La Société Française d’Ecologie et d’Evolution (SFE2) vous propose ce regard de Pierre-Henri Gouyon, Professeur au MNHN, sur le livre de Stéphane Foucart « Et le Monde devint silencieux » (Le Seuil, 2019).
Cet article a également été mis en ligne, dans des versions très proches, sur les sites web du CRIIGEN et d’Alain Grandjean (Carbone 4).
MERCI DE PARTICIPER à ces regards et débats sur la biodiversité en postant vos commentaires et questions sur les forums de discussion qui suivent les articles; les auteurs vous répondront.
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Regard sur le livre de Stéphane Foucart
« Et le monde devint silencieux » (Le Seuil, 2019)
par Pierre-Henri Gouyon,
Professeur au Muséum National d’Histoire Naturelle, à AgroParisTech et à l’ENS
Article édité par Anne Teyssèdre
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Mots clés : Biodiversité, Syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles (CCD pour Colony Collapse Disorder), facteurs d’impact, pesticides, science et société, ingénieurs sociaux.
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- (Introduction)
- Effondrement des abeilles et ingénierie sociale
- Marchands de doute
- Des préconisations non suivies
- Toute la biodiversité est concernée
- Référence, regards connexes
- Forum de discussion sur ce regard
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Stéphane Foucart est le journaliste du Monde qui traite des questions d’environnement et des controverses sociotechniques. Dans ce livre, il mène une enquête poussée sur la question de la disparition des abeilles. Mais à travers ce sujet, il aborde deux sujets plus vastes : d’une part, les méthodes de désinformation mises en œuvre par les compagnies d’agrochimie et d’autre part, la disparition de la biodiversité.
Le titre évoque bien sûr le livre fondateur de Rachel Carson : « Le printemps silencieux » dans lequel la biologiste américaine prédisait, en 1962, la disparition brutale des formes vivantes à laquelle nous assistons aujourd’hui sous l’action des pesticides de synthèse déversés massivement dans l’environnement par l’agriculture industrielle. Si son action a abouti à l’interdiction du DDT, elle n’a pas stoppé, loin s’en faut, la destruction progressive de la biodiversité par des centaines d’autres molécules.
Effondrement des abeilles et ingénierie sociale
Le syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles, CCD pour Colony Collapse Disorder, est un phénomène de mortalité massive des abeilles qui se produit depuis la fin des années 1990 dans divers pays du monde. La thèse d’un phénomène multifactoriel est maintenant l’objet d’un consensus. Le rôle central de l’acarien Varroa destructor est souvent mis en avant. Seuls, les apiculteurs ont tenté de mettre en avant le rôle primordial des pesticides dans ce phénomène.
Grâce à une enquête extraordinairement minutieuse, Stéphane Foucart démontre, avec une quantité prodigieuse d’exemples tous clairement sourcés et vérifiables que le consensus en question est le produit de l’activité inlassable des entreprises d’agrochimie pour éviter que la vérité n’éclate : les principaux responsables, ce sont elles. Les méthodes d’ingénierie sociale mises en œuvre tirent leur origine d’une célèbre réunion tenue le 15 décembre 1953 par les fondateurs de cette discipline avec les grands cigaretiers américains. Pour éviter que les méfaits du tabac soient reconnus, ces ingénieurs sociaux ont compris qu’il ne suffisait pas de nier ces effets, il valait mieux créer une controverse scientifique majeure.
Cette méthode, expliquée (positivement) par Scott M. Cutlip (The unseen power, 1994) puis dénoncée par Robert N. Proctor (The golden holocaust, 2012) a donné naissance au concept de « marchands de doute » par Naomi Oreskes et Erik M. Conway (Merchants of doubt, 2010). Leurs agissements ont également été dénoncés par Stéphane Horel (Lobytomie, 2019). Ces derniers auteurs ont montré comment ces pratiques avaient pu concerner des scientifiques de renom et pouvaient être appliquées maintenant à tout ce qui ressemble à de l’écologie. Le principe est simple, créer un écran de fumée scientifique permettant de faire croire qu’il faudra plus de recherche pour comprendre et qu’en attendant, on ne peut pas agir.
