Guider la planification urbaine et le déploiement de Solutions Fondées sur la Nature en fonction d’indicateurs de biodiversité dans la métropole de Lyon

Disciplines : géographie et aménagement, écologie, écologie du paysage

Contexte

Les élus et acteurs locaux de l’aménagement ont désormais bien conscience de l’impact délétère de certains projets sur les écosystèmes. Mais ils se retrouvent souvent face à un dilemme entre maintien de la biodiversité et croissance économique ou attractivité de leur territoire. D’un côté, l’État souhaite accélérer les politiques de Zéro Artificialisation Nette (ZAN) alors que de l’autre, certains élus locaux, surtout dans les communes rurales et périurbaines tentent d’inciter à la construction sur leur territoire, pour répondre aux demandes de leurs actuels ou futurs administrés. Face au constat que de nouveaux logements sont toujours nécessaires pour répondre à l’augmentation de la population, une des pistes consiste à optimiser la localisation de nouvelles zones résidentielles plutôt que de chercher à tout prix à les endiguer, ce qui est dans les faits rarement possible. Des travaux scientifiques précédents ont permis d’évaluer les impacts potentiels de scénarios d’urbanisation sur les réseaux écologiques de plusieurs espèces animales (Bourgeois 2015, Tannier et al. 2016, Bourgeois et al. 2018). En France, d’autres études ont également cherché à modéliser les impacts de scénarios d’urbanisation sur la connectivité écologique comme à Toulouse (Tarabon et al. 2020) ou à Bordeaux (Sahraoui et al. 2021). Ces scénarios ont tous un point commun : ils proposent des zones à urbaniser selon les scénarios les « moins pires » au regard de certains critères, par exemple l’impact sur la connectivité écologique d’une espèce, ou de plusieurs groupes d’espèces parfois combinés. Au départ, des zones non urbanisables sont définies (surfaces en eau, fortes pentes, zonages de protection…) et par défaut, l’ensemble du paysage restant reste potentiellement urbanisable. Ces scénarios peuvent aider à guider l’élaboration de zonages de planification. Mais le transfert de connaissances entre les sphères scientifiques et opérationnelles reste difficile dans ce domaine et les recommandations formulées par les scientifiques sont souvent méconnues, ou rarement entendues (Vimal et al. 2012a ; Gippoliti et Battisti 2017).

Le projet de thèse vise donc à identifier des indicateurs de biodiversité pertinents pour d’une part, mettre en œuvre une planification urbaine permettant de limiter au maximum les impacts des nouvelles zones d’urbanisation résidentielle sur la biodiversité et d’autre part développer des solutions fondées sur la nature, par exemple par des politiques de végétalisation permettant d’atteindre les objectifs de Zéro Artificialisation Nette. Le terrain d’étude test privilégié est la Métropole de Lyon.

Objectifs et méthodes

L’objectif général du projet est de proposer des indicateurs solides de biodiversité à différentes échelles pour aider à la décision dans le cadre de politiques de planification, par exemple dans le cadre du renouvellement du PLU-H de la Métropole de Lyon.

Il s’agira dans un premier temps d’identifier quelles sont les zones prévues initialement dans les documents d’urbanisme pour accueillir les nouvelles zones à urbaniser et quels sont les nombres de logements attendus dans chacune de ces zones dans les prochaines années.

