Contexte
Au cours des dernières décennies, un intérêt sans précédent pour les pollinisateurs et l’écologie de la pollinisation a été suscité par une prise de conscience croissante de leur déclin dramatique que ce soit en France ou à travers le monde (IPBES et al., 2016 ; Schatz et al 2021). Il est à présent scientifiquement démontré que ce déclin est dû à de fortes pressions anthropiques, notamment les changements d’affectation des sols (perte d’habitat, homogénéisation et simplification des paysages), l’intensification des pratiques agricoles via l’utilisation croissante des pesticides, la pollution avec en particulier les dépôts d’azote qui provoquent l’eutrophisation, et plusieurs autres caractéristiques des changements globaux comme les changements climatiques et les invasions biologiques (Nieto et al., 2014 ; IPBES et al., 2016 ; Schatz et al, 2021). Ces effets varient selon les espèces qui diffèrent par leurs caractéristiques écologiques, lesquelles influent en retour sur leur vulnérabilité (Nieto et al., 2014 ; IPBES et al., 2016 ; Duchenne et al., 2020).
Un tel déclin des pollinisateurs sauvages contraste fortement avec la demande sans cesse croissante de pollinisation dans la production végétale (Klein et al., 2006 ; Aizen et Harder, 2009 ; Garibaldi et al., 2013 ; IPBES et al., 2016 ; Aizen et al., 2019, 2020). Au cours des cinq dernières décennies, l’agriculture est devenue de plus en plus dépendante des pollinisateurs, avec une multiplication par trois des cultures nécessitant le vecteur animal pour la pollinisation (Aizen et Harder, 2009 ; Aizen et al., 2019) ; certaines régions des Etats-Unis voient même leur production agricole limitée par le manque de pollinisateurs (Reilly et al, 2020). Leur déclin met en évidence leur importance capitale dans le maintien du fonctionnement des écosystèmes et dans la pollinisation des plantes cultivées (Senapathi et al., 2021).
Parmi les moteurs de ce déclin, les pollutions, et notamment l’usage de pesticides, figurent parmi les plus impactant (LeBuhn et al, 2021) aux échelles locale et globale (Guzman et al, 2024, Brittain et al, 2010). La France est un territoire qui présente une exposition considérable aux substances actives les plus dangereuses (Rigal & Perrot, 2025), et la réautorisation récente de l’utilisation de néonicotinoïdes dans les cultures françaises présente une menace supplémentaire pour les pollinisateurs (Godfray et al, 2015). En agissant significativement sur l’abondance et la richesse spécifique des abeilles sauvages (Park et al, 2015), mais aussi différentiellement sur leurs traits (Brittain et al, 2010, Mallinger et al, 2015), ces pratiques agricoles menacent les communautés de pollinisateurs, le service de pollinisation associé (Stanley et al, 2015), et donc la production agricole elle-même pour les cultures très dépendantes aux pollinisateurs. Certains travaux ont déjà permis de développer des indices de toxicité des substances actives contenus dans les pesticides utilisés dans l’agriculture française (Bonmatin et al, 2023), voire même de développer des indices de risque d’exposition aux pesticides pour les espèces d’abeilles (Willis-Chan et al & Rondeau, 2024).
S’il est possible d’identifier les produits homologués pour chaque culture en France, il est malheureusement plus compliqué de savoir quels produits, et donc quelles substances actives, sont réellement appliquées dans les parcelles. Ces itinéraires techniques sont pourtant des éléments clefs pour évaluer la toxicité des pratiques propres à chaque culture pour leur cortège spécifique de pollinisateurs.
Ce stage pose donc la question : pour quelles cultures françaises l’application de pesticides a-t-elle le plus d’impact sur les pollinisateurs ? Pour répondre à cette question, nous exploiterons 1) des données d’enquêtes auprès des agriculteurs, 2) des données globales recueillies à l’échelle européenne ainsi que 3) les scores de toxicité des substances actives des pesticides dans l’objectif d’associer à chaque culture un indice de menace pour les pollinisateurs sur la base de leurs itinéraires techniques moyens, et notamment l’emploi de pesticides. Des bases de données déjà acquises sur les pollinisateurs des cultures et sur les traits biologiques permettront de déterminer les pollinisateurs impactés par culture.

