La Société Française d’Ecologie (SFE) vous propose cette semaine le regard de Louis de Redon, Maître de Conférence à AgroParisTech, sur l’évolution du Droit International relatif à l’environnement et à la biodiversité.
MERCI DE PARTICIPER à ces regards et débats sur la biodiversité en postant vos commentaires après cet article. Les auteurs vous répondront et une synthèse des contributions sera ajoutée après chaque article.
La protection de la biodiversité,
objet privilégié du droit international
Louis de Redon
MC AgroParisTech (Louis.deRedon@AgroParisTech.fr)
Chercheur associé Université Paris V – Descartes
Regard R27, édité par Anne Teyssèdre
(Fichier PDF )
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Mots clés : droit international, environnement, biodiversité, sociétés, préservation de la biodiversité, développement durable, traités, OMC
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Le droit international, un objet complexe
S’il est un objet du Droit difficile à cerner, c’est bien le droit international. Bien que ses racines soient anciennes, son efficacité continue à susciter le débat et la controverse. La position du député U.S. Ron Paul, candidat aux primaires républicaines de 2012, résume bien la position des adversaires les plus farouches au droit international :
« L’Amérique peut soit rester une république constitutionnelle, soit se soumettre au droit international, mais elle ne peut faire les deux. La Constitution est la loi suprême de notre terre, et le conflit entre respect de la primauté de ce droit et l’obéissance aux planificateurs mondialistes nous fait désormais face (…) » (Paul, 2002).
Ainsi, le 2 novembre 2010, les citoyens américains de l’Oklahoma ont voté à 70% par référendum le rejet du droit international comme source de droit pour leurs cours de justice (http://opiniojuris.org/2010/11/03/international-law-banned-in-oklahoma-state-courts).
A l’opposé de l’échiquier politique mondial sur ce critère se trouve la France qui , au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, a donné une place prépondérante au droit international dans son ordre juridique interne. Ainsi le Préambule de la Constitution de la IVème république de 1946, repris par la Constitution de la Vème République, dispose que :
« Sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l’organisation et à la défense de la paix ».
Notre constitution va même beaucoup plus loin puisqu’elle donne aux traités dans son article 55 une valeur supérieure à la loi nationale :
« Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ».
Les traités ont donc une applicabilité juridique directe en France, qui de ce fait est un pays dit « moniste ». Les USA ont développé un régime dit « dualiste » : un traité ne pourra entrer en vigueur que par sa transposition en droit interne par une loi. Ceci a pour conséquence qu’une simple loi postérieure annule les effets du traité.
Le droit international a donc la lourde tâche de faire cohabiter ces systèmes ensemble. Il faut aussi toujours garder à l’esprit que tout Etat membre de la Communauté internationale est souverain : on ne peut forcer un Etat à signer un traité et ce dernier ne se soumet au droit international que de par sa propre volonté.
Le droit de l’Environnement miraculé
La Communauté internationale se trouve alors bien démunie lorsqu’un Etat refuse de signer ou de ratifier un traité, comme ce fut le cas des USA pour le Protocole de Kyoto ; ou lorsqu’un Etat annonce son retrait du traité comme vient de le faire le Canada toujours pour le Protocole de Kyoto. La situation est encore pire lorsqu’un Etat ne respecte pas les règles d’un traité auquel il est partie, comme cela a été le cas en 2005 avec la destruction des Bouddhas de Bâmiyân par le régime taliban alors en place en Afghanistan, malgré l’inscription au Patrimoine Mondial de l’Humanité.
Se rajoutent à ces difficultés, celles issues du droit de l’Environnement lui-même puisque c’est un droit complexe et polémique. Les pays dualistes* sont déjà peu tentés par le droit international. Si de plus ils sont sceptiques quant aux enjeux environnementaux, alors on comprend la situation difficile du droit international de l’Environnement.
Malgré ce double frein, le droit international de l’Environnement est très prolifique : plus de 2500 conventions ont été signées à ce jour dont environ 300 multilatérales. Ces conventions s’intéressent à toutes les matières du droit de l’Environnement et la protection de la biodiversité y tient une place importante.
