MERCI DE PARTICIPER à ces regards et débats sur la biodiversité en postant vos commentaires et questions après cet article.
Les auteurs vous répondront et une synthèse des contributions sera ajoutée après chaque article.
- R17a : Plantes transgéniques et biodiversité végétale, par Ivan Couée
- R17b : Questions éthiques sur les OGM, par Raphaël Larrère
- Forum de discussion sur ces deux regards
- Réponses des auteurs
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R17a : Plantes transgéniques et biodiversité végétale
Ivan Couée
UMR 6553 Ecosystèmes-Biodiversité-Evolution
( Fichier PDF )
Regard R17a, édité par Anne Teyssèdre
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Mots clés : Biotechnologies, biodiversité, génétique, méthodes et outils, organismes génétiquement modifiés, OGM, transgénèse, phylogénie, plantes, risques, enjeux, sociétés.
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La possibilité de générer des organismes génétiquement modifiés (OGM) a été rapidement suivie d’applications utilisant des microorganismes pour la production de molécules d’intérêt industriel ou médical. Ces applications en milieu confiné et suivies d’une purification complète de la molécule ont été bien acceptées par le grand public. Ce n’est que plus tard, avec la création d’OGM de plantes [Figure] ou d’animaux dans les années 1980-1990, que la possibilité de contact entre ces organismes et les personnes ou l’environnement a profondément changé la perception des OGM. Et, plus particulièrement, la perception des plantes transgéniques à vocation agricole et agro-alimentaire.
De l’amélioration génétique classique à l’amélioration par transgénèse
Les plantes et leur biodiversité sont utilisées par les cultures humaines depuis des millénaires pour l’alimentation, pour l’exploitation des structures et de la biomasse végétales, et pour l’obtention de fibres et de molécules bioactives (Food and Agriculture Organization, http://www.fao.org/biotech/). Cette utilisation a formidablement augmenté à partir du Néolithique à la suite de processus de domestication. Depuis ces domestications, et en particulier à partir du 19ème siècle, différents procédés, intuitifs, empiriques puis scientifiques, ont été développés pour améliorer les caractéristiques des espèces domestiquées et cultivées.
L’amélioration explicitement génétique, qui résulte de la découverte des mécanismes de l’hérédité, date du siècle dernier, mais la phylogénie des espèces, des variétés et des populations met en évidence l’ampleur des changements génétiques qui ont eu lieu au cours des processus millénaires de domestication et d’amélioration.
Si les méthodes de modification génétique par transgénèse [Figure] équivalaient aux méthodes d’amélioration génétique, la transgénèse pourrait être placée dans le contexte plus large de l’expérience pluri-millénaire de l’amélioration génétique (Gallais et Ricroch, 2006). Il est ainsi intéressant de noter que les espoirs de la transgénèse végétale salués par Norman Borlaug, père de la Révolution Verte, concernent des transferts de gènes de défense contre des maladies depuis le riz vers d’autres céréales, et des transferts de gènes d’amélioration de la qualité nutritive d’une variété de maïs des Andes vers des variétés de maïs à haut rendement (Borlaug, 2000). De telles manipulations génétiques entre donneur et receveur de la même espèce ou très proches phylogénétiquement peuvent raisonnablement rentrer dans le périmètre de ce qui a été « expérimenté » au cours des millions d’années de sélection naturelle ou au cours des milliers d’années de sélection artificielle par l’homme.
Notons que les recombinaisons génétiques non-transgéniques ne sont pas nécessairement anodines. Il a été démontré que de nouveaux hybrides naturels pouvaient modifier la dynamique des communautés végétales dans certains écosystèmes. Par ailleurs, des variétés obtenues par croisement classique non-transgénique peuvent présenter des variations importantes dans les concentrations de molécules toxiques (Wittkop et al., 2009).
Transgénèse et potentialités de la biodiversité génétique
Les potentialités des dizaines de milliers de gènes identifiés dans les plantes de grande culture ou dans des espèces voisines n’ont pas été complètement exploitées, d’autant plus que les fonctions et les régulations d’une très grande proportion de ces gènes ne sont toujours pas caractérisées.
