La Société Française d’Ecologie (SFE) vous propose ce regard d’Anne Teyssèdre, écologue et médiatrice scientifique, et Denis Couvet, Professeur au Muséum National d’Histoire Naturelle, sur les sciences participatives et la biodiversité
MERCI DE PARTICIPER à ces regards et débats sur la biodiversité en postant vos commentaires après cet article. Les auteurs vous répondront et une synthèse des contributions sera ajoutée après chaque article.
Biodiversité et science participative,
de la recherche à la gestion des écosystèmes
Anne Teyssèdre(1) et Denis Couvet(2)
(1) : Ecologue et médiatrice scientifique, Correspondante du Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN) (http://anne.teyssedre.free.fr)
(2) : Professeur d’Ecologie et Directeur du CERSP au Muséum National d’Histoire Naturelle
( Fichier PDF )
Regard R11, édité par Anne-Caroline Prévot-Julliard
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Mots clés : science participative, biodiversité, méthodes et outils, sociétés, observatoires citoyens, indicateurs, modèles et scénarios, préservation de la biodiversité, relation Homme-Nature, socioécosystèmes, gestion – gouvernance.
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Pour freiner l’érosion actuelle de la biodiversité, liée à l’expansion démographique et technologique rapide de notre espèce, les pays signataires de la Convention sur la Diversité Biologique (CBD) en 1992 se sont notamment engagés à identifier, suivre et analyser la dynamique des composantes de la biodiversité importantes pour sa préservation et son utilisation durable, ainsi que les processus et activités impliqués dans les changements de ces composantes [1]. Ils se sont aussi engagés à intégrer la gestion de la biodiversité dans celle des différents grands secteurs socio-économiques, à promouvoir la compréhension par le grand public des mesures environnementales, économiques et sociales nécessaires au maintien de la biodiversité à grande échelle spatiale et à soutenir les populations locales dans leur lutte contre la dégradation des écosystèmes dont elles dépendent [2].
Définie comme la collaboration entre une équipe de chercheurs et un vaste réseau d’observateurs ou d’expérimentateurs bénévoles, oeuvrant sur des thématiques de recherche variées, la science participative pourrait – par son mode de fonctionnement, la puissance de ses analyses, la pertinence sociale de ses synthèses et l’étendue potentielle de son domaine d’action – largement contribuer à la réalisation de ces grands objectifs.
Science participative et exploration des écosystèmes
Pour suivre et analyser les changements actuels dans la structure et le fonctionnement des écosystèmes, ou encore l’impact de différentes pratiques, la science participative peut être très utile par la mise en œuvre d’observatoires citoyens ou d’expériences collectives sur la biodiversité, l’analyse pluridisciplinaire des résultats, et enfin leur synthèse et leur restitution sous forme d’indicateurs et de scénarios de biodiversité [3,4].
Observatoires citoyens de biodiversité
Les observatoires citoyens résultent de la collaboration entre une équipe de chercheurs et un réseau d’observateurs bénévoles. Les premiers élaborent des protocoles d’observation simples et standardisés, idéalement (mais pas toujours, cf. [5]) en concertation avec les observateurs, recueillent et analysent les données dans le temps et dans l’espace, et enfin restituent les résultats aux observateurs et à la communauté scientifique. Les seconds collectent les observations ponctuelles et s’intéressent aux résultats des analyses. Dans les observatoires citoyens les plus aboutis, ils peuvent aussi discuter les protocoles et suggérer aux chercheurs de nouvelles pistes de recherche. Enfin, ils peuvent communiquer à leur entourage les principaux résultats et en tenir compte dans leurs activités individuelles ou/et collectives [3, 5, 6].
Mis en œuvre à vaste échelle spatiale, dans différents milieux confrontés à une grande diversité de conditions locales, ces observatoires citoyens ont l’avantage de pouvoir mobiliser de nombreux observateurs pour suivre la dynamique de la biodiversité et explorer les corrélations entre variables biologiques et physiques (abiotiques) collectées sur un grand nombre de sites. Ils permettent ainsi de réaliser des suivis dits « extensifs » de biodiversité, nécessaires pour mettre en évidence et analyser en profondeur les transformations des peuplements et communautés vivantes en réponse aux pressions directes (ex : pratiques agricoles, changement d’usage des terres) et indirectes (ex: changement climatique) exercées par les sociétés, à différentes échelles spatiales.
Pour que les analyses spatiales et temporelles aient un sens, il faut bien sûr que les variables choisies soient porteuses d’information sur les conditions locales et sur l’état de la biodiversité ; mais il faut aussi que les données soient collectées selon un même protocole (‘standardisé’), simple et précis, respecté par l’ensemble des observateurs sur l’ensemble du territoire exploré et maintenu au fil des ans. La loi des grands nombres fait le reste : la puissance et la précision des analyses augmentent avec l’effectif des données, tandis que les incertitudes liées au hasard s’estompent [3].
Par les suivis extensifs de biodiversité qu’ils autorisent, les observatoires citoyens ont un rôle majeur à jouer dans les recherches actuelles en sciences de la conservation [3-6]. D’ores et déjà, la publication des résultats et analyses de suivis extensifs – et participatifs – d’oiseaux, d’insectes, de plantes et autres organismes dans des revues scientifiques internationales renommées confirme l’intérêt et la rigueur scientifique de ces recherches [7].
