Présentation du sujet de thèse :

Contexte
Dans le contexte de dérèglement climatique, de plus en plus de dépérissements sont constatés dans les secteurs forestiers et arboricoles du monde entier. De nombreuses espèces forestières et fruitières sont impactées (chêne, hêtre, châtaignier, pin sylvestre, noyer, pêcher, …) et cette situation est en constante augmentation ces trente dernières années. Le dépérissement des arbres se manifeste par des symptômes visibles ou non, pouvant conduire à une mort prématurée des arbres. L’augmentation de ce phénomène de dépérissement qui affecte aussi bien les arbres dans et hors des forêts suscite de vives inquiétudes. Les dépérissements apparaissent comme des phénomènes complexes induits par un enchaînement de multiples contraintes, biotiques et abiotiques, dont l’occurrence s’accentue dans un contexte de changement climatique.
Depuis 2017, une nouvelle augmentation de symptômes de dépérissement touche les vergers de noyers. De multiples facteurs sont évoqués pour expliquer ce phénomène mais la compréhension de leurs effets simples et de leurs interactions reste lacunaire :
– les contraintes abiotiques induites par le changement climatique ;
– les conditions édaphiques (eg. Hydromorphie, réduction de l’activité biologique, tassement, carence en minéraux…);
– les contraintes biotiques induites par les pathogènes aériens.
– les contraintes biotiques induites par les pathogènes racinaires.
Le châtaignier occupe la 8eme place des essences forestières françaises, mais surtout la 1ère place en termes de volumes de bois morts sur pied, confirmant sa forte vulnérabilité au dépérissement. Cela traduit un état sanitaire particulièrement préoccupant de l’essence.
Parmi les causes biotiques de ce dépérissement, les signalements en forêt distinguent notamment :
– le chancre – Cryphonectria sp ;
– le complexe pathogène impliquant notamment le champignon Diplodina castaneae,
– le Cynips du chataignier – Dryocosmus kuriphilus
– la maladie de l’encre – Phytophthora sp – qui participe aujourd’hui a une dégradation importante de l’état sanitaire de l’essence.
Au niveau climatique, l’essence montre également des sensibilités bien documentées. Les phénomènes de sécheresse sont notamment mentionnés comme à l’origine d’une grande partie des signaux de dégradation sanitaire observés
Une meilleure compréhension des mécanismes induisant le dépérissement du noyer et du châtaigner est indispensable pour mieux l’anticiper et adapter la gestion des agrosystèmes forestiers et fruitiers. Pour tenter de mieux appréhender la complexité des mécanismes impliqués, d’analyser, et de cibler comment les facteurs biotiques et abiotiques peuvent se combiner et interagir avec les dérèglements climatiques, cette thèse propose de développer des modèles de prédiction des risques de dépérissement par une approche inter-disciplinaire.
Les objectifs de cette thèse seront donc de développer un outil de diagnostic de terrain afin de répondre aux besoins des filières nucicoles, castaneicoles forestières et fruitières. Pour identifier des leviers d’action, le producteur doit pouvoir hiérarchiser l’importance des facteurs en jeu et de leurs interactions dans le déclenchement du dépérissement. Une approche de modélisation devrait permettre d’appréhender la complexité des inter-relations entre plante, peuplement, pratiques culturales, environnement et les diverses contraintes, biotiques et abiotiques afin de proposer des solutions de gestion formalisées à partir des sorties des modèles construits.