La seconde étape consistera à réaliser un diagnostic écologique pour chacune de ces zones, en modélisant la connectivité actuelle pour plusieurs communautés d’espèces. Cette modélisation sera effectuée de manière théorique à partir d’une cartographie d’occupation du sol haute résolution disponible pour l’ensemble de la Métropole de Lyon, réalisée dans le cadre de travaux de thèse précédents ou en cours (Bellec 2018, Boutreux, en cours) et qui sera actualisée en fonction des besoins. Ces modélisations des réseaux écologiques réalisées à l’aide de l’outil Graphab (Foltête et al. 2021) permettront d’identifier des potentiels de connectivité écologique à l’échelle des parcelles. Ce type de démarche a déjà été exploré par les équipes d’ARP-Astrance et Ubiquiste en 2023 sur des zones tests en région parisienne. Il s’agira alors ici de reproduire cette démarche en renforçant et améliorant les indicateurs de biodiversité obtenus. Afin que les potentiels de connectivité identifiés deviennent de véritables potentiels de biodiversité, il sera nécessaire de confronter le modèle à des données de terrain pour améliorer le potentiel prédictif des modèles. Une des pistes envisagées pourrait être de calibrer la modélisation théorique à partir des données de biodiversité identifiées comme pertinentes à partir des résultats précédents du projet COLLECTIFS (https://collectifs-biodiversite.universite-lyon.fr/). Des inventaires supplémentaires pourront être réalisés dans les nouvelles zones ciblées pour améliorer la qualité et la robustesse du modèle. En complément, les modèles obtenus pourront être confrontés aux données collectées dans d’autres projets du Living Lab Antharès sur différents taxons tels que les chats, les souris ou les rats.

Les résultats issus de ces modélisations pourront permettre d’identifier quelles sont les zones à urbaniser en priorité (celles où l’impact potentiel est le moins fort), quelles sont les zones pertinentes à végétaliser dans le cadre de la mise en place des SfN et éventuellement de proposer des nouveaux zonages potentiels pour les nouvelles constructions. Inversement, certaines zones présentant un fort intérêt pour les réseaux écologiques locaux pourraient être identifiées comme zones à protéger de l’urbanisation, soit en adaptant des aménagements (végétalisation par exemple), soit en proposant l’application de politiques de rétrozonage.

Un autre volet du projet de thèse explorera des questions plus sociétales, liées aux résultats obtenus dans les étapes précédentes, en travaillant en collaboration avec les services et les élus des collectivités locales (Villes de Lyon et Villeurbanne, Métropole de Lyon) pour identifier les leviers et les freins afin d’intégrer les résultats de telles études scientifiques dans des documents de planification opérationnels et concrets. Le rôle de la science comme outil d’aide à la décision pour un aménagement urbain écologique sera ainsi questionné dans la poursuite de travaux récents précédents (Boutreux et al., en révision ; Bourgeois et al., en révision ; Bourgeois 2024).

Positionnement par rapport au Living Lab Antharès

Le projet est clairement ancré dans l’agglomération lyonnaise, avec des modélisations et des échantillonnages réalisés sur le territoire de la Métropole de Lyon. Il vise à montrer comment des solutions fondées sur la nature, ici la biodiversité urbaine et péri-urbaine, peuvent permettre de guider des politiques de planification urbaine respectueuse de la fonctionnalité des réseaux écologiques, et donc plus généralement, favorisant la biodiversité en ville, ou du moins en limitant au maximum son érosion.

Equipe de direction

Marc Bourgeois (EVS – MCF HDR) – géographie et écologie du paysage.

Bernard Kaufmann (LEHNA – MCF) – écologie urbaine

Equipe d’encadrement

Hervé Moal et Tanguy Louis-Lucas (ARP-Astrance)

ARP Astrance est une entreprise de 110 consultants spécialisée dans l’immobilier à impact positif. Elle possède une équipe de 20 écologues spécialisés dans la biodiversité urbaine. Une agence vient d’ouvrir à Lyon. De nombreux projets communs et deux thèses sur les questions de connectivité en milieu urbain ont déjà été réalisés par l’entreprise.

Financement de la thèse

Les modalités de financement de la thèse sont en cours. Un co-financement ARP-Astrance et Université Lyon 3 est envisagé.

Le ou la doctorant.e recruté.e sera rattaché.e à l’école doctorale Sciences sociales de l’Université de Lyon.

Les laboratoires de rattachement seront ceux des directeurs de thèse : EVS (M. Bourgeois) et LEHNA (B. Kaufmann).

Le ou la candidate retenu.e devra déposer un dossier de candidature pour l’obtention de la demi-bourse de thèse Lyon 3 avant le 15 mai 2024.