Des recherches sont en cours sur l’amélioration des espèces végétales par des recombinaisons transgéniques intraspécifiques (Rommens et al., 2007). La transgénèse est alors utilisée comme un moyen pour réintroduire dans une espèce donnée une recombinaison de ses propres gènes, telle qu’une recombinaison d’un gène donné de cette espèce avec les régions régulatrices d’un autre gène, toujours issu de la même espèce. Ainsi, alors que la méthode est transgénique, la lignée obtenue peut présenter une structure génétique caractéristique de l’espèce, sans intégration d’ADN exogène venant d’une autre espèce. Les premiers résultats obtenus, sur des espèces végétales de laboratoire ou sur des espèces de grande culture, montrent que de telles transformations intraspécifiques permettent d’améliorer des traits de performance agronomique ou de qualité nutritionnelle (Rommens et al., 2007).
La biodiversité génétique et les recombinaisons de gènes, au sein des mêmes variétés ou des mêmes espèces, ou entre des variétés et des espèces proches, présentent ainsi un très riche potentiel pour faire émerger des traits essentiels pour le développement durable, l’équilibre alimentaire mondial, ou la santé humaine (Graham et al., 2010).
La combinatoire des risques et l’observation écologique à long terme
Les notions de risque, de prévention, et de principe de précaution sont maintenant connues du grand public, tout en faisant l’objet de recherches intégrant différents domaines scientifiques et juridiques (Nickson, 2008). Ceci est particulièrement sensible dans le débat sur les OGM, qui concerne la diversité génétique et les ressources génétiques universelles.
La possibilité de flux de transgènes dans l’environnement à partir de plantes transgéniques a été mise en évidence (Alvarez Morales, 2002). De nombreuses études sont donc consacrées au développement de stratégies de restriction limitant le mouvement et la dissémination des transgènes (Hills et al., 2008). Cependant, à l’heure actuelle, il semble qu’aucune stratégie ne puisse absolument bloquer un mouvement de transgène (Hills et al., 2008). De plus, les études au cas par cas dans un contexte spatio-temporel limité donnent peu de recul sur des effets à long terme, qui pourraient impliquer une accumulation progressive d’évènements de dissémination, ou des effets synergiques difficilement prévisibles entre les disséminations indépendantes d’un transgène A et d’un transgène B.
Ces considérations incitent à plus de réflexion et à la mise en place de procédures scientifiques permettant d’étudier les effets sur le long terme. L’Union européenne a d’ailleurs pris la mesure de cette problématique en demandant dans certaines directives que soient évalués non seulement les incidences immédiates, mais aussi les effets combinés à long terme que pourrait avoir l’accumulation de nombreuses autorisations de dissémination d’OGM. Des dispositifs (International Long Term Ecological Research Network, http://www.ilternet.edu/) mettent déjà en oeuvre des protocoles de recherche écologique à long terme. De tels dispositifs devraient donc être priviligiés pour l’étude des interactions complexes entre les OGM, les transgènes et l’environnement.
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Glossaire
Intraspécifique : qui se produit au sein d’une espèce donnée.
Organisme génétiquement modifié : organisme dont le patrimoine génétique a été modifié par l’insertion stable d’un transgène ou de plusieurs transgènes.
Phylogénie : étude comparative des caractéristiques biologiques permettant de déterminer les relations évolutives entre groupes d’organismes, entre espèces, ou entre populations.
Transgène : séquence génétique utilisée pour modifier le patrimoine génétique d’une cellule ou d’un organisme.
Transgénèse : transfert stable d’un gène ou de plusieurs gènes, appelés transgène(s), d’un organisme donneur vers un organisme receveur par des processus biotechnologiques.
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Bibliographie :
Alvarez Morales A., 2002. Transgenes in maize landraces in Oaxaca : official report on the extent and implications. The 7th international symposium on the biosafety of genetically modified organisms. Meeting proceedings of the International society for biosafety research, Beijing.
Borlaug, N.E., 2000. Ending world hunger. The promise of biotechnology and the threat of antiscience zealotry, Plant Physiology, 124, 2, 487-490.
Gallais, A., Ricroch, A., 2006. Plantes transgéniques : les enjeux, Versailles, Editions Quae.
Graham, I.A., Besser, K. et al., 2010. The genetic map of Artemisia annua L. identifies loci affecting yield of the antimalarial drug artemisinin. Science, 327, 5963, 328-331.
Hills, M.J., Hall, L., Arnison, P.G., Good, A.G., 2008. Genetic use restriction technologies (GURTs): strategies to impede transgene movement. Trends in Plant Science, 12, 4, 177-183.
Nickson, T.E., 2008. Planning environmental risk assessment for genetically modified crops : problem formulation for stress-tolerant crops. Plant Physiology, 147, 2, 494-502.
