La Société Française d’Ecologie (SFE) vous propose cette semaine le regard de Sébastien Barot et Florence Dubs, chercheurs en écologie à l’IRD, sur la biodiversité et les écosystèmes des sols.
MERCI DE PARTICIPER à ces regards et débats sur la biodiversité en postant vos commentaires après cet article. Les auteurs vous répondront et une synthèse des contributions sera ajoutée après chaque article.
Mieux comprendre et utiliser la diversité
des organismes du sol
Sébastien Barot et Florence Dubs
Chercheurs en écologie des sols et des écosystèmes à l’IRD,
Laboratoire Bioemco
Regard R28, édité par Anne Teyssèdre
(Fichier PDF )
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Mots clés : Ecologie, biodiversité, sol, fonctionnement, interactions hypogé-épigé, microorganismes, lombrics, agro-écologie, agriculture, matière organique
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Une diversité immense et mal connue
Tous les jours nous marchons sur des sols sans nous rendre compte de la diversité des organismes qu’ils abritent (Gobat et al., 2003). Pourtant, cette diversité est immense par la multiplicité des types d’organismes et pour chaque type d’organisme, par le nombre élevé d’espèces qui les représentent. Le tableau ci-dessous présente une estimation de la densité et de la diversité des grands types d’organismes peuplant un mètre carré de prairie tempérée, classés par groupe systématique et par taille.
Ces organismes sont pour la plupart si petits qu’on ne les voit pas à l’œil nu. Ils appartiennent à des groupes d’organismes primitifs (par rapport aux mammifères par exemple). Ils vivent dans un milieu opaque et difficile d’accès. Tout ceci fait que la biodiversité des sols est encore plus mal connue que la diversité des organismes aériens. Ainsi, il reste une proportion très importante des espèces de ces organismes à décrire et nommer (Tableau 2) et ce d’autant plus qu’il existe une forte proportion de complexes d’espèces « cryptiques », rassemblant des espèces génétiquement différentes mais morphologiquement semblables.
Enfin, une partie de ces organismes sont des bactéries et des champignons pour lesquels les méthodes classiques de classification en espèces ne sont probablement pas très pertinentes du fait de leurs modes de reproduction particuliers et des échanges dits « horizontaux » de matériel génétique, c’est à dire des échanges de portion d’ADN entre bactéries en dehors de la reproduction.
Tous ces problèmes font que la description des communautés du sol (identification et quantification des espèces) se fait de plus en plus par des outils moléculaires: au lieu de se baser sur des critères morphologiques on utilise la variabilité génétique entre espèces. Cette approche, obligatoire pour les microorganismes, est en plein développement pour les organismes plus gros (les « vers de terre » ou lombrics, par exemple).
Des organismes moteurs du fonctionnement des sols
L’écologie scientifique étudie les interactions entre organismes vivants et entre ces organismes et leur environnement physico-chimique. Il est en particulier de plus en plus reconnu que de nombreux organismes modifient leur environnement, on parle alors d’organismes « ingénieurs des écosystèmes ». Ce type d’organisme est particulièrement bien représenté dans les sols. En effet en s’y déplaçant, en l’ingérant, en y rejetant des substances, ils modifient la structure et la chimie du sol. On peut ainsi dire que les sols sont le résultat d’interactions entre la matière minérale (la roche qui se fragmente, se dégrade) et les organismes.
Les sols sont ainsi constitués d’un mélange de matière minérale et de matière organique produite par les plantes puis fragmentée, transformée et incorporée au sol par les organismes qui y vivent. Une caractéristique primordiale des sols est leur structure. Ils ne forment pas une couche de matière compacte et uniforme mais sont formés d’agrégats de différentes tailles (de quelques microns à quelques dizaines de millimètres) séparés par des espaces libres ou pores, remplis d’air ou d’eau. La structure du sol dépend du mélange intime de la matière organique et de la matière minérale qui détermine la solidité des agrégats. Les agrégats sont pour la plupart créés par les organismes du sol.
Nombre d’entre eux sont en fait des déjections d’organismes comme les turricules de vers de terre et certains peuvent être consolidés par les hyphes* des champignons et des molécules produites par les bactéries. Une structure du sol « équilibrée » (diversité de la taille des agrégats et des pores) est primordiale pour le développement des racines, l’infiltration et la rétention de l’eau.
Echantillonnage de macrofaune :
Les organismes vivant au-dessus du sol se nourrissent plus ou moins directement des producteurs primaires, c’est à dire des plantes qui par la photosynthèse peuvent utiliser l’énergie solaire pour fabriquer leur propre matière organique. Ainsi, les herbivores mangent les plantes et les prédateurs mangent les herbivores … On parle ainsi de « réseau trophique vert ». Au contraire, dans les sols, la plupart des organismes se nourrissent directement ou indirectement de matière organique morte. Ainsi, la matière organique fabriquée par les plantes retourne au sol sous forme de feuilles, de racines ou de bois morts. Les organismes du sol mangent à leur tour cette matière organique, ou mangent à leur tour des organismes qui ont eux-mêmes mangé cette matière. On parle de réseau trophique détritivore ou « réseau trophique brun ».
