Pour l’offre complète, rendez-vous à: https://jobs.inrae.fr/ot-19490

Le/la candidat(e) sera accueilli(e) dans l’Unité Écosystèmes Aquatiques et Changements Globaux (UR EABX) appartenant au centre INRAE Nouvelle-Aquitaine Bordeaux et localisée à Cestas Gazinet. Les recherches menées par l’Unité ont pour missions de développer les connaissances, fournir des méthodes et améliorer les outils pour définir et comprendre le statut et la dynamique des écosystèmes aquatiques continentaux (i.e. estuaires, lacs, rivières) en évaluant la réponse de ces systèmes et de leurs espèces-clés (dont les poissons migrateurs amphihalins migrant entre mer et rivière pour réaliser leur cycle de vie) à une gamme de pressions humaines (e.g. pêche, fragmentation des habitats, pollution, changement climatique) (https://eabx.bordeaux-aquitaine.hub.inrae.fr/).

Dans ce contexte, le/la candidat(e) s’inscrira dans un projet de longue durée au sein de l’Unité, à savoir la sauvegarde de l’esturgeon européen (Acipenser sturio) (e.g. Rochard, 1992 ; Delage, 2015 ; Carrera-Garcia, 2017). Cette espèce emblématique de grands fleuves européens comme la Gironde (France), l’Elbe (Allemagne) ou encore le Guadalquivir (Espagne) est classée en « danger critique d’extinction » sur la liste mondiale de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN, 2023). La dernière population sauvage est issue du bassin de la Gironde (France) avec la dernière reproduction naturelle observée en 1994. Les actions menées historiquement en France depuis les années 90 (Elie, 1997 ; Rochard, 2002) et dans la première phase du Plan National d’Action français (PNA) en faveur de la restauration de l’esturgeon européen 2011-2015 (MEDDTL, 2011) ont permis d’éviter la disparition de l’espèce. Un stock d’individus captifs a été constitué dans les années 90 (Williot et al., 2011) ; ce dernier a permis de mettre au point une méthode de reproduction assistée (Williot et Chèvre, 2011) afin de produire et de relâcher des jeunes poissons dans le milieu naturel. Ainsi, depuis 2007, près de 1,7 millions d’individus (larves et juvéniles) ont été lâchés dans les parties basses des fleuves Dordogne et Garonne (France) et, dans une moindre mesure, 20 000 juvéniles ont été lâchés dans l’Elbe (Allemagne) où l’espèce fait également l’objet d’un plan national d’action (Gessner et al., 2010). Des lâchers expérimentaux ont également été réalisés dans le Rhin (Brève et al., 2019).

De l’autre côté de l’océan Atlantique Nord, l’esturgeon Atlantique (Acipenser oxyrinchus) est actuellement présent dans les rivières de la côte américaine, du Québec (Canada) jusqu’en Floride (États-Unis). Néanmoins, l’espèce a été marquée par des diminutions drastiques d’abondance (approximativement 90% des abondances) à la fin du XIXème siècle sans véritable rebond depuis. Aux États-Unis, un moratoire sur sa pêche côtière a été mis en place en 1998 avant l’inclusion de l’espèce dans l’Endangered Species Act en 2012 comme espèce « menacée » ou « en danger » en fonction des états considérés (Hilton et al., 2016). Ce classement préserve l’espèce de toute exploitation commerciale aux États-Unis. Bien que sujet d’une pêcherie régulée au Canada, les populations des fleuves Saint-Laurent et Saint John et des zones Atlantiques côtières adjacentes sont listées comme « menacées » par le Comité sur la Situation des Espèces en Péril (COSEPAC/COSEWIC, 2011).

Historiquement, la présence de l’esturgeon Atlantique en mer Baltique a été mise en évidence par des analyses paléo-génétiques. Alors que l’on envisageait initialement une colonisation autour de l’an 1000, des résultats plus récents ont mis en évidence une présence dans toute l’Europe du Nord au moins depuis 1500 B.C. (Desse-Berset et Williot, 2011 ; Nilkulina et Schmölcke, 2016 ; Popovic et al., 2020). Le statut des îles britanniques est encore incertain en ce qui concerne l’espèce qui a habité les systèmes fluviaux (Steve Colclough, comm. pers.). En Europe, l’esturgeon Atlantique est aujourd’hui considéré comme « régionalement éteint » dans le milieu naturel (Kottelat et Freyhof, 2007). Cependant, cette espèce est en cours de réintroduction dans la mer Baltique, avec des lâchers dans les principaux bassins versants de la Baltique tels que l’Oder, la Vistule, le Niemen, le Gauja et la Narva, principalement sur la base d’un stock ex-situ importé du fleuve Saint John (Nouveau-Brunswick, Canada).