Pour cela, le-a doctorant-e cherchera à :
(1) identifier et hiérarchiser les facteurs conduisant au dépérissement du châtaignier et du noyer (climat, sol, agents biotiques, pratiques culturales, etc) en favorisant le partage et la transposition des connaissances et expertises des gestionnaires de différents systèmes arborés,
(2) élaborer des solutions de gestion appropriées pour limiter l’expression de ces symptômes dans les forêts et les vergers et concevoir des systèmes durables et innovants,
(3) optimiser la gestion sylvicole et arboricole dans un contexte de changement global et
(4) piloter au mieux les renouvellements des arbres afin de limiter les risques élevés de pertes économiques.
Le nouvel outil d’aide à la décision (OAD) combinera deux types d’approches complémentaires :
– Le modèle quantitatif Bioclimsol : Développé par le Centre National de la Propriété Forestière (CNPF), l’outil BioClimSol propose une méthode d’évaluation des risques de dépérissements et d’incompatibilité écologique des essences forestières selon les contextes et différents scénarios du changement climatique. L’outil a bénéficié de l’accompagnement de nombreux partenaires institutionnels de la filière forêt-bois depuis 2009 et jouit d’une reconnaissance scientifique grandissante.
Les modèles de dépérissement sur lesquels repose son expertise combinent et pondèrent, sous la forme d’une équation paramétrée par essence, les facteurs biotiques, climatiques, pédologiques et topographiques identifiés au travers d’études de terrain. Ces algorithmes en apprentissage constant permettent de prédire les risques de dépérissement des essences étudiées à l’occasion de chaque nouvelle expression de dépérissement. BioClimSol dispose aujourd’hui de deux modèles de dépérissement pour le châtaignier respectivement établis sur la base d’études régionales réalisées dans les forêts des Pays de la Loire, Poitou-Charentes et Drôme-Ardèche. Chacun d’entre eux ont permis de déterminer les variables qui ont le mieux expliqué les signaux observés de dépérissement. Mais il ne dispose d’aucun modèle pour le noyer.
– La modélisation qualitative IPSIM : La modélisation IPSIM (Injury Profile SIMulator), développée par l’INRAE de Toulouse, a ouvert une voie nouvelle en proposant une représentation qualitative des effets des pratiques culturales, du pédoclimat, et de l’environnement de la parcelle sur un profil de dégâts dû à un ensemble de bioagresseurs (Aubertot et Robin, 2013 ; Robin et al., 2013). Le choix de la méthodologie de modélisation s’est porté sur une démarche pouvant intégrer un niveau de complexité élevé, soit un outil intégrant les différentes méthodes de gestion de différents bioagresseurs présents simultanément. L’option retenue a donc été une démarche de modélisation qualitative et agrégative, permettant de répondre à l’enjeu de complexité scientifique du champ de l’agroécologie, à l’enjeu de généricité indispensable à la recherche actuelle et à l’enjeu de simplicité de l’outil pour son appropriation sociale la plus large. La démarche se veut également participative et multi acteurs. Dans notre contexte technique et scientifique complexe du dépérissement, un enjeu majeur semble aussi être l’articulation des connaissances scientifiques et des connaissances expertes dans des démarches de conception participative. La modélisation IPSIM permettra donc, quant à elle, par son approche qualitative, de recenser et hiérarchiser tous les facteurs favorisant l’apparition des dépérissements, et de comprendre leurs interactions, ce qui à ce jour, à notre connaissance, n’a pas été réalisé. A ce jour, il n’existe pas de modèle IPSIM châtaigner et noyer.
Cette thèse propose ainsi une approche holistique innovante pour construire un outil prédictif intégrant : le compartiment abiotique (lien sol – climat – parcelle), le compartiment biotique (matériel végétal – ravageurs – maladies) et les facteurs anthropiques potentiels taille – irrigation – conduite…) en combinant ces deux modèles, qui trouveront leurs complémentarités selon les cas et les parcelles.

