Contexte
Longtemps présentée comme une activité indispensable à de nombreuses espèces inféodées aux milieux ouverts ainsi qu’au maintien d’une trame écologique fonctionnelle, le pastoralisme est requestionné aujourd’hui dans les interactions qu’il entretient avec les milieux et espèces. En effet, le changement climatique ainsi que les mutations socioéconomiques des dernières décennies font émerger de nouvelles questions et inquiétudes quant à leur coévolution future, dans un contexte d’évolution des systèmes d’élevage pastoraux (taille des troupeaux, modalités de conduite, …) tout comme des attentes sociétales (naturalité/wilderness, bien-être animal, …).
Les liens entre pastoralisme et biodiversité font ainsi l’objet de nombreuses questions et études, tant dans le domaine académique pour améliorer les connaissances à ce sujet que sur le terrain pour répondre à des impératifs de gestion. De nombreux travaux focalisant sur des aspects spécifiques des interactions entre biodiversité et pastoralisme ont déjà été proposés. Souvent situés dans des cadres conceptuels de l’écologie fonctionnelle, ils concernent notamment l’impact du pâturage (la composante du pastoralisme liée aux herbivores domestiques), sur la diversité des organismes, la structure des communautés végétales et le fonctionnement des écosystèmes. Ils permettent notamment de mettre en avant les nombreux facteurs et interactions pouvant moduler les effets sur la biodiversité, que ce soit en lien avec les modalités de conduite et de gestion (chargement, période, type d’animaux…), le contexte environnemental (productivité des habitats, contraintes environnementales…), la durée de coévolution des milieux avec les herbivores (histoire évolutive) ou encore les modalités d’évaluation de ces effets (échelles spatiales, temporelles).
Cependant, le pastoralisme est une activité socioéconomique qui se déploie sur les territoires avec d’autres dimensions que la seule approche autour de l’herbivorie. Ces autres dimensions, qui peuvent toucher aux contraintes économiques, à l’organisation du travail, aux interactions avec d’autres facteurs socio-environnementaux (autres activités anthropiques, politique publique, conservation, prédation…) peuvent influencer à leur tour les effets attendus sur la biodiversité des milieux pastoraux et même la perception de ces effets.

Description du stage
Dans ce contexte, il s’agit ici de contribuer à combler un manque de connaissances structurées dans la littérature actuelle, en travaillant à une compréhension plus systémique et nuancée des interrelations entre pastoralisme et biodiversité tout particulièrement dans le cadre montagnard. S’il est par exemple évident que le rassemblement des bêtes dans des parcs des nuits pour les protéger de la prédation peut mener à une eutrophisation des sols, et de manière générale une perte locale de biodiversité sur les zones concernées, le pâturage plus modéré sur les pelouses et landes d’altitude peut aussi conduire à des effets positifs sur le recyclage des nutriments, et maintenir des milieux ouverts favorables à une grande diversité d’espèces de différents niveaux trophiques : flore, entomofaune, avifaune ou encore microorganismes du sol.
Ainsi la compréhension des effets du pastoralisme sur la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes au sens large peut s’apprécier dans une réflexion aux multiples facettes en termes disciplinaires, méthodologiques mais aussi socioculturelles : approches taxonomiques ou fonctionnelles, de l’échelle des communautés à celle du paysage, de la diversité dans les sols à celle des vertébrés, de l’effet sur les fonctions jusqu’aux services écosystémiques.
Enfin, l’interprétation de ces effets peut fortement dépendre de l’angle de perception, du regard avec lequel on aborde la question et également des enjeux spécifiques des territoires concernées (par ex. : espaces protégés ou non) : importance sociale des milieux ouverts, caractère sauvage des espaces, ciblage sur des espèces patrimoniales ou d’intérêt conservatoire ou encore valeur culturelle et historique des usages pastoraux peuvent impacter les attentes autour du pastoralisme et de ses rôles vis-à-vis de la biodiversité. Un même effet sur la biodiversité peut être perçu, analysé et interprété de façon différente selon l’angle de perception et les objectifs définis sur un site donné.