Généralement, ces conventions sont classées en deux catégories : les conventions régionales et les conventions mondiales. Les premières auront pour objet la protection locale d’un patrimoine naturel commun à plusieurs Etats : la Convention Alpine de 1991 par exemple a été ratifiée par l’Allemagne, l’Autriche, la France, l’Italie, le Liechtenstein, la Suisse, la Slovénie et l’Union européenne (http://www.alpconv.org/home/index_fr). Les secondes ont un objet beaucoup plus global : la Convention MARPOL (MARine POLlution) de 1973 et 1978, ou Convention internationale sur la Prévention des Pollutions par les Navires, réglemente le transport par les navires des produits polluants, comme les hydrocarbures, et met en place un fond de garantie disponible en cas d’accident type « marée noire ». 150 pays représentant 98% du tonnage mondial ont ratifié la convention MARPOL (http://www.imo.org/About/Conventions/StatusOfConventions/Documents/Status%20-%202011.pdf).
La naissance de la protection internationale de la Nature
La première grande convention internationale sur la protection de la Nature date du 19 mars 1902 et fut signée à Paris pour « la protection des oiseaux utiles à l’agriculture » (http://www.admin.ch/ch/f/rs/i9/0.922.71.fr.pdf) par neuf pays dont la France. Elle pose les premières règles internationales concernant la protection des oiseaux :
« Article Premier : Les oiseaux utiles à l’agriculture (…) jouiront d’une protection absolue, de façon qu’il soit interdit de les tuer en tout temps et de quelque manière que ce soit, d’en détruire les nids, oeufs et couvées. »
Alexandre Kiss (2004) critique l’aspect utilitariste de cette Convention :
« Depuis cette date, de grands progrès ont été faits, non seulement par l’abandon du point de vue strictement utilitaire (…), mais aussi en ce qui concerne les techniques de conservation. La protection des habitats est devenue un élément essentiel de la conservation et celles des oiseaux migrateurs occupe une place importante dans la désignation des zones protégées » (Kiss & Beurier, 2004).
Les Etats se sont ensuite tournés vers un droit centré sur la conservation d’espèces et de milieux en danger de disparition. La mise « sous cloche » de la Nature va devenir la norme du raisonnement juridique : il existera alors, en théorie et au plan juridique, d’un côté des espèces et des écosystèmes communs exploitables sans restriction, et de l’autre des espèces et des écosystèmes rares qui devront être isolés de toute activité humaine – une distinction aujourd’hui peu souhaitable ni cohérente au plan écologique.
Les grands traités internationaux sur la protection de la Nature
Une liste chronologique des traités multilatéraux en matière de droit de l’Environnement est disponible sur le site du Ministère des Affaires Etrangères : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/spip.php?page=article_imprim&id_article=4378.
Il faut tout d’abord retenir le congrès international sur la protection de la nature à Paris en 1923 car il débouche sur la signature de la Convention relative à la Conservation de la Faune et de la Flore à l’état naturel à Londres en 1933. C’est la naissance des notions « d’espèces menacées d’extinction » et « de réserves naturelles intégrales ».
La création de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) en 1948 à Fontainebleau sous l’impulsion de la France a été le véritable acte de naissance du droit international de l’Environnement en matière de protection de la Nature. Aujourd’hui l’UICN compte plus de 900 membres dont 74 Etats, 105 agences gouvernementales et plus de 700 ONG. Elle a plus de 1 000 employés et un réseau de 8 000 experts à travers le monde. Elle publie depuis 1963 une liste rouge des espèces protégées.
Les années 70 ont connu la naissance de l’écologie politique. En France, le mouvement fut emmené par le professeur René Dumont, et le néologisme « environnement » créé à partir du verbe « environner ». C’est une période où les premières grandes lois environnementales assumées comme telles sont votées, comme en France les lois sur la Protection de la Nature et sur les Installations Classées pour la Protection de l’Environnement de 1976. Ce mouvement environnementaliste est mondial et de nombreuses conventions internationales très importantes seront signées durant cette décennie, marquée dès 1972 par le premier Sommet de la Terre à Stockholm, durant lequel le « développement durable » est mis à l’honneur pour la première fois.
La Convention concernant la Protection du Patrimoine mondial culturel et naturel de l’UNESCO est signée en 1972. En 2011, les sites naturels inscrits au Patrimoine Mondial de l’Humanité sont au nombre de 183 (20% des sites). La Convention sur le Commerce international des Espèces de Faune et de Flore sauvages menacée d’Extinction (CITES) est signée en 1973 à Washington : elle interdit le commerce de certains animaux et de leurs produits ou l’encadre très strictement. En 1979, la Convention de Bonn sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage est signée. Au final, entre 1970 et 1980, 15 des plus importantes conventions internationales concernant la biodiversité sont adoptées sur les 35 listées par A. Kiss et adoptées entre 1900 et 2005.
