Direction doctorale : Christopher Carcaillet (Professeur, EPHE-PSL Université) et Jean-Christophe Domec (Professeur, Bordeaux Sciences Agro)

Unités de recherche de rattachement du doctorant:
• C. Carcaillet ; UMR5023 LEHNA, Université Claude Bernard Lyon 1 – CNRS, 69622 Villeurbanne
• J.-C. Domec ; UMR1391 ISPA, INRAE – Bordeaux Sciences Agro, 33170 Gradignan

École Doctorale d’Inscription. ED EPHE (472), mention Systèmes intégrés, environnement et biodiversité

Lieu d’exercice de la thèse. Le doctorant sera accueilli à l’INRAE Bordeaux dans l’unité de recherche ISPA où les mesures pourront être réalisées.

Profil étudiant recherché. Ingénieur.e Agronome ou Master en écophysiologie végétale ou toute autre formation équivalente en compétences (biologie des plantes, biochimie, chimie isotopique, base en écologie).

Candidature (CV+lettre de motivation) à : christopher.Carcaillet@ephe.psl.eu, et jc.domec@agro-bordeaux.fr
Date limite de candidature : 19 avril
L’étudiant/e sélectionné/e présentera le concours de l’École Doctorale de l’EPHE (juin 2024)

Projet en résumé
Le réchauffement climatique planétaire s’accompagne en région méditerranéenne d’un allongement des phases de sécheresse en été et parfois même en hiver. Sécheresse et réchauffement climatique induiraient des feux de végétation plus intenses et plus étendus, de telles sortes que des arbres et leurs forêts paraissent menacées.
Le pin noir de Corse (Pinus nigra laricio), dit pin laricio, est endémique de de la Corse, où il constitue des boisements naturels en montagne, fragmentés sur 22 000 ha. Les forêts de pin laricio peuvent bruler plusieurs fois par siècle, mais la sévérité des feux est rarement suffisante pour tuer les arbres, seulement les blesser, en notant que la forêt de pin laricio est naturellement adaptée au feux (Leys et al. 2014). Cependant, les feux affaiblissent ils les arbres ? A court ou long terme ? Cet affaiblissement, s’il est avéré, interagit-il avec le réchauffement ou l’assèchement du climat, et l’accroissement des concentrations atmosphériques en CO2 ?
Le feu produit une blessure du tronc que l’arbre cicatrise par la production de cernes annuels de croissance, jusqu’au feu suivant qui produit une nouvelle cicatrice. Avec le temps, les cicatrices de feux s’accumulent sur les pins laricio durant une vie qui peut dépasser 1000 ans. Les années de feu peuvent être datées par analyse des cernes annuels de croissance, ou dendrochronologie. Les chroniques de cicatrices de feu sur pin laricio permettent actuellement de reconstruire en Corse une histoire des feux du 18e au 21e siècle (Badeau et al. 2024). Ces chroniques montrent que les intervalles entre les feux ont varié, avec des phases où les feux étaient fréquents (tous les 10–15 ans) et des périodes avec moins de feu (tous les 50-60 ans).
Ces cernes de bois enregistrent les conditions de vie des arbres de l’année en cours, mais aussi des évènements qui ont influencé la croissance durant les années précédentes. Ces conditions se manifestent par des variations de l’épaisseur et de la structure des cellules du bois, mais aussi de leur composition isotopique en hydrogène (∂D), en oxygène (∂18O), en carbone (∂13C), ou en azote (∂15N) ; cela révèle la réponse écophysiologique de l’arbre au stress hydrique (Barbeta et al. 2022), à la disponibilité en carbone ou en azote (Niccoli et al. 2019 ; Lin et al. 2020), et au stress induit par le feu lui-même (Battipaglia et al. 2014). Une approche multi-indicateurs est à préconiser en utilisant ces isotopes stables comme indicateurs complémentaires aux méthodes dendrochronologiques usuelles pour quantifier la réponse physiologique des arbres aux feux du passé.
Le comportement écophysiologique des arbres permet de déterminer leurs réactions, leurs résistances et leurs résilience. Ainsi, en capitalisant les informations sur les cernes de croissance, le feu, la gestion forestières des peuplements et le climat, il sera possible d’estimer dans quelle mesure les feux impactent la croissance du pin laricio et menacent leurs survies et celle des forêts, ou au contraire, si les arbres sont résilients voire stimulés par les feux de végétation. Cela permettra de prédire le futur comportement des pins laricio.
Le moment climatique durant lequel le feu se propage peut exercer une réponse différentielle. Depuis le 18es, le climat a changé de telles sorte que la réponse des arbres aux feux a pu varier du fait de ces changements de climat. Les paramètres atmosphériques (CO2, températures, précipitations, indice de sécheresse, etc.) disponibles pour les derniers siècles (climexp.knmi.nl/ ; crudata.uea.ac.uk/cru/data/drought/; Cook et al., 2015) permettent de tester le rôle du climat sur la variabilité de la réponse des arbres aux feux de forêt. Outre les conditions climatiques, le régime des feux lui-même est aussi susceptible d’altérer la réponse écophysiologique des pins aux incendies : un feu précédé d’un court intervalle sans feu (ex. 15 ans) peut avoir une incidence différente qu’un feu précédé par un intervalle plus long (ex. 60 ans).
On formule l’hypothèse que les cernes de croissance post-feu varient du fait du dérèglement physiologique causé par la perte de feuilles (Bär et al. 2019), l’altération de la rhizosphère (Taudière 2017) mais aussi par une réduction du transport xylémien (perte d’aubier et donc de capacité hydraulique) et phloèmien (transport du saccharose dissous dans la sève élaborée). La perte de biomasse photosynthétique peut avoir un effet sur la réponse isotopique du carbone en termes d’enrichissement des assimilâts. Ceci peut altérer l’activité cambiale, entrainant une plus faible proportion de bois final, et des parois cellulaires moins épaisses conférant potentiellement une plus faible résistance à la sècheresse (Hacke et al. 2001) Après un feu, les arbres peuvent allouer plus de carbohydrates à la production de résine pour cicatriser et se défense contre les pathogènes, au renouvellement accéléré du feuillage pour compenser les pertes lors du feu, et produire des cônes mécanisme reproductif de survie ce qui peut également engendrer une diminution de l’épaisseur des cernes de croissance (Dickinson and Johnson 2004).
Les feux peuvent aussi entraîner une perte d’eau importante par les arbres en raison d’une évaporation/transpiration accrue au sein des feuilles, et ainsi les cernes de croissance peuvent refléter un stress hydrique pendant et juste après le feu, se traduisant par des cernes plus étroits et avec un signal isotopique modifié (en particulier le ∂13C).
Toutefois, les matières organiques consumées par le feu pourraient aussi libérer vers le sol des nutriments (P, K) et du charbon de bois utiles à la flore microbienne. Cela peut stimuler la croissance des arbres, conduisant à des cernes de croissance plus larges et un signal isotopique ∂15N modifié dans les années suivant le feu.
Le doctorant devra analyser les cernes annuels de croissance couplés à des mesures isotopiques provenant d’échantillons déjà datés par dendrochronologie du 18e au 21e s., de 4 forêts de pin laricio situées dans la montagne sur un axe nord-sud en Corse. Les analyses morpho-anatomiques et écochimiques permettront de tester la résilience des arbres (Lloret et al. 2011).

