toute l’Occitanie ;
• D’une immersion dans une dynamique collaborative et interdisciplinaire entre laboratoires de recherche ;
• D’un financement acquis pour le fonctionnement de la thèse, incluant les aspects expérimentaux, les frais de publication, de formation, et la participation à des conférences internationales.
Profil recherché :
• Master 2 ou Ingénieur en écologie ou biologie végétale ;
• Bonne connaissance en traitement de données, outils statistiques (e.g. R );
• Une expérience dans la conduite d’expérimentation en conditions contrôlées et analyses morpho-anatomiques végétales serait un plus ;
• Intérêt pour la botanique ;
• Goût pour le travail interdisciplinaire et collaboratif ;
• Bon niveau de rédaction scientifique et d’expression en anglais ;
• Être titulaire du permis B
Informations utiles :
• Date limite de candidature : 2 juin 2025
• Modalité de candidature : Envoie d’un CV et une lettre de motivation par e-mail à florian.fort@cefe.cnrs.fr
• Encadrant : Florian Fort
• Contact : florian.fort@cefe.cnrs.fr
• Localisation : Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE) 1919 route de Mende, 34293 Montpellier
• Contrat : CDD de 3 ans.
• Niveau de qualification : Ingénieur/Cadre/Bac +5.
• Modalités de travail : Temps complet
Bibliographie :
Bergmann, J., Weigelt, A., van der Plas, F., Laughlin, D. C., Kuyper, T. W., Guerrero-Ramirez, N., Valverde-Barrantes, O. J., Bruelheide, H., Freschet, G. T., Iversen, C. M., Kattge, J., McCormack, M. L., Meier, I. C., Rillig, M. C., Roumet, C., Semchenko, M., Sweeney, C. J., van Ruijven, J., York, L. M., & Mommer, L. (2020). The fungal collaboration gradient dominates the root economics space in plants. Science Advances, 6(27), 1–10. https://doi.org/10.1126/sciadv.aba3756
Fort, F. (2023). Grounding trait‐based root functional ecology. Functional Ecology. https://doi.org/10.1111/1365-2435.14381
Fort, F., & Freschet, G. T. (2020). Plant ecological indicator values as predictors of fine‐root trait variations. Journal of Ecology, January, 1–13. https://doi.org/10.1111/1365-2745.13368
Hodge, A., Berta, G., Doussan, C., Merchan, F., & Crespi, M. (2009). Plant root growth, architecture, and function. In Plant and Soil (Vol. 321, Issues 1–2, pp. 153–187). https://doi.org/10.1007/s11104-009-9929-9
Mooney, H., Larigauderie, A., Cesario, M., Elmquist, T., Hoegh-Guldberg, O., Lavorel, S., Mace, G. M., Palmer, M., Scholes, R., & Yahara, T. (2009). Biodiversity, climate change, and ecosystem services. In Current Opinion in Environmental Sustainability (Vol. 1, Issue 1, pp. 46–54). https://doi.org/10.1016/j.cosust.2009.07.006
Motte, H., Parizot, B., Xuan, W., Chen, Q., Maere, S., Bensmihen, S., & Beeckman, T. (2023). Interspecies co-expression analysis of lateral root development using inducible systems in rice, Medicago, and Arabidopsis. Plant Journal, 116(4), 1052–1063. https://doi.org/10.1111/tpj.16481
Yamauchi, T., Pedersen, O., Nakazono, M., & Tsutsumi, N. (2021). Key root traits of Poaceae for adaptation to soil water gradients. New Phytologist, 229(6), 3133–3140. https://doi.org/10.1111/nph.17093
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