Enfin, le premier Sommet de la Terre n’est pas resté sans suite puisqu’il a désormais lieu tous les 10 ans : en 1982 à Nairobi et en 1992 à Rio. Ce sommet de Rio a été très important pour le droit pour la biodiversité puisque la Convention sur la Diversité biologique (CBD) y a été adoptée (http://www.cbd.int/doc/legal/cbd-fr.pdf). Cette convention a trois buts principaux :
- (a) La conservation de la diversité biologique,
- (b) L’utilisation durable de ses éléments,
- (c) Le partage juste et équitable des avantages découlant de l’exploitation des ressources génétiques.
L’année 2010 est désignée comme l’année de la Biodiversité et le monde se fixe pour objectif d’arrêter l’érosion de la Biodiversité à cette date au plus tard (date repoussée depuis). Aujourd’hui 189 pays ont ratifié la convention dont la France (http://www.cbd.int). Une déclaration ambitieuse a aussi été adoptée et énonce 27 principes nécessaires au développement durable avec notamment :
« PRINCIPE 1 :
Les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable. Ils ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature ».
[…]
« PRINCIPE 4 :
Pour parvenir à un développement durable, la protection de l’environnement doit faire partie intégrante du processus de développement et ne peut être considérée isolément ».
L’intégralité du texte de la Déclaration de Rio est disponible sur le site des Nations Unies : http://www.un.org/french/events/rio92/rio-fp.htm. Après Johannesburg en 2002, ce sera de nouveau à Rio de Janeiro et pour les 20 ans de la CBD que se tiendra le Sommet de la Terre en juin 2012.
L’intégration de la protection des espèces au droit international général
Les sommets de Stockholm et Rio ont été les conférences fondatrices du développement durable et d’un droit international de l’environnement globalisé. Jusque là, la protection de la nature concernait les espèces en voie d’extinction et les sites remarquable à conserver. Le droit de l’Environnement pouvait servir d’alibi aux Etats en matière de politiques écologiques : il est relativement facile de s’engager à protéger une espèce ou une zone spécifique par rapport à l’adoption d’une politique environnementaliste plus générale et globale. Avec le développement durable, l’idée d’intégrer les enjeux de la protection de la nature à l’ensemble du processus décisionnel à l’origine de l’organisation des activités humaines fait son chemin. Il est désormais nécessaire d’associer développement économique et respect de l’Environnement. Le droit international de l’Environnement doit sortir de sa « bulle » pour s’intégrer à des conventions non environnementalistes.
Ainsi, en 1991, le GATT (Global Assessment of Tarifs and Trades) a établi un groupe de travail sur l’environnement et le commerce international. L’article XX de l’accord instituant l’Organisation Mondial du Commerce (OMC) en 1994 dispose :
« Sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce international, rien dans le présent Accord ne sera interprété comme empêchant l’adoption ou l’application par toute partie contractante de mesures (…) :
b) Nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux ; (…)
g) Se rapportant à la conservation des ressources naturelles épuisables, si de telles mesures sont appliquées conjointement avec des restrictions à la production ou à la consommation nationales, (…) »
L’interprétation de cet article par l’organe d’appel de l’OMC (juridiction de dernier ressort de l’organisation) est très stricte. Ainsi les Etats-Unis ont été déboutés lors de deux affaires de restriction aux importations pour cause de non respect de leur loi relative à la protection de la biodiversité :
– L’affaire des dauphins et du thon à nageoires jaunes (http://www.wto.org/english/tratop_e/envir_e/edis04_e.htm) : en 1991, les USA avaient interdit l’importation de thons des pays qui ne limitaient pas le taux de capture accidentel de dauphins à 1,25 fois le taux de capture des thoniers américains soumis à une loi restrictive en terme de filets. L’organe d’appel de l’OMC avait jugé que de telles entraves au commerce ne se justifiaient pas au regard de l’article XX du protocole.
– L’affaire des tortues et des crevettes (http://www.wto.org/english/tratop_e/envir_e/edis08_e.htm) : dans cette deuxième affaire, en 1998, les USA avaient interdit l’importation de crevettes des pays n’utilisant pas des filets équipés de nasses permettant aux tortues protégées (par la Convention CITES) de s’échapper. L’organe d’appel de l’OMC a de nouveau débouté les Etats-Unis, non plus sur le fondement de l’article XX, mais sur le fait que de telles interdictions devaient être imposées d’une manière non discriminatoire entre les Etats parties à l’OMC.