Par exemple, les micro-organismes, bactéries et champignons, sont des consommateurs de matière organique très importants, et ils sont à leur tour consommés par des protozoaires, des nématodes ou des collemboles. La consommation de la matière organique conduit à sa décomposition : les substances carbonées sont consommées par les organismes du sol pour produire de l’énergie, ce qui libère du CO2 et des substances minérales tel que l’azote ou le phosphore. On peut donc dire que les organismes du sol consomment et recyclent la matière organique produite au-dessus du sol (sans eux la matière organique morte provenant des feuilles et du bois mort s’accumuleraient comme c’est le cas dans les tourbières) et les substances minérales qu’elle contient. Ils rendent ainsi de nouveau disponibles ces substances pour la nutrition des plantes (elles sont absorbées par les racines) et participent ainsi aux cycles des nutriments.
Une partie des fonctions remplies par les organismes du sol sont utiles aux sociétés humaines, on dit qu’ils fournissent des « services écosystémiques » (Lavelle, 2006, et voir le regard n°4 sur cette plateforme). Comme expliqué ci-dessus, ces organismes jouent un rôle primordial dans la formation des sols et le maintien de leur fertilité, ce qui est une condition essentielle au maintien de l’agriculture. Cela permet en retour l’alimentation des populations humaines, encore en croissance à l’échelle mondiale (voir les Regards n°21 et n°24 sur cette plateforme). De plus, la bonne structure d’un sol, qui dépend fortement de ces organismes, limite les risques d’érosion et favorise l’infiltration, la filtration et l’épuration de l’eau de pluie, ce qui peut limiter les risques d’inondation et aussi les risques de contamination des eaux de surface. Enfin, les sols participent à la régulation du climat.
Dans le contexte actuel du changement climatique global, les sols peuvent limiter ou au contraire augmenter la production de gaz à effet de serre en stockant plus de matière organique ou au contraire en déstockant cette matière (Chapin III, 2009). La matière organique morte des sols contient en effet à l’échelle mondiale plus de carbone que l’ensemble des êtres vivants (la « biomasse » mondiale) et l’atmosphère (sous forme de CO2). Le réseau trophique du sol est responsable de la minéralisation de la matière organique et donc de la libération de CO2, mais les organismes du sol sont aussi responsables de la stabilisation d’une partie de cette matière organique dans le profil* et les agrégats de sol. La mise en culture de prairies ou de forêts entraine un déstockage de carbone tandis que l’inverse génère un stockage. A l’heure actuelle, il est à craindre que les activités humaines liées aux changements d’usage des terres et à l’agriculture, en perturbant les équilibres entre sols, organismes du sol et matière organique et en libérant du CO2, contribuent à amplifier le réchauffement global.
Les plantes comme lien entre le fonctionnement souterrain et aérien des écosystèmes
L’écologie des sols s’est souvent développée indépendamment du reste de l’écologie scientifique, en partie parce qu’elle a nécessité la mise au point de nombreux outils particuliers d’analyse. Pourtant, depuis une dizaine d’années, un domaine s’est fortement développé et contribue à beaucoup mieux lier l’écologie des sols au reste de l’écologie : il s’agit de l’étude des liens entre organismes dits épigés et hypogés, c-à-d. aériens et souterrains (Wardle, 1999; Wardle, 2004). Ces liens dépendent en premier lieu des plantes qui créent une continuité entre le sol (système racinaire) et ce qui passe au-dessus (feuilles, tiges). On se rend maintenant compte que les organismes du sol influencent la croissance des plantes à la fois quantitativement (quantité totale de biomasse) et qualitativement (architecture racinaire, proportion de la biomasse allouée aux graines, composition chimique …).
Ces changements influent à leur tour sur les herbivores qui se nourrissent du système aérien (feuilles…), et cela peut enfin agir sur les prédateurs ou les parasites de ces herbivores. A l’inverse, des herbivores se nourrissant des feuilles et des tiges changent aussi la croissance des plantes, y compris celle du système racinaire, et la qualité de la biomasse produite par ces plantes, ce qui influence les organismes du sol. Il existe donc un système complexe d’interactions en cascade et de rétroactions entre le réseau trophique du sol et celui se développant au-dessus.
Les exemples les plus connus sont ceux des organismes du sol vivant en symbiose avec les plantes : les champignons mycorhiziens et les bactéries fixatrices d’azote vivant en symbiose avec les plantes légumineuses (ex : trèfle, acacias). Dans les deux cas, les plantes ‘‘donnent’’ aux microorganismes des substances organiques fabriquées grâce à la photosynthèse. En échange, les bactéries symbiotiques fixent de l’azote atmosphérique et les champignons récoltent des nutriments minéraux dans le sol (essentiellement du phosphore) et apportent ces nutriments aux plantes. Cela permet aux plantes de mieux pousser, d’avoir un contenu en phosphore et en azote plus élevé, cela améliore leur métabolisme… et peut attirer des herbivores qui sont aussi à la recherche de substances nutritives.
Un autre exemple emblématique est celui des vers de terre. Par des mécanismes très variés ils ont tendance à améliorer la croissance des plantes : ils améliorent la structure du sol, incorporent la matière organique au sol, augmentent la minéralisation. Dans certains cas cela facilite le développement d’herbivores (par exemple des pucerons) qui peuvent consommer des feuilles ayant une meilleure qualité nutritive (par exemple plus d’azote dans les feuilles). Dans d’autres cas, en aidant la croissance des plantes, les vers de terre augmentent leur capacité à résister aux herbivores, par exemple par la production de substances toxiques ou indigestes pour ces derniers.
