Depuis 2002, le stock du hareng (Clupea harengus L.) de la mer du Nord présente un faible recrutement malgré une biomasse d’adultes importante et une faible mortalité par pêche. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer ce faible recrutement, telles que des difficultés d’alimentation pour les larves, une augmentation de la prédation, des conditions d’éclosion défavorables, des changements dans les communautés planctoniques (Alvarez-Fernandez et al., 2012; Beaugrand et al., 2003) et une hausse de la mortalité des larves due au réchauffement des eaux (Fässler et al., 2011; Hufnagl & Peck, 2011; Petitgas et al., 2013). Il a également été suggéré que ces changements auraient pu favoriser la sous-population des Downs, dont la contribution à la population totale a récemment dépassé celle des autres sous-populations (ICES, 2015). Contrairement à la majorité des poissons qui se reproduisent au printemps et à l’automne pour coïncider avec la prolifération du plancton, le hareng des Downs se reproduit en hiver dans la Manche orientale et le sud de la mer du Nord, des périodes qui peuvent sembler moins favorables d’un point de vue trophique. Toutefois, la persistance de cette reproduction hivernale et sa récente contribution importante à la population de harengs de la Mer du Nord suggèrent une adaptation aux conditions hivernales spécifiques.
Les prédictions du succès du recrutement basées uniquement sur l’abondance des larves supposent que tous les individus ont la même probabilité de survie, ce qui peut entraîner une surestimation de la relation entre le stock et le recrutement. La modélisation a permis de mieux comprendre les mécanismes qui influencent la variabilité du transport et de la rétention des larves de hareng, ainsi que les facteurs hydrographiques et météorologiques affectant le recrutement (Corten, 2013; Skagseth et al., 2015). Les modèles hydrodynamiques utilisés pour étudier le transport des larves de hareng des Downs montrent que la rétention des larves dans des zones de forte productivité planctonique est essentielle pour assurer le succès du recrutement (Dickey-Collas et al., 2009). Cependant, ces modèles ne tiennent pas compte de la mortalité des larves, ce qui peut conduire à surestimer leur abondance dans certaines zones. Bien que ces modèles se concentrent sur les facteurs physiques et hydrodynamiques, ils négligent les interactions biotiques, telles que la disponibilité de nourriture et la compétition trophique, qui peuvent également influencer la survie et le recrutement des larves de hareng des Downs.
Les modèles biophysiques permettent de simuler les processus de transport et de rétention des larves, en tenant compte des facteurs physiques et biologiques, et offrent une résolution spatiale et temporelle fine et individuelle. En simulant la dispersion des larves dans diverses conditions, ces modèles permettent aussi de prévoir l’impact des changements de circulation océanique sur la connectivité des stades biologiques face au changement climatique. En effet, des variations dans la dispersion des larves peuvent impacter leur survie, croissance, recrutement et fécondité future. Il est donc essentiel de mieux comprendre les paramètres qui contrôlent le recrutement des larves de hareng des Downs pendant leur dérive dans le contexte du changement climatique, en s’appuyant sur les modèles hydrodynamiques couplé à des modèles biophysiques.
Les objectifs de ce stage seront les suivants :
– Simuler les schémas de dispersion et de rétention des larves de hareng des Downs ainsi que les matrices de connectivité avec les nourriceries en couplant le modèle lagrangien Ichthyop avec modèles hydrodynamiques pour les périodes passées.
– Intégrer des facteurs biologiques dans le modèle pour mieux comprendre les impacts sur la survie des larves de hareng, en s’appuyant sur des modèles biogéochimiques.
– Intégrer des taux de mortalité réalistes dans le modèle, prenant en compte des facteurs tels que l’abondance en plancton et les conditions environnementales, afin d’améliorer la précision des simulations.
– Inclure les paramètres hydrobiodynamiques attendus en Manche orientale et en mer du Nord d’ici 2100.
L’étudiant.e retenu.e devra mettre en place le modèle Ichthyop pour comprendre les facteurs influençant le transport et la rétention des larves de hareng en Manche-mer du Nord, et tester les scénarios futurs liés au changement climatique. Ichthyop est un outil développé par l’IRD (https://ichthyop.org/), simple d’utilisation pour des biologistes n’ayant pas d’expérience en modélisation. Il propose une interface graphique intuitive qui permet de configurer et de lancer des simulations, tout en visualisant le transport d’œufs et de larves virtuels. La rédaction du rapport donnera lieu à une présentation des résultats obtenus et à une discussion comparant les distributions des larves de hareng observées (campagnes IBTS) et modélisées, ainsi qu’à une mise en relation avec l’environnement, permettant d’émettre les premières hypothèses sur les processus affectant le recrutement.
Compétences requises et qualités personnelles :
– Niveau Master 2 en écologie marine ;
– Connaissances sur la dynamique des populations et de leurs environnements ;
– Compétences en modélisation hydrodynamiques et biophysiques (Ichthyop) souhaitables ;
– Maîtrise des outils statistiques (R) et cartographiques (SIG) ;
– Rigueur, méthode, sens de l’organisation et qualités rédactionnelles ;
– Esprit d’initiative et d’ouverture.
Compétences acquises :
– Modélisation (Ichthyop) ;
– Traitement de données statistique (R, Python) et cartographique (SIG) ;
– Compréhension des processus du recrutement et de l’influence de l’environnement.
Pour postuler, veuillez envoyer votre candidature (CV et lettre de motivation) à jeremy.denis@univ-littoral.fr et elena.alekseenko@univ-littoral.fr.
Références bibliographiques :
Alvarez-Fernandez, S., Lindeboom, H., & Meesters, E. (2012). Temporal changes in plankton of the North Sea: community shifts and environmental drivers. Marine Ecology Progress Series, 462, 21–38.
Beaugrand, G., Brander, K. M., Lindley, J. A., Souissi, S., & Reid, P. C. (2003). Plankton effect on cod recriutment in the North Sea. Nature, 426, 661–664.
Corten, A. (2013). Recruitment depressions in North Sea herring. ICES Journal of Marine Science, 70, 1–15.
Dickey-Collas, M., Bolle, L., van Beek, J., & Erftemeijer, P. (2009). Variability in transport of fish eggs and larvae. II. Effects of hydrodynamics on the transport of Downs herring larvae. Marine Ecology Progress Series, 390, 183–194.
Fässler, S. M. M., Payne, M. R., Brunel, T., & Dickey-Collas, M. (2011). Does larval mortality influence population dynamics? An analysis of North Sea herring (Clupea harengus) time series: North Sea herring larval mortality. Fisheries Oceanography, 20, 530–543.
Hufnagl, M., & Peck, M. A. (2011). Physiological individual-based modelling of larval Atlantic herring (Clupea harengus) foraging and growth: insights on climate-driven life-history scheduling. ICES Journal of Marine Science, 68, 1170–1188.
ICES. (2015). Report of the Herring Assessment Working Group for the Area South of 62°N (HAWG). (p. 850). Copenhagen, Denmark: ICES HQ.
Petitgas, P., Rijnsdorp, A. D., Dickey-Collas, M., Engelhard, G. H., Peck, M. A., Pinnegar, J. K., … Nash, R. D. M. (2013). Impacts of climate change on the complex life cycles of fish. Fisheries Oceanography, 22, 121–139.
Skagseth, Ø., Slotte, A., Stenevik, E. K., & Nash, R. D. M. (2015). Characteristics of the Norwegian Coastal Current during Years with High Recruitment of Norwegian Spring Spawning Herring (Clupea harengus L.). PLOS ONE, 10, e0144117.
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