Les écosystèmes serpentinicoles se développent sur des roches particulières, les serpentines, et occupent environ 1% des surfaces terrestres. Ces écosystèmes sont classiquement décrits comme multiplement contraints pour la végétation en lien avec : une faible réserve utile en eau, la présence d’éléments trace métalliques toxiques (Ni, Cr, Co) et une faible disponibilité en nutriments (Brady et al. 2005, Kazakou et al. 2008). Ces contraintes particulières nécessiteraient des adaptations spécifiques et auraient conduit au fort taux d’endémisme trouvé dans les communautés serpentinicoles à travers le monde. Les écosystèmes métallicoles sont en effet des écosystèmes modèles pour étudier la diversification et l’endémisme (Harrison and Rajakaruna 2011).
Par ailleurs, les récentes avancées en écologie fonctionnelle et comparatives offrent un cadre théorique solide pour déduire les contraintes qui pèsent sur la végétation dans un écosystème à partir d’un nombre de traits fonctionnels morphologiques et physiologiques réduit (Díaz et al. 2016, Carmona et al. 2021). Si les écosystèmes serpentiniques peuvent être logiquement classés parmi les écosystèmes stressés (sensu Grime (2001)) d’après les contraintes précités (stress hydrique, oligotrophie, toxicité), les études en écologie fonctionnelles dans ces milieux restent rares. Aussi, des études récentes dans d’autres types d’écosystèmes métallifère montrent le rôle important de l’instabilité des sols et de la perturbation (Delhaye et al. 2020, Delerue et al. under review). Enfin, les écosystèmes serpentinicoles étant distribués dans des contextes bioclimatiques diversifiés, les niveaux de contraintes subis par la végétation sont aussi surement dépendant de ce contexte (Joswig et al. 2022).
L’objectif principal de ce stage est donc de comprendre les principales contraintes pour la végétation dans les écosystèmes serpentinicoles en Europe de l’Ouest à partir de l’étude des traits fonctionnels morphologiques et physiologiques des espèces serpentinicoles. Pour répondre à cet objectif, la méthodologie suivante sera mise en place :
1) Synthèse bibliographique (1 mois) concernant les contraintes connues dans les écosystèmes serpentinicoles et les traits fonctionnels de la végétation correspondante. Cette synthèse doit aboutir à la formulation d’hypothèses concernant les traits fonctionnels de la végétation serpentinicole européenne.
2) Mesure des traits fonctionnels (3 mois). Ces mesures comprennent : des missions de collecte et mesure sur le terrain ; puis un traitement des échantillons au laboratoire. De nouvelles campagnes de terrain seront effectuées au cours du stage (Sud-Est de la France, Italie, Macédoine) en Mai/Juin et viendront compléter la caractérisation à large échelle en cours des espèces serpentinicoles Européennes. En raison des calendriers universitaires, les échantillons qui seront traités au laboratoire seront ceux récolés en 2024 (Espagne, Portugal, Albanie et Grèce).
3) Analyse et interprétation des données (1 mois) : détermination des syndromes fonctionnels des plantes serpentinicoles d’Europe de l’Ouest. Ici les échantillons traités au laboratoire (ceux de 2024) viendront compléter les mesures déjà effectuées précédemment (Massif Central, Apennins, Alpes). Interprétation des syndromes fonctionnels en regard des hypothèses (étape 1). L’influence du contexte bioclimatique, mais aussi de mesures pédologiques simples (C/N ; teneurs en Ni, Cr, Co) sur ces syndromes fonctionnels sera aussi évaluée.
4) Rédaction (1 mois). Si l’étudiant.e progresse rapidement au cours de son stage, la rédaction du rapport de stage pourra servir de base à la rédaction d’un article scientifique pouvant être soumis dans des revues d’écologie fonctionnelle en 2025.
Contexte :
Ce stage aura lieu de Janvier à Juin 2025. Il s’intègrera à un projet de recherche en cours sur l’écologie fonctionnelle des espèces végétales métallophytes (projet EC2CO CNRS FEUILLE ; 2024-2026). Ce stage sera basé dans le laboratoire EPOC, dans les locaux de l’école d’ingénieur ENSEGID à Pessac. Ce stage se fera sous la supervision de Florian DELERUE, enseignant chercheur en écologie au laboratoire EPOC.