On se rend aussi de plus en plus compte que les bactéries du sol ne vivant pas en symbiose avec des plantes entretiennent des relations très étroites avec elles. Ces bactéries sont en partie nourries par les exsudats racinaires qui sont composés des petites molécules organiques émises par les racines dans le sol. Par ces exsudats, les plantes peuvent en partie contrôler les bactéries et leurs activités. A l’inverse, les bactéries sont capables de produire et relâcher dans le sol des petites molécules organiques analogues aux hormones végétales produites par les plantes et leur permettant de réguler leur croissance. Ces molécules d’origine bactérienne peuvent être absorbées par les racines et permettent ainsi aux bactéries de manipuler la croissance des plantes. Enfin, les vers de terre augmentent la présence de certains groupes microbiens du sol et semblent dans certains cas favoriser des bactéries qui produisent des hormones végétales qui à leur tour améliorent la croissance des plantes.
En résumé, l’effet du sol et de ces organismes sur les plantes ne se réduit pas à la fourniture d’un support physique, d’une réserve d’eau et de nutriments minéraux. Cet effet met en jeu de nombreux mécanismes complexes que l’on commence juste à comprendre, et qui conduisent à une régulation fine de la croissance des plantes. Ces mécanismes sont en partie la conséquence d’une longue coévolution entre les organismes du sol et les plantes sauvages.
Utiliser la biodiversité des sols pour une agriculture plus durable ?
L’agriculture peut être vue comme une manière d’artificialiser un écosystème (un couvert végétal) pour augmenter la fourniture d’un service écosystémique : la production d’aliments. Pour ce faire, différents »outils » ont été développés: travail du sol (labour), utilisation d’ amendements variés et de fertilisants minéraux pour augmenter la croissance des plantes, d’ herbicides pour diminuer la compétition entre plantes sauvages et plantes cultivées, de pesticides pour diminuer l’impact de pathogènes/herbivores s’attaquant aux plantes cultivées, irrigation, et sélection de plantes pour qu’elles bénéficient au mieux de ces pratiques.
Tous ces outils influencent directement ou indirectement les interactions entre ce qui se passe dans le sol et ce qui se passe au-dessus. Cela déclenche des cascades de processus dont certains sont explicitement recherchés et d’autres pas du tout. Par exemple, la fertilisation minérale augmente la croissance des plantes cultivées, et la teneur de la récolte en nutriments minéraux, mais en retour ces plantes sont aussi plus nutritives et favorisent probablement le développement de leurs pathogènes/herbivores. De même, la sélection de variétés plus productives et l’homogénéisation génétique à l’intérieur des champs (un seul génotype d’une seule espèce) permettent d’obtenir des rendements élevés mais augmentent aussi la vulnérabilité aux pathogènes/herbivores aériens et souterrains. Ainsi, il est à craindre que l’optimisation d’un seul service, l’obtention d’une récolte abondante, engendre la dérégulation d’autres services, notamment ceux produits par le sol (Tilman, 1998).
En fait, on peut penser que les systèmes agricoles modernes sous-utilisent les mécanismes de régulation liant le souterrain à l’aérien dans les écosystèmes naturels et que mieux utiliser ces mécanismes pourrait conduire à une agriculture plus durable. L’intensification de l’agriculture, suite à la révolution verte des années 1960 à 1990, a entrainé :
- le développement de la fertilisation minérale en remplacement de la gestion, par les plantes et le réseau trophique détritivore, du stock de nutriments minéraux contenu dans la matière organique des sols,
- une tendance à la diminution du contenu en matière organique des sols agricoles,
- la diminution de la densité et de la diversité de certains organismes du sol suite à l’utilisation des pesticides et à la diminution de la teneur en matière organique,
- une perte de la diversité génétique intra-spécifique, c’est-à-dire de la diversité des gènes de chaque espèce cultivée dans les champs (dans la plupart des cas, une seule variété donc un seul génotype est cultivé par champ), diversité génétique qui est de plus en plus vue par l’écologie fondamentale comme une caractéristique primordiale des écosystèmes naturels permettant aux plantes de mieux gérer leurs interactions avec le sol et ses organismes,
- la sélection de plantes (cultivées) permettant des rendements très élevés dans les conditions »optimales » de croissance, c’est à dire protégées par des pesticides, abondamment nourries par des engrais.
Certains résultats suggèrent que les variétés modernes cultivées tirent un plus faible bénéfice de la fixation symbiotique de l’azote (cas du soja) (Kiers, 2007) ou des mycorhizes (Sawers, 2008) que les variétés anciennes ou sauvages. D’une manière générale, ces variétés ont beaucoup moins besoin de maintenir, avec le sol et ses organismes, les interactions complexes qui sont de plus en plus décrites par l’écologie fondamentale (voir ci-dessus). On peut penser, même si cela est encore discuté, que ces variétés ont perdu au cours de la sélection une partie de leur capacité à profiter de ces interactions. Cela suggère aussi que le développement de pratiques agricoles alternatives et plus durables (agriculture à faible niveau d’intrants, agriculture biologique, intensification écologique de l’agriculture) nécessite la sélection de nouvelles variétés mieux adaptées à ces nouvelles pratiques et bénéficiant plus fortement des interactions entre le souterrain et l’aérien (Lammerts van Bueren, 2008; voir aussi le regard R21 : La biodiversité des champs, par F. Papy et I. Goldringer).