Rommens, C.M., Haring M.A., Swords K., Davies H.V., Belknap W.R., 2007. The intragenic approach as a new extension to traditional plant breeding. Trends in Plant Science, 12, 9, 397-403.
Wittkop, B., Snowdon, R.J., Friedt, W., 2009. Status and perspectives of breeding for enhanced yield and quality of oilseed crops for Europe. Euphytica, 170, 1-2, 131-140.
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Article édité et mis en ligne par Anne Teyssèdre .
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R17b : Questions éthiques sur les OGM
Raphaël Larrère
Directeur de recherche à l’INRA, Ivry sur Seine
( Fichier PDF )
Regard R17b, édité par Anne Teyssèdre
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Mots clés : Biotechnologies, organismes génétiquement modifiés, OGM, transgénèse, recherche, relation Homme – Nature, risques, sociétés, éthique, enjeux.
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La production d’organismes génétiquement modifiés (OGM) à finalité agricole est généralement présentée comme une révolution scientifique et technologique majeure. C’est ce qui légitime les OGM aux yeux de leurs promoteurs. Mais c’est aussi pourquoi certains les redoutent. Or, l’examen des controverses scientifiques et l’observation du débat qui s’est instauré à leur sujet conduisent à avancer qu’appliquée à des végétaux ou des animaux, la transgénèse, bricolage sophistiqué aux résultats incertains, relève d’un pilotage encore mal maîtrisé de processus naturels. Ce n’est donc pas sans emphase, ni sans croyance en la toute puissance de la génétique que l’on en a fait une révolution technologique, assurant, pour les uns, une maîtrise inédite de la nature, conduisant, selon les autres, à une artificialisation problématique, et lourde de conséquences, du vivant. J’y verrais, plus volontiers, un “ bluff technologique ”, que rend crédible le « mythe du tout génétique ».
Si l’on admet, avec Henri Atlan, que tout n’est pas dans le gène, Il n’y a aucune raison de considérer qu’il ne faut surtout pas toucher au génome (pas plus qu’il n’y a de raison d’affirmer qu’en transférant un seul gène à la fois, on s’oriente vers une maîtrise accrue du vivant). Si l’on abandonne le mythe du « tout génétique », il ne saurait y avoir d’objection de principe à la transgénèse. Ce qui pose donc problème, c’est lorsque cette technique de laboratoire sort du champ de la recherche scientifique, et que des organismes génétiquement modifiés sont susceptibles d’être commercialisés et diffusés rapidement de par le monde. Cela revient à poser la question de la responsabilité de ceux qui s’en font les promoteurs, compte tenu des conséquences que pourrait avoir leur diffusion à grande échelle.
L’évaluation éthique des OGM s’est ainsi longtemps focalisée sur les risques sanitaires et environnementaux liés à leur utilisation à grande échelle. Cela tient en partie à ce que les polémiques qui ont traversé le corps social (mais aussi la communauté scientifique) se sont d’autant plus préoccupées des risques, que l’Organisation Mondiale du Commerce n’accepte la moindre entrave à la libre circulation des marchandises, que si elle est justifiée par de forts soupçons de risques sanitaires ou environnementaux – à l’exclusion de toute autre considération.
L’objectif de la réflexion éthique sur les risques a alors été d’élargir la responsabilité des promoteurs d’une innovation telle que les OGM à ses effets non intentionnels, dès lors que l’on disposait des moyens de les anticiper, ou du moins de savoir qu’ils pouvaient exister, même s’ils n’étaient pas encore scientifiquement prouvés.
C’est parce que de tels risques ont été supputés, mais mal cernés, qu’il a alors paru légitime de soumettre la commercialisation des OGM à une obligation de réduire l’incertitude concernant leurs effets sanitaires et environnementaux. Telle a été la conséquence de l’application aux OGM du principe de précaution qui a justement invité à suspendre la commercialisation d’OGM le temps de développer des recherches pour réduire l’incertitude au sujet des risques sanitaires et environnementaux.
S’interroger sur les risques invite à les mettre en balance avec les avantages. Ce peut être une façon de rendre l’évaluation éthique prisonnière d’une logique de type économique. Mais cela peut aussi inviter au scepticisme, conduire à déconstruire le discours des promesses, et à étudier la rhétorique qui, au travers d’effets d’annonces, construit des bluffs technologiques qui, lorsqu’ils sont efficaces, se transforment en bulles technologiques – sur lesquelles se branchent des bulles financières. On assure être à l’orée d’une révolution à la fois scientifique et technologique majeure et nul ne devrait douter de la puissance des techniques qui en seront issues.