Finalement, en 2002, revenant sur son interprétation donnée à l’article XX, l’OMC a communiqué sur le fait que, sous réserve que les mesures de restriction aux importations envisagées ne soient pas appliquées de manière à constituer un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiée entre les pays où les mêmes conditions existent, rien ne sera interprété alors comme empêchant l’adoption ou l’application de mesures déterminées encourageant la protection de l’environnement.
La protection de la Nature ne peut donc pas servir de prétexte à un protectionnisme d’opportunité mais peut désormais être intégrée aux politiques commerciales des Etats membres de l’OMC pourvu qu’elle soit mise en place de manière équitable et efficace. C’est là une évolution majeure dans l’histoire du droit international de l’Environnement, qui arrive à sortir de son isolement pour s’intégrer à d’autres branches du droit.
Conclusion
Dans un système juridique international complexe et difficile, la protection de la biodiversité a réussi à provoquer un consensus international rare autour de ses enjeux. Peu de domaines juridiques ont été aussi prolifiques en nombre de conventions internationales et d’Etats parties à celles-ci.
Il convient néanmoins d’y apporter quelques réserves : ce droit international de l’Environnement « primitif », issu de la naissance de l’écologie politique dans années 70, est centré principalement sur la conservation de la Nature. Il s’agissait de confiner des écosystèmes fragiles ou rares dans des espaces protégés et de dresser des listes d’espèces en voie d’extinction pour les protéger. Ces mesures sont bien sûres importantes mais relativement faciles à mettre en place et peu coûteuses. En revanche, les politiques globales de protection de l’Environnement n’ont pas trouvé de leur côté un écho international suffisant : les Etats sont prêts à protéger une espèce emblématique mais sont beaucoup plus réservés quant à l’adoption de politiques générales de préservation de la biodiversité. Les écosystèmes anthropisés et les espèces communes sont les laissés pour compte de ce droit international de l’Environnement. Faudra-il attendre que les abeilles soient en voie d’extinction pour que les Etats commencent à se préoccuper de leur sort ? Il sera alors peut-être déjà trop tard et les conséquences sur notre environnement seront alors irréversibles. Il en est de même pour le réchauffement climatique : quel sera l’intérêt de la construction des parcs naturels ou quels seront les effets des traités sur les oiseaux migrateurs si nous sommes incapables de réguler nos émissions de CO2 pour maintenir les équilibres globaux ?
Sur ces questions, le droit international de l’Environnement s’efface devant les intérêts particuliers des Etats. Le consensus international est difficile à trouver et les Etats qui s’engagent se trouvent en difficulté à cause des coûts engendrés par la mise en place de politiques environnementales globales. Ces Etats sont alors tentés par le protectionnisme afin de se protéger contre les importations venant de pays aux politiques plus libérales en matière d’environnement et non signataires d’accords internationaux sur le sujet. Le cadre juridique d’exceptions environnementales au libre échange reste encore totalement à construire notamment à l’OMC.
Petit lexique juridique :
Biodiversité : Variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes (Art. 2 CDB, Rio 1992).
Conventionalité : Contrôle exercé par un juge entre un acte juridique législatif (…) et un engagement international. L’expression désigne également le rapport de compatibilité entre un acte législatif (…) et une norme internationale (Cabrillac R., 2008).
Dualisme, ou système dualiste : Le dualisme interdit l’applicabilité immédiate du droit international au droit interne (national). Les normes juridiques internationales n’acquièrent de force juridique que par une transposition en droit interne. En conséquence, une simple loi postérieure et contraire annule les effets de la transposition et l’applicabilité de la norme juridique internationale. Exemples : Etats-Unis d’Amérique et Grande-Bretagne.
Monisme, ou système moniste : Le monisme permet une applicabilité immédiate du droit international au droit interne. Les règles de droit international s’appliquent aux juridictions nationales et la transposition en droit interne n’est pas nécessaire. Un magistrat peut alors écarter une norme interne, même postérieure, qui rentre en contradiction avec une norme internationale. Il y a donc un contrôle dit de « conventionalité » faite par le juge pour vérifier la compatibilité de la norme interne avec la norme internationale. Ex : France et Allemagne.
Ratification : Approbation solennelle d’une convention internationale par le chef de l’Etat ou par l’organe parlementaire qui se traduit par l’échange des lettres de ratification avec l’autre partie ou bien par le dépôt de l’acte de ratification devant une institution dépositaire (Cabrillac, 2008).