Sur la base de l’aire de répartition historique et du fait que la disparition des populations européennes de l’esturgeon atlantique est plus ancienne que celle de l’esturgeon européen, le consensus en Europe de l’Ouest est de réintroduire l’esturgeon européen (A. sturio) dans l’Atlantique, la Manche et la mer du Nord en produisant des juvéniles à partir de la dernière souche génétique sauvage (Roques et al., 2018). La réintroduction de l’esturgeon Atlantique (A. oxyrinchus) est limitée à la mer Baltique .
Cependant, la disponibilité actuelle de l’esturgeon Atlantique au Canada et la disponibilité temporairement limitée de juvéniles d’esturgeons européens (maturation tardive des géniteurs du stock captif) ont amené à des discussions sur la réintroduction de l’esturgeon Atlantique. Quoi qu’il en soit, la réintroduction de l’esturgeon Atlantique dans les rivières de l’Atlantique Est et de la mer du Nord pourrait amplifier le risque de chevauchement et d’interaction directe avec les individus d’esturgeons européens résultant du repeuplement actuellement en cours dans la Gironde (France) et l’Elbe (Allemagne). Cette interaction et ses conséquences potentielles doivent être mieux évaluées.

En anticipation d’un futur travail de modélisation des niches environnementales des deux espèces, la première étape de cette analyse de risque consisterait à : (1) clarifier l’histoire conjointe de la présence des deux espèces en Europe de l’Ouest ; (2) comparer les traits d’histoire de vie entre les deux espèces ; (3) renseigner/investiguer la distribution continentale des deux espèces en Europe et possiblement en Amérique du Nord pour A. oxyrinchus, afin de (4) conclure sur la meilleure façon de contraindre les niches environnementales dans un modèle de distribution à venir. Ce travail se fera principalement via la recherche bibliographique et le dialogue avec des experts de la conservation des esturgeons.

 Vous serez plus particulièrement en charge de :

– Rédiger une fiche de synthèse sur l’histoire conjointe de la présence des deux espèces en Europe de l’Ouest. Cette fiche devra faire la chronologie des principaux évènements marquants en repartant de la fin du dernier maximum glaciaire (il y a environ 12 000 ans) à nos jours. La fiche devra aussi contextualiser climatiquement le déroulé de l’histoire conjointe en décrivant les grandes fluctuations en termes de couvertures de glaces, de température et, si possible, de pluviométrie ;
– Lister et renseigner les traits d’histoire de vie ou traits écologiques pour les deux espèces comme, par exemple, l’âge à la maturité, la fécondité, la taille des œufs, la senescence, le taux de croissance de la population, la tolérance à la salinité, et la distance de dispersion, et identifier les traits pour lesquels on manque d’information ;
– En lien avec le point précédent, faire une analyse détaillée de l’autécologie au cours de l’ontogenèse de chaque espèce en ce qui concerne les tactiques migratoires, le régime alimentaire, la physiologie….;
– Renseigner la distribution continentale dans les bassins versants de l’Europe de l’Ouest des deux espèces de l’an 1000 à nos jours à minima. La période temporelle pourra être étendue et les changements dans la distribution des invertébrés benthiques, proies des esturgeons, pourrait être demandée. Ce travail s’appuiera en partie sur la base de données EuroDiad 4.0 qui compile des informations sur la distribution de 28 espèces migratrices amphihalines européennes sur quatre périodes temporelles, i.e. 1750-1850, 1851-1950, 1951-2010 et 2011-présent, pour environ 300 bassins versants répartis sur l’Europe, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient ;
– Commencer à définir, sur la base de ces nouvelles connaissances, les niches pour les principaux facteurs environnementaux pouvant jouer sur la distribution continentale de ces espèces en déterminant la forme de la relation et les valeurs optimales et sub-optimales de ces facteurs. Ces niches seront à valider avec les experts de la conservation des esturgeons.

Le contenu de cette offre est la responsabilité de ses auteurs. Pour toute question relative à cette offre en particulier (date, lieu, mode de candidature, etc.), merci de les contacter directement. Un email de contact est disponible: geraldine.lassalle@inrae.fr

Pour toute autre question, vous pouvez contacter sfecodiff@sfecologie.org.