C’est à de tels discours que s’opposent ceux qui ont quelques raisons de s’inquiéter de la puissance de ces techniques. Mais, tout autant que l’avenir radieux des uns, les scénarios catastrophe des autres contribuent à faire croire que l’on est véritablement à l’aube d’une révolution technologique, pleine de promesses, ou lourde de menaces. Or, si la transgénèse a apporté une rupture dans l’histoire de la sélection végétale, en révélant des possibles naturels qui n’avaient pas eu l’occasion de se réaliser dans le cours de l’évolution, il est difficile de croire à toutes les promesses formulées par les promoteurs des OGM , comme à toutes les craintes de leurs détracteurs.
Mais la responsabilité des promoteurs des biotechnologies, ne se réduit pas aux risques qu’ils sont susceptibles de faire courir à d’autres individus : elle s’étend à toutes les transformations du monde qui se trouvent associées à la conception et à la diffusion des OGM. De façon générale, les innovations (lorsqu’il ne s’agit pas de perfectionnements de détail) ne s’imposent pas dans un monde qui serait tout prêt à les accueillir. Pour être mise en œuvre et pour pouvoir être diffusée, toute innovation suppose un certain nombre de transformations du monde. Si sa diffusion devient massive, elle aura aussi pour conséquences de nouvelles transformations du monde.
Par exemple, la transgénèse serait restée une technique de laboratoire et l’on n’aurait guère parlé d’OGM s’il n’y avait eu, au fur et à mesure que se précisaient les promesses de profits, trois modifications importantes des champs scientifique, économique et juridique :
- Une recherche publique mise au service de la compétitivité économique, et donc des entreprises. Certes, cette politique a eu bien d’autres objectifs que de rendre les OGM possibles et intéressants pour les firmes. Mais, sans les efforts poursuivis par les pouvoirs publics pour arrimer la recherche publique aux intérêts économiques, les OGM n’auraient sans doute pas vu le jour.
- Une extension du champ de la brevetabilité. En effet, l’extension de la brevetabilité à des segments d’ADN dont on a mis en évidence une fonction susceptible d’avoir des applications agronomiques ou médicales, permet à l’entreprise qui a déposé ce brevet de pratiquer une transgénèse et d’apposer sa signature sur le génome des variétés les plus productives et/ou les plus vendues. Sans extension du champ de la brevetabilité, pas de royalties, et donc aucun intérêt de proposer des OGM sur le marché.
- La concentration de la sélection variétale dans quelques multinationales de l’agrofourniture.
Toutes ces transformations du monde associées à la mise en œuvre de cette innovation que sont les OGM sont susceptibles d’être évaluées. Ainsi sur la question de la brevetabilité, on peut aussi bien discuter d’objections de principe que mettre en lumière des conséquences injustes. Il s’avère, en effet, que les biologistes eux-mêmes sont divisés sur la question des brevets. La plupart des biologistes moléculaires n’y voient guère malice. Toute séquence d’ADN est une molécule et, en tant que telle, elle est susceptible d’être brevetée, dès l’instant où l’on est parvenu à l’isoler et à établir certaines de ses propriétés fonctionnelles. Mais on peut opposer à ce point de vue qu’une séquence d’ADN, codant la synthèse d’une protéine quelconque est assimilable à une information. Décrypter cette information est une découverte et il n’y aurait donc pas matière à brevet. Quant aux conséquences de cette brevetabilité, elles ont été aussi bien critiquées sur le plan de leur inefficacité que de leur inéquité.
De fait, cette extension de la brevetabilité a des effets pervers, dus en particulier au phénomène de dépendance de brevets déposés par différentes entreprises qui rendent les coûts de transaction élevés. C’est que la brevetabilité a un rapport de convenance avec l’ancien dogme de la génétique moléculaire, selon lequel un gène code pour une protéine, qui a une fonction. Dès l’instant où l’on sait que plusieurs gènes interviennent dans la synthèse d’une même protéine, que le même gène peut participer à celle de plusieurs protéines et qu’il y a, en outre, des boucles de rétroaction qui régulent l’expression des gènes ; dès l’instant donc où l’on tient compte des interactions au sein du génome et entre le génome et son environnement cytoplasmique, on se rend compte que la brevetabilité ne peut qu’être source de difficultés.