Traité : Accord de volonté conclu entre deux ou plusieurs sujets de droit international et destiné à produire les effets qu’en attendent ses auteurs (Traité de Vienne 1969).
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Bibliographie
Cabrillac R., 2008. Dictionnaire du vocabulaire juridique, Litec.
Kiss A. & J.-P. Beurier, 2004, Droit international de l’Environnement, page 336, Pedone.
Paul R., 2002. « A Court of No Authority » Ron Paul’s Texas Straight Talk: A Weekly Column.
Pour en savoir plus :
M. Prieur, 2011 Droit de l’Environnement, Dalloz.
A. Kiss & J.-P. Beurier, 2004. Droit international de l’Environnement, Pedone.
R. Romi, 2010. Droit international et européen de l’Environnement, Montchrestien.
Liste des principales Conventions internationales sur la protection de la Biodiversité
Paris 1902 Convention pour la protection des oiseaux utiles à l’Agriculture
Washington 1911 Traité relatif à la préservation et à la protection des phoques à fourrure
Londres 1933 Convention relative à la conservation de la faune et de la flore à l’état naturel
Washington 1940 Convention relative à la conservation de la faune, de la flore et des beautés panoramiques naturelles des pays de l’Amérique
Washington 1946 Convention internationale pour la réglementation de la chasse et de la baleine
Paris 1950 Convention internationale pour la protection des oiseaux
Bruxelles 1964 Mesures convenues pour la préservation de la faune et de la flore de l’Antarctique
Alger 1968 Convention africaine sur la conservation de la nature et des réserves naturelles
Ramsar 1971 Convention relative aux zones humides d’importance internationale, particulièrement comme habitat des oiseaux d’eau
Stockholm 1972 Déclaration de la conférence des Nations Unies sur l’Environnement
Londres 1972 Convention pour la protection des phoques de l’antarctique
Paris 1972 Convention Concernant la Protection de l’Héritage Culturel et Naturel Mondial de l’UNESCO
Washington 1973 Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvage menacée d’extinction (CITES)
Bonn 1979 Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage
Berne 1979 Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe
Lima 1979 Convention sur la conservation et la gestion de la vigogne
Camberra 1980 Convention sur la conservation de la faune et de la flore de l’Antarctique
New York 1992 Charte mondiale de la Nature
Kuala Lumpur 1985 Accords de l’ASEAN sur la conservation de la Nature et des ressources naturelles
Kingston 1990 Protocole sur les zones et la vie sauvages de la région des Caraïbes
Londres 1991 Accord sur la conservation des chauves-souris en Europe
Rio 1992 Convention sur la diversité biologique
Rio 1992 Déclaration de Rio sur l’Environnement et le Développement
Genève 1994 Accord international sur les bois tropicaux
Barcelone 1995 Protocole relatif aux aires spécialement protégées et à l diversité biologique en Méditerranée
La Haye 1995 Accord sur la conservation des oiseaux d’eau migrateurs d’Afrique-Eurasie
Caracas 1996 Convention inter-américaine pour la protection et la conservation des tortues de mer
Montréal 2000 Protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques
Camberra 2001 Accord sur la conservation des albatros et des pétrels
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Article édité et mis en ligne par Anne Teyssèdre
Merci pour cet article sur le droit international de l’environnement. Il est éclairant – en tout cas pour une étudiante en agro comme moi – sur bien des points. J’aimerais revenir sur deux choses.
Tout d’abord, j’ai du mal à voir en quoi les déclarations de l’OMC de 2002 diffèrent du texte original de l’article XX de l’accord fondateur de 1994, que vous citez. Dans les deux cas, il est bien question de ne pas opposer les principes de l’OMC aux mesures environnementales, sous réserve que lesdites mesures ne nuisent pas trop au commerce international, de manière inéquitable ou injustifiable entre pays membres de l’organisation. Est-ce que la communication de l’organe d’appel indique un changement d’interprétation des textes ?
Par ailleurs, et pour rebondir sur l’OMC, il s’agit d’une organisation à laquelle il est très intéressant d’appartenir pour les États, et qui a donc un pouvoir contraignant sur ses membres. La plus haute sanction étant la sortie de l’accord pour le contrevenant. En revanche, en ce qui concerne le droit environnemental international, il ne coûte généralement rien aux signataires d’un traité de ne pas le respecter. Ainsi, le Canada est sorti du protocole de Kyoto, sans grande conséquence diplomatique ou économique. Peut-on imaginer un droit mondial de l’environnement qui ne soit pas seulement un accord de principe, mais un cadre réglementaire contraignant ?