Enfin, cultiver des mélanges de variétés ou cultiver des « variétés populations » – au lieu de cultiver une variété pure ou un mélange de variétés, l’agriculteur crée et maintient la diversité génétique locale en ressemant une partie des graines qu’il a produit et qui sont donc le produit de mélanges génétiques libres entres les variétés multiples semées initialement – pourraient être des moyens efficaces d’augmenter la diversité génétique cultivée à l’intérieur d’un champ et, de nouveau, de mieux profiter des mécanismes de régulation entre le souterrain et à l’aérien (Zhu, 2000).
La nécessité d’un changement de paradigme sous-tendant le développement de l’agriculture semble maintenant acquise : il faut passer d’une agriculture ciblant seulement l’optimisation de la production agricole à une agriculture plurifonctionnelle où la production agricole n’est plus le seul service optimisé au détriment de tous les autres, mais le résultat d’un compromis entre tous les paramètres environnementaux. Dans ce cadre, la prise en compte du fonctionnement du sol et de ses acteurs pourrait participer à la transition vers une agriculture plus durable.
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Glossaire
Hyphes : principalement chez les champignons, appareil végétatif composés de filaments microscopiques (quelques μm de diamètre). L’ensemble des hyphes dans un sol est nommé mycélium et peut comprendre plusieurs km de filaments par kg de sol.
Profil de sol : ensemble des couches d’un sol plus ou moins homogènes, parallèles à sa surface.
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Bibliographie
Atlas européen de la biodiversité des sols : http://eusoils.jrc.ec.europa.eu/library/maps/biodiversity_atlas/
Chapin III F. S. et al., 2009. The changing global carbon cycle: linking plant-soil carbon dynamics to global consequences. J. Ecol. 97: 840-850.
Gobat J.M., Aragno M. & W. Matthey, 2003. Le sol vivant : bases de pédologie – biologie des sols, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes.
Kiers E.T., M. G. Hutton & R. F. Denison, 2007. Human selection and the relaxation of legume defences against ineffective rhizobia. Proc. Royal. Soc. B 274: 3119-3126.
Lammerts van Bueren E. T. et al., 2008. Plant breeding for organic and sustainable, low-input agriculture: dealing with genotype-environment interactions. Euphytica 163: 321-322.
Lavelle P.T. et al., 2006. Soil invertebrates and ecosystem services. Eur. J. Soil Biol. 42:S3-S15.
Sawers R.J.H., C. Gutjahr & U. Paszkowski, 2008. Cereal mycorrhiza: an ancient symbiosis in modern agriculture. Trends Plant Sc. 13: 93-97.
Tilman D., 1998. The greening of the green revolution. Nature 396: 211-212.
Wardle D. A., 1999. How soil food webs make giants grow. Trends Ecol. Evol. 14: 418-420.
Wardle D. A. et al., 2004. Ecological linkages between aboveground and belowground biota. Science 304:1629-1633.
Zhu Y. et al., 2000. Genetic diversity and disease control in rice. Nature 406: 718-722.
Pour en savoir plus (en français) :
Jean-Michel Gobat, Michel Aragno, Willy Matthey, 2003. Le sol vivant : bases de pédologie – biologie des sols, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes.
Voir aussi ces regards et débats en ligne sur cette plateforme :
Doré T., 2011. La biodiversité, atout pour l’agriculture. Regards et débats sur la biodiversité, SFE, regard n°24 du 22 nov. 2011.
Mouquet N., 2010. Le fonctionnement des écosystèmes. Regards et débats sur la bio-diversité, SFE, Regard R3, oct. 2010.
Papy F. & I. Goldringer, 2011b. La biodiversité des champs, Regards et débats sur la biodiversité, SFE, Regard R21, sept. 2011.
Teyssèdre A., 2010. Les services écosystémiques. Regards et débats sur la biodiversité, SFE, Regard R4, oct. 2010.
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Article édité et mis en ligne par Anne Teyssèdre
Bonjour,
merci pour ce regard sur la biodiversité des sols, c’est très intéressant et cela remet des chiffres (connus et inconnus) en tête. Les sols sont effectivement une (la) composante très importante pour la nature et pour l’homme. Les micro-organismes (bactérie et champignons) restent la composante biologique des sols la moins connue (cf tableau 2) alors que l’on se demande déjà si nous n’aurions pas besoin d’une stratégie pour leur conservation (Gareth W Griffith, 2012). Cela montre que même si l’on ne peut pas tout faire et tout comprendre, on essaie quand même de (on voudrait!) protéger ces organismes primordiaux pour le fonctionnement des écosystèmes.
Juste à titre illustratif des relations entre les organismes du sol: Dans des écosystèmes méditerranéens soumis à l’augmentation de la fréquence des incendies et dans lesquels j’ai travaillé: Il a été montré le lien très étroit entre l’activité biologique des vers de terre et l’activité microbienne des sols. Ces vers de terre très actifs permettent aux micro-organismes de recoloniser les sols stérilisés par le feu. De plus la signature chimique de la matière organique (par spectroscopie infra rouge) a clairement montré que l’horizon de sol superficiel (0-5 cm) était en réalité un turricule géant, alors que les différences turricule-sol augmentent avec la baisse des régimes de feu (Cécillon et al., 2008). Ces effets ont probablement un rôle dans la dynamique des écosystèmes post-incendie et montrent (en partie) l’importance et la nécessite du maintien des interactions entre organismes (et pas seulement dans les sols).