Marchands de doute
Les méthodes des ingénieurs sociaux chargés de désinformer la population de façon à servir les intérêts des industriels ont progressé au cours des bientôt 70 ans de pratique. Les entreprises d’agrochimie ont été capables au cours des dernières décennies d’impulser de nombreuses études sur toutes les causes de disparition des abeilles, sauf sur les pesticides, de façon à créer un brouhaha inextricable. Les recherches sur le varroa, les virus, les frelons asiatiques, etc., créent une masse de publications qui amènent tout scientifique normalement constitué à conclure qu’il s’agit d’un phénomène multifactoriel et qu’il faudra encore beaucoup de recherches pour comprendre le phénomène. C’est exactement le but recherché. Et ça marche !
À partir de très nombreux exemples, Stéphane Foucart montre comment ce système a fonctionné et a permis d’arriver au consensus actuel, qui permet de ne rien faire. Non seulement on finance des recherches faisant diversion par rapport au vrai problème, mais on jette le discrédit sur les recherches, il y en a, qui montrent l’effet majeur des pesticides.
Pourtant, si on décolle un peu le nez du fourmillement de recherches, un fait saute aux yeux : au même moment que les abeilles, les insectes dans leur ensemble voient leurs effectifs s’effondrer. On a pu montrer par exemple que dans des zones protégées d’Allemagne, 80% de la biomasse d’insectes avait disparu au cours des dernières décennies. Peut-on vraiment croire que le CCD des abeilles n’a rien à voir ? Que s’est-il donc passé depuis quelques dizaines d’années ? C’est simple, au lieu de traiter les champs quand les plantes étaient attaquées, on a systématisé l’emploi permanent de pesticides enrobant les graines. Ces pesticides sont toujours là, les graines multicolores en attestent. Ils sont parfois si efficaces à faible dose (de l’ordre du nanogramme) que la plante en germant s’en imbibe, et qu’elle sera empoisonnée toute sa vie, et ainsi protégée contre les attaques. Des photos de ces semences enrobées peuvent facilement être trouvées sur le web, par exemple ici: https://www.evagri.eu/product/kit-enrobage/.
Des préconisations non suivies
Le plus extraordinaire, c’est que les producteurs de pesticides publient eux-mêmes les données permettant de comprendre le désastre qu’ils occasionnent. Pour le moment, seule la toxicité aigüe des pesticides sur les organismes non-cibles est étudiée avant de donner une autorisation. Comme le dit Stéphane Foucart, avec ces méthodes, on conclurait que le tabac n’a aucun effet nocif sur les humains : vous pouvez fumer trois paquets de cigarettes dans une journée, ça ne vous tuera pas tout de suite. L’organisme européen chargé de ces expertises, l’EFSA(1) (qui est loin d’être composé d’écologistes), a donc proposé des tests sur la toxicité chronique. Lors d’un colloque organisé par les industries agrochimiques à Valencia (Espagne) il y a quelques années, les scientifiques de ces firmes ont dit et publié un fait pour le moins étonnant : si les règles proposées par l’EFSA* pour limiter l’action nocive des pesticides sur les organismes non cibles comme les abeilles, étaient adoptées, « 79% des herbicides actuels, 75% des fongicides et 92% des insecticides » seraient interdits (Miles et al. 2018, DOI 10.5073/jka.2018.462.021).
(1): EFSA : European Food Safety Authority ; AESA en français, pour Autorité Européenne de Sécurité des Aliments.
On le voit, les autorités européennes ont le choix entre créer une crise en interdisant une énorme partie de la production de ces géants ou laisser se perpétrer le massacre. On devine le résultat. Les propositions de l’EFSA ne sont pas suivies. L’association Pollinis demande depuis des années au Scopaf (l’organisme européen chargé de mettre en œuvre réglementairement les préconisations de l’EFSA) d’expliquer pourquoi les critères en question ne sont pas mis en œuvre. Jusqu’à présent, ils n’ont reçu qu’une fin de non-recevoir malgré le soutien de la médiatrice européenne.
Toute la biodiversité est concernée
Tous ces faits nous montrent d’une part que la stratégie d’ingénierie sociale mise en œuvre a été incroyablement efficace. La plupart des scientifiques sont sincèrement convaincus que le problème des abeilles est multifactoriel. Ils sont aussi convaincus que la baisse de biodiversité, l’effondrement des populations d’insectes et d’autres animaux et végétaux dans nos pays est également multifactorielle. Bien sûr qu’il y a de multiples causes au cancer du poumon. Mais le tabac est absolument prépondérant. De la même façon, l’effondrement des populations qui nous entourent est causé par une multitude de facteurs mais l’un d’eux domine largement tous les autres, ce sont les pesticides. Il est temps que la communauté scientifique se rende compte du fait qu’elle se laisse manipuler.
