La Société Française d’Ecologie et d’Evolution (SFE2) vous propose ce regard de Catherine Aubertin, Yves Brunet et leurs collègues de l’Académie d’agriculture de France, sur l’efficacité et l’opportunité des retenues d’eau de substitution (dites « bassines ») en agriculture.
Cet article est une version légèrement modifiée, adaptée pour ces Regards, d’un Rapport de l’Académie d’agriculture de France paru en novembre 2023 et intitulé « Les retenues de substitution. Du cas de Mauzé-sur-le-Mignon aux conditions générales de leur déploiement ». Le rapport est téléchargeable à cet url : https://www.academie-agriculture.fr/publications/publications-academie/avis/les-retenues-de-substitution-du-cas-de-mauze-sur-le-mignon
MERCI DE PARTICIPER à ces regards et débats sur la biodiversité en postant vos commentaires et questions sur les forums de discussion qui suivent les articles; les auteurs vous répondront.
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Les retenues de substitution,
face au changement climatique
Cas d’étude et discussion
Catherine Aubertin, Gabrielle Bouleau, Guillhem Bourrié, Jacques Brulhet, Yves Brunet, Chantal Chomel, Agnès Ducharme, Chatal Gascuel, Bernard Itier, Christine King, Jean-Yves Le Déaut, Gilles Lemaire, Frank Michel, Yves Souchon, Paul Vialle,
de l’Académie d’agriculture de France
Regard R117, édité par Anne Teyssèdre
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Mots clefs : agriculture, bassine, bilan hydrique, changement climatique, eau, évaporation, gouvernance, irrigation, modélisation hydrogéologique, nappe phréatique, retenue de substitution, système agricole
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- Résumé
- Premiers pas vers les bassines
- L’eau, un bien commun qui se raréfie
- Une dynamique intense de la recherche et des services de l’État, sur les solutions et leurs impacts
- Les retenues de substitution : quelle définition ?
- Les bénéfices attendus par les promoteurs, les principaux arguments des contestataires
- Encart 1 : Les hésitations de la Loi sur l’eau
- Le cas de la retenue de Mauzé-sur-le-Mignon et de son territoire
- Un historique difficile de la question des bassines
- L’estimation des impacts des retenues de substitution des Deux-Sèvres par un modèle hydrogéologique
- Encart 2 : Paramétrage et caractéristiques spatiales du modèle
- La problématique du changement climatique
- Le bilan hydrique : quelle part de l’évaporation directe de l’eau de la retenue ?
- Le financement de l’infrastructure et la gestion de l’eau
- Les évolutions des systèmes agricoles
- La gouvernance : de l’accord au suivi
- Au-delà du cas d’étude, quelles questions générales posent les retenues de substitution ?
- L’impact hydrologique et hydrogéologique, les transformations du territoire, dans le contexte du changement climatique Un arbitrage en faveur de l’alimentation des animaux qui réduit nos marges de manœuvre
- La question ignorée de l’eutrophisation et des émissions de gaz à effet de serre
- L’analyse des gouvernances et la prise en compte de l’eau, bien commun ?
- Pour conclure : à quoi conditionner la création de retenues de substitution ?
- Glossaire / Sigles
- Remerciements
- Bibliographie
- Regards connexes
- Forum de discussion
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Résumé
La définition des retenues de substitution (nommées par la suite « retenues ») n’est pas consensuelle, y compris au niveau réglementaire. En tout état de cause, le terme désigne un ouvrage artificiel visant à substituer des volumes d’eau prélevés en saison d’étiage par des volumes prélevés et stockés en saison de hautes eaux. Il s’agit ainsi de stocker l’eau quand elle est abondante pour l’utiliser en période où les besoins sont les plus élevés. Cette notion de substitution n’a de sens que si l’on s’interdit de mettre en péril des équilibres hydrologiques, environnementaux et humains (niveau des nappes, débit des cours d’eau, biodiversité, santé…). Ces retenues de substitution, dénommées « mégabassines » par leurs détracteurs, font l’objet de nombreux débats techniques et politiques, et ont même été la cause de violents conflits dans le cas du projet de Sainte-Soline, dans le département des Deux-Sèvres. Mais peu d’études scientifiques leur ont encore été dédiées. L’analyse, par un groupe de travail de l’Académie d’agriculture de France (AAF), de divers travaux et de leurs fondements scientifiques, a conduit à la rédaction de ce rapport, adapté en ‘Regard’ pour cette plateforme web de la Société française d’écologie et d’évolution (SFE2).
Premiers pas vers les bassines
L’eau, un bien commun qui se raréfie
En France métropolitaine, le changement climatique se traduira par une variabilité accrue du climat, entraînant notamment une accentuation de l’intensité et de la durée des sécheresses, des épisodes de chaleur extrême, et un étalement dans le temps des périodes auxquelles surviennent ces événements. De tels enchaînements mettent à mal les écosystèmes terrestres, et cette évolution entraînera, à système agricole constant, un besoin en eau des cultures plus grand, une demande d’irrigation plus forte, une diminution des débits des cours d’eau et des niveaux des nappes, ceci partout en été, et toute l’année dans le sud du pays. Cette réduction des débits, allant parfois jusqu’à leur assèchement prolongé, constitue une pression forte sur les milieux aquatiques. Et ces baisses de la ressource en eau présenteront une forte variabilité spatiale, soulignant la nécessité d’une gestion territoriale de l’eau (Dayon et al., 2018 ; Siauve et al., 2021). De telles évolutions sont de nature à engendrer des conflits sur l’usage d’une ressource qui se raréfie, questionnant ainsi les modes de gouvernance actuels.
Différentes solutions complémentaires peuvent être mobilisées : parmi celles-ci, en ciblant l’agriculture, une réduction des besoins en eau, une augmentation du stockage d’eau dans le sol, ou un ajustement saisonnier de la ressource par stockage temporaire. L’adaptation des activités agricoles est nécessaire pour ajuster les besoins en eau, mais aussi pour augmenter leur résilience face au changement climatique et améliorer la santé des sols. S’agissant de la ressource en eau, un stockage raisonné dans des retenues artificielles en période de hautes eaux, période où elle est abondante, pour la restituer lors des étiages, période où les besoins sont les plus grands, peut recouvrir différentes modalités. En ce qui concerne les grands barrages, dans les milieux où le relief et la pluviométrie s’y prêtent – ce qui devient rare –, la plupart des sites propices sont d’ores et déjà équipés. Les petites retenues (< 1 Mm³, pour donner un ordre de grandeur) sont elles-mêmes de plusieurs sortes : les retenues collinaires (hors réseau hydrographique permanent, alimentées par les eaux de surface et le ruissellement), les retenues sur cours d’eau (avec barrage), les retenues en dérivation des cours d’eau et les stockages par pompage dans la nappe (principe de base des retenues de substitution, parfois appelées « bassines »).
Une dynamique intense de la recherche et des services de l’État, sur les solutions et leurs impacts
Beaucoup d’éléments scientifiques sur les impacts des retenues ont été apportés par l’expertise scientifique collective (ESCo) « Impact cumulé des retenues » (Carluer et al., 2016). Si les impacts peuvent être évalués pour une retenue donnée, les impacts cumulés sur plusieurs retenues le sont plus difficilement.
L’État a engagé une réflexion en plusieurs étapes. Un rapport CGEDD-CGAAER (Ayphassorho et al., 2020) a souligné l’importance d’envisager, au cas par cas, des bouquets de solutions adaptées. Les Assises de l’eau (2019-2020) ont souligné que l’eau est un bien commun, et soutenu en cela différents objectifs. Le Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique (2021-2022) a travaillé sur l’adaptation de l’agriculture à une moindre ressource, et également sur les potentiels de mobilisation de la ressource (thématiques 2 et 3 : Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique, 2022a et 2022b). Un « plan eau » a été défini par l’État, fixant des objectifs de sobriété pour les différents usages de l’eau et allant vers des objectifs chiffrés de réduction des prélèvements. Les régions ont pour beaucoup d’entre elles mis en place des Groupes régionaux d’experts sur l’évolution du climat (GREC), inspirés du GIEC*.
Très récemment sont parus les rapports du Conseil économique social et environnemental (CESE, Guihéneuf et Le Quéau, 2023), de l’Académie des technologies (Académie des technologies, 2023) et de la Cour des comptes (Cour des comptes, 2023).
Les retenues de substitution : quelle définition ?
La définition des retenues de substitution n’est pas consensuelle, même au niveau réglementaire.
Le Guide juridique de construction de retenues (2012) du ministère chargé de l’Environnement donne la définition la plus consensuelle : « Ouvrages artificiels permettant de substituer des volumes prélevés à l’étiage par des volumes prélevés en période de hautes eaux. Les retenues de substitution permettent de stocker l’eau par des prélèvements anticipés ne mettant pas en péril les équilibres hydrologiques, elles viennent en remplacement de prélèvements existants : c’est la notion de substitution. »
Certains Schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) donnent une définition plus restrictive de la notion de retenues de substitution, en considérant notamment qu’elles ne peuvent être situées qu’en dehors des cours d’eau. Dans chaque bassin, il convient donc de prendre connaissance de la définition précisée par le SDAGE*.