Compétences recherchées

Le ou la candidate devra être titulaire d’un Master en géographie, aménagement ou écologie. Des compétences en géomatique seraient appréciées (outils SIG notamment) avec si possible un intérêt particulier pour la modélisation spatiale. Une appétence particulière pour les questions environnementales est requise. Il est attendu de la candidate ou du candidat une autonomie de travail et une grande force de proposition. Une aisance à l’oral est également nécessaire pour l’animation de rencontres et de réunions avec les élus ou les praticiens de la Métropole de Lyon.

Modalités de candidature

Envoi d’un CV et d’une lettre de motivation ainsi que de tout autre document (réalisations cartographiques, écrits personnels…) pouvant montrer la capacité de la candidate ou du candidat à mener à bien ce projet de thèse.

Date limite de candidature : 12 avril 2024, 12h

Contacts : marc.bourgeois@univ-lyon3.fr et bernard.kaufmann@univ-lyon1.fr

Après examen des candidatures, une audition en présentiel à Lyon sera organisée le jeudi 18 avril 2024 avec les membres de l’équipe de direction et de l’équipe encadrante.

Bibliographie

Bellec A (2018) Dynamiques spatiales, temporelles et écologiques de la Métropole de Lyon : 1984-2015. Thèse de doctorat, Université Lyon 3 Jean Moulin, 395 p.

Bourgeois M (2015) Impacts écologiques des formes d’urbanisation. Modélisations urbaines et paysagères. Thèse de doctorat, Université de Franche- Comté, 369 p.

Bourgeois M, Cossart É, Fressard M (2018) Mesurer et spatialiser la connectivité pour modéliser les changements des systèmes environnementaux. Approches comparées en écologie du paysage et en géomorphologie. Géomorphologie : Relief, Processus, Environnement 23(4) : 289‑308.

Bourgeois M (2024) Territorialiser les réseaux écologiques. Coupler approches théoriques et participatives dans une perspective de recherche appliquée. Mémoire d’Habilitation à Diriger les Recherches, Université Lyon 3 Jean Moulin, 275 p.

Bourgeois M, Boutreux T, Vuidel G, Savary P, Piot P, Bellec A, Kaufmann B (en révision). Assessing the strategic role of urban green spaces for habitat connectivity in multi-family residential plots. Urban Forestry and Urban Greening.

Boutreux T, Bourgeois M, Bellec A, Commeaux F, Kaufmann B (soumis). Addressing the sustainable urbanism paradox: operational reconciliation of dense and green morphologies. Nature Publishing Journals: Urban Sustainability.

Foltête J-C, Vuidel G, Savary P, Clauzel C, Sahraoui Y, Girardet X, Bourgeois M (2021) Graphab: An application for modeling and managing ecological habitat networks. Software Impacts 8 : 100065.

Gippoliti S, Battisti C (2017) More cool than tool: Equivoques, conceptual traps and weaknesses of ecological networks in environmental planning and conservation. Land Use Policy 68(April) : 686‑691.

Sahraoui Y, De Godoy Leski C, Benot ML, Revers F, Salles D, van Halder I, Barneix M, Carassou L (2021) Integrating ecological networks modelling in a participatory approach for assessing impacts of planning scenarios on landscape connectivity. Landscape and Urban Planning 209 : 104039

Tannier C, Bourgeois M, Houot H, Foltête J-C (2016) Impact of urban developments on the functional connectivity of forested habitats: A joint contribution of advanced urban models and landscape graphs. Land Use Policy 52 : 76‑91.

Tarabon S, Calvet C, Delbar V, Dutoit T, Isselin-Nondedeu F (2020) Integrating a landscape connectivity approach into mitigation hierarchy planning by anticipating urban dynamics. Landscape and Urban Planning 202(June) : 103871.

Vimal R, Mathevet R, Michel L (2012a) Entre expertises et jeux d’acteurs : La trame verte et bleue du Grenelle de l’environnement. Natures Sciences Societés 20(4) : 415‑424.

Le contenu de cette offre est la responsabilité de ses auteurs. Pour toute question relative à cette offre en particulier (date, lieu, mode de candidature, etc.), merci de les contacter directement. Un email de contact est disponible: marc.bourgeois@univ-lyon3.fr

Pour toute autre question, vous pouvez contacter sfecodiff@sfecologie.org.