Il est temps qu’elle comprenne que, même si d’autres facteurs sont en jeu, l’accélération de l’effondrement de la biodiversité au cours des trente dernières années dans nos pays, justement quand la pratique de l’enrobage des semences avec des pesticides systémiques s’est généralisée, est principalement due à une cause qui supplante toutes les autres : l’emploi démentiel des pesticides. Merci à Stéphane Foucart de le démontrer si brillamment.
Regard sur le livre de S. Foucart : Et le Monde devint silencieux, Paris, Le Seuil, 2019.
Bibliographie, regards connexes :
- Carson R., 1962, 1963. Silent Spring, Houghton Mifflin, 1962. Printemps silencieux, trad. Jean-François Gravrand, Plon (Paris), 1963.
- Cutlip S.M., 1994. The unseen power.
- Horel S., 2019. Lobytomie.
- Miles M.J. et al., 2018. Improving pesticide regulation by use of impact analyses: A case study for bees. Julius Kühn Archiv, n°462 ( Hazards of pesticides to bees 13th International Symposium of the ICP-PR Bee Protection Group 18. – 20. October 2017, València (Spain) – Proceedings ), article 1.21 : https://ojs.openagrar.de/index.php/JKA/article/view/10041
- Proctor R.N., 2012. The golden holocaust.
- Oreskes N. & E.M. Conway, 2010. Merchants of doubt.
Regards connexes
- Regards sur l’agriculture : https://sfecologie.org/tag/agriculture/
- Regards sur les habitats : https://sfecologie.org/tag/habitats/
- Regards sur l’érosion de la biodiversité : https://sfecologie.org/tag/erosion-extinctions/
- Regards sur gestion et gouvernance : https://sfecologie.org/tag/gestion-et-gouvernance/
- Regards sur les stratégies et politiques : https://sfecologie.org/tag/strategies-et-politiques/
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Regard édité et mis en ligne par Anne Teyssèdre.
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Bonjour,
et merci pour ce regard très élogieux sur ce livre Stéphane Foucard. Personnellement, je suis d’accord pour reconnaître que l’emploi croissant de pesticides depuis les années 1950 est un facteur majeur d’érosion de la biodiversité, et cette très bonne enquête de S. Foucard le confirme tout à fait. Mais je ne pense pas que c’est LE facteur principal de déclin de la biodiversité à l’échelle planétaire. Comme le concluent les nombreux experts de l’IPBES dans leur rapport 2019, un facteur majeur pour les écosystèmes terrestres est la conversion des habitats ou ‘changement d’usage des terres’ -largement pour l’agriculture-, avant même l’intensification de l’agriculture et l’usage des pesticides; pour la biodiversité marine, la (sur)pêche industrielle est un facteur majeur de déclin. Autre facteur d’impact croissant, à l’échelle mondiale: le changement climatique lié à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre.
Si l’on veut désigner un facteur principal de déclin de la biodiversité, à l’échelle mondiale, je pense que celui-ci se situe au niveau d’intégration/organisation supérieur: c’est l’augmentation de la demande mondiale (des couches moyennes et riches des sociétés) en produits de consommation. (=> Réduction/fragmentation des habitats, pollution notamment par pesticides et engrais, surpêche, détournement de la production primaire nette et des réseaux trophiques en faveur des espèces cultivées/domestiquées et des humains, chgt climatique via les émissions de GES, ..).
Mais je suis tout à fait d’accord pour souligner le rôle majeur des pesticides dans l’érosion de la biodiversité dans les régions agricoles, espaces protégés et littoraux proches des zones cultivées y compris.. Ainsi que pour explorer/dévoiler le rôle des ‘ingénieurs sociaux’ ou ‘marchands de doute’ (plutôt ‘cultivateurs de doutes’ ?) dans la dynamique actuelle de la biodiversité et des sociétés.