Les agents de l’Office français de la biodiversité (OFB) donnent une définition complémentaire : « Le terme “retenue de substitution” s’applique à tous les types d’ouvrages créés en contrepartie de l’abandon des prélèvements estivaux, et remplis en période de hautes eaux (généralement de la fin de l’automne au printemps), pour servir à un usage en été (souvent l’irrigation afin de soulager les milieux aquatiques et humides à cette période). »
Les bénéfices attendus par les promoteurs, les principaux arguments des contestataires
Certaines régions de France sont dotées de ressources en eau provenant d’aquifères de grande taille, de cours d’eau à débit important, ou bénéficient d’eau « exogène » résultant de la fonte des glaciers et des grands aménagements du territoire passés : canal de Provence, canal Philippe Lamour (Bas-Rhône Languedoc), canal de la Neste (Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne)… D’autres régions sont moins bien pourvues (socle, zone sédimentaire avec couche imperméable à faible profondeur) ; les nappes libres qui leur sont associées sont de taille modeste et les rivières sujettes à des étiages prononcés (Figure 1).
Dans ces régions, dont fait partie le bassin du Marais poitevin, la pénurie d’eau estivale, naturelle et anthropique (Douez et al., 2020) conduit fréquemment à des arrêtés préfectoraux d’interdiction d’irriguer afin de maintenir l’étiage au-dessus d’un seuil critique (Figure 2). La loi française sur l’eau, datée de décembre 2016, indique clairement que l’irrigation n’est alors pas prioritaire (mais voir l’encart ci-dessous).
Encart 1 : Les hésitations de la loi sur l’eau
Édictée en plusieurs étapes en 2016, l’actuelle loi française sur l’eau est quelque peu ambiguë. Alors que le titre 1 (article L211-1), qui a été modifié plusieurs fois en 2016, paraît très large, c’est plutôt sur la jurisprudence que se base le titre II.
Le titre I a pour objet « une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer [1, 2, 3, 4, 5 …5 bis ajouté par loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne] la promotion d’une politique active de stockage de l’eau pour un usage partagé de l’eau permettant de garantir l’irrigation, élément essentiel de la sécurité de la production agricole et du maintien de l’étiage des rivières, et de subvenir aux besoins des populations locales. »
Le titre II spécifie : « La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l’alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences (…) »
Un titre III a été ajouté le 7 juillet, retiré le 8 août, rétabli le 28 décembre : « La gestion équilibrée de la ressource en eau ne fait pas obstacle à la préservation du patrimoine hydraulique, en particulier des moulins hydrauliques et de leurs dépendances, ouvrages aménagés pour l’utilisation de la force hydraulique des cours d’eau, des lacs et des mers, protégé soit au titre des monuments historiques, des abords ou des sites patrimoniaux remarquables en application du livre VI du code du patrimoine, soit en application de l’article L. 151-19 du code de l’urbanisme. »
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La réalisation d’un « équivalent artificiel » sous la forme d’un plan d’eau doit permettre, du point de vue des promoteurs, de conduire les cultures irriguées avec une logique de « réservoir » et non de « débit » (Itier and Brisson, 2009). La sécurisation de l’approvisionnement en eau peut éliminer un aléa pénalisant pour l’agriculteur, et plus généralement pour certaines filières. Par ailleurs, une réduction des pompages en rivière et en nappe en période estivale par les agriculteurs connectés à la retenue doit éviter la baisse du débit des cours d’eau et du niveau piézométrique des nappes, ce qui peut s’avérer positif pour les écosystèmes aquatiques comme pour l’ensemble de la société, y compris pour les agriculteurs non connectés au réservoir puisque cela conduit à diminuer la fréquence d’interdiction des irrigations par pompage direct dans la nappe.
Notons cependant que la substitution n’est généralement pas totale, c’est-à-dire qu’il persiste des pompages en été. C’est le cas dans le projet de la Coop de l’eau 79 (voir p. 7) dans les Deux-Sèvres, tel qu’examiné dans le rapport du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) par Abasq (2022), où les deux situations comparées sont (1) une situation sans substitution, avec des pompages cumulés d’environ 10 Mm3 par an en période printemps/été, et (2) une situation avec retenue de substitution et des pompages de 6 Mm3 en hiver, et 6 Mm3 au printemps/été. En effet, au fil des négociations, le projet a été plusieurs fois réduit entre 2018 et 2022, pour ramener les volumes totaux prélevables de 13,6 Mm3 calculés dans le rapport du CGEDD-CGAAER (Ayphassorho et Renoult, 2018) à 12 Mm3, dont 6,2 Mm3 de prélèvements hivernaux stockés dans 16 réserves, contre 8,7 Mm3 dans la version initiale du projet, et 5,8 Mm3 qui continueront à être prélevés dans le milieu l’été (Figure 4). Ces réductions s’inscrivent dans un effort de sobriété porté par le projet, mais aussi d’anticipation au changement climatique.
Les interrogations soulevées par les détracteurs portent principalement sur les impacts sur la ressource en eau (aspects quantitatifs et qualitatifs), à différentes échelles de temps (amortissement des coûts, dynamique des changements climatiques) et d’espace (de l’exploitation agricole au territoire et à l’hydrosystème, l’effet cumulé des ouvrages restant incertain), sur le rapport bénéfice/risque, en particulier pour les non-adhérents au projet et les autres usages de l’eau. Elles portent aussi sur la question du frein que peut amener cette solution à une nécessaire évolution des systèmes agricoles, dans le contexte du changement climatique, vers une plus grande sobriété de la consommation en eau (Carrausse, 2022). Les retenues de substitutions sont ainsi parfois vues comme une maladaptation aux sécheresses et aux enjeux agricoles (Reghezza and Habets, 2022 ; Kuppel et al., 2023).
Le cas de la retenue de Mauzé-sur-le-Mignon et de son territoire
Un historique difficile de la question des « bassines »
Le Marais poitevin, qui s’étend sur trois départements (Vendée, Deux-Sèvres et Charente-Maritime) et deux régions (Pays de la Loire et Nouvelle-Aquitaine), a historiquement connu des situations contrastées et complexes en matière d’eau. Avec la baie de l’Aiguillon, il constitue la seconde plus grande zone humide de France (100 000 ha), après la Camargue (150 000 ha). La pluviométrie annuelle est de l’ordre de 800 mm, et les précipitations hivernales, de l’ordre de 450 mm d’octobre à mars, alimentent à la fois des nappes superficielles à surface libre, situées dans le Jurassique, les cours d’eau et plus généralement le Marais poitevin. Le niveau des petites nappes remonte en hiver et se vide rapidement, puis connaît en été des phénomènes de surexploitation chronique.
Son réseau hydraulique, issu de travaux d’aménagement très anciens, doit pour l’essentiel sa physionomie actuelle aux travaux effectués dans les marais de l’Ouest au XIXe et au début du XXe siècle, avec divers objectifs : assèchement, évacuation des crues, apport d’eau d’irrigation, sans oublier la navigation fluviale avant l’extension des chemins de fer (Sermet, 1930).
L’amont du Marais poitevin a connu de manière endémique des situations de pénurie d’eau. À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, il n’y avait encore aucune adduction d’eau potable en Vendée, à part pour les quatre plus importantes villes du département. C’est la raison pour laquelle fut construit le barrage de Mervent sur la Vendée, inauguré en 1958, puis objet d’importants travaux de réhabilitation entre 2015 et 2018. Outre leur rôle dans l’alimentation en eau potable, divers barrages permettent de soutenir un débit d’étiage souvent faible : la Touche Poupard sur la Sèvre, Mervent, Pierre-Brune et Albert pour la Vendée, Rochereau, l’Angle-Guignard et la Sillonière sur le Lay. Au cours des années 1960, de nombreux remembrements et recalibrages de canaux ont été réalisés dans une perspective d’assèchement. Poursuivant cette tendance dans les années 1980, une spécialisation de plus en plus marquée vers les cultures céréalières s’est développée grâce aux drains enterrés, et quelques canaux principaux furent encore aménagés.
Les élus locaux se sont mobilisés à partir de 1975 pour un développement respectueux de l’environnement sur le Marais poitevin et son amont, et la charte constitutive du Parc naturel régional (PNR) du Marais poitevin, Val-de-Sèvre et Vendée fut approuvée en 1979. Mais les intérêts contradictoires des parties et la complexité administrative (deux régions et trois départements, aux majorités politiques différentes) ont engendré des blocages difficiles à surmonter (comme a pu le constater l’un des rédacteurs de ce rapport, lors des réunions du syndicat mixte de gestion du Parc auxquelles il a participé en 1980-1981). Par exemple, au tout début des années 1990, un projet de retenue destinée à pallier le manque d’eau à l’amont du Marais, dans les environs de Vasles dans les Deux-Sèvres, a vu le jour et trouvé son financement, mais il fut bloqué par décision politique : les « bassines » en constituent un avatar de substitution, trente ans plus tard.
Fait important, cette période a été marquée par un fort développement de l’irrigation, principalement pour la culture du maïs et par des eaux souterraines, grâce à d’importantes aides financières pour le creusement des puits et l’installation de pompes (Lepercq et Dupeuty, 2020). L’accroissement des pompages pour l’irrigation a entraîné un fort abaissement du niveau des nappes en été, sanctionné en mars 1995 par le classement de l’ensemble du bassin versant du Marais poitevin en Zone de répartition des eaux (ZRE, définies en application de l’article R211-71 du code de l’environnement comme des « zones présentant une insuffisance, autre qu’exceptionnelle, des ressources par rapport aux besoins »). Malgré les grands travaux de « valorisation et sauvegarde du Marais poitevin » lancés en 1992 par le président François Mitterrand, le PNR* du Marais poitevin fut déclassé fin 1996, et l’État français fut condamné en 1999 par la Commission européenne pour manquement aux directives d’environnement dans la gestion du marais (Carrausse, 2022).