Bonjour,
Merci pour votre commentaire très intéressant et pertinent. Tout d’abord, concernant votre première question, L’OMC ne change effectivement pas de position. L’organisation dit juste qu’elle sera désormais davantage disposée à évaluer la légalité des mesures environnementales si celles-ci ne sont pas « appliquées de manière à constituer un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiée entre les pays ». Il s’agit donc plus d’un ajustement interprétatif qui entrouvre la porte à une application moins sévère de l’article XX pourvu que les mesures soient « équitables et efficaces ». Cela n’était pas le cas avant puisque l’OMC avait tendance à se concentrer uniquement sur la barrière douanière créée par la-dite mesure sans réellement se pencher sur ses résultats environnementaux.
Votre deuxième question est très difficile et elle remet en cause la notion même d’Etat qui est sujet complexe et sensible. Un Etat ne peut se construire sans souveraineté et lorsque celle-ci est mise à mal, nous voyons des réactions très virulentes des populations (et ce même dans les pays les plus avancés en terme de reconnaissance du droit international, cf. la crise de la dette en France qui met en péril notre « souveraineté économique »).
Si l’on passe ce premier problème politico-philosophique, se dresse alors un obstacle technique non moins difficile à surmonter, celui de la « violence légitime » au niveau international : si l’on veut limiter la souveraineté des Etats et leur imposer des règles, encore faut-il en avoir les moyens ! La règle de droit s’impose aux administrés au sein de l’Etat car celui dispose du « monopole de la violence légitime » (police, gendarmerie, armée, etc.) prêt à seconder efficacement la machine judiciaire. Il n’y a pas de telle force au niveau international ! Il y a bien des missions onusiennes mais elles suscitent toujours la polémique et elles sont souvent violemment critiquées : Kosovo, Rwanda, Afghanistan, Lybie, etc. De plus les Etats sont profondément inégaux face à cette force en fonction de leur poids diplomatique et militaire.
Enfin, même sans aller jusqu’à recourir à la force, des sanctions comme l’exclusion de certains Etats auraient des effets dévastateurs : l’OMC survivrait-elle à l’exclusion des USA ? De L’UE ou de la Chine ? Rien n’est moins sûr…
Pour aller plus loin dans votre réflexion sur ce sujet difficile, je vous recommande ce livre : International Law & the Use of Force de Anthony Clark Arend et Robert J. Beck (http://wwwamazon.com/International-Law-Use-Force-Paradigm/dp/041509304X).
Merci pour cet article intéressant,
Dans votre conclusion vous dites que les espèces communes sont en gros laissées pour compte et vous prenez l’exemple des abeilles. Mais de très nombreuses espèces plus que communes sont protégées à l’échelle nationale et bénéficient du régime de protection le plus strict qu’il soit à savoir, interdiction de détruire les habitats de ces espèces, les individus et même de les perturber intentionnellement !! Cette dernière notion n’a d’ailleurs aucun sens puisque selon la loi si vous faites peur à un lézard des murailles simplement en marchant, vous êtes pénalement répréhensible ce qui est totalement absurde.
Bref, des espèces comme le Moineau domestique, le Rougegorge, le Lézard vert, l’Ecureuil roux, la Mésange charbonnière, etc., qui sont souvent ubiquistes voire anthropophiles pour certaines, bénéficient de la même protection que le Râle des genêts, l’Ours brun, le Loup ou la Grande Mulette.
Lorsque des porteurs de projet souhaitent réaliser des aménagements relativement simples dans des espaces ne présentant aucune sensibilité particulière vis-à-vis de la faune et de la flore, ils sont souvent bloqués à cause d’espèces protégées communes. Et ils doivent engager des procédures longues, coûteuses, réaliser des mesures compensatoires parfois alors que cela n’a aucune justification scientifique.
La législation pour les espèces est une bonne chose mais pas si elle est rédigée par des personnes qui n’ont aucune connaissance naturaliste et écologique.