Bien cordialement, Anne (Teyssèdre)
Je pense que la proposition d’Anne T et le texte de PH Gouyon ne sont pas contradictoires : à l’échelle de la France ou de l’Europe, où la conversion des terres est achevée depuis longtemps, les pesticides sont très probablement la cause surdéterminante pour les abeilles, alors que pour les insectes en général et à l’échelle du globe, d’autres facteurs comme la conversion des terres ou la pollution lumineuse lui font concurrence.
Merci pour ce regard qui dévoile tout un pan de la stratégie mise au point par les industriels de l’agrochimie pour créer un écran de fumée autour des méfaits des pesticides. Cela fait froid dans le dos, surtout lorsqu’on sait que dans cette campagne la cible première ce sont les scientifiques. On le sait, on l’a vu avec les campagnes de presse autour des recherches sur le traitement du Covid-19, les chercheurs, toujours en quête de financements pour leurs travaux, sont « contraints » de s’adresser au privé et bien entendu tombent dans le piège de devoir faire la publicité de ceux qui leur ont permis de créer leur beau laboratoire. J’ai lu aussi avec intérêt le commentaire d’Anne Teyssèdre, qui prend le contre-pied de la thèse de Bernard-Henri Gouyon, selon laquelle la croyance en des causes multifactorielles participe à cet écran de fumée, en déguisant la cause principale des dégâts observés. Je suis assez d’accord avec elle mais s’il faut chercher le facteur distal qui est en amont de toutes les autres causes d’effondrement de la biodiversité, il faut avoir le courage de dire que c’est la croissance exponentielle de la population humaine à l’échelle mondiale, et des besoins énormes qui en résultent. Je sais que cela va à l’encontre de bien des principes, religieux (croissez et multipliez-vous, que l’on peut décliner dans pratiquement toutes les religions) mais aussi de la conscience universelle lorsqu’il s’agit de préserver à tout prix la vie. Alors, la décroissance, comme certains le suggèrent? Oui, mais sans une réduction drastique de la natalité, ce ne sera au mieux qu’un pis-aller, une façon de retarder un effondrement inéluctable non seulement de la biodiversité mais aussi (et par voie de conséquence) de l’humanité…
Merci Pierre-Henri de mettre l’accent sur ces problèmes à travers cet ouvrage remarquable et utile. Je pense que nous avons là l’un des problèmes majeur de notre société avec en sus un impact sur la santé humaine et animale, eux aussi soumis à l’industrie du doute de manière certainement encore plus véhémente et organisée (et donc très efficace).
Stéphane Foucart s’est largement discrédité au service Planète du Monde. S’il y a quelqu’un qui est l’exact pendant des lobbyistes, c’est lui.
Je pense qu’il a raison car tout acteur dans ce bas monde défend ses intérêts parfois de manière peu éthique. Les ONG de la biodiversité ont ainsi largement été prises la main dans le conflit d’intérêt (Gaidet et Fouilleux). Mais jusqu’où doit-on s’inquiéter, par rapport à quel idéal doit-on juger? Là est le vrai débat.
S. Foucart met dans le même panier les chercheurs qui, pour lui, sont en conflits d’intérêt permanents. Et Foucart au Monde comme d’autres à la TV voit l’incarnation du mal dans les multinationales. Il n’ouvre pas le débat, il l’empêche.
Je ne savais pas qu’il y avait des individus au service des lobbys dans la SFE2, ou parmi ses sympathisants! Merci de m’ouvrir les yeux ^^
Il y a comme une aporie dans les termes de la question telle qu’elle est posée puisqu’elle clôt d’elle-même le débat. Prôner l’engagement de causes multiples et conjuguées plutôt que mettre d’emblée l’accent sur les pesticides, c’est en effet courir aussitôt le risque d’être perçu comme étant du côté des manipulateurs. Cette option inconfortable attire immanquablement peu de monde.
Mais pointer les pesticides comme cause majeure du déclin contemporain des insectes, c’est peut-être aussi courir le risque de passer à côté de la cause véritable, qui pourrait tout aussi bien se situer ailleurs, que ce soit par exemple la pollution atmosphérique brouillant les communications olfactives, ou bien la pollution sonore imperceptible à nos oreilles, pour autant susceptible de compromettre les reconnaissances sonores assurées entre insectes. On pourrait certes se dire qu’il suffirait de stopper l’emploi des pesticides pressentis dans le déclin des abeilles, puis observer ce qui se passe avant d’étudier d’autres causes possibles, mais le monde agricole n’est pas une paillasse de laboratoire.