Si ces événements obligèrent les acteurs à remettre en cause leurs postures, il fallut pourtant attendre 2014 pour retrouver le label de Parc naturel régional, ce qui illustre la profondeur des dissensions (voir les figures 4a et 4b). L’épisode des « bassines » constitue une nouvelle confrontation entre intérêts contradictoires et visions difficiles à concilier, avec les mêmes problématiques d’abondance d’eau à certaines périodes, de pénurie à d’autres. Tenir compte à la fois des difficultés à assurer de manière satisfaisante l’alimentation en eau potable, du souhait de conserver un niveau d’eau suffisant – auparavant pour la navigation, aujourd’hui pour les milieux aquatiques et leur biodiversité –, et enfin des demandes en eau d’une agriculture intensive confrontée au changement climatique, s’avère délicat. Cela suppose de trouver des compromis, avec des adaptations et des remises en cause permanentes, qui ne peuvent être crédibles que s’ils s’appuient, non sur des arguments de séance, mais sur des données scientifiques et techniques fiables et partagées.
L’estimation des impacts des retenues de substitution des Deux-Sèvres par un modèle hydrogéologique
· Le modèle du BRGM*
Le modèle utilisé, développé par le BRGM*, est un « modèle maillé des aquifères du Jurassique en Poitou-Charentes » (Douez, 2015 ; Abasq, 2022), construit à partir des équations régissant les écoulements souterrains. Il a été financé sur fonds publics (Région Poitou-Charentes, Agences de l’eau Adour-Garonne et Loire-Bretagne). Il permet de simuler l’évolution du niveau de la nappe à partir de paramètres physiques (perméabilité, emmagasinement), des conditions initiales, de l’évolution des apports (pluies, rejets, lâchers des grandes réserves), des prélèvements de toutes natures (dont l’évapotranspiration), ainsi que des données concernant les rivières (niveau, débit, échanges nappe-rivière, zones de crues), ou même la mer. Le paramétrage du du modèle est brièvement décrit dans l’encart ci-dessous.
Encart 2 : Paramétrage et caractéristiques spatiales du modèle
Ce modèle couvre 20 000 km2, soit un peu plus des trois quarts des quatre départements (Vendée, Deux-Sèvres, Vienne, Charente-Maritime), sur un périmètre allant bien au-delà du voisinage des retenues. Comme le montre la figure 5, il comporte 20 000 mailles de 1 km de côté, sauf au nord du Marais poitevin où il est plus précis (maille de 333 m), et prend en compte huit couches géologiques superposées, dont trois aquifères principaux : le Jurassique supérieur altéré, le Jurassique moyen (Dogger), et le Jurassique inférieur (Infra-Toarcien). Le modèle repose sur le code de calcul Marthe (Thiéry, 1990), largement exploité dans la littérature scientifique spécialisée (p. ex. Habets et al., 2010 ; Thiéry et al., 2018 ; Vergnes et al., 2020), pour résoudre les écoulements en milieu saturé. Son pas de temps est mensuel de septembre à avril, hebdomadaire de mai à août.
Le modèle est ajusté à partir des données de 168 zones météo, 70 stations de mesure de débit des cours d’eau et 137 stations piézométriques.Élaboré à partir de 2002, il a été finalisé en 2011, calé avec les données 2000-2007, puis actualisé en 2015 en ajoutant les données des années 2008 à 2011 (voir la simulation de référence Figure 6). Le calage de ce type de modèle se fait pas à pas : une partie des très nombreux paramètres est ajustée jusqu’à la meilleure adéquation des estimations avec les observations. Élargir la période de simulation permet de renforcer la robustesse du modèle. Son auteur souligne le fait que le modèle doit être utilisé à une échelle régionale, et non à une échelle locale.
Les applications du modèle
Le modèle a servi à de nombreuses études, avec ou pour des partenaires publics. On peut citer, pour la période 2010-2012 (Douez, 2015), quatre études sur l’impact des prélèvements sur les nappes et les rivières : une sur l’estimation des flux de nitrates ; trois dans des projets nationaux, à la demande de l’OFB (alors Onema) ou du ministère en charge de l’Écologie. Certaines d’entre elles associent d’autres partenaires académiques (ex-IRSTEA devenu INRAE, Écoles des mines de Paris et de Saint-Étienne, université de Strasbourg). Deux d’entre elles visaient à estimer l’impact des projets de retenues de substitution sur les niveaux des nappes et des cours d’eau sur les bassins du Lay et de la Vendée, pour le compte de syndicats mixtes du département de la Vendée. Globalement, ces études semblent avoir satisfait les commanditaires : le modèle et ses premières applications n’ont pas suscité de critique majeure, y compris dans le cas des retenues de substitution que le modèle a permis de dimensionner en Vendée.
Sur commande de la Société coopérative anonyme de l’eau des Deux-Sèvres (dite Coop de l’eau 79), deux études ont été produites dans ce département, similaires à celles effectuées en Vendée : la première en 2013, pour permettre à la Coop de l’eau 79 d’affiner son premier projet, et la seconde après le jugement du 21 mai 2021 du tribunal administratif de Poitiers qui autorisait sept retenues sur les seize envisagées et conditionnait les neuf autres à leur redimensionnement à la baisse. Le comité de suivi comprenait des administrations (DDT 79 et Agence régionale de santé), un organisme consulaire (Chambre d’agriculture 79), des collectivités territoriales et organismes publics (Département 79, Établissement public du Marais poitevin, Agence de l’eau Loire-Bretagne, Syndicat des eaux du Vivier et plusieurs maires), et la Coordination du Marais poitevin (France Nature Environnement).
Les résultats du BRGM*
Les simulations analysées dans le rapport de Abasq (2022) sont réalisées sur la période 2000-2011, et comparent une simulation dite de référence, sans les retenues du projet de la Coop79, avec une simulation qui tient compte de la substitution permise par le projet 2021 de la Coop79. D’autres simulations sont présentées, notamment celle qui repose sur le projet 2019, pour permettre une comparaison avec les rapports précédents. L’analyse des deux simulations principales confirme l’impact très positif de la substitution sur le niveau des nappes en été à proximité des points de prélèvement (voir la figure 6a, au niveau du piézomètre du Bourdet, utilisé pour la gestion des étiages et pour celle du remplissage des réserves, dans la partie aval du bassin de la Courance et proche de la réserve n° 7), avec de faibles améliorations des débits estivaux, de l’ordre de + 6 %. Les plus fortes augmentations des débits estivaux sont obtenues pour le Mignon (+ 40 % en juillet-août par rapport au débit de référence), mais ces débits estivaux y restent bas (420 l/s avec substitution vs 300 l/s en situation de référence).
Figure 6, a et b : Modélisation des niveaux de nappe et des débits par le modèle du BRGM
À titre de comparaison, la figure 7 montre les variations saisonnières du débit mesuré à Mauzé-sur-le-Mignon en 2002-2023, qui suggèrent que le modèle Jurassique du BRGM* surestime sensiblement les débits d’étiage.
En hiver, les effets sur les débits des principaux cours d’eau sont faiblement négatifs et largement négligeables (baisse de 1 %). En revanche, la substitution induirait « des rabattements piézométriques non négligeables, souvent supérieurs à 50 cm sur le bassin du Mignon-Courance », pouvant même y dépasser 1 m (cf. figure 6b).
Le rapport rappelle aussi les critères de gestion du remplissage des réserves : « La gestion des prélèvements en printemps/été se fait à l’aide de débits d’objectif d’étiage et piézométries d’objectif d’étiage. En hiver, le remplissage des retenues sera conditionné par des seuils de piézométrie ou de débit au-dessus desquels les pompages pourront être réalisés. » Le premier critère (débit et piézométrie objectif d’étiage) ne dépend pas de la présence de réserves, et la figure 7 montre qu’il n’a été que très rarement respecté au piézomètre du Bourdet, où les niveaux piézométriques tombent 10 années sur 12 sous la piézométrie objectif d’étiage de fin de saison (POEF) pendant la période 2000-2011. Le second critère concerne la possibilité de remplir les réserves en hiver et le rapport indique : « Certains hivers secs, la recharge piézométrique ne permettrait pas de soutenir les prélèvements pour le remplissage des retenues, du moins en début d’hiver… Les niveaux piézométriques simulés pour le projet de Coopérative descendent alors sous les seuils de vigilance hivernaux ; les prélèvements ne pourraient alors pas être possibles. »
Le rapport aborde enfin l’effet du projet de réserves sur les zones humides du Marais poitevin, tout en reconnaissant les précautions imposées par une modélisation à la résolution de 1 km². Les conclusions découlent de celles obtenues à l’amont du Marais, sur les niveaux des nappes et les débits qui l’alimentent (+ 6 % en printemps-été, – 1% en hiver), d’où des impacts positifs en été, et non négatifs en hiver.