Bonjour,
C’est vrai que les vers influencent les communautés microbiennes du sol par différents mécanismes: en consommant certains microorganismes, en stimulant d’autres, et en les dispersant. On a ainsi montré qu’ils pouvaient augmenter les taux de nodulation (formation de nodules) de plantes légumineuses. Ils pourraient par contre aussi transporter des microorganismes pathogènes pour les plantes …. mais aussi en consommer une partie. Des travaux suggèrent par exemple que les vers pourraient diminuer l’impact négatif de maladies fongiques du blé (travaux de Stephens et travaux en cours avec des collègues agronomes du centre de Grignon).
Sébastien
Bonjour,
J’aide à la durabilité d’une ville nouvelle égyptienne (Dreamland) qui se construit sur le désert. Le cœur du système mis en place pour cela est une station urbaine de compostage productrice de sols vivants pour la ville et ses habitants.
Avant de lancer ce projet et afin de convaincre les preneurs de décision, nous avons aussi communiqué autour du « Mieux comprendre et utiliser la diversité des organismes du sol », les services écosystémiques, le lien qu’un bon sol offre à la société en dehors de ceux de la production. Notre approche est forcément plus holistique et moins réductionniste que celle de votre papier car notre public est plus généraliste et non averti. Mais nous avons proposé dans notre approche une différenciation voire même une opposition entre environnement et milieu que je ne retrouve pas chez vous.
A savoir : Nous avons connoté l’environnement en l’élément négatif (l’homme n’est pas du tout le centre de ce qui l’environne, l’environnement est agressif et sans vie), le milieu en élément positif (le milieu est le centre autour duquel nous orbitons, c’est la production mise en commun par les organismes vivants, l’homme n’est qu’un périphérique protégé par le milieu). Nous avons décrit une sorte de bataille qui se joue entre environnement et milieu puis nous avons introduit ainsi le terme de services écosystémique : On affirme à notre public, nos élèves et partenaires que la biodiversité nous rend un grand service en cherchant à transformer l’environnement en milieu (la vie protège la vie, production d’eau et d’air pur, de sol plus résistant, stabilisation des cycles, réduction des agressions environnementales, création d’aménités, digestion d’éléments environnementaux…).
Une fois ce modèle dichotomique de représentation bien mis en place, nous pouvons encore plus affiner en demandant à la communauté présente (staff, public, société) de cherche à développer la biodiversité (en quantité et en qualité) et réduire l’environnement (recycle, reduce, reuse) par de nombreux sous-projet. Cette vision très ferme de notre réalité aide grandement à la compréhension et donc au confort et motivation des partie-prenantes du projet (habitants, staff).
Bien sûr, votre papier ne s’adresse pas à un public généraliste, mais j’aurai tout de même pensé retrouver cette opposition milieu/environnement dont le sol est le plus vaste champ de bataille. Au contraire je retrouve je pense la confusion de ces deux entités : Vous dites par exemple, « de nombreux organismes modifient leur environnement » quand d’autres, il y a 50 ans avait écrit « all forms of life modify their context (Lynn White Jr, 1966). « context » exprime bien cette confusion milieu/environnement quand le mot « environnement » semble l’ignorer.
Avez-vous sciemment confondu ces deux termes ou cette dichotomie vous semble-t-elle sans grand intérêt pour une meilleure représentation de la réalité ?
Bien à vous,
SF
En tant que coordinatrice de ces regards et débats sur la biodiversité, je souhaite informer les internautes que cette ville nouvelle Dreamland est un quartier résidentiel sécurisé (gated community) situé près du Caire, abondamment irrigué par les eaux du Nil… unique ressource en eau pour 75 millions d’habitants. (Site web de Dreamland : http://www.dreamlandegypt.com/en/about/default.aspx.)
La question du partage des ressources en eau à l’échelle nationale, ou celle de la durabilité d’un riche socio-écosystème local basée sur le ponctionnement de ressources régionales communes, est donc posée.
Bien cordialement, AT
Merci pour votre mise en lumière rapide de Dreamland. Je désire apporter tout de même des précisions supplémentaires:
– Dreamland n’est pas une « gated community » pour CSP s’accointant mais bien une ville nouvelle diversifiée (comme peu l’être l’isle d’Abeau pour Lyon, Marne-La-Vallée pour Paris, ou d’autres encore en France)
– Dreamland n’est la cause de la très forte non-durabilité de la région mais bien une conséquence (La nécessité d’attirer et de déplacer hors du Caire des millions de personnes d’ici à 2100 pour cause de mort du Delta et d’un exode rural extrêmement massif).