Objectifs du stage
Pour répondre à cette problématique, nous envisageons :
1. De dresser une base de données des pratiques culturales, et notamment de l’emploi des pesticides, par culture en France. Cette partie pourra exploiter les résultats d’enquêtes localisées auprès d’agriculteurs, ainsi que des données à l’échelle plus globale depuis d’autres bases de données.
2. D’associer à chaque culture un « toxiscore » moyen (à partir de bases de données déjà existantes) sur la base de ces itinéraires techniques.
3. D’identifier les cultures les plus nocives pour les pollinisateurs sur la base de l’emploi de pesticides, et d’identifier des itinéraires techniques plus respectueux en adéquation avec les enjeux de production agricole.

Profil recherché
Niveau Master 2
Formation en écologie
Intérêts pour les questions liées aux pollinisateurs et à l’agriculture
Intérêts pour les enjeux liés à la production agricole et l’emploi de pesticides
Utilisation de bases de données
Rigueur pour un travail minutieux de gestion de données
Appétence pour la lecture d’articles scientifiques
Capacités à échanger avec des nombreuses équipes scientifiques avec des spécialités différentes (écologie, écotoxicologie…)

Laboratoire d’accueil
Centre d’Écologie Fonctionnelle et Évolutive, 1919 route de Mende, 34000 Montpellier

Conditions d’accueil
La personne retenue sera accueillie dans l’équipe Interactions Biotiques du Centre d’Écologie Fonctionnelle et Évolutive de Montpellier. Le stagiaire bénéficiera d’une gratification au tarif en vigueur et d’un environnement de travail (bureau, ordinateur professionnel).

Encadrants
Lucas Aubouin (doctorant, lucas.aubouin@cefe.cnrs.fr) ; Bertrand Schatz (Directeur de recherche, bertrand.schatz@cefe.cnrs.fr) ; Benoît Geslin (maître de conférences, benoit.geslin@univ-rennes.fr)

Durée
5 à 6 mois à partir de septembre/octobre 2025 avec possibilité jusqu’en Aout 2026.

Modalités de candidature
Les candidat·e·s intéressé·e·s sont invité·e·s à rapidement prendre contact avec Lucas Aubouin (lucas.aubouin@cefe.cnrs.fr), Bertrand Schatz (bertrand.schatz@cefe.cnrs.fr) et Benoît Geslin (benoit.geslin@univ-rennes.fr) en fournissant un CV ainsi qu’une lettre de motivation.

Références bibiographiques
Aizen, M.A., Aguiar, S., Biesmeijer, J.C., Garibaldi, L.A., et al. 2019. Global agricultural productivity is threatened by increasing pollinator dependence without a parallel increase in crop diversification. Global Change Biology, 25, 3516–3527. https://doi.org/10.1111/gcb.14736

Aizen, M.A., Harder, L.D. 2009. The global stock of domesticated honey bees is growing slower than agricultural demand for pollination. Current Biology, 19, 1–14.

Bonmatin, J.-M., Belzunces, L.P., Vidau, C., Bajolet, A., Nguyen, E. 2023. TOXIBEES : Méthodologie de notation des molécules de l’outil TOXIBEES. ⟨hal-04630350⟩

Brittain, C., Potts, S.G. 2011. The potential impacts of insecticides on the life-history traits of bees and the consequences for pollination. Basic and Applied Ecology, 12(4), 321–331. https://doi.org/10.1016/j.baae.2010.12.004

Brittain, C.A., Vighi, M., Bommarco, R., Settele, J., Potts, S.G. 2010. Impacts of a pesticide on pollinator species richness at different spatial scales. Basic and Applied Ecology, 11(2), 106– 115. https://doi.org/10.1016/j.baae.2009.11.007

Duchenne, F., Thébault, E., Michez, D., Elias, M., Drake, M., Persson, M., Rousseau-Piot, J.S., Pollet, M., Vanormelingen, P., Fontaine, C. 2020. Phenological shifts alter the seasonal structure of pollinator assemblages in Europe. Nature Ecology & Evolution, 4, 115–121. https://doi.org/10.1038/s41559-019-1062-4

Garibaldi, L.A., Steffan-Dewenter, I., Winfree, R., Aizen, M.A., et al. 2013. Wild pollinators enhance fruit set of crops regardless of honeybee abundance. Science, 339, 1608–1611.