Discussion
Le modèle, qui jusqu’à récemment n’avait pas fait l’objet de critiques majeures, s’est trouvé au cœur d’un vif débat. Les principales critiques formulées ont été les suivantes : le travail n’a pas fait l’objet de publication ni de revue par les pairs ; l’échelle ne permet pas d’apprécier les impacts à l’échelle locale ; il n’y a pas d’analyse critique des estimations ni de calcul des incertitudes associées ; enfin, les conditions météorologiques récentes (sécheresses récurrentes depuis 2017, à l’exception de 2021) et le changement climatique (climat attendu plus chaud et sec en été selon les projections climatiques) ne sont pas pris en compte dans les simulations (en outre, le modèle est calé sur la période 2000-2011).
En réponse à ces éléments, le BRGM* a souligné dans un communiqué de presse que le modèle est global, apte à fournir les évolutions de l’ensemble des nappes sur quatre départements (BRGM, 2023) : « Le modèle en l’état (sans maillage affiné) ne peut néanmoins pas répondre aux problématiques ultra-localisées comme un champ captant sur quelques mailles, ou l’impact d’un seul prélèvement. Mais il est possible d’utiliser les résultats du modèle à l’échelle du bassin Sèvre-Mignon-Courance qui apporte une approche pertinente et utile sur les relations inter-bassins et l’effet cumulé des prélèvements. »
En ce qui concerne la période de calage et de simulation, le BRGM* précise aussi : « En toute rigueur, cette période de référence ne permet pas de prendre en compte les conditions météorologiques récentes et encore moins futures. Mais elle permet d’évaluer ce qui se serait passé si les réserves de substitution avaient été mises en place au cours des années 2000-2011, sachant que ces années sont représentatives de situations météorologiques contrastées (années humides et sèches). » Le BRGM a par ailleurs annoncé la réalisation d’une nouvelle étude dont le résultat ne sera disponible que fin 2024, étude qui affinera le modèle à partir de données climatiques récentes et simulera les effets du changement climatique.
Enfin, il apparaît que le modèle lisse systématiquement les niveaux de la nappe, les estimations étant moins élevées en hiver et plus élevées en été que les observations (Figures 6 et 7). S’agit-il d’écarts systématiques dus à un biais de modélisation ? Il est difficile de se prononcer sans un cadre de discussion scientifique.
En conclusion, on peut souligner le fait que le modèle utilisé a nécessité un travail considérable, reposant sur des systèmes d’équations génériques et une bonne représentation des substrats géologiques qui se sont révélés précieux dans le passé. Ce modèle aura permis au maître d’ouvrage de dimensionner et redimensionner ses retenues, et il sera utile pour les gérer et mieux anticiper certaines décisions d’emblavement ou de gestion en cas de remplissage partiel en sortie d’hiver. Les résultats tenant compte des années récentes et du changement climatique sont très vivement attendus.
La problématique du changement climatique
Dans le bassin versant du Marais poitevin, le changement climatique conduira, selon les modèles climatiques, à une température plus élevée et une pluviométrie annuelle moyenne peu modifiée, ayant pour conséquences une augmentation de l’évaporation, des recharges à la nappe plus faibles, des débits d’étiage moindres, une régression des zones humides (Guihéneuf et Le Quéau, 2023 ; Plan climat Loire-Bretagne), avec une irrégularité intra et interannuelle, une fréquence accrue d’hivers très excédentaires ou très déficitaires, une irrégularité des sécheresses et étiages, ceux-ci pouvant s’enchaîner dans des séquences inédites.
Cette augmentation de la variabilité se rajoute à une baisse des débits moyens, en été mais aussi en hiver, qui s’accompagne d’une baisse de la recharge des nappes, avec plusieurs conséquences sur le fonctionnement de retenues de substitution et leurs impacts. En hiver, la probabilité que les niveaux piézométriques tombent sous les seuils de vigilance hivernaux va augmenter, et concomitamment le risque de ne pas pouvoir remplir les retenues. La baisse des niveaux piézométriques en hiver va aussi réduire la part des nappes dans les débits hivernaux, si bien que les pompages hivernaux vont se répercuter plus fortement par des baisses à long terme de la piézométrie jusqu’en été, qui pourront réduire la possibilité de pomper à cette saison. Les pompages auront également des impacts plus sévères sur les débits d’étiage des cours d’eau (en intensité, durée et fréquence, saisonnalité), déjà affaiblis à cause du changement climatique, qu’il s’agisse des pompages effectués en été (non substitués en hiver) ou des pompages hivernaux, à cause du renforcement de l’impact à long terme des pompages dans des nappes qui ne se remplissent plus tous les hivers.
Face à cette situation, les critères de seuil de pompage doivent absolument être définis rigoureusement et ensuite respectés sous peine d’épuisement rapide de la ressource – ce qui ne semble pas avoir été le cas jusqu’à présent (voir Figures 1 et 6). La situation de l’irrigant devient alors la même que celle des agriculteurs sur d’autres territoires : en cas de sécheresse hydrologique, le risque de défaillance de la ressource, qu’elle se situe dans les nappes ou dans des réserves artificielles, doit être assumé. Là comme ailleurs, certains usages non agricoles de l’eau sont prioritaires (eau potable, santé, salubrité, sécurité civile). Cela veut dire que c’est à l’agriculture de s’adapter à ce risque climatique : en envisageant des systèmes d’assurances contre ce risque sévère ; en continuant à faire évoluer les systèmes de culture vers une agriculture moins gourmande en eau, c’est-à-dire plus en phase avec le climat (cultures d’hiver) et plus résistantes à la sécheresse – par exemple en substituant progressivement du sorgho au maïs (Amigues et al., 2006 ; Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique, 2022a) – ; en favorisant le développement du stockage naturel de l’eau dans les sols, avec plusieurs modalités complémentaires : plus de matière organique pour une meilleure infiltration et rétention de l’eau ; moins d’évaporation des sols grâce au paillage ; moins de drainage ou un drainage mieux maîtrisé – par exemple en utilisant l’eau du drainage agricole pour alimenter des retenues.
La rentabilité économique des investissements (construction, fonctionnement, gestion, suivi et évaluation des impacts…) et le prix de l’eau facturé aux irrigants du projet Sèvre-Mignon sont calculés en faisant l’hypothèse que les réserves ne se remplissent pas complètement deux années sur dix (plus précisément, ne se remplissent pas totalement, mais à 50 %). Cette rentabilité devrait être analysée en prenant explicitement en compte des modèles, des données de terrain et des projections climatiques. Quel remplissage aura-t-on dans 10 ans, 20 ans, 50 ans ? Quels systèmes de production y seront adaptés ?
Le bilan hydrique : quelle part de l’évaporation directe de l’eau de la retenue ?
L’évaporation annuelle d’un plan d’eau est assez difficile à estimer. Elle a longtemps été obtenue à partir de mesures de niveau sur bac d’eau libre qui, dépendant aussi des conditions autour du bac, s’avèrent supérieures à l’évaporation du plan d’eau voisin, d’un facteur de l’ordre de 30 à 50 % (voir par exemple Kohler, 1954 ; Tanny et al., 2017 ; Friedrich et al., 2018). On peut aussi estimer l’évaporation d’un plan d’eau au moyen de l’évapotranspiration potentielle (ETP) obtenue par la formule de Penman, qui s’appuie sur la correspondance entre eau évaporée et énergie nécessaire à l’évaporation[1]. Dans la zone du Marais poitevin, l’ETP* annuelle moyenne sur la période 1980-2011 est d’environ 750 mm (Figure 8a) pour une pluviométrie annuelle moyenne de 800 mm. Pendant la période d’avril à septembre, l’ETP* semestrielle moyenne est d’environ 500 mm pour une pluviométrie moyenne de 350 mm.
[1] Voir Evapotranspiration réelle (ETR) dans le glossaire.
Une revue sur l’évaporation de quinze lacs nord-américains et africains (Morton, 1986) montre une forte corrélation entre l’évaporation réelle annuelle des lacs et leur latitude (Figure 8b). Sans préjuger de son applicabilité à la région concernée ici, la relation obtenue[2] donne une valeur annuelle de 825 mm pour Niort, soit 10 % de plus que l’ETP* annuelle fournie par Météo France.
[2] E annuelle (mm) = 3 674 – 61.5 latitude (deg)
Faute de mesures directes, on peut donc accepter que la perte annuelle par évaporation d’un plan d’eau dans le Marais poitevin soit voisine de l’ETP°*, soit 750 mm/an. Cette estimation correspond à la période 1980-2011, mais l’ETP augmentera avec le changement climatique ; dans la région des Deux-Sèvres, le portail Drias montre qu’il faut s’attendre à une augmentation de 50 mm/an à l’horizon 2035 (cf. https://www.drias-climat.fr/decouverte/).
Selon le point de vue auquel on se place, il y a trois manières d’aborder le problème de la perte d’eau d’une retenue.