– Le problème premier autour du Nil et de son Delta ne provient pas de l’irrigation abondante mais de la consommation d’énergie addictive de l’humanité (Barrage Nasser qui provoque l’érosion du Delta cumulée au réchauffement climatique qui provoque la montée de la mer)
– Devant la nécessité de créer de nouveaux espaces pour les futurs réfugiés du Delta, l’Egypte a grosso modo développé deux idéologies: De nouveaux espaces de type ruraux (par exemple Fayoum) où le sol est bonifié et d’autres espaces relevant de l’Urban Sprawling et citadins (l’axe Cairo-Alexandrie par exemple, où se trouve Dreamland). Notre projet pour améliorer la durabilité de Dreamland vient se greffer a posteriori du lancement de la ville et non malheureusement de manière intégrée, et on combat avec ce projet autant l’urban sprawling en tant que phénomène sociologique en Egypte que l’environnement comme je l’ai déjà signalé.
Vous remarquerez que là encore entre Fayoum et l’axe Caire-Alex, nous avons l’opposition environnement (irrigation par fertirrigation – micro-goutte fertilisé – sur un sol minéral avec biodiversité minime) / biodiversité (irrigation par submersion ou rigole de terre sur un sol bonifié et une biodiversité plus riche).
J’en reviens alors à ma question: Est-ce que cette représentation mentale « biodiversité vs environnement », « Milieu+Environnement=contexte » peut sembler faire sens pour les auteurs du regard R28 qui travaillent sur le même sujet que nous?
Merci encore, Sincèrement,
SF
Bonjour
A vrai dire je ne comprends pas trop la distinction que vous faites entre milieu et environnement. J’aurais peut-être dû n’utiliser que le terme « milieu » qui est plus usité en écologie pour désigner scientifiquement l’ensemble des conditions biotiques (autres organismes) et abiotiques (milieux physico-chimique) dans lesquelles vit un organisme (de ce fait, chaque organisme fait partie du milieu biotique des autres organismes). C’est vrai aussi que le terme « environnement » est maintenant un peu connoté. Le terme est très lié dans les médias « aux grands problèmes environnementaux », aux impacts négatifs de l’homme sur les écosystèmes et leur biodiversité. Cela dit je ne vois pas bien l’intérêt qu’il y aurait à opposer « environnement » et « milieu ».
Sébastien
Merci beaucoup pour votre retour.
D’un point de vue étymologique, l’opposition entre milieu (centre) et environnement (ce qui encercle) est déjà bien marqué. Mais surtout l’intérêt que nous trouvons à cette distinction est de mieux décrire la vérité biologique en plus de la vérité physique. Il s’agit d’apporter une vision de la durabilité plus facile à appréhender pour les participants, qu’ils soient des enfants des écoles, des adultes non avertis ou des entrepreneurs. Peut-être la chose peut sembler farfelu en milieu tempéré comme la France (où la biodiversité se suffit à elle-même face à l’environnement local, le climax d’un terrain laissé à l’abandon sera certainement la forêt) mais cela fait sens ici (c’est l’environnement qui gagne souvent ici face à la biodiversité en contexte cassant, le climax d’un terrain à l’abandon ici est un milieu dégradé voire le désert). Cette représentation de la biodiversité faisant face à l’environnement fonctionne assez bien à toutes les échelles.
Notre « définition » du milieu: pour faire vite, ce que la biodiversité produit et met en commun (l’eau pur, l’air pur, l’humus, température tempérée, la matière organique…). La matière qu’elle arrive à gérer selon des lois biologiques.
Environnement: pour faire très vite, le reste ou aussi notre planète sans la vie sur terre, ce qui est régit par les lois physiques (le minéral, le soleil, l’énergie non animale…).
En partant du principe que la biodiversité colonise l’environnement en le transformant en milieu, nous demandons aux participants de prendre parti pour la biodiversité et non pour l’environnement.
Le résultat, je pense, est assez important. On peut avec cette distinction bien montrer que c’est la vie qui crée le milieu face à l’environnement. Et au lieu de dire par exemple, « l’eau est nécessaire à la vie », avec cette vision nous disons que « c’est la vie qui est nécessaire à l’eau, une eau assimilable par la vie » (sans vie sur terre, pas d’eau liquide dans une telle quantité). C’est un peu l’histoire de la poule et l’œuf, ou des grands mammifères et des grandes plaines. On n’a pas à dire qui crée l’autre, mais les deux se protègent et s’entretiennent mutuellement face à l’environnement. Par exemple, Anne qui ne fait pas la distinction entre environnement et milieu pourra dire dans son deuxième commentaire que « la productivité primaire (végétale) locale, permet sa colonisation par de nombreuses espèces animales » alors que la réalité est parfois autre. En contexte cassant (mais certainement en milieu tempéré aussi), là où l’environnement est trop fort, ce sont les animaux qui créent pour beaucoup le milieu, qui crée le sol en apportant leur excrément (compost animal, plus graine, plus piétinement) et en déplaçant petit à petit la matière végétale et en la réinvestissant d’année en année (les animaux transforment – decay – immédiatement la production végétale en milieu avant que l’environnement ne la fasse retourner en poussière et ne la disperse dans l’environnement). Une fois une certaine durabilité obtenue, la biodiversité se développera en qualité et en quantité. Dans les oasis, de l’eau sans biodiversité animale pour composter rapidement la matière végétale ne créera pas un environnement durable, le sol sera trop faible pour se protéger des remontés de sels (environnement). Seule le dattier pourrait produire. L’animal aidera à lancer/maintenir le bon sol et la bonne végétalisation. C’est le principe des grandes migrations mammifères, des transhumances traditionnelles (sans migration, on passe à un surpâturage). C’est aussi le principe en Egypte des pigeonniers qui servent à récolter la colombine (compost créé par les pigeons) pour bonifier le sol à coloniser. Sans pigeonnier, pas de jardin dans les contextes trop cassants. Sans jardin, pas de développement (bien sûr, cela est remis en cause par les nouveaux business model dont Sébastien parle dans son papier « le développement de la fertilisation minérale » « diminution du contenu en matière organique » – Remarquez svp que dans les exemples de Sébastien, c’est l’homme qui introduit du minéral, de l’environnement face au milieu et qui donc, dans la bataille biodiversité vs environnement, travaille pour le mauvais camp). C’est le principe des bisons des grandes plaines qu’on élève pour développer les sols et les herbes (et non l’inverse). C’est le principe des parcs nationaux « gaming » du Sud de l’Afrique (holistic management, PPP)et c’est malheureusement une erreur des parcs nationaux ouest-africains qui en stoppant (entre autres erreurs) les transhumances des bouviers et la prédation sur les grands mammifères ont raté leur mission (dégradation de la biodiversité en quantité et en qualité, résultant à une perte de plus de 30% des grands mammifères depuis qu’on les protège).