Bonjour,
En réaction au commentaire de Matthieu Esline : Les espèces communes se portent mal. Les oiseaux communs régressent dans tous les pays de l’O.C.D.E. et il en va probablement de même pour les insectes pollinisateurs. Ces régressions sont inquiétantes parce que les espèces communes exercent dans les écosystèmes des fonctions de régulation très importantes pour les sociétés : contrôle biologique des insectes ravageurs des cultures et des forêts, dispersion des graines, pollinisation des plantes sauvages et cultivées… et, pour la flore commune : stockage du carbone, purification des eaux, régulation du climat… Par conséquent, la protection de ces espèces est nécessaire, ce qui justifie ces lois.
Par ailleurs, remarquons qu’inquiéter un lézard en marchant à proximité n’est généralement pas intentionnel – sauf si cela se passe dans une zone où la promenade est prohibée – et ne devrait donc pas tomber sous le coup de la loi, qui n’est donc pas si absurde.
Bonjour,
Pour vous informer sur la diversité des « services » écologiques rendus aux sociétés par les communautés et réseaux d’espèces communes (et moins communes), qui conditionnent le fonctionnement des écosystèmes et socioécosystèmes, ainsi que sur le déclin actuel de ces communautés et de ces services et sur l’ampleur des enjeux associés, je vous conseille ces deux livres (scientifiques) :
– Nature’ s Services – Societal Dependence on Natural Ecosystems, G. Daily (Ed.), 1997, Island Press, Washington D.C.
– Ecosystems and Human well-being : Synthesis. Millenium Ecosystem Assessment, 2005, Island Press, Washington D.C..
Je vous renvoie également à divers « regards » sur ces sujets en ligne sur cette plateforme depuis septembre 2010 : ceux de R. Barbault sur la biodiversité (R1), de N. Mouquet et al. sur le rôle de la diversité des espèces dans le fonctionnement des écosystèmes (R3), de moi-même sur la notion de service écosystémique (R4), de C. CIbien et M. Atramentowicz sur le programme MAB et les réserves de biosphère (R7), d’Anne-Caroline Prévot-Julliard et al. sur les quatre ‘R’ de la conservation (R14), de J. Clavel et L. Fel sur les esthétiques de la nature (R19), de R. Julliard et F. Jiguet sur la réponse des oiseaux communs au changement climatique mondial (R22), de T. Doré sur l’importance des interactions biologiques en agriculture (R24), …
Bonjour,
L’auteur affirme que les Etats ont jusqu’à présent privilégié la protection d’espèces emblématiques et d’espaces remarquables, par rapport à celle des écosystèmes et de la biodiversité dans son ensemble. Pourtant, d’après les interventions ci-dessus, il semble que les espèces communes sont également protégées par la loi. J’aimerais savoir en quoi leur protection diffère de celle des espèces rares ou menacées.
D’autre part, selon Denis Couvet, la protection des espèces communes est un moyen de préserver le fonctionnement des écosystèmes. Cela ne suffit-il pas à protéger la biodiversité dans son ensemble ? Et pourquoi ne pas adopter une protection plus directe des écosystèmes ?
Bonjour,
Il s’agit avant tout d’un article sur le droit international de la Biodiversité. Il n’était donc nullement question d’aborder telle ou telle mesure législative ou réglementaire prise à l’échelon national. Il s’agissait de s’intéresser uniquement aux conventions et aux traités sur le sujet. Droit international et droit interne sont très différents et leur inter-relation dépend du régime juridique adopté par les Etats (cf. monisme V. dualisme). Les règles juridiques françaises sont peut-être plus ambitieuses que celles du droit international, elles ne sont pas pour autant la norme internationale ou encore un modèle pour d’autres Etats.
Sur le fond, la protection des espèces communes en France reste, à mon sens, très insuffisante. Ces espèces, lorsqu’elles sont protégées, le sont indirectement : soit parce qu’elles constituent un habitat pour une espèce rare, soit qu’elles sont présentes dans une zone protégée comme un Parc Naturel ou une zone Natura 2000, ou soit qu’elles sont soumis à des quotas de prélèvement car elles ont une valeur économique (aussi bien pour la chasse que pour l’exploitation forestière par exemple), etc.
Les espèces protégées ont quant à elles un régime de protection bien défini au Livre IV du Code de l’Environnement, Titre Ier « Protection du Patrimoine Naturel », articles L. 411-1 et suivants. Les espèces protégées sont inscrites sur des listes qui permettent la mise en place de mesures de conservation (interdiction de prélèvement, de destruction, de commerce, etc.). Le juge est cependant très réticent à punir les infractions à cette législation : je n’ai par jamais vu de sanctions pénales pour « avoir fait peur à un lézard des murailles » ou pour une autre espèce. Même le chasseur qui a abattu Cannelle, l’un des derniers ours bruns des Pyrénées, a été relaxé par le tribunal malgré l’immense vague d’indignation dans l’opinion publique nationale (http://www.lexpress.fr/actualite/societe/ourse-cannelle-le-chasseur-relaxe_472221.html).