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Bilan « évaporation – pluie » à l’échelle de la saison d’exploitation de la réserve
Dans cette première approche, on considère le bilan entre les pluies et l’évaporation de la réserve pour la période avril-septembre. Avec une pluie cumulée de 350 mm pour la période et une ETP* cumulée de 500 mm, on obtient un déficit de 150 mm. Pour une réserve comme celle de Mauzé-sur-le-Mignon (superficie de 37 051 m² soit 3,7 ha, et un volume maximal de 240 000 m³), cela revient à une perte de 2,3 % en année moyenne. Cette perte correspond à la moyenne de 3-4 % observée sur les 22 retenues de Vendée, hors valeurs extrêmes, sur les 10-15 ans de fonctionnement (SmVSA-CRAE, 2021). Cette approche permet aussi d’estimer la perte qu’on pourrait avoir lors d’une année très déficitaire en pluie, ce qui deviendra plus fréquent avec le réchauffement climatique. Sous l’hypothèse de pluies nulles pendant la saison de végétation, on obtient une perte de 500 mm d’ETP* sur avril-octobre, soit 7,7 % du volume maximum (0,5 x 37 051 = 18 525 m³). Il est intéressant de remarquer que pendant l’été 2022, sec et caniculaire, les mesures de pertes effectuées à partir des débitmètres ont conduit à 6 % pour la réserve de Mauzé-sur-le-Mignon.
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Bilan annuel ETP – ETR dû à la présence de la retenue
Dans cette deuxième approche, la retenue est vue comme une occupation de la surface qui prive les aquifères de la contribution des surfaces naturelles. Les différentes formes de végétation qui auraient pu occuper la surface de la retenue consomment de 500 mm à 600 mm d’eau pour leur croissance. En prenant une moyenne de 550 mm, la retenue augmente l’évaporation de 200 mm/an, ce qui peut également être assimilé à un déficit local de recharge de la nappe (essentiellement en période hivernale). À partir des dimensionnements précédents, ceci revient à dire que la retenue de Mauzé-sur-le-Mignon provoque un déficit de remplissage de la nappe de 0,2 x 37 051 = 7 410 m³, soit 3,1 % du volume maximal de la retenue.
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Perte par évaporation sans prise en compte des pluies
Cette approche considère que les pluies captées par la retenue contribuent à son remplissage au même titre que les pompages depuis la nappe, alors que les sorties sont constituées par les pompages dans la retenue pour l’irrigation et l’évaporation du plan d’eau, qui réduit la part disponible pour l’irrigation. Dans ce cas, où l’on s’intéresse au devenir de l’eau une fois qu’elle est stockée, une ETP annuelle de 750 mm correspond à Mauzé-sur-le-Mignon à une perte de 0,75 x 37 051 = 27 787 m³, soit 11,6 % du volume maximal.
Au-delà des différences de points de vue, trois remarques peuvent être faites sur les pertes par évaporation des retenues :
- La perte en % est calculée comme le rapport du volume évaporé (mm ou l/m² sur la surface de la retenue, soit 37 051 m² à Mauzé-sur-le-Mignon) au volume de la retenue, ici en supposant que celle-ci peut être remplie à son maximum. Il en résulte que pour limiter les pertes, il convient de minimiser le rapport surface sur volume ; et donc que si une retenue n’est pas remplie à son maximum en début d’exploitation, les pertes en % seront plus fortes que celles estimées sur la base du volume maximal.
- Les valeurs auxquelles nous arrivons ici sont très inférieures à celles qui sont évoquées dans certains médias et reprises par des opposants, faisant état d’une évaporation de 20 à 60 % des flux entrants[3] ou de l’eau stockée[4]. Il s’agit là d’une erreur d’interprétation : ces chiffres, qui proviennent d’une étude menée sur l’évaporation de retenues d’eau aux États-Unis (Friedrich et al., 2018), correspondent en fait à la part de l’évaporation dans les pertes d’eau totales de ces retenues, et non au pourcentage du volume stocké.
- Il est important de rappeler que vouloir supprimer les pertes évaporatoires par un moyen technique ne serait pas sans conséquences : d’une part la température de la réserve augmenterait fortement car la chaleur latente d’évaporation est un poste très important de son propre bilan énergétique ; d’autre part la contribution de chaque surface, naturelle ou artificielle, à l’évaporation régionale est importante pour éviter la canicule qui accompagne le plus souvent la sécheresse.
[3] Voir par exemple l’interview de l’hydrobiologiste Christian Amblard par Christine Pottier sur Franceinfo le 25 septembre 2021 (franceinfo.fr).
[4] Voir par exemple la page « Mégabassines : pourquoi s’y opposer ? » sur le site de l’association Greenpeace (greenpeace.fr).
Le financement de l’infrastructure et la gestion de l’eau
Le coût total des 16 réserves de substitution (6,2 millions de mètres cubes, ou Mm3) est estimé à 76 millions d’Euros (76 M€) (actualisation de septembre 2022), soit 12,25 €/m3 stocké. Le financement devrait être assuré à 70 % des dépenses éligibles par l’Agence de l’eau Loire-Bretagne et les fonds Plan de relance pour la tranche 1, puis par le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine pour les deux tranches suivantes.
La gestion de l’eau a été confiée à un organisme public (EPMP : établissement public du Marais poitevin) qui n’effectue le remplissage hivernal que lorsque des conditions de niveau piézométrique ou de débit de la rivière sont remplies. L’objectif poursuivi est la diminution des pompages estivaux. Sur la période récente, ceux-ci ont diminué de 50 % en 20 ans : 21 Mm3 en 2003, 14,8 en 2015 et 5,8 en objectif 2025. Cet objectif pourrait être atteint grâce aux 6,2 Mm3 stockés en hiver et aux 2,8 Mm3 économisés grâce à l’évolution des systèmes de cultures (voir 2.6). L’annexe 4 illustre ces impacts dans le cas de la nappe vendéenne et depuis 1999. Les données des cinq dernières années manquent cependant pour une analyse plus complète de ce cas.
La Coop de l’eau 79 mutualise les coûts entre les irrigants adhérents au projet, donc connectés aux retenues (une centaine), et les irrigants qui continueront à prélever dans le milieu en été (une centaine aussi). Elle ne comprend que des agriculteurs. Depuis 2018, vingt nouvelles installations, dont six maraîchers bio, ont compensé treize départs et augmenté la proportion des petits ayants droit (Michel, 2023). Les forages des irrigants connectés ont été bouchés : l’eau de la réserve leur est livrée sous pression en bord de champ par une coopérative d’utilisation de matériel agricole (Cuma) adossée à la Coop de l’eau 79. Ils payent plus cher l’eau que les non-connectés. La situation reste inchangée pour les irrigants non connectés.
Les prélèvements dans la nappe pour alimenter la retenue se feront l’hiver, ce qui impliquera une remontée du niveau des nappes en été par rapport au niveau actuel, comme le montre l’exemple de la Vendée avec ses trois phases d’installation de retenues (voir la figure 4) ; cela devrait conduire à une limitation des restrictions pour les irrigants non connectés. Le cas échéant, celles-ci s’appliqueront aussi aux irrigants connectés afin de rendre acceptable ce système de gestion, comme ce qui est fait en Vendée (recul de plus de quinze campagnes). La diminution des droits à pompage estivaux a été imputée uniquement aux gros bénéficiaires, ceux ayant moins de 20 000 m3 étant épargnés.
Les évolutions des systèmes agricoles
Selon le dernier recensement agricole pour le bassin Sèvre-Mignon (Agreste, 2020), il y a près de 400 irrigants sur 1 900 exploitations (21 %). Les surfaces irriguées sont relativement faibles : 16 000 ha sur les 200 000 ha du bassin (8 %, soit environ 10 % de la surface agricole utile (SAU). Elles ont baissé de 9% entre 2010 et 2020, principalement du fait d’une division par deux des cultures de maïs, remplacées par des champs de blé et autres céréales « à paille » un peu moins gourmandes en eau (cf. Figures 9 a et b ci-dessous).
L’irrigation porte sur le maïs (grain + ensilage : 34 % en 2010 vs 38 % en 2022), les céréales à paille (38 % vs 32 %), les oléoprotéagineux (15 % vs 14 %), d’autres occupations du sol dont des prairies (12 % vs 16 %). La division par deux des surfaces en maïs se retrouve dans l’ensemble des Deux-Sèvres (Figure 9b), et le maïs non irrigué a aussi connu une baisse de superficie (– 3 200 ha vs – 7 400 ha en irrigué). Il reste néanmoins largement dominant dans le département (75 % de la surface cultivée en maïs).
L’irrigation a permis de freiner la baisse du nombre d’exploitations. Entre 2010 et 2020, le nombre d’irrigants a baissé moins vite que le nombre d’exploitations en pluvial sur le bassin Sèvre niortaise-Mignon (– 7 % vs – 22 %) (Agreste, 2010 et 2020). Dès lors que l’eau est sécurisée avec des réserves, comme en Autizes-Vendée depuis 10-15 ans (8,7 Mm3 stockés dans vingt réserves collectives), le nombre d’irrigants augmente, et particulièrement les exploitations avec des élevages de ruminants (+ 88 % vs – 23 % en pluvial). La part du maïs irrigué (grain et fourrages réunis) est passée de 80 % de la sole à 40 %. Cette substitution s’est faite au profit de céréales à paille, de cultures légumières et d’autres cultures à haute valeur ajoutée qui ont besoin d’une sécurisation de la ressource en eau (notamment les cultures sous contrat dont le développement est bridé sans accès sécurisé à l’eau). Ceci a favorisé l’installation de petites exploitations. Cette diminution du maïs devrait permettre l’économie de 2,8 Mm3.