Références
Bär A., Michaletz S.T., Mayr S. (2019) Fire effects on tree physiology. New Phytologist 233:1728-174. https://doi.org/10.1111/nph.15871
Barbeta A., Burlett R., Martin-Gomez P., Frejaville B., Devert N., Wingate L., Domec J-C., Ogée J. (2022) Evidence for distinct isotopic composition of sap and tissue water in tree stems: consequences for plant water source identification. New Phytologist 233:1121-1132. https://doi.org/10.1111/nph.17857
Badeau J., Guibal F., Fulé P.Z., Chauchard S., Moneglia P., Carcaillet C. (2024) 202 years of changes in Mediterranean fire regime in Pinus nigra forest, Corsica. Forest Ecology and Management, 554, 121658 Doi: 10.1016/j.foreco.2023.121658.
Battipaglia G., De Micco V., Fournier T., Aronne G., Carcaillet C. (2014) Isotopic and anatomical signals for interpreting fire-related responses in Pinus halepensis. Trees 28, 1095–1104, DOI 10.1007/s00468-014-1020-3
Cook, E.R., et al. (2015) Old World megadroughts and pluvials during the Common Era. Science Advances 1 (10), e150056. https://doi.org/10.1126/sciadv.1500561.
Dickinson M.B., Johnson E.A. (2004) Temperature-dependent rate models of vascular cambium cell mortality. Canadian Journal of Forest Research 559: 546–559.
Hacke, U.G., Sperry J.S., Pockman W.T., Davis S.D. & McCulloh K.A. (2001) Trends in wood density and structure are linked to prevention of xylem implosion by negative pressure. Oecologia 126: 457–461.
Leys B., Finsinger W., Carcaillet C. (2014) Historical range of fire frequency is not the Achilles’ heel of the Corsican black pine ecosystem. Journal of Ecology 102, 381-395, DOI: 10.1111/1365-2745.12207
Lin W., Domec J-C., Ward E.J., Marshall J., King J.S., Laviner M.A., Fox T.R.,West J.B., Sun G., McNulty S., Noormets A. (2020) Using δ13C and δ18O to analyze loblolly pine (Pinus taeda L.) response to experimental drought and fertilization. Tree Physiology 39: 1984-1995. DOI: 10.1093/treephys/tpz096
Lloret F., Keeling E.G., Sala A. (2011) Components of tree resilience: effects of successive low-growth episodes in old ponderosa pine forests. Oikos 120, 1909–1920. https://doi.org/10.1111/j.1600-0706.2011.19372.x
Niccoli F., Esposito A., Altieri S., Battipaglia G. (2019) Fire severity influences ecophysiological responses of Pinus pinaster Ait. Frontiers in Plant Sciences 10, e539. https://doi.org/10.3389/fpls.2019.00539
Taudière A. (2016) Déterminants de la structure des communautés fongiques dans les forêts de Corse : rôle des perturbations et de la composition forestière. Thèse de Doctorat, EPHE, Paris.

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