Contexte scientifique
La destruction de l’habitat constitue l’une des principales causes de perte de biodiversité.
Pourtant, la manière dont ses différents aspects — perte d’habitat, augmentation du
nombre de fragments et isolement — affectent la diversité spécifique au sein des réseaux
écologiques complexes demeure encore mal comprise. La majorité des études se sont
concentrées soit sur une seule espèce (Rybicki & Hanski, 2013), soit sur des interactions
compétitives (Rybicki et al., 2020), soit sur des chaînes trophiques ou des réseaux trophiques
relativement simples (Liao, Bearup, & Blasius, 2017a; Liao, Bearup, Wang, et al., 2017). On
comprend donc mal comment les espèces intégrées dans des réseaux trophiques complexes
comportant plusieurs niveaux trophiques réagissent à l’altération de leur habitat.
La capacité des espèces à faire face à la destruction de l’habitat dépend en grande partie de
leurs traits écologiques, en particulier de leur mobilité et de leurs besoins énergétiques. Les
distances de déplacement (foraging, dispersion, migration) augmentent généralement avec
la taille corporelle, en lien avec des contraintes métaboliques et des coûts énergétiques plus
élevés. Les grands consommateurs et les espèces de haut niveau trophique perçoivent leur
environnement à un grain spatial plus grossier et doivent parcourir de grandes surfaces pour
satisfaire leurs besoins énergétiques.
La diminution de la surface totale habitable dans un paysage ou de la taille des patchs peut
limiter la taille des populations et la production de biomasse, conduisant à des extinctions
locales, voire à des extinctions en cascade (Sandor et al., 2022). La persistance des espèces à
l’échelle du paysage repose alors sur leur capacité de dispersion et sur les effets de « spatial
rescue » (Brown & Kodric-Brown, 1977). Or, lorsque les habitats deviennent rares et isolés,
les organismes doivent disperser sur de plus longues distances, ce qui accroît la mortalité par
dispersion et augmente les risques d’extinction.
Dans ce contexte, les espèces à forte capacité de dispersion pourraient bénéficier d’un
avantage dans les paysages fragmentés, contrairement aux espèces à dispersion limitée, plus
exposées à l’isolement. Cependant, les espèces de haut niveau trophique, malgré leur
mobilité, restent particulièrement sensibles à l’isolement (Liao, Bearup, & Blasius, 2017a), en
raison de la disponibilité réduite de leurs proies et de la forte instabilité de leurs dynamiques
dans un environnement changeant (Liao, Bearup, & Blasius, 2017b).
Ainsi, les réponses à la destruction de l’habitat varient selon les traits d’histoire de vie et le
niveau trophique des espèces. On s’attend notamment à ce que certains groupes soient
particulièrement vulnérables : d’une part, les consommateurs de bas niveau trophique avec
une faible capacité de dispersion, et d’autre part, les prédateurs supérieurs contraints par
des besoins énergétiques élevés et une dépendance forte aux ressources.
Objectif du stage et méthodologie employée
L’objectif du stage est de comprendre, à l’aide de modèles mathématiques et de simulations,
comment la perte d’habitat impacte les dynamiques des métacommunautés proie-prédateur
dans un premier temps, puis des chaînes voire des réseaux trophiques dans un second
temps. Trois modèles de métacommunauté spatialement explicites ont déjà été développés
(Python). Ils permettent de prendre en compte différentes dynamiques spatiales (foraging
local ou régional, différentes niches géographiques entre espèces). L’étudiant développera
différents scénarios de perte d’habitat (diminution de la surface totale habitable et
diminution de la taille des patchs) ; et appliquera ces scénarios aux modèles afin de
comprendre comment les capacités de dispersion et de foraging des espèces influencent
leur réponse à la perte d’habitat. Ces réponses pourront également varier selon le niveau
trophique des espèces considérées. Ensuite, l’étudiant pourra étudier l’impact de la perte
d’habitat sur la structure des réseaux trophiques, et sur les propriétés moyennes des
espèces.
Profil souhaité
Nous recherchons un·e candidat·e en M2 en écologie avec une forte composante théorique ou
en M2 de mathématiques pour les sciences de la vie, avec un goût pour le questionnement
théorique et des compétences en modélisation (systèmes dynamiques).
Candidater
Le stage commencera début 2026 et peut durer jusqu’à six mois, selon les modalités du
master. Il se déroulera à iEES-Paris, dans l’équipe Dynamique des réseaux écologiques
(DYNECO), sur le campus de Jussieu. Les candidatures seront examinées à partir du 6
octobre. Pour candidater, merci d’envoyer un CV, une lettre de motivation ainsi que vos
relevés de notes de master aux trois encadrants.
Bibliographie
Brown, J. H., & Kodric-Brown, A. (1977). Turnover Rates in Insular Biogeography: Effect of
Immigration on Extinction. Ecology, 58(2), 445–449. https://doi.org/10.2307/1935620
Liao, J., Bearup, D., & Blasius, B. (2017a). Diverse responses of species to landscape
fragmentation in a simple food chain. Journal of Animal Ecology, 86(5), 1169–1178.
https://doi.org/10.1111/1365-2656.12702
Liao, J., Bearup, D., & Blasius, B. (2017b). Food web persistence in fragmented landscapes.
Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences, 284(1859), 20170350.
https://doi.org/10.1098/rspb.2017.0350
Liao, J., Bearup, D., Wang, Y., Nijs, I., Bonte, D., Li, Y., Brose, U., Wang, S., & Blasius, B. (2017).
Robustness of metacommunities with omnivory to habitat destruction: Disentangling patch
fragmentation from patch loss. Ecology, 98(6), 1631–1639.
https://doi.org/10.1002/ecy.1830
Rybicki, J., Abrego, N., & Ovaskainen, O. (2020). Habitat fragmentation and species diversity
in competitive communities. Ecology Letters, 23(3), 506–517.
https://doi.org/10.1111/ele.13450
Rybicki, J., & Hanski, I. (2013). Species–area relationships and extinctions caused by habitat
loss and fragmentation. Ecology Letters, 16(s1), 27–38. https://doi.org/10.1111/ele.12065
Sandor, M. E., Elphick, C. S., & Tingley, M. W. (2022). Extinction of biotic interactions due to
habitat loss could accelerate the current biodiversity crisis. Ecological Applications, 32(6), 1–
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