Mais vous avez raison, Sébastien, ce terme environnement a été très galvaudé (prenons par exemple l’EPA –Environnemental Protection Agency qui « protège l’environnement » au lieu de le contrôler et de se concentrer l’attention sur le vivant et sur la biodiversité). Mais je ne pensais pas qu’il était devenu si compromis.
Merci en tout cas beaucoup pour votre retour, j’ai trop écrit je crois mais ai-je été plus clair que mon premier commentaire ? Je l’espère…Si jamais vous avez le temps, j’aurai bien aimé si cette vision peut s’appliquer à votre approche plus réductionniste du sol.
Respectueusement,
Shikra
Bonjour,
Pour compléter la réponse de Sébastien, je dirais que la différence que vous faites entre « environnement hostile » et « milieu de vie protecteur » ne porte pas sur les termes « environnement » et « milieu de vie », mais sur différents états de cet environnement, correspondant à différents milieux de vie, plus ou moins accueillants pour les humains.
Le désert égyptien est un environnement/milieu de vie pauvre en biodiversité et peu propice à l’établissement de grandes populations humaines, du fait de son aridité. L’irrigation et la fertilisation (par du compost) de parcelles de désert, naturellement riches en énergie lumineuse incidente, augmente la productivité primaire (végétale) locale, permet sa colonisation par de nombreuses espèces animales, et transforme donc un environnement/milieu de vie aride et pauvre en biodiversité, hostile aux populations humaines, en un environnement-milieu de vie semi-aride – voire localement très humide – favorable non seulement aux humains mais à bien d’autres espèces. C’est le principe des oasis irriguées et cultivées dans le désert, bien connu des habitants des régions arides depuis longtemps…
Reste posée la question de l’équité et de l’efficacité du partage des eaux du Nil pour l’irrigation et l’alimentation d’habitats humains (villes et terres agricoles), dans un pays au climat aride peuplé de 75 millions d’habitants…
Bonjour Anne,
Je connais et j’utilise beaucoup la distinction entre les différentes qualités de milieu ou de biodiversité. Mais je n’arrive pas à travailler qu’avec cette distinction-là. Une distinction supplémentaire et l’idée de nature opposant « biodiversité » à « environnement » que j’utilise, je pense, apporte des nuances et perspectives assez intéressante.
Par exemple, l’aridité dont vous parlez est bien sûr très dure à combattre (parfois impossible) mais ne pas faire la distinction entre « biodiversité » et « environnement » peut fermer des portes dans ce combat. je pense ici à la lutte contre la désertification qui utilise beaucoup la vie animale et l’eau, et même dont certaines écoles proposent un emploi massif d’animaux pour recréer plus rapidement un sol…mais je ne suis pas vraiment spécialiste.
Au sujet du partage des eaux du Nil (qui concerne en plus des 75 millions d’égyptiens aussi le Rwanda, le Burundi, la Tanzanie, l’Ouganda, l’Éthiopie, le Soudan du Sud et le Soudan), je ne veux pas m’engager (mais je partage fortement votre ennui sur ce fleuve). Notez tout de même que je travaille ici à partir de l’existant, en essayant de l’améliorer.
Peut-être un jour un autre regard qui sera lui sur l’Égypte et le Nil…
Merci en tout cas déjà beaucoup pour tout ce temps et espace offert, ces regards sont très agréables,
Cordialement,
SF
Bonjour,
L’article ci-dessus nous met l’eau à la bouche, nous parle du menu, mais reste dans la généralité et ne nous passe pas les plats. Je serais donc friand d’avoir des références d’articles ou textes ou documents, si possible en français, sinon en anglais, sur des exemples de relations racines – microorganismes du sol (lombrics, bactéries) avec description des mécanismes en jeu, hormones, échanges de molécules, etc..
D’avance merci de satisfaire ma curiosité gourmande.
J’ai récemment découvert un article de synthèse formidable … à découvrir absolument :
Helping plants to deal with insects: the role of beneficial soil-borne microbes.