Donc, certes, il ne faut pas être naïf et considérer que la recherche de profit ne s’accompagne pas de manipulation des connaissances, au détriment du maintien du vivant, y compris de nous-mêmes. Mais le fonctionnement du vivant est lui-même suffisamment complexe pour que l’on se réserve la possibilité d’élargir le plus possible notre regard lorsque nous analysons le déclin des abeilles et de leurs consœurs. Le frelon asiatique et le varroa ne viennent certainement qu’en bout de course dans les facteurs de ce déclin. Mais il faut aussi se réserver la possibilité que les pesticides ne soient pas positionnés le plus en amont dans les facteurs impliqués.
Certes, cette attitude est confortable pour le chercheur. Mais demande toi ce que tu aurais dit sur le cancer du poumon dans les années 1970. Avec les mêmes arguments, tu aurais dit que c’était multifactoriel, que le tabac bien sûr mais il y a peut-être des facteurs inconnus etc. C’est sur ce confort intellectuel consistant à ne jamais trancher que les marchands de doute surfent. Lis le livre et on en reparlera un jour 🙂
Le cancer du poumon est assurément un bon exemple : si l’on avait considéré le tabac comme étant LE responsable du cancer, on aurait négligé les autres causes dont on s’est aperçu précisément, au fil du temps, qu’elles étaient loin d’être moindres, notamment quand on se réfère à l’impact cancérogène croisé de la pollution atmosphérique, dont les effets ont été identifiés plus tardivement que ceux du tabac. Cela devait d’ailleurs bien arranger certaines entreprises que soient passées sous silence leurs propres incidences sur la santé humaine et en particulier sur le cancer du poumon.
Je ne prétends surtout pas qu’il ne faille pas considérer les pesticides comme une cause sérieuse du déclin de la biodiversité et je ne pense pas avoir laissé apparaître cela dans mon précédent message. Et si je n’ai effectivement pas lu son dernier livre, je reste en outre un fervent lecteur de Stéphane Foucart dont je ne rate jamais une publication dans Le Monde.
Je dis juste que mettre trop exclusivement l’accent sur un facteur donné, même assurément majeur, laisse courir le risque que les autres ne soient pas pris en compte, selon une chaîne de causalités. Ce n’est pas une question de confort ou de non confort, me semble-t-il, que défendre cette considération.
Après tout, si j’en reviens à mon premier message, on pourrait aussi se demander à qui profite le fait que si peu d’études soient consacrées aux effets de la pollution sonore et atmosphérique sur les processus de reconnaissance entre insectes. Certains industriels, j’en suis convaincu, s’en frottent les mains et contribuent même peut-être à ce que de telles études n’adviennent pas. Qui sait ?
Les pesticides sont conçus pour tuer, c’est leur rôle, et les agriculteurs essayent d’éradiquer les insectes en les utilisant.
L’équation est aussi simple que la définition des termes est parlante, et l’ampleur déclin des insectes correspond logiquement à l’énormité des procédés techniques mis en œuvres, c’est à dire qu’il y ait une industrie entière dont l’objectif premier est la destruction rationalisée des insectes.
La question de savoir si les pesticides sont la première, la seconde, ou la première cause de mortalité ex-aequo n’est pas un débat: c’est de la controverse qui fait ramer. A quoi ça sert d’en débattre, sinon à concourir à la passion et la délectation moderne pour les records de mortalité/température/violence/etc.. ?
L’usage des pesticides est en revanche la première cause identifiable et certaine de mortalité directe des insectes, et ça a du sens car c’est politisable.
Une vrai controverse, ce serait plutôt de comprendre pourquoi il y a une tripotée d’agriculteurs qui croient sincèrement ne pas tuer d’insectes en utilisant des pesticides, et vous balancent une phrase de déni type « mais non ça craint rien ». Là nous rentrons dans les mystères du vivant. Je ne suis pas non plus surpris qu’après quelques sinueux détours scientifiques, pour la forme, des scientifiques s’expriment de même, sur le fond. Après tout, ceux qui pondent les molécules sont aussi des scientifiques. Peut-être que le livre répond en partie à la question de l’absurdité humaine..