Si une innovation réussit à s’imposer, elle conduira à d’autres transformations du monde. C’est ainsi que la diffusion d’OGM, dans les pays où elle s’est réalisée sans entrave, se traduit déjà par une domination des producteurs et aussi des consommateurs à qui l’on impose, faute d’étiquetage, des produits qu’une proportion non négligeable d’entre eux refuseraient. En Europe, elle se traduirait par la mise en place d’un système complexe, coûteux et pas nécessairement fiable, pour assurer la coexistence des filières avec et sans OGM ; mais aussi par des conflits de voisinage entre producteurs convertis aux OGM et producteurs non convertis (en particulier les agriculteurs bios).
Ces transformations du monde relèvent de la politique. La question est en effet de savoir si les citoyens acceptent – ou non – de vivre dans un monde transformé pour ces innovations et reconfiguré par leur succès. S’ils veulent ainsi vivre dans un monde qui aurait accueilli les OGM. C’est ce qui justifie l’importance du débat public sur ces technologies nouvelles et l’exigence d’une démocratie technique.
L’évaluation éthique peut contribuer à ce débat public en apportant des arguments qui permettent de savoir si les transformations du monde associées au système OGM sont justes ou injustes et si, au nom de la liberté du commerce, elles ne portent pas atteinte à d’autres libertés : liberté de la recherche dans un système où elle est mise étroitement au service de la compétitivité ; liberté de produire en agriculture biologique même si le voisin a adopté des OGM ; liberté de choix des consommateurs qui, quelles qu’en soient les raisons, devraient pouvoir refuser de consommer certains produits (ce qui est généralement admis pour des raisons religieuses).
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Bibliographie :
Larrère C. et R. Larrère, 2000. « Les OGM entre hostilité de principe et principe de précaution », Cités, n° 4 (pp. 34-58).
Larrère R., 2006. “Une éthique pour les êtres hybrides – De la dissémination d’Agrostis au drame de Lucifer” , Multitudes, n° 24 (pp. 63-73).
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Article édité et mis en ligne par Anne Teyssèdre
Tous ces différents commentaires font finalement référence à la problématique des contextes où se développent les découvertes scientifiques et technologiques. Le regard de Raphaël Larrère montre bien que le développement actuel des OGM végétaux s’est réalisé dans un contexte particulier et des circonstances spécifiques. Le thème que j’ai traité montrait une possibilité de développement biotechnologique ancré dans la valorisation de la biodiversité génétique végétale et dans les pratiques de l’amélioration génétique.
Ainsi, selon les contextes, les pressions, les interactions entre science, technologie et société, différentes issues, différentes technologies, ou différents types de technologies peuvent émerger. Il est du ressort de la recherche scientifique et des chercheurs d’ouvrir de nouveaux possibles et d’analyser de manière rigoureuse le champ de ces possibles. Par la combinaison d’approches historiques et évolutives, expérimentales, mécanistiques, et prédictives (modélisation), il est envisageable de générer de tels champs de possibles pour des questions complexes et parfois apparemment insolubles, comme les dynamiques de flux de gènes, l’impact des plantes transgéniques sur la biodiversité, les effets à long terme, les effets combinatoires, etc …
Mais il ne peut s’agir que de champs de possibles, et face à ces champs de possibles, la société des citoyens, la communauté démocratique doivent pouvoir intervenir et faire des choix de nature politique. Il est important que les citoyens aient la possibilité de dire non ou d’exiger un approfondissement des connaissances.
Cela implique un très fort engagement démocratique des états et des sociétés et un effort permanent d’éducation scientifique et technologique, permettant aux citoyens d’appréhender ces champs de possibles scientifiques et technologiques. Mais cela dépend aussi d’un socle de recherche scientifique fondamentale, indépendante et publique, qui ne soit pas imbriqué avec les décisions étatiques, les opinions de groupes de pression, ou la pulsion de compétitivité des entreprises privées. Autrement dit, le choix éclairé et démocratique des citoyens ne peut se faire que dans le contexte d’une confiance dans l’indépendance et l’impartialité des champs de possibles que propose la recherche scientifique.
Un tel socle de recherche indépendante et publique est long à construire, difficile à maintenir, et son existence même n’est jamais totalement acquise. La période actuelle se caractérise malheureusement par des réformes, des décisions et des pressions valorisant très en amont l’imbrication recherche-technologie-compétitivité. Les conséquences d’une telle imbrication dépassent largement le cas des plantes transgéniques et devraient être un sujet majeur de débat politique.
bonjour,
Je veux juste donner mon avis en me plaçant du côté du consommateur : je ne veux pas d’OGM dans mon alimentation. Je ne vois pas comment un agriculteur adoptant les OGM pourrait cohabiter dans le même pays qu’un agriculteur « bio » alors que nous ne savons rien des effets à long terme du devenir de ces transgènes. Donc Non aux OGM dans notre alimentation!