Désolée de réagir un peu tardivement mais dire que le droit international se limite à la conservation des écosystèmes fragiles et à des espèces menacées me parait quelque peu réducteur. La convention sur la diversité biologique va bien au dela dans ses préconisations (voir les targets Aïchi adoptés en 2010 http://www.cbd.int/sp/targets/); Cela a entrainé l’élaboration de stratégies telles que :
– la stratégie européenne (http://biodiversity.europa.eu/policy/eu-biodiversity-strategy)
– la stratégie française (http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/SNB_2011-2020WEB.pdf)
On est bien d’accord que tout reste à faire en termes de volonté politique. La notion de services écologiques semble soulever un plus grand intérêt mais également beaucoup d’interrogations, sera-t-elle plus efficace qu’un système de protection stricte qui a forcément ses limites?
Bonjour,
Merci pour votre commentaire. Evidement, il n’est pas question de dire que toutes les conventions sont tournées de manière exclusive vers la conservation des écosystèmes fragiles et des espèces menacées. Il était davantage question de parler de l’articulation entre le Droit international et la Biodiversité. Souvent, la biodiversité fait l’objet de conventions particulières et ne sont pas intégrées à de grands ensembles (comme l’OMC, la FAO, etc.), et souvent elles se concentrent sur un écosystème particulier ou une espèce particulière.
Mon propos n’est pas discuter les détails de ces conventions mais de dire que ces conventions « spéciales » remportent un succès certain parce qu’elles sont peu contraignantes : coût financier limité, communication maximale, politiquement correct… Et lorsque qu’un Etat viole ce genre de convention, comme le Japon avec la Convention Baleinière Internationale, « on s’indigne », « on proteste », et surtout « on en reste là »… Donc risque nul !
En revanche, lorsque des conventions sont plus ambitieuses comme celle que vous citez et que j’ai aussi mentionnée dans l’article, la Convention sur la Diversité Biologique, alors il ne faut pas avoir un regard trop franco ou europeo-centré. Nous avons une culture de Droit international forte sur le Vieux Continent héritée d’une histoire douloureuse qui nous a forcé à le considérer. Ce n’est pas le cas dans le reste du monde, loin de là. Il faudra donc voir comment ces stratégies pour la biodiversité seront appliquées au sein des états parties à la Convention.
Sur ce point précis, il est intéressant de noter que les USA n’ont toujours pas ratifié la CDB. Il s’agit, à mon sens, d’une donnée importante : que la première puissance refuse de s’engager pour la Biodiversité n’est pas neutre.
Enfin, quand bien même 193 Etats sont désormais parties à la CDB, que se passerait-il si quelques uns ne prenaient pas de stratégies pour la biodiversité, ou n’appliquait pas ces stratégies ? L’Etat dissident pourrait être suspendu : quel intérêt ? Il pourrait aussi se retirer de la convention de son propre chef, comme le Canada l’a fait pour Kyoto récemment, et que ferions-nous ? Le refrain habituel : protestation, indignation, etc. Et puis voilà…
D’où l’idée d’intégrer la protection de la Biodiversité à des conventions plus globales. Et tel est bien mon propos : si vous êtes partie à une convention 100% biodiversité et que vous vous retirez… Pas de sanctions possibles, donc pas d’effectivité assurée, et coût du retrait presque nul (sauf quelques problèmes de « com » à gérer). Maintenant, si la protection de la Biodiversité est intégrée, par exemple à l’OMC, alors il existerait des sanctions dissuasives en cas de non respect des engagements pris : taxes douanières, amendes, etc. Un retrait volontaire deviendrait impossible : Quel Etat mettrait en danger son commerce extérieur à cause de la protection de la biodiversité ? Aucun ! Le coût économique serait bien trop important. Une procédure d’exclusion, elle, serait l’arme de dissuasion forte pour obliger un Etat à tenir ses engagements en matière de protection de la biodiversité.
Evidement, un outil global comme celui-ci n’existe pas et beaucoup d’Etats, pour ne pas dire la majorité, s’opposeraient à la mise en place de ce type de Droit international contraignant et effectif pour la protection de la biodiversité.