D’une manière plus générale, on note une évolution des systèmes de culture de la région vers l’agroécologie, avec : (i) plus de cultures à base de légumineuses, soit fourragères (luzerne) soit alimentaires (pois, lentilles, pois chiche, soja…) qui fournissent de l’azote au sol grâce à la fixation symbiotique ; (ii) une ré-association plus étroite entre la céréaliculture et l’élevage qui permet d’assurer le recyclage des éléments nutritifs (cycle N, P, K) ; (iii) un allongement des rotations céréalières permettant de limiter le recours aux pesticides. Ces trois piliers de l’agroécologie bénéficient de l’assurance d’une irrigation d’appoint, qui sécurise certaines cultures nouvelles, plus particulièrement les légumineuses, par ailleurs moins dépendantes des engrais azotés et donc moins pollueuses des eaux et moins émettrices de gaz à effet de serre (GES).
Cette transition est plus avancée chez les irrigants connectés à une retenue qu’ailleurs. On trouve par exemple une fois et demie plus d’agriculteurs en agriculture biologique (AB) chez les irrigants que chez les non-irrigants (16 % vs 10 %). Sur le bassin Autizes-Vendée, presque un quart des irrigants sont en bio, deux fois plus qu’en pluvial (23 % vs 12 %), et près de la moitié (46 %) des bios sont des irrigants : ils ont développé des filières AB locales pour l’alimentation humaine (légumes secs et de plein champ, maraîchage…), qui représentent 15 % des surfaces AB irriguées (4 % en 2010). Entre 2010 et 2020, le nombre d’exploitation en AB a été multiplié par deux en pluvial et par cinq en irrigué. Ces chiffres montrent une dynamique notable mais encore modeste à l’échelle du Marais poitevin. Une hypothèse est qu’elle est freinée par une sécurisation de l’irrigation l’été (stockage) encore insuffisante.
La gouvernance : de l’accord au suivi
L’accord passé sur l’évolution des systèmes dans le cadre de la retenue (Michel et Boudaud, 2023)[5] oblige les agriculteurs à changer de pratiques (diminution de 50 % des produits phytosanitaires, rotations longues, pratiques de conservation des sols, auxiliaires de cultures, haies, corridors écologiques…). Il a l’ambition d’accélérer les transitions agroécologiques, en permettant à de nouveaux entrants d’accéder à l’irrigation. L’eau n’est pas attachée à une exploitation et les volumes libérés lors des cessations d’activité sont redistribués à des porteurs de projets (en quasi-totalité des jeunes agriculteurs), avec une priorité pour les petits volumes, le maraîchage, l’élevage, la valeur ajoutée et les trajectoires agroécologiques.
[5] Notons que le scénario « sans réserve » est déjà à l’œuvre dans la zone en pluvial : une forte déprise de l’élevage (– 32 % depuis 2010) ; un agrandissement accéléré des céréaliers en sec, par des montages sociétaires pour contourner le contrôle des structures ou par la réalisation via des « entreprises de travaux agricoles » de « travaux de A à Z » chez les voisins pour finalement prendre le contrôle des terres. Ces très grandes exploitations en pluvial optimisent le temps passé à l’hectare avec de grosses machines, dans de grandes parcelles et avec un assolement à peine triennal. Ce phénomène est particulièrement net sur les pourtours du Marais poitevin : par exemple, ces grandes exploitations contrôlent le quart des terres sur le bassin du Curé dans l’Aunis (Collombet-Gourdon, 2023).
Ce protocole demande des engagements individuels et collectifs forts aux agriculteurs, conscients qu’avec un coût de l’eau important, il leur faudra faire d’autres cultures ou des économies d’eau, rechercher la valeur ajoutée (AB, légumes, semences…). Il n’est pas du tout vu d’un bon œil par nombre d’irrigants des bassins Loire-Bretagne et Adour-Garonne. En cas de non-respect ou de non-atteinte des objectifs chiffrés et contrôlés (réduction des phytos de 50 % par exemple), les irrigants perdent leurs volumes en totalité en 3 à 5 ans. Le contrôle des engagements sera assuré par la Direction départementale des territoires (DDT).
Afin de sortir le projet de son enlisement entre 2014 et 2018, la préfète des Deux-Sèvres a organisé une médiation autour de trois ateliers : gouvernance et volumes ; changements de pratiques agricoles ; schémas pour la biodiversité. Chacun s’est réuni trois ou quatre fois avec l’ensemble des parties prenantes : irrigants, associations environnementales, collectif Bassines non merci, élus du territoire, opérateurs économiques. Un protocole a été signé le 18/12/2018 avec 13 des 17 parties prenantes (cf. https://www.deux-sevres.gouv.fr/Actions-de-l-Etat/Environnement-eau-risques-naturels-et-technologiques/Projet-de-construction-de-reserves-de-substitution-bassin-versant-Sevre-Niortaise-et-Mignon/Porter-a-connaissance-n-1-avril-2020/PROTOCOLE-D-ACCORD-SIGNE).
Un conseil scientifique et technique a été mis en place auprès de la Coop de l’eau 79, qui a tenu depuis 2018 plusieurs séances (fréquence bi ou trisannuelle) dont les comptes rendus sont publics (cf. https://www.deux-sevres.gouv.fr/Actions-de-l-Etat/Environnement-eau-risques-naturels-et-technologiques/Projet-de-construction-de-reserves-de-substitution-bassin-versant-Sevre-Niortaise-et-Mignon/Le-comite-scientifique-et-technique-CST/Le-comite-scientifique-et-technique-CST). La nécessité d’un bilan sur les évolutions des indicateurs de fréquence de traitement phytosanitaire (et autres indicateurs de performance économique, environnementale…) est mentionnée dans un des derniers comptes rendus. Par ailleurs, les bilans des évolutions des intrants (azote, phosphore, pesticides) sur les systèmes agricoles ne semblent pas avoir encore été réalisés et diffusés. Une commission de répartition des prélèvements propose la réaffectation des volumes des cédants à de nouveaux entrants.
Les projets sur les Deux-Sèvres sont trop récents pour dresser un retour d’expérience en matière de gouvernance. En revanche, le cas de la Vendée permet un recul plus important. On y constate que même si des aménagements ont été faits dans le Marais poitevin dès le XVIIIe siècle, les effets de l’irrigation sur la nappe sont récents. Entre 1976 et 1995, le niveau de la nappe en été s’est en effet abaissé de 2,50 m sous l’effet d’un prélèvement estival allant jusqu’à 8 Mm3 par an. Le constat d’une surexploitation a conduit les pouvoirs publics à restreindre en 1995 à 3,2 Mm3 par an l’autorisation de prélèvement en nappe l’été pour l’irrigation.
En 2010, dix réserves ont été construites qui ont permis de disposer d’un complément prélevé l’hiver. Le cumul des volumes utilisés a néanmoins été réduit de 1,6 Mm3. Le coût du projet vendéen est de 16 M€, financés par l’Agence de l’eau et le Conseil départemental (de l’ordre de 20 % chacun), par l’État, l’Union européenne, le Conseil régional et les agriculteurs raccordés (de l’ordre de 10 % à 15 % chacun), puis la Compagnie d’aménagement des coteaux de gascogne (CACG*, 5 %)[6]. La limite des prélèvements en été a permis une remontée de la nappe de 3 m. Cette remontée a bénéficié à de multiples usages et aux irrigants non raccordés qui n’ont pas vécu de restriction de pompage de 2010 à 2015. Mais que se passe-t-il les années où l’hiver permet de remplir les réserves mais où la nappe descend en été sous les seuils d’autorisation de pompage, comme cela a pu se passer en 2022 ? La situation crée entre irrigants une injustice qui semble se gérer sur le terrain de deux manières. Un renoncement collectif à l’irrigation garantit une meilleure justice, mais il conviendrait de le prendre en compte dans le calcul de rentabilité du projet. Des interconnexions renforcées permettraient un accès plus large à l’eau stockée, mais cela demanderait des investissements complémentaires.
[6] Information communiquée par Fabrice Enon, du Syndicat mixte Vendée Sèvre Autizes, lors des Rencontres de l’eau Loire-Bretagne (3-4 février 2015).
Le cas vendéen et les premiers retours des Deux-Sèvres montrent aussi des limites d’accès pour les nouveaux entrants. Ces limites peuvent être liées à la géographie de l’infrastructure dont les bornes d’irrigation ne sont pas uniformément réparties sur le territoire. Elles peuvent aussi être dues à des coûts d’entrée liés aux études d’impact demandées.
Au-delà du cas d’étude, quelles questions générales posent les retenues de substitution ?
Le cas traité a cristallisé des tensions du fait du contexte local mais aussi de sa possible généralisation. Beaucoup des interrogations relatives aux retenues ont été traitées dans le cadre de l’ESCo* « Impact cumulé des retenues » (Carluer et al., 2016). Cette section vise à éclairer des points de débat autour des retenues, plus spécifiquement celles de substitution.
L’impact hydrologique et hydrogéologique, les transformations du territoire, dans le contexte du changement climatique
Les projets de retenues s’inscrivant dans le long terme, la question se pose de l’impact du changement climatique sur la disponibilité en eau, pour les agriculteurs ayant accès à la retenue et pour ceux qui n’y ont pas accès, ainsi que sur les transformations de l’agriculture et du territoire. Force est de constater le besoin de modèles ou d’outils agroéconomiques pour évaluer la rentabilité de ces projets et leurs impacts sur les différents usages de l’eau, ceci dans le contexte du changement climatique et de la plus grande vulnérabilité, ou variabilité, des marchés agricoles qui lui est associée.