Merci pour ces regards, même si je dois bien admettre que je reste sur ma faim.
Du premier regard, je garde l’impression qu’on ne sait pas grand grand chose de l’évolution des OGMs, de leur dissémination et de leurs interactions avec les autres espèces. D’ailleurs, je me demande même si la question « qu’est-ce qui va se passer dans 100 ans si on introduit tel OGM ? », fait parti des questions auxquelles la science peut apporter une réponse.
Donc faut faire comme d’habitude, on épand, on introduit, on OGMise et on voit ce qui se passe…
Pour ce qui est du second regard, l’éthique c’est intéressant mais à partir du moment où le système est piloté par les grandes multinationales, on peut réfléchir autant qu’on veut à l’éthique des OGMs, ça changera jamais grand chose.
La bonne question c’est plutôt l’éthique des multinationales, et là ça à l’avantage d’abréger la réflexion : il n’y en a pas.
Un truc utile serait plutôt d’instaurer une peine de mort pour les entreprises (une idée de Pierre-Henri Gouyon). Ce serait à eux d’évaluer l’avantage / risque dans ces conditions et pas aux citoyens qui n’y connaissent pas grand chose.
Surement un doux rêve…
OGM, quels impacts sur la biodiversité ? Je vous propose un résumé des connaissances sur ce sujet :
http://www.marcel-kuntz-ogm.fr/article-biodiversite-63670380.html
Les infos de Marcel Kuntz sur les OGM sont tronquées et triées sur le
volet. Kunz est bien connu pour ses positions radicales en faveur des
biotechnologies et des entreprises qui les développent !
Tout un chacun a le droit d’être radical, mais sans doute pas de tout éradiquer.
Marcel Kuntz cite systématiquement ses sources, la littérature scientifique à comité de lecture y tient une très large place, et chacun peut faire l’effort d’aller vérifier les dires de cet empêcheur de tourner en rond. Et de pointer les erreurs factuelles plutôt que de lancer des anathèmes anonymes.
Tous ces différents commentaires font finalement référence à la problématique des contextes où se développent les découvertes scientifiques et technologiques. Le regard de Raphaël Larrère montre bien que le développement actuel des OGM végétaux s’est réalisé dans un contexte particulier et des circonstances spécifiques.
Suite de ce commentaire : voir la réponse générale de l’auteur.
Très bon article, que j’ai trouvé très intéressant. Ce volet éthique pourrait tout à fait être appliqué aux macromolécules, qu’on a introduit dans des produits de consommation courante depuis 10 ans, et dont on ne nous parle que maintenant ( débat public 2010). Aucune étude d’impact sur la santé ni l’environnement pour ces petites choses qui peuvent si bien pénétrer dans le noyau de nos cellules, puisque à la même échelle, qu’on ne voit pas, et qu’on ne sait pas récupérer dans les stations d’épuration où elles cohabitent joyeusement avec des pesticides, des résidus de médicaments, d’antibiotiques, métaux lourds et autres polluants.
Notre monde est bien malade, plus d’éthique, plus de réserve, là où il y du profit à faire! Sans ces profits faramineux à la clé, on n’aurait jamais eu d’OGM dans les champs, ni de nano-argent dans les chaussettes, ni demain les emballages intelligents qui adapteront les aliments à vos goûts ou à votre régime!
Oui il faudrait traduire ces multinationales qui pourrissent notre vie pour leur seul profit, devant un tribunal international, quand on sait que le glyphosate déversé par tonnes dans le monde, sur les OGM qui lui résistent, fait la fortune, enfin une partie, de Monsanto, et tue les paysans indous ou sud américains, empoisonne nos nappes phréatiques et les sols, il y a de quoi être révolté.
Pour contrer ces malfaisants, il y faudra plus que de l’éthique, malheureusement.
