l’IPBES le dit depuis 2019, la crise actuelle de la biodiversité ne pourra se résoudre que par des changements transformateurs des modes de vie et des visions du monde des société occidentales, pour remettre la nature et les liens que les humains ont avec elle au cœur de ce qui fait sens commun (IPBES 2019, 2022 ; Pereira et al. 2020). Plus que par des changements factuels, institutionnels ou politiques, les transformations de ce qui fait sens commun peuvent venir de la diffusion de nouvelles façons de dire le monde : « nous avons besoin que le sens se déploie – et ce qui le fait se déployer, ce n’est pas le langage mais le récit » (Huston 2008 : 16).
Parmi tous ces récits, une place particulière revient aux romans et autres fictions littéraires (e.g., Bal et al. 2011). Les fictions littéraires absorbent en effet les individus dans l’histoire et les transportent dans le monde narratif (Green et Brock 2000) ; la lecture d’un large éventail de romans permet aux lecteur.ices de s’immerger dans une variété de réalités et de mondes, et d’expérimenter différentes postures . Elle leur donne également accès à la complexité de ces mondes et leur permet de dépasser les raisonnements purement binaires et manichéens (Huston 2008). En lisant des romans, en s’identifiant à ou contre plusieurs personnages différents, les lecteur.ices peuvent augmenter leur propre pouvoir d’agir et retrouver une certaine liberté sur leur propre vie (e.g., Kidd et Castano 2013). Enfin, il a été démontré que la lecture et l’échange de points de vue sur ces lectures avec des pairs (en particulier chez les enfants) augmentent l’empathie et enrichissent la manière dont les lecteurs se rapportent à d’autres êtres humains (e.g. Bigger et Webb 2010).
Trois initiatives récentes de création de fictions littéraires mobilisent la nature et les relations avec elle :
– L’initiative Par nature, des ateliers littéraires avec le vivant, lancée par la Maison des écrivains et de la littérature (Mél) en partenariat avec le Muséum national d’histoire naturelle, qui propose à des écrivain.es d’animer des ateliers d’écriture dans des classes volontaires, pour produire des œuvres avec ou sur la nature. Dans ce contexte, ces écrivains participants peuvent se former au Muséum. En 2023-2024, une trentaine de classes a participé, et le programme est relancé en 2024-2025 (70 classes associées à 70 auteurs/autrices en 2024-2025 partout en France).
– 2e édition du Prix jeunesse du Muséum littéraire, à l’initiative du MNHN en collaboration avec la Mél et les académies de Créteil, Paris, Versailles, classes-ateliers de création littéraire 2024-2025 (1ere édition en 2021-2022) associant 30 classes franciliennes à 30 auteurs/autrices pour une série de 3 ateliers par classe, visant à faire écrire un texte collectif concourant pour le Prix. En relation avec l’exposition annuelle du Musée de l’Homme : Migrations, une odyssée humaine.
– Le concours de nouvelles lancé par ATD-Quart-Monde et le Livre de poche, qui sélectionne des nouvelles qui racontent une « histoire où les savoirs et les expériences des plus pauvres ont une place centrale », dans un monde « en 2057. Après une période de remise en cause et de bouleversements, notre rapport au monde et à la nature s’est modifié ».
Ce stage veut suivre ces trois initiatives pour étudier les façons dont sont prises en charge la nature et la biodiversité, ainsi que les relations et les valeurs associées dans les sociétés humaines. Il pourra s’agir de :
– caractériser les dimensions de la nature dans les nouvelles écrites, en suivant une grille d’analyse existante (Prévot et Berrucal, article en préparation) ;
– interroger les responsables de la Mél et de ATD Quart-Monde, ainsi que les participant.es (écrivain.es, élèves, auteur.ices et jury des concours) ;
– assister à des ateliers d’écriture pour analyser finement ce qu’il s’y passe
Mise en œuvre du stage : Le stage (durée 5 ou 6 mois) aura lieu au CESCO, Muséum national d’histoire naturelle, Paris, sous la responsabilité d’Anne-Caroline Prévot. Le.a stagiaire sera aussi accompagné.e par Sylvie Gouttebaron (Mél) et Chloé Herla (ATD Quart-Monde). Des missions pourront avoir lieu dans les établissements scolaires partenaires, ainsi qu’à ATD Quart-Monde, pour mieux comprendre le contexte du concours de nouvelles.
Le stage sera gratifié au tarif en vigueur
Début du stage : février ou mars 2025
Modalités de candidature : envoyer CV et lettre de motivation à Anne-Caroline Prévot (candidatures recevables dès maintenant et évaluées au fil de l’eau à partir du 1er janvier 2025)
anne-caroline.prevot@mnhn.fr
Bibliographie :
Bal et al. 2011. The Influence of Fictional Narrative Experience on Work Outcomes: A Conceptual Analysis and Research Model. Review of general psychology 15: 361-370
Bigger S, Webb J (2010) Developing environmental agency and engagement through young people’s fiction. Environmental Education Research 16:401–414
Green et Brock 2000 The role of transportation in the persuasiveness of public narratives. Journal of Personality and Social Psychology 79: 701‑21.
Huston, N. L’espèce fabulatrice. Actes Sud, 2008.
IPBES 2019 Summary for policymakers of the global assessment report on biodiversity and ecosystem services of the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosysteme Services. Advanced unedited version. IPBES.
IPBES 2022 Summary for policymakers of the methodological assessment regarding the diverse conceptualization of multiple values of nature and its benefits, including biodiversity and ecosystem functions and services (assessment of the diverse values and valuation of nature). IPBES reports. Bonn: IPBES
Kidd DC, Castano E (2013) Reading literacy fiction improves theory of mind. Science 342:377–380.
Pereira, L.M., K.K. Davies, E. den Belder, et et al. 2020 Developing multiscale and integrative nature-people scenarios using the Nature Futures Framework. People and nature 2 : 1172‑95
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