L’objectif de ce stage est de construire un cadre conceptuel de réflexion qui aide à apprécier la diversité des dimensions qui articulent pastoralisme, biodiversité et fonctionnement des écosystèmes. Ce cadre conceptuel permettra également de dresser un premier bilan de l’état des connaissances ou des controverses sur certaines des dimensions identifiées. Il s’appuiera sur une étude de la littérature existante, sur la consultation éventuelle de personnes ressources et sur l’animation d’un ou plusieurs atelier(s) de réflexion impliquant une diversité d’acteur·rices concerné·e·s (chercheurs, gestionnaires d’espaces protégés, ingénieurs pastoralistes…). Le cadre de réflexion qui en découlera devra être suffisamment large pour englober l’ensemble des effets possible de l’activité pastorale, tout en s’attachant à mettre en exergue la sensibilité des réponses identifiées à différents facteurs d’analyse (i.e. échelle spatiale ou temporelle), ou de perception (conservation, services écosystémiques, qualité paysagère ou culturelle…).
Un tel travail synthétique viendrait apporter des éléments de réponse sur une problématique qui fait l’objet de débats et tensions croissants – par exemple au sein des conseils scientifiques d’espaces protégés – mais sur laquelle les connaissances demeurent parcellaires et éclatées. Il pourrait être le point de départ d’une réflexion plus avancée dans les années à venir, notamment en anticipation de « l’année internationale du pastoralisme et des pâturages » proclamée par l’Assemblée Générale des Nations Unies pour 2026.

Le profil que nous recherchons
• Etudiant.e en M2 Ecologie / Environnement ou similaire – dans le cadre du stage de fin d’étude ou d’une année de césure.
• Connaissances indispensables en écologie / écologie des communautés. Une bonne compréhension des enjeux liés aux écosystèmes de montagne serait un plus.
• Connaissances générales sur les activités d’élevage à composante pastorale.
• Très bonne capacité de synthèse et de conceptualisation.
• Capacité de lecture scientifique, y compris en anglais.

Les conditions d’accueil
• Vous serez accueilli(e) au sein du Laboratoire EcoSystèmes et Sociétés En Montagne (LESSEM), un laboratoire interdisciplinaire d’Inrae qui étudie le fonctionnement et la dynamique des socio écosystèmes, notamment en montagne.
• Vous intégrerez l’équipe ASTRRE, dont les travaux portent sur les interactions entre les activités humaines, les ressources naturelles et les risques naturels, appréhendées au sein d’espaces fonctionnels (versants, bassins versants, massif forestier, domaines skiables, couronnes périurbaines…) ou de territoires administratifs et/ou de projets (collectivités territoriales, intercommunalités, Parcs Naturels Régionaux…).
• Le stage sera co-encadré par Emilie CROUZAT (CR Socio-écosystèmes agropastoraux de montagne), Grégory LOUCOUGARAY (CR Ecologie des communautés végétales) et Hermann DODIER (Ingénieur pastoraliste).

Modalités d’accueil
• Unité d’accueil : LESSEM
• Code postal + ville : 38402 St Martin d’Hères
• Type de contrat : Stage
• Durée du contrat : 6 mois
• Date d’entrée en fonction : courant 2024 – selon disponibilité des candidats
• Rémunération : selon barème en vigueur

Date limite pour postuler : offre de stage ouverte selon pertinence des candidatures reçues

Le contenu de cette offre est la responsabilité de ses auteurs. Pour toute question relative à cette offre en particulier (date, lieu, mode de candidature, etc.), merci de les contacter directement. Un email de contact est disponible: emilie.crouzat@inrae.fr

Pour toute autre question, vous pouvez contacter sfecodiff@sfecologie.org.