Godfray, H.C.J., Garnett, T. 2014. Food security and sustainable intensification. Philosophical Transactions of the Royal Society B: Biological Sciences, 369(1639), 20120273. https://doi.org/10.1098/rstb.2012.0273

Guzman, L.M., Elle, E., Morandin, L.A., Cobb, N.S., Chesshire, P.R., McCabe, L.M., Hughes, A., Orr, M., M’Gonigle, L.K. 2024. Impact of pesticide use on wild bee distributions across the United States. Nature Sustainability, 7(10), 1324–1334. https://doi.org/10.1038/s41893-024- 01413-8

IPBES. 2016. Summary for policymakers of the assessment report of the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services on pollinators, pollination and food production. Potts, S.G., Imperatriz-Fonseca, V.L., Ngo, H.T., Biesmeijer, J.C. et al. (Eds.), pp. 1–30.

Klein, A.M., Vaissiere, B.E., Cane, J.H., Steffan-Dewenter, I., Cunningham, S.A., Kremen, C., Tscharntke, T. 2006. Importance of pollinators in changing landscapes for world crops. Proceedings of the Royal Society of London B, 274(1608), 303–313.

LeBuhn, G., Vargas Luna, J. 2021. Pollinator decline: what do we know about the drivers of solitary bee declines? Current Opinion in Insect Science, 46, 106–111. https://doi.org/10.1016/j.cois.2021.05.004

Mallinger, R.E., Werts, P., Gratton, C. 2015. Pesticide use within a pollinator-dependent crop has negative effects on the abundance and species richness of sweat bees, Lasioglossum spp., and on bumble bee colony growth. Journal of Insect Conservation, 19(5), 999–1010. https://doi.org/10.1007/s10841-015-9816-z

Nieto, A., Roberts, S.P., Kemp, J., Rasmont, P., Kuhlmann, M., García Criado, M., et al. 2014. European Red List of Bees. Luxembourg: Publication Office of the European Union, 98 p.

Reilly, J.R., Artz, D.R., Biddinger, D., Bobiwash, K., Boyle, N.K., Brittain, C., Brokaw, J., Campbell, J.W., Daniels, J., Elle, E., Ellis, J.D., Fleischer, S.J., Gibbs, J., Gillespie, R.L., Gundersen, K.B., Gut, L., Hoffman, G., Joshi, N., Lundin, O., Mason, K., McGrady, C.M., Peterson, S.S., Pitts-Singer, T.L., Rao, S., Rothwell, N., Rowe, L., Ward, K.L., Williams, N.M., Wilson, J.K., Isaacs, R., Winfree, R. 2020. Crop production in the USA is frequently limited by a lack of pollinators. Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences, 287, 2–9.

Rigal, S., Perrot, T. 2025. Pesticides in France: ten years of combined exposure to active substances in land, air and surface water. Scientific Data, 12(1). https://doi.org/10.1038/s41597-025- 04864-6

Schatz, B., Drossart, M., Henry, M., Geslin, B., Allier, F., Savajol, C., Gérard, M., Michez, D. 2021. Convergent evidence for promoting pollinator conservation in the context of global change: a view from France and Belgium. Acta Oecologica, Special issue: Pollination in the Anthropocene (Schatz B., Geslin B. & Dajoz I, Eds.), 112. https://doi.org/10.1016/j.actao.2021.103765

Senapathi, D., Biesmeijer, J.C., Breeze, T.D., Kleijn, D., Potts, S.G., Carvalheiro, L.G. 2021. Pollinator conservation—the difference between managing for pollination services and preserving pollinator diversity. Current Opinion in Insect Science, 12, 93–101. https://doi.org/10.1016/j.cois.2015.11.002

Stanley, D.A., Garratt, M.P.D., Wickens, J.B., Wickens, V.J., Potts, S.G., Raine, N.E. 2015. Neonicotinoid pesticide exposure impairs crop pollination services provided by bumblebees. Nature, 528(7583), 548–550. https://doi.org/10.1038/nature16167

Willis Chan, D.S., Rondeau, S. 2024. Understanding and comparing relative pesticide risk among North American wild bees from their association with agriculture. Science of The Total Environment, 951, 175378. https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2024.175378

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