La thèse abordera plus spécifiquement trois questions de recherche :
1. Quelles sont les relations entre système de culture , itinéraire technique, pédoclimat et dépérissements ? Une question corollaire portera donc sur la capacité à conserver des performances de production dans un contexte d’augmentation des risques de dépérissement liés aux changements globaux ? Il s’agira de mobiliser d’une part des connaissances académiques tirées de la littérature scientifique et d’autre part des connaissances expertes des acteurs de terrain. Pour cet assemblage de connaissances, les formalismes qualitatifs de construction des IPSIM proposés par Aubertot et Robin (2013) d’une part, ainsi que le couplage au modèle Bioclimsol d’autre part permettront de caractériser, comprendre, diagnostiquer et cartographier le risque d’une parcelle dans un contexte de changement climatique.
2. Quelles sont les expressions des symptômes de dépérissement selon différentes situations de production (ensemble des caractéristiques physiques, chimiques et biologiques d’une parcelle et de son environnement), et selon les déterminants socio-économiques et techniques susceptibles d’influencer les décisions du gestionnaire. Le traitement de cette question prendra la forme d’un « observatoire piloté », c’est‐à‐dire d’un réseau de parcelles de producteurs engagés dans des pratiques innovantes et susceptibles de réduire les risques de dépérissement et dont le cahier des charges sera discuté ensemble. Cet axe de recherche devrait permettre de mesurer les performances des différents systèmes et d’adapter les pratiques culturales.
3. Quel est l’apport de l’OAD de simulation des risques de dépérissement dans une démarche de conception participative de systèmes innovants ? Quelles règles de décision nouvelles permettent‐elles de construire. L’impact de ces simulations sur les choix techniques et sur l’émergence de nouvelles règles de décision sera évalué.
Cette preuve de concept sur le châtaignier et le noyer pourrait ensuite être adaptée à d’autres essences connaissant également une recrudescence de dépérissement ces dernières années.

Encadrement et partenariat
La thèse sera dirigée par Guillaume CHARRIER (INRAE UMR PIAF, Clermont-Ferrand) et co‐encadrée par Marie‐Hélène Robin (EI Purpan, INRAE UMR AGIR, Toulouse) et Mélanie SAULNIER (CNRS, UMR 5602 laboratoire GEODE, Toulouse).
Le travail de thèse s’inscrira dans un contrat de collaboration de recherche entre le CNPF, l’INRAE, la Chambre d’Agriculture de l’Ardèche, le CTIFL, la Station Expérimentale de Creysse, la SENuRA et le CNRS. Elle sera cofinancée par l’AAP de FranceAgriMer Connaissances 2024 et par un contrat CIFRE avec la SENURA.

Compétences requises
• Diplôme d’ingénieur/Master 2 en sciences agronomiques, forestières, écologie ou pathologie ou biologie végétale avec une forte motivation pour la recherche. Une connaissance de la physiologie de l’arbre et un goût pour le suivi terrain, la dendrochronologie et/ou la modélisation seront des atouts.
• Maitrise de l’anglais souhaitée
• Expérience appréciée : si possible une expérience en suivi agronomique et/ou en modélisation
• Aptitudes recherchées : Capacité à gérer différentes tâches en parallèle ; Autonomie ; Curiosité ; Force de propositions ; Rédaction scientifique ; Interaction en équipe ; Rigueur et respect des échéances

Modalités d’accueil
• Affectation : SENURA • Station d’expérimentation nucicole Rhône-Alpes 385A route de St Marcellin 38160 CHATTE
• Contrat doctoral de 36 mois avec co-financement CIFRE
• Date de début souhaitée : 1/12/2024
• Rémunération : environ 30k€ brut, congés : 24 jours de congés, 39h/semaine et 25 jours de RTT/an
• Pour postuler : Envoyer un CV, incluant les notes de Master, le nom de deux références et une lettre de motivation d’une page à Guillaume Charrier (guillaume.charrier@inrae.fr), Marie-Hélène Robin (mh.robin@purpan.fr), Mélanie Saulnier (melanie.saulnier@univ-tlse2.fr) et Cyrielle Masson (cmasson@senura.com).
Les entretiens auront lieu à partir de fin Octobre 2024 jusqu’à ce que le poste soit pourvu

Le contenu de cette offre est la responsabilité de ses auteurs. Pour toute question relative à cette offre en particulier (date, lieu, mode de candidature, etc.), merci de les contacter directement. Un email de contact est disponible: mh.robin@purpan.fr

Pour toute autre question, vous pouvez contacter sfecodiff@sfecologie.org.