Et si l’on évitait les pièges des mots pour enfin parler de la réalité ? Les « Ogm » réels, ceux qui sont vendus, ceux qui sont cultivés, pas ceux rêvés sont :
– fait de plantes « homogènes » (identiques aux défauts de fabrication près) et « stables ». La loi l’exige. Le rôle du semencier est de faire des copies d’un modèle de plante déposé auprès d’instances officielles. J’appelle de telles copies des CLONES, car je suis las d’entendre désigner par « variété » – par définition, le caractère de ce qui est varié, diversité, contraire de l’uniformité – ce qui en est l’exact opposé. Que les généticiens veuille réserver le terme « clone » à la reproduction végétative et employer le terme ‘variété’ pour désigner des clones est normal : ce terme montre que depuis les débuts de la sélection industrielle au moment de la Révolution industrielle en Angleterre jusqu’à Dolly, les sélectionneurs et les généticiens sélectionneurs s’efforcent de faire des clones. J’ai expliqué autrefois dans le monde les raisons de cette dévotion au clonage. Or il n’y a pas besoin de génétique pour faire des clones, on a besoin de clones et de méthodes statistiques permettant de dire avec un degré raisonnable de fiabilité que le clone A est supérieur au clone B dans tel milieu par son hérédité. Ces méthodes deviennent disponibles au début des années 1920 avec la publication du livre importantissime de Ronald Fisher en 1924 (Statistical Methods for …)
– ce sont des plantes pesticides à 99,6 %. Normal, elles sont produites par les industriels des pesti-, herbi-, insecti- ect CIDES, les industriels autoproclamés des sciences de la vie ! Elles produisent un insecticide ou absorbent un herbicide sans en crever. Elles permettent de poursuivre le calamiteux « système pesticide ». Elles constituent une innovation tout à fait extraordinaire, mais peu commentée : jusque là les pesticides devaient être éliminés autant que faire se peut de notre alimentation. Ils deviennent maintenant des constituants de notre alimentation ! Même le Président de la République a rejeté les « Ogm pesticides », c’est-à-dire la totalité (moins 0,4% !) des Ogm.
– enfin ces plantes sont brevetées. Le brevet, c’est Terminator légal. Il permet de séparer ce que la vie confond, séparer la production de la reproduction. Que cette séparation se fasse au nom du libéralisme ajoute l’imposture au crime contre l’Humanité. Car confier la Vie aux fabricants de mort comporte à mon avis quelques dangers pour notre avenir …
Si l’on utilisait un vocabulaire précis désignant la réalité plutôt qu’une expression qui postule que le problème serait celui de la « modification génétique » pour nous précipiter dans le trou noir de discussions aussi interminables qu’oiseuses sur les « risques et dangers » au sens scientifique des prétendus Ogm, cela fait longtemps que le débat confisqué par les experts serait clos car enfin dans le champ de la démocratie.
Bref, les peuples n’ont rien à faire avec le processus de fabrication des « Ogm », ce qui les intéresse, c’est le résultat. On aurait ainsi évité les débats ridicules sur les plantes « mutées » – sont-elles des Ogm ou pas ? Ce sont des clones pesticides brevetés ! –
Oui, les Ogm sont une catastrophe majeure pour l’humanité : parce que ce sont des clones (adieu le diversité), parce que ce sont des pesticides, parce qu’ils sont brevetés.
Les Ogm philanthropiques et verts sont ceux d’une société philanthropique et verte. Il est absurde de s’imaginer une seule seconde qu’ils puisse être ceux de Monsanto, et autres Novartis et de leurs mercenaires de la recherche « publique ».
Il est donc important de s’intéresser au décalage entre ce que vous appelez des « OGM rêvés » (qui plus simplement sont des OGM possibles) et la réalité de ce qui est développé, mis en application et commercialisé. L’analyse de ce décalage et de ses mécanismes est un élément essentiel de prise de conscience et de débat démocratiques.
Relisant ces commentaires fort intéressants, je constate une grosse bourde dans mon commentaire. je pense que les lecteurs auront rectifié d’eux-mêmes, il ne s’agit pas de macro molécules, mais de nano molécules, que l’industrie de l’innovation introduit en catimini dans notre environnement depuis une bonne dizaine d’années. Comme pour les OGM, où est l’étiquetage? Où sont les études de toxicité sur la santé et l’environnement? Bientôt les nano-pesticides seront encore plus préoccupants que les OGM pesticides et tout cela sur fond de ‘progrès!’
J’adhère complètement à la définition de Jean Pierre Berlan: les OGM sont des clones pesticides brevetés, peu importe comment ils sont réalisés, leur seule finalité est d’enrichir les multinationales qui les vendent et rêvent de dominer l’humanité.
Rockefeller professait: ‘Celui qui possède l’alimentation possède le monde’. On y arrive!