Ana Pineda, Si-Jun Zheng, Joop J.A. van Loon, Corné M.J. Pieterse, Marcel Dicke
Trends in Plant Science, Volume 15, Issue 9, 507-514, 08 June 2010.
http://dx.doi.org/10.1016/j.tplants.2010.05.007
(Résumé en anglais : Several soil-borne microbes such as mycorrhizal fungi and plant growth-promoting rhizobacteria can help plants to deal with biotic and abiotic stresses via plant growth promotion and induced resistance. Such beneficial belowground microbes interact in a bidirectional way via the plant with aboveground insects such as herbivores, their natural enemies and pollinators. The role of these interactions in natural and agricultural ecosystems is receiving increased attention, and the molecular and physiological mechanisms involved in these interactions should be the focus of more attention. Here, we review the recent discoveries on plant-mediated interactions between beneficial belowground microbes and aboveground insects. )
Bonjour,
Il y a quelques ouvrages généraux en Français comme :
Jean-Michel Gobat, Michel Aragno, Willy Matthey, 2003. Le sol vivant : bases de pédologie – biologie des sols, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes.
Je pense que c’est difficile d’avoir des renseignements précis, en Français, sur les interactions fines entre racines-sol-organismes du sol. En tous cas sur les derniers développements de la recherche dans le domaine.
Je peux éventuellement vous renvoyer à mes cours: http://millsonia.free.fr/cours.htm#M2
Il y a des éléments de réponse dans les cours du module ESOL …. mais bien sûr les présentations ne sont que des illustrations. N’hésitez pas à nous poser des questions plus précises.
Cordialement,
sébastien
Bonjour,
Je ne vois pas de mention de successions écologiques dans votre présentation, de l’évolution des biomasses et biodiversité des bactéries et des champignons, et comment cette relation peut bénéficier aux plantes agricoles.
Ma spécialité est le compost et thé de compost aéré, et comment ceux-ci peuvent être utilisés pour changer les biologies dans un sol. J’ai fait mes études et ma vie professionnelle en Californie. Est ce que ce genre de recherches sont faites en France?
Merci,
Timothy Bolander
Bonjour
Je ne travaille pas du tout sur ce sujet, mais bien sûr il y a des travaux sur les successions de micro-organismes. Je me rappelle par exemple de successions sur des aiguilles de conifères en décomposition.
Comment cela se passe-t-il dans les sols agricoles et comment cela peut il bénéficier aux cultures?
Cordialement
Sébastien
Je pense que la base de la chaine alimentaire dans un sol est constituée par les champignons. Avec sans doute une interaction forte initiale avec les acariens Oribates. Cette chaine conduit à un développement et une diversification de la faune et de la flore du sol. Dans le cas où cette symbiose ne se met pas en place, un autre système dans lequel dominent les bactéries se déclenche. Avez-vous des données concernant des tests respirométriques (mesures d’échange O2 – CO2) et la faune et la flore des sols?
L’hypothèse de deux types de chaînes alimentaires dans les sols, basées soit sur les champignons soit sur les bactéries, se transcrit sous la forme d’une évolution différenciée de la matière organique soit vers l’humification soit vers la décomposition et le dégazage sous forme de CO2. Ainsi le sol fonctionne soit comme un système de stockage et de transformation (avec champignons), soit comme un milieu épurateur (avec bactéries).
Dans les sols agricoles labourés on favorise le système bactérien (minéralisation) alors que dans les cultures sous couvert c’est plutôt le système fongique (basé sur les champignons) qui est favorisé. Il semblerait que l’humidité relative à la surface du sol soit l’agent principal de ces différentes orientations, le microclimat régnant dans cette interface conditionnant les capacités de vie du sol.
Bon, strictement parlant la base de la chaîne alimentaire (ou plutôt du réseau trophique) des sols n’est pas les champignons ou les bactéries. C’est la matière organique morte des sols. Ensuite, effectivement suivant les écosystèmes, les conditions et la qualité de la matière organique (par exemple litière d’arbres feuillus ou aiguilles de conifères) la biomasse relative de champignons et de bactéries peut être très différente et ce sont ces organismes détritivores qui sont les premiers consommateurs de matière organique morte.
Je ne comprends pas bien de quelle symbiose vous parlez.
Je ne suis pas sûr que l’on puisse opposer la fonction « de stockage » et la fonction « d’épuration ». C’est à dire que le stockage implique forcément une transformation de la matière organique et une perte par respiration d’une partie de son carbone. Le fonctionnement des écosystèmes et des sols est basé sur un équilibre entre décomposition et stabilisation de la matière organique. Bien sûr, dans le cadre du changement climatique on pourrait souhaiter augmenter le stock de carbone (cela fait autant de carbone qui n’est pas dans l’atmosphère). Bien sûr, les sols agricoles ont souvent perdu trop de matière organique (du coup le sol est moins bien structuré, il est moins riche en organismes … ). En même temps il faut maintenir dans le temps la décomposition qui libère les nutriments minéraux nécessaires à la croissance des plantes.
Je ne pense pas que l’humidité de la surface du sol soit le seul facteur. Le labour joue aussi un rôle très important (en mélangeant la matière organique fraiche à la matière plus ancienne déjà évoluée) . La qualité de la matière organique arrivant dans le sol est aussi déterminante. Par exemple, si on compare les résidus de culture (résidus de feuilles et de racines de céréales, matière relativement facile à décomposer) et la litière de forêt (matière ligneuse, aiguilles de conifères qui se décomposent lentement ).
Sébastien Barot