Compétences requises :
– Rigueur et organisation pour assurer des mesures de qualité au laboratoire.
– Intérêt et endurance pour le travail de terrain
– Statistiques et analyses de données, en particulier de données multivariées.
– Communication facile : savoir exprimer ses besoins, ses questionnements, mais être aussi force de proposition
– Maitriser la communication scientifique écrite et orale
Gratification :
Le montant de la gratification suivra les règles en vigueur.
Candidature
Par email à fdelerue@bordeaux-inp.fr avant le 04 Novembre 2024
References:
Brady, K. U., A. R. Kruckeberg, and H. D. Bradshaw Jr. 2005. Evolutionary Ecology of Plant Adaptation to Serpentine Soils. Annual Review of Ecology, Evolution, and Systematics 36:243–266.
Carmona, C. P., C. G. Bueno, A. Toussaint, S. Träger, S. Díaz, M. Moora, A. D. Munson, M. Pärtel, M. Zobel, and R. Tamme. 2021. Fine-root traits in the global spectrum of plant form and function. Nature 597:683–687.
Delerue, F., M. Pauwels, H. Frérot, S. Díaz, H. Randé, V. Mauro, V. Sappin-Didier, C. Nguyen, and R. Michalet. under review. Revisiting the functional strategy of herbaceous metallophytes helps understanding leaf metal accumulation. Ecological Monographs.
Delhaye, G., O. J. Hardy, M. Séleck, E. Ilunga wa Ilunga, G. Mahy, and P. Meerts. 2020. Plant community assembly along a natural metal gradient in central Africa: Functional and phylogenetic approach. Journal of Vegetation Science 31:151–161.
Díaz, S., J. Kattge, J. H. C. Cornelissen, I. J. Wright, S. Lavorel, S. Dray, B. Reu, M. Kleyer, C. Wirth, I. Colin Prentice, E. Garnier, G. Bönisch, M. Westoby, H. Poorter, P. B. Reich, A. T. Moles, J. Dickie, A. N. Gillison, A. E. Zanne, J. Chave, S. Joseph Wright, S. N. Sheremet’ev, H. Jactel, C. Baraloto, B. Cerabolini, S. Pierce, B. Shipley, D. Kirkup, F. Casanoves, J. S. Joswig, A. Günther, V. Falczuk, N. Rüger, M. D. Mahecha, and L. D. Gorné. 2016. The global spectrum of plant form and function. Nature 529:167–171.
Grime, J. P. 2001. Plant Strategies, Vegetation Processes, and Ecosystem Properties. Second Edition. John Wiley & Sons.
Harrison, S., and N. Rajakaruna. 2011. Serpentine: The Evolution and Ecology of a Model System. First edition. University of California Press.
Joswig, J. S., C. Wirth, M. C. Schuman, J. Kattge, B. Reu, I. J. Wright, S. D. Sippel, N. Rüger, R. Richter, M. E. Schaepman, P. M. van Bodegom, J. H. C. Cornelissen, S. Díaz, W. N. Hattingh, K. Kramer, F. Lens, Ü. Niinemets, P. B. Reich, M. Reichstein, C. Römermann, F. Schrodt, M. Anand, M. Bahn, C. Byun, G. Campetella, B. E. L. Cerabolini, J. M. Craine, A. Gonzalez-Melo, A. G. Gutiérrez, T. He, P. Higuchi, H. Jactel, N. J. B. Kraft, V. Minden, V. Onipchenko, J. Peñuelas, V. D. Pillar, Ê. Sosinski, N. A. Soudzilovskaia, E. Weiher, and M. D. Mahecha. 2022. Climatic and soil factors explain the two-dimensional spectrum of global plant trait variation. Nature Ecology & Evolution 6:36–50.
Kazakou, E., P. G. Dimitrakopoulos, A. J. M. Baker, R. D. Reeves, and A. Y. Troumbis. 2008. Hypotheses, mechanisms and trade-offs of tolerance and adaptation to serpentine soils: from species to ecosystem level. Biological Reviews 83:495–508.
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