L’évolution des occupations du sol et des systèmes agricoles induite par la création de retenues est une question centrale pour évaluer l’impact des retenues sur le long terme. Des travaux conduits sur des grands barrages montrent que l’augmentation de l’offre s’accompagne souvent d’une augmentation de la demande (Di Baldassere et al., 2018). Ce phénomène cyclique d’offre et demande (ou effet rebond) peut constituer un risque d’accroissement de la pression sur l’eau dans une perspective de multiplication des retenues dans un territoire. Il s’agit d’une préoccupation importante des gestionnaires et des agences environnementales en appui aux politiques publiques.
Des travaux récents (financement OFB, région, INRAE) ont permis de développer un modèle agrohydrologique de bassin versant, représentant de manière spatialisée les retenues et l’hydrologie de bassins versants de 10 à 50 km², ainsi que la gestion agricole et la gestion de l’eau de chacune des parcelles. Ce modèle, validé d’un point de vue scientifique, ne constitue pas encore un outil opérationnel (Molénat et al., 2020 ; Lebon et al., 2022), les cas d’application étant encore limités. Il permettra d’estimer et de comprendre les impacts variés des retenues sur le régime hydrologique, le long du réseau hydrographique, et sur la production agricole au sein du bassin versant. Il s’agit d’un outil prédictif et pédagogique intéressant pour que les acteurs évaluent mieux les impacts des retenues qu’ils projettent.
La revue des impacts cumulés de petits réservoirs (majoritairement d’Australie ou du Nord-Est brésilien) sur l’hydrologie (Carluer et al., 2016, chapitre 1 ; Habets et al., 2018) indique, sur la base d’une trentaine de références, une diminution des débits entre 5 et 30 %, cette diminution pouvant doubler pendant les années sèches. La position de la retenue vis-à-vis du cours d’eau (en barrage, en dérivation) ainsi que les modes de gestion des retenues (débit réservé, gestion des prélèvements) seraient des facteurs explicatifs de ces réductions. À la différence des retenues de substitution, une bonne part de ces réservoirs est dédiée à la percolation pour la recharge de la nappe, ce qui explique partiellement la grande dispersion des valeurs.
Les données sur les débits sont assorties d’incertitudes[7] et couvrent très inégalement les différentes configurations géographiques. Par ailleurs, connaît-on suffisamment les autres pompages en nappe et la somme de leurs effets sur les nappes ? Une vision hydrologique de l’ensemble des cours d’eau et de leurs comportements interannuels, notamment la prévalence des tronçons en assec (estival ou hivernal), serait nécessaire, ainsi qu’un lien avec les zones humides et, dans le cas traité, le Marais poitevin et les masses d’eau de transition avec l’évolution possible des biseaux salés.
[7] Il est par exemple cité un gain de 5 % de débit estival estimé par le BRGM : cette valeur s’applique à un débit d’étiage très bas, où la mesure est entachée d’incertitudes fortes auxquelles s’ajoutent les incertitudes liées au modèle déployé.
Les connaissances sur ces sujets sont limitées, et un effort de recherche assorti d’acquisitions de données est nécessaire. Il est par conséquent important d’accompagner les investissements bénéficiant de fonds publics d’un effort d’instrumentation et de connaissance pour disposer d’une base de données confortée, à synthétiser régulièrement pour établir des retours d’expérience profitables.
Par ailleurs, la création de retenues participe à l’artificialisation et la perte de terres agricoles, processus que l’État a souhaité ralentir dans son objectif « Zéro artificialisation nette » (ZAN) fixé pour 2050. Il est demandé aux territoires, communes, départements, régions de réduire de 50 % le rythme d’artificialisation et de consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici 2030 par rapport à la consommation mesurée entre 2011 et 2020. La question des retenues doit y être incluse.
La question ignorée de l’eutrophisation et des émissions de gaz à effet de serre
L’ESCo* « Impact cumulé des retenues » (Carluer et al., 2016) souligne l’importance d’une eau de grande qualité dans les retenues, afin de limiter les processus d’eutrophisation. Elle souligne également le déficit de données locales et l’absence de bases de données au niveau national sur le nombre, le volume, la gestion des retenues, ce qui constitue un frein à l’évaluation de leurs impacts. Un effort d’acquisition et de bancarisation des données est nécessaire.
Les conditions de l’eutrophisation sont les suivantes : faible profondeur (lumière), température élevée, richesse en nutriments, faible renouvellement de l’eau. Pour qu’elle soit limitée, il faut que la nappe alimentant la retenue ait de très faibles teneurs en nitrates (ce qui n’est souvent pas le cas des aquifères superficiels), et que les retenues ne reçoivent pas d’apport direct de sédiments, souvent riches en phosphore (occasionnés lors d’épisodes de ruissellement, ou par la sédimentation de sédiments biogènes issus de processus d’eutrophisation au cours du temps, au sein des retenues).
L’eau de remplissage des retenues, pompée dans une nappe souterraine à – 20 ou – 30 m, est peu susceptible de contenir des quantités de phosphore compatibles avec un déclenchement massif de l’eutrophisation. Il s’ensuit donc que ce risque reste faible comparé avec celui constaté dans les réserves collinaires qui, elles, sont alimentées par des eaux de surfaces pouvant être fortement chargées en phosphore. Il conviendrait néanmoins de documenter ce point par des observations qui seront fort utiles pour un retour d’expérience.
L’analyse des gouvernances et la prise en compte de l’eau, bien commun ?
La gouvernance de l’eau connaît depuis quelques années un contexte de réforme perpétuelle (Barone et al., 2018) qui a deux conséquences sur le sujet des retenues de substitution : d’une part tous les projets locaux sont susceptibles d’être politisés pour agir sur l’agenda national en discussion permanente, d’autre part les compétences historiquement exercées à l’échelle des bassins ou des sous-bassins sont redistribuées au profit de projet de territoires plus restreints. Cela ne doit pas faire oublier que toute modification des usages de l’eau dans une partie de bassin a des effets en aval.
Comment réussir une gestion territorialisée de l’eau ? Quelle gouvernance (consultation, instance, droits et devoirs…) pour les agriculteurs associés à la retenue, ou non associés à la retenue ? Quel degré d’association des différents acteurs du territoire (ONG, acteurs amont et aval) ? Quelle propriété des systèmes de stockage d’eau ? Quel type de coopérative, et avec quels rôles dans le processus ? Une forme de SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) – qui, structurellement, associe plusieurs catégories de parties prenantes à travers un système d’au moins trois collèges – ne serait-elle pas plus appropriée ? Ces questions pourraient être examinées sur un ensemble de cas dont, par exemple, l’analyse des concertations de l’Aveyron aval (Allain, 2018)[8], de Sivens, de Caussade, de la Vienne ou de la Vendée.
[8] Cette thèse a reçu la médaille d’argent de l’Académie d’agriculture de France en 2019.
Pour conclure : à quoi conditionner la création de retenues de substitution ?
Les effets déjà tangibles des changements climatiques à l’œuvre fragilisent les sociétés et les écosystèmes. S’agissant de la ressource en eau, ils exacerbent les tensions entre usagers. Pour y faire face et rechercher des solutions, il est nécessaire de prendre conscience de la nature et de l’intensité des changements en cours et futurs, des limites des écosystèmes associés (y compris les agroécosystèmes), des différences de situations entre territoires. La gestion territorialisée de l’eau impose de marier le plus harmonieusement possible différentes solutions alliant la réduction des besoins, l’ajustement saisonnier de la ressource et une meilleure maîtrise de l’eau dans les sols et les agroécosystèmes, dans un souci de partage équitable d’un bien commun.
Comme d’autres usages, l’agriculture doit s’adapter à cette nouvelle situation. L’exemple des retenues de substitution des Deux-Sèvres montre que d’un point de vue quantitatif, une tendance à la surexploitation de la nappe semble avoir été enrayée, au prix d’un long processus d’instruction, sans toutefois emporter une large adhésion. Il se produit dans le même temps une évolution des systèmes de production. Le retour d’expérience est nécessaire, mais pas encore suffisant pour répondre à différents points de vigilance quant aux effets sur la qualité de l’eau des retenues et l’ampleur des phénomènes d’eutrophisation, sur la biodiversité des milieux superficiels (cours d’eau, zones humides, marais) et sur le milieu marin (biseau salé et eau douce pour la conchyliculture). La diversité des trajectoires des socio-écosystèmes, des systèmes agricoles, des milieux fait souvent de chaque cas un cas particulier. Ces projets gagneraient à l’élaboration et l’évaluation de scénarios alternatifs, prenant en compte le temps pour apprécier les impacts sur les court, moyen et long termes.
En guise de conclusion, des propositions non exhaustives sont faites pour mieux conditionner la réalisation éventuelle de retenues de substitution.
Préserver la ressource en eau sur le long terme
- Faire un suivi des niveaux de nappe, en hiver aussi bien qu’en été, pour assurer que les prélèvements dans la nappe sont compatibles avec le remplissage de la réserve. Pour des retenues en fonctionnement, faire un suivi des débits hivernaux et estivaux, associés à des seuils, fonctions de différents objectifs environnementaux (fonctions écologiques associées aux débit hivernaux et estivaux). Ces seuils doivent tenir compte de l’évolution du climat, et ils doivent être révisables, et relevés si l’on constatait que les pompages en hiver induisaient des baisses de niveau piézométrique se prolongeant jusqu’en l’été.