Bien que non scientifique, je lis régulièrement avec grand intérêt ces regards et échanges sur la biodiversité. J’aimerais vos avis d’experts sur cette information qui circule depuis hier dans les médias : « Des rats nourris pendant deux ans avec un maïs OGM (NK603) meurent plus jeunes et souffrent plus souvent de cancers que les autres, selon une étude à paraître en ligne dans la Revue internationale de toxicologie alimentaire Food and Chemical Toxicology. »
Si j’ai bien compris, une partie du maïs OGM consommé par ces rats avait été traitée avec l’herbicide Roundup (produit également par le groupe Monsanto). Savez-vous pourquoi, et comment dans ce cas interpréter les résultats ?
Mais aussi : est-ce les OGM cultivés et commercialisés aujourd’hui dans le monde (ex : soja d’Argentine) sont généralement traités par des pesticides (herbicides ou autres), ce qui pourrait causer ou accroître leur toxicité ?
Je vous remercie d’avance pour votre réponse,
Marthe
Cette variété de maïs génétiquement modifiée (NK603) fait partie des cultures modifiées dans l’objectif de conférer une plus grande tolérance aux traitements par des herbicides. Dans le cas présent, il s’agit de traitement par le glyphosate, qui est le principe actif du produit Roundup. Ainsi, ce maïs NK603 a été transformé avec un gène bactérien (issu de la bactérie Agrobacterium) qui produit une enzyme insensible au glyphosate.
Ce type de variétés, génétiquement modifiées et herbicide-tolérantes (GMHT), représente une très large part des surfaces mondiales cultivées avec des variétés transgéniques. Ainsi, les variétés transgéniques de soja sont très souvent des variétés herbicide-tolérantes.
L’avantage potentiel mis en avant est de planter des cultures présentant un très fort différentiel de tolérance à l’herbicide par rapport aux plantes que l’on souhaite éliminer du champ. Ceci pourrait permettre de diminuer les quantités d’herbicide utilisées, mais la situation réelle est plus complexe, et les conséquences environnementales sont importantes, d’où la nécessité d’une réflexion de fond sur l’usage des pesticides.
Dans l’article que vous citez (Séralini et al., 2012, dans Food and Chemical Toxicology), les auteurs ont une approche de toxicologie globale qui prend en compte l’ensemble du processus depuis la culture du maïs NK603 jusqu’à l’alimentation de rats, en passant donc par la fabrication de nourriture pour rats à partir des épis de maïs. Dans cette approche globale, une des modalités a consisté à cultiver les variétés de maïs sous traitement Roundup, comme cela pourrait se passer en champ, pour ensuite fabriquer l’alimentation pour rats à partir de ces épis de maïs issus de champs traités. La question posée est liée à la présence de Roundup ou de ses résidus dans les épis, ou bien à des interactions entre le traitement Roundup et la physiologie du maïs NK603.
L’étude avait donc pour objectif de comparer et analyser les effets des produits (alimentation) issus de ces différentes modalités en réalisant les tests sur un organisme de référence, dans le cas présent une race particulière de rat de laboratoire. Il faut souligner qu’en parallèle les auteurs de l’article décrivent une approche sensiblement différente, où les rats sont exposés au Roundup dans l’eau de boisson, ce qui revient à tester des effets directs du Roundup.
Dans le sillage de cette approche de toxicologie globale, l’enjeu majeur est maintenant, comme l’indiquent les auteurs eux-mêmes, de comprendre les mécanismes mis en jeu. Ceci permettra en particulier de cerner les paramètres de la toxicité qui a été décrite.
Bonjour,
En réaction à cette publication très médiatisée et controversée de G.E. Séralini et al., les Ministres de l’Agriculture, de la Santé et de l’Ecologie ont demandé il y a quelques semaines au Haut Conseil des Biotechnologies (HCB) son avis sur cet article. Le HCB planche donc sur ce sujet depuis trois semaines et rendra son avis public lundi prochain, lors d’une conférence de presse. Ainsi Marthe vous en saurez plus la semaine prochaine…
Cordialement,
Anne
Bonjour,
Voici résumé en deux phrases l’avis du Haut Conseil des Biotechnologies sur cet article de Séralini et al. :
– L’expérience n’est pas concluante au plan statistique = les différences publiées entre les groupes témoins et expérimentaux ne sont pas significatives (cf. http://www.hautconseildesbiotechnologies.fr/IMG/pdf/Etude_Seralini_Avis_CS_HCB_121019.pdf), mais..
– la démarche et les questions posées par cette expérience sont importantes : il est notamment nécessaire de reproduire ce type d’expérience de longue durée (deux ans) sur les effets des OGM et traitements (e.g. pesticides) ou variables associés.
A suivre donc,
AT