Contexte de l’étude :
Depuis plusieurs décennies, les populations d’oiseaux voient leurs effectifs chuter partout dans le monde (Spiller et Dettmers, 2019 ; Bowler et al, 2019). Parmi les causes identifiées, l’intensification de l’agriculture depuis 60 ans est pointée du doigt dans l’ensemble des pays européens (Donald et al, 2001, Powolny 2012). Cette intensification se traduit par une utilisation massive des produits phytosanitaires (pesticides et engrais de synthèse), une homogénéisation des cultures par secteur géographique associée à des regroupements de parcelles (remembrement) mais également à la destruction d’éléments fixes du paysage, comme les haies ou les petits plans d’eau, pourtant considérés comme primordiaux pour la bonne réalisation du cycle biologique des espèces. L’ensemble de ces pratiques impacte ainsi à la fois la nidification des espèces, au travers de la destruction d’habitats favorables, mais également leur alimentation avec in fine des conséquences sur la survie des individus et donc sur la dynamique des populations. Chez les oiseaux insectivores, plusieurs études ont montré que la disponibilité de la ressource est corrélée positivement à la taille des couvées, à la taille des œufs ou encore à la vitesse de croissance des poussins et donc, de manière ultime aux effectifs des populations. Cependant, au-delà de l’apport énergétique, les consommateurs ont besoin d’une gamme variée de nutriments élémentaires et de composés organiques pour combler l’ensemble de leurs besoins physiologiques. La question de la disponibilité des ressources doit donc être considérée non seulement d’un point de vue de la quantité mais aussi de la qualité. Parmi les descripteurs de cette qualité nutritionnelle, les études mettent en avant l’importance de certains acides gras polyinsaturés (AGPI) qui ont un rôle clé dans les processus physiologiques de nombreux métazoaires. Or, la très grande majorité des métazoaires sont incapables de synthétiser ces AGPI de novo, ou à des taux insuffisants pour répondre à leurs besoins physiologiques. Ils vont donc principalement dépendre des AGPI fournis par leur alimentation. Pour les oiseaux insectivores, l’origine terrestre ou aquatiques des proies consommées n’est pas équivalente d’un point de vue de la qualité nutritionnelle. Les insectes aquatiques sont en effet plus riches en AGPI et notamment en AGPI à longue chaine carbonée, particulièrement important dans les processus physiologiques, que les insectes terrestres (Hixson et al., 2015, Twining et al., 2019), et même si très peu d’études existent sur le sujet la présence de milieux aquatiques dans leur domaine vital semble donc importante pour ces oiseaux insectivores.
Les 150 dernières années ont vu le nombre d’écosystèmes d’eau douce, majoritairement représentés par des petites systèmes (<1km²) (Dowing et al., 2006), perdent plus de la moitié de leur surface dans certaines régions suite à des actions de drainage destinées à récupérer des terres agricoles (Lotze et al., 2006). Pour les écosystèmes restants, la perte d’habitat et l’eutrophisation accélérée des masses d’eau représentent des menaces importantes pour la biodiversité et le fonctionnement de ces milieux (Junk et al., 2013). Dans de nombreux plan d’eau en effet, une diminution des surfaces occupées par les macrophytes aquatiques est observée. Or, cette végétation constitue un habitat intéressant pour de nombreux macroinvertébrés aquatiques, composés en grande partie de larves d’insectes, qui y trouvent à la fois refuge et ressources alimentaires. Par ailleurs, la dégradation des conditions d’oxygénation liée à la sédimentation et à la dégradation par des bactéries hétérotrophes d’une importante biomasse algale favorisée par l’apport en nutriments tend à diminuer la biomasse et la diversité de ces macroinvertébrés aquatiques. L’export de composés essentiel comme les AGPI des milieux aquatiques vers les milieux terrestres pourrait donc être altéré par une diminution de la biomasse et de la diversité des insectes émergents.
En région Bourgogne-Franche-Comté, et plus spécifiquement dans le département du Doubs, de nombreux travaux sont menés par les différents gestionnaires des zones humides. Ces travaux s’intègrent dans les différents plans de gestion des acteurs porteurs de la compétence GEMAPI et ont dans de nombreux cas des objectifs de restauration de la ressource en eau, de maintien ou restauration de la trame bleue et de conservation de la biodiversité. La Fédération des Chasseurs du Doubs (FDC25) s’inscrit dans cette logique locale et partage, aux côtés des acteurs gémapiens, ces objectifs de conservation des milieux humides. De nombreux travaux ont ainsi pu être menés sur plusieurs sites du département, et des plans de gestion pluriannuels ont été élaborés. Bien qu’ayant prouvés leur efficacité au niveau de la qualité de la ressource en eau, l’impact des travaux sur le fonctionnement des écosystèmes restent cependant à investiguer.

Objectifs scientifiques :
Le présent projet propose donc d’évaluer le rôle de l’émergence d’insectes provenant de plans d’eau de petites tailles (mares, étangs) dans des contextes paysagers différents, dans la qualité nutritionnelle des ressources trophiques d’insectivores terrestres.

Modalités de réalisation :
1. Au début du stage, l’étudiant(e) devra définir les principales caractéristiques morphologiques (surface, bathymétrie, substrats) de 5 plans d’eau situés en contexte contrasté (forestier/agricole) et réalisera une cartographie de chaque site. Un suivi thermique et chimique (oxygène, azote, phosphore) sera ensuite réalisé à une fréquence hebdomadaire.
2. Une fois la cartographie réalisée, des prélèvements de macroinvertébrés seront effectués sur chaque plan d’eau en début de stage. La biomasse et la diversité des insectes aquatiques dans leur phase de développement aquatique sera ainsi déterminée grâce notamment à un travail d’identification à la loupe binoculaire. Des échantillons seront également préparés pour analyser le contenu en acides gras polyinsaturés (PUFAs) des insectes dans leur phase de développement aquatique. Ces analyses seront faites en prestation extérieure.
3. Parallèlement au travail sur le milieu aquatique, des tentes malaises seront posées aux abords de chaque site pour étudier la communauté d’insectes volants. Les pièges seront relevés deux fois par semaine à partir du mois d’avril pour évaluer la biomasse et la composition en PUFA de cette communauté.

Le contenu de cette offre est la responsabilité de ses auteurs. Pour toute question relative à cette offre en particulier (date, lieu, mode de candidature, etc.), merci de les contacter directement. Un email de contact est disponible: helene.masclaux@univ-fcomte.fr

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