- Préconiser des indicateurs de référence pour des suivis hydrologiques et éco-hydrologiques (vie aquatique dans la retenue et les cours d’eau), tant les indicateurs diffèrent, sont mal compris et mal interprétés (évaporation), ou manquent d’attention (eutrophisation, gaz à effet de serre…).
- Réévaluer périodiquement tous les indicateurs et les niveaux des seuils associés (niveaux de nappes pour pouvoir pomper, volumes prélevables…), par exemple tous les cinq ans, afin, entre autres, de vérifier régulièrement que les pompages autorisés en été ne sont pas surdimensionnés compte tenu de tous les changements du milieu (ensemble des pompages sollicitant la nappe, changement climatique, changements des usages, etc.).
- Prévoir, pour les retenues à l’étude, un protocole pour ne pas construire des projets limites, qui pourraient nuire à la ressource ou aux usagers qui s’y engagent, pour éviter les investissements et artificialisations inutiles. Il faudrait imposer que les études d’impact se basent sur les estimations de la ressource, à échéance de 2040 ou 2050. Une proposition serait que les scientifiques ou les services de l’État fassent des estimations raisonnables des baisses de débit et de recharge aux quatre saisons à cette échéance, de façon à ce que les bureaux d’étude ou maîtres d’œuvre y fassent référence.
- Vérifier si les réponses du milieu qui ont été simulées avant la mise en place des retenues de substitution en Vendée sont validées a posteriori par les observations des débits et des nappes. Le recul dont on dispose maintenant sur ces retenues doit permettre cette comparaison. Cela représente une vraie question aujourd’hui, tant du point de vue scientifique et que de celui de la gestion des territoires.
Transformer les systèmes agricoles
- Dès lors qu’il est fait appel aux fonds publics, l’appui doit être conditionné aux demandes de la société dans son ensemble. Elle doit contribuer à une meilleure résilience des systèmes agricoles au bénéfice des agriculteurs (performance économique et environnementale dans le cadre du changement climatique), mais aussi des écosystèmes aquatiques dont l’équilibre bénéficie à tous. Ces objectifs doivent mieux être associés à des indicateurs, leur suivi devant être pris en compte dans l’élaboration et la gestion du projet.
- Développer la transition agroécologique, avec une évolution des systèmes et des pratiques agricoles, notamment dans le domaine de l’utilisation des produits phytosanitaires et des engrais (qualité de l’eau), de l’amélioration de la gestion des sols. La diversification est un levier, l’accroche à des systèmes agri-alimentaires locaux également. Il faut les envisager sur les court, moyen et long termes. La création de retenues de substitution envisagée pour des objectifs de court terme ne devrait pas entraîner de verrouillage pour l’adoption de systèmes agroécologiques à long terme, ceux-ci pouvant nécessiter des transformations profondes des systèmes agricoles et des territoires. Mais en contrepartie de cette évolution indispensable, il est important de noter que cette transition agroécologique implique une forte diversification des rotations de culture et donc des filières de production, une plus grande association entre agriculture et élevage… autant d’éléments qui peuvent impliquer une sécurisation de la ressource en eau pour pouvoir être mis en œuvre.
- Mieux lier eau et biodiversité : la biodiversité à l’échelle du champ, du paysage, est un facteur de résilience et donc d’adaptation au changement climatique. En retour, elle peut nécessiter des besoins, mais aussi permettre des économies d’eau. Des indicateurs sur ce plan sont aussi à implémenter. Il est important de les déployer à l’échelle du paysage pour bien évaluer les impacts positifs et négatifs sur l’eau, les milieux et la biodiversité.
Développer des gouvernances et une équité fondée sur l’eau comme bien commun
- Co-construire le projet dans un ensemble tripartite (représentants de l’État, porteurs d’enjeux agricoles et porteurs d’enjeux environnementaux), cette co-construction prenant en compte des scénarios alternatifs aux retenues, élargissant très largement les scénarios possibles pour le territoire, s’entendant comme un processus inscrit dans le temps, initié et réévalué en fonction des évolutions du territoire (milieu, climat, économie…), de manière à s’assurer que les infrastructures soient choisies pour bénéficier au plus grand nombre (et pas seulement à tel ou tel système agricole ou filière, usagers de l’eau, etc.).
- Mettre en place des systèmes de suivi ou de surveillance, assortis d’indicateurs et d’objectifs établis dans le temps, pour bien valider la réalisation de ces conditions (qui, quels indicateurs ?), diffuser largement ces tableaux de bord pour s’assurer de la transparence du développement du projet et de leur bonne compréhension par un large public.
Glossaire / Sigles
BRGM : Bureau de recherches géologiques et minières
CACG : Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne
CESE : Conseil économique social et environnemental
ESCo : Expertise scientifique collective
ETP : Évapotranspiration potentielle, ou valeur de l’ETR (voir ce terme) atteinte si le site considéré est saturé en eau (cas, par exemple, d’un plan d’eau ou d’une prairie bien irriguée), ou qui serait atteinte si le site était saturé en eau. Elle représente ainsi une demande en eau théorique, fixée à tout instant par les conditions météorologiques locales.
ETR : Evapotranspiration réelle, ou quantité d’eau perdue par évaporation – et, le cas échéant, transpiration – vers l’atmosphère (kg d’eau/m²/s, que l’on peut convertir par exemple en mm/jour). Elle dépend des caractéristiques du site considéré et des conditions météorologiques du moment (rayonnement, température, hygrométrie, vitesse du vent…).
GIEC : Groupe international d’experts sur l’évolution du climat
OFB : Office français de la biodiversité
PNR : Parc naturel régional
SDAGE : Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux
Remerciements
Nous remercions Anne Teyssèdre et la SFE2 d’avoir permis, avec l’édition et la publication de ce rapport de l’AAF sur cette plateforme web, d’augmenter la visibilité de ce travail.
Bibliographie
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Regards connexes :
- Regards sur l’agriculture : https://sfecologie.org/tag/agriculture/
- sur le fonctionnement des écosystèmes : https://sfecologie.org/tag/fonctionnement/
- sur les habitats : https://sfecologie.org/tag/habitats/
- sur les socioécosystèmes : https://sfecologie.org/tag/socioecosysteme
- sur gestion et gouvernance : https://sfecologie.org/tag/gestion-et-gouvernance/
- sur les mécanismes : https://sfecologie.org/tag/mecanismes/
- sur les services écosystémiques : https://sfecologie.org/tag/services-ecosystemiques/
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Article édité et mis en ligne par Anne Teyssèdre.
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Un regard « éclairant » dépourvu de passion pour ou contre ces pratiques qui ne font guère l’unanimité, mettant en lumière le fond du problème : le modèle agricole.
Bonjour,
Vous évoquez une « évolution des systèmes de culture de la région vers l’agroécologie ». Sur quelles sources ou observations vous basez-vous ?
Les collègues agronomes et zootechniciens avec lesquels je collabore dans la région déplorent une situation inverse : spécialisation, abandon de l’élevage sur prairie et retournement de ces dernières, alimentation des animaux avec du maïs irrigué, dont la faible teneur en protéines est compensée par du soja importé, des élevages caprins de plus en plus gros (plusieurs milliers de têtes, intégralement hors-sol), des méthaniseurs alimentés au maïs (réglementation non appliquée), déconversions à l’agriculture biologique (AB) en 2023. Je n’ai pas de données chiffrées, mais je suis très preneur de vos analyses et données pour éclairer la question.
Bonjour Madame Delanoy,
L’auteur de cette partie a fait le choix de n’utiliser que des données de la statistique publique (Agreste, Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire), en l’occurrence les recensements agricoles de 2010 et 2020 et les séries départementales de la statistique agricole annuelle sur l’évolution des cultures et des cheptels (pour les volumes d’eau, la source est l’EPMP).
Si effectivement l’élevage recule dans cette zone de polyculture-élevage, sauf chez les irrigants, ceux qui restent s’extensifient depuis 2010 (le nombre de ruminants baisse de 8%, alors que les surfaces fourragères se maintiennent à 28% de la surface agricole utile, SAU). Les prairies permanentes ne sont plus retournées (PNR Marais poitevin), et passent au contraire de 11% à 15% de la SAU entre 2010 et 2020. Les systèmes fourragers se diversifient, le maïs ensilé étant peu à peu remplacé par des luzernes, des méteils…
Quant à la méthanisation, une quinzaine d’éleveurs (bovins et caprins) et un céréalier en AB alimentent « Demeter » à Mauzé/Mignon, dont la moitié d’irrigants, avec une ration composée aux trois quarts de fumier/lisier et pour un quart de cultures intermédiaires (en général du seigle en dérobé derrière une orge par exemple). Il n’y a aucune culture dite principale, pour l’alimentation humaine et animale. Le méthaniseur est en cogénération : il vend de l’électricité et chauffe les bâtiments publics de Mauzé (écoles, collège, mairie, salle des fêtes…).
Quant aux déconversions de l’agriculture biologique (AB), il y en a eu 35 en 2023 en Deux-Sèvres, essentiellement en grandes cultures et en granivores, contre 33 conversions en AB, en majorité en maraîchage et petits fruits (Source : Agence bio).
Bien à vous.
Frank MICHEL