Contexte et problématique du projet
Alors que les forêts tropicales humides sont adaptées à des conditions thermiques et hydriques assez stables, le changement climatique (CC) engendre des vagues de chaleur et des extrêmes de précipitations (sécheresse et ennoiement) plus intenses et plus fréquents, ce qui pourrait les rendre particulièrement vulnérables. Nous savons que les changements des régimes hydriques ont déjà induit des modifications de la composition fonctionnelle des forêts sur des périodes aussi courtes que 30 ans. Plus récemment, il a été montré que l’augmentation des températures était la cause d’un ralentissement de la croissance et d’une augmentation de la mortalité des arbres, et que les deux années successives la Niña (2021, 2022), excès de précipitations, suivi par deux années El Niño, fortes sècheresses, pourrait être la cause du grand dépérissement (arbres adultes et sous-bois) rencontrés dans l’Ouest de la Guyane en 2023. Il est urgent, sur un territoire couvert à plus de 95% par de la forêt, d’étudier les conséquences d’une augmentation conjointe des stress hydriques et thermiques sur la capacité des espèces à s’adapter. Cela permettra, d’améliorer les prévisions des modèles concernant les impacts du CC sur la diversité forestière tropicale et les fonctions et services rendus par ces écosystèmes, notamment en orientant la filière bois vers une diversification des essences exploitées en forêt naturelle ou mises en plantation.
Objectifs
L’objectif principal de ce projet de thèse est d’améliorer nos connaissances sur la vulnérabilité de la forêt tropicale guyanaise aux contraintes hydriques et thermiques. La diversité de la réponse des espèces sera appréhendée sur plusieurs espèces d’arbres, notamment des espèces d’intérêt pour la filière bois, en forêt naturelle principalement, mais également sur certaines de ces espèces déjà en plantation. La compréhension fine des mécanismes physiologiques sous-jacents sera étudiée sur un sous-échantillonnage d’espèces, aux stades plantules ou jeunes arbres, dans le cadre d’expérimentations contrôlées où les contraintes pourront être manipulées (p.ex. sécheresse, ennoiement, augmentation des températures). Ces différentes approches permettront de :
1. Evaluer la vulnérabilité des communautés d’arbres aux contraintes hydriques et thermiques dans le cadre du CC notamment en estimant les marges de sécurité hydraulique (MSH) et thermique (MST) d’espèces d’arbres, à différents stades de développement, en forêt et en plantation, et occupant différentes positions dans la stratification forestière. Pour ce faire, nous utiliserons une procédure innovante de détermination du seuil de fonctionnement thermique foliaire, que nous avons développé récemment en partenariat avec le GDI NumLab de Cayenne. Les mesures de vulnérabilité hydraulique s’appuieront sur les méthodes développées par notre laboratoire depuis plusieurs années.
2. Comprendre les processus fins impliqués dans la résistance des jeunes plants aux contraintes hydriques et thermiques, combinées ou non. Plus précisément, nous étudierons les déterminants de la capacité à (1) réguler la température foliaire et/ou (2) tolérer des hausses de température (p.ex. refroidissement par forte évaporation, grande marge de sécurité thermique, découplage entre conductance stomatique et photosynthèse). Pour ce faire, des expérimentations contrôlées seront mises en place : (i) in situ, mesure de l’acclimatation des feuilles à une augmentation de température de +4°C pendant plusieurs mois et (ii) en serre, mesure des effets combinés de stress hydriques (sécheresse ou ennoiement) et thermiques.
3. Etudier pour l’Angélique (Dicorynia guianensis), la principale espèce actuellement exploitée, les relations entre adaptation locale, plasticité écophysiologique et liens de parenté, pour estimer la durabilité de la filière actuelle face aux CC. Les liens de parenté entre différentes cohortes sont déjà disponibles à l’UMR EcoFoG sur plusieurs sites le long du gradient de précipitation. Ces données nous permettrons d’examiner les processus d’héritabilité de la résistance à la sécheresse. Pour ce faire, nous mettrons en place des jardins de transplantations réciproques sur plusieurs sites en Guyane française (St-Laurent du Maroni, Kourou et Régina) à partir de graines collectées sur des arbres mères appartenant à 3 populations différentes d’Angélique (Projet Régé-Adapt, PEPR Forestt).
Formations et compétences recherchées
Etudiant(e) ayant obtenu avec succès un Master 2, ou équivalent, dans les domaines de la biologie végétale, de l’écologie des plantes, ou de l’écophysiologie, avec des affinités et/ou de l’expérience pour l’expérimentation végétale, le traitement des données et le travail de terrain.
Environnement de travail :
La thèse se déroulera au sein de l’UMR Ecofog https://umr-ecofog.cirad.fr/ en Guyane.
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