Ainsi, l’analyse de dizaines de millions de données de suivi temporel d’oiseaux communs (STOC pour la France), collectées depuis près de vingt ans dans quinze pays d’Europe, a permis aux chercheurs de montrer dès 2004 que les oiseaux les plus en déclin en Europe sont les espèces spécialistes de certains habitats, en particulier des habitats agricoles, ainsi que les espèces septentrionales [8,9] – individualisant les rôles de la dégradation des habitats et du changement climatique dans la dynamique actuelle des espèces communes.
Expérimentation participative
Certaines recherches en science participative impliquent un réseau non pas seulement d’observateurs mais d’expérimentateurs de terrain. Ainsi, une ample enquête agronomique conduite depuis dix ans au Malawi (Afrique centrale), impliquant près de mille agriculteurs « bénéficiant » d’une politique de soutien au maïs et aux engrais (subventionnés à 90%) depuis 2006, vient de montrer que la mise en rotation de cultures de maïs et de légumineuses annuelles et semi-pérennes est – non seulement moins défavorable à la biodiversité locale mais aussi – tout aussi productive et plus stable qu’une monoculture de maïs utilisant deux fois plus d’engrais [10].
Indicateurs et scénarios de biodiversité
Pour mieux appréhender, communiquer et tirer partie des résultats des suivis extensifs de biodiversité, les écologues tentent de les synthétiser sous forme « d’indicateurs de biodiversité », résumés d’information sur l’état moyen de la biodiversité dans certaines conditions (type d’habitat, protection, politique agricole…) à un instant donné, qui peuvent être suivis au fil des ans [11,12]. Mis en relation avec les différents facteurs de pression sur la biodiversité, et avec les réponses des sociétés, ces indicateurs sont de précieux outils d’analyse interdisciplinaire et de communication entre scientifiques – biologistes, économistes, anthropologues, sociologues… – et observateurs, ainsi que des outils de réflexion et de concertation pour les acteurs, décideurs et gestionnaires de la biodiversité [3, 13].
Pour reprendre l’exemple du suivi temporel des oiseaux communs, l’analyse des données a permis aux chercheurs européens de dériver un indicateur ‘Oiseaux Communs’ par habitat qui met en évidence le fort déclin actuel des espèces spécialistes des milieux agricoles en Europe de l’Ouest [9]. Cet indicateur de biodiversité a été adopté par la Communauté Européenne comme l’un de ses douze indicateurs majeurs de développement durable. Dans un deuxième temps, les chercheurs ont élaboré un indice de spécialisation des communautés (en l’occurrence d’oiseaux) à leurs habitats [14], puis ont montré que cet indice varie avec le degré de perturbation des habitats [15]: plus un habitat est perturbé ou fragmenté, plus les espèces et communautés d’oiseaux qui le peuplent sont généralistes. Moyennant une solide validation, l’indice de spécialisation des communautés pourrait donc être utilisé comme indicateur de qualité des habitats par les économistes de l’environnement, ONG, gestionnaires et décideurs.
L’identification des principaux facteurs agissant sur la dynamique des populations, des communautés et des écosystèmes permet en outre de construire des modèles mathématiques de fonctionnement de ces systèmes écologiques, en relation avec les sociétés. [Ces modèles sont dits PER, pour « Pression (des sociétés) – Etat (de la biodiversité) – Réponse (des sociétés) ».] Appliqués aux données sur l’état actuel de la biodiversité, recueillies notamment par les observatoires extensifs, ces modèles permettent de simuler la dynamique des socio-écosystèmes selon certaines hypothèses ou scénarios socio-économiques, c’est-à-dire de construire des « scénarios de biodiversité » (exemples : [16, 17] et voir un prochain ‘regard’ sur ce sujet).
Tout comme les indicateurs, les scénarios de biodiversité sont des outils d’analyse, de concertation et d’aide à la décision sur la gestion des écosystèmes et de la biodiversité. Leur utilisation par les chercheurs de différentes disciplines, en interaction plus ou moins étroite avec les observateurs, doit permettre d’élaborer et proposer des mesures, actions et politiques visant à préserver la biodiversité et les multiples ‘services écologiques’ que celle-ci rend aux sociétés ([3, 13, 16], et voir Regard n°4 sur cette plateforme).
Au total, si elle est bien conçue et bénéficie à tous, la collaboration entre chercheurs de différentes disciplines et observateurs ou expérimentateurs citoyens peut engendrer un ‘cercle vertueux’ des recherches en sciences de la conservation, illustré par le schéma ci-contre.
Science participative et gestion des écosystèmes
Le Millenium Ecosystem Assessment a confirmé en 2005 que les écosystèmes terrestres et marins sont massivement surexploités à l’échelle mondiale : les précieux ‘services’ écologiques qu’ils rendent aux humains se dégradent ou s’épuisent, au détriment tout à la fois de la biodiversité et des sociétés [16] (et voir le regard n°4 sur cette plateforme). Malgré les progrès constants des connaissances et l’engagement croissant des gouvernements en faveur de la biodiversité et du développement durable, le rythme d’érosion des populations, espèces et services écologiques ne faiblit pas, tandis que les pressions sur les écosystèmes augmentent [18].
Ce qui manque notamment, comme le soulignent Harold Mooney et Georgina Mace [19], c’est « un dialogue effectif entre information scientifique et mécanismes politiques, pour augmenter la vitesse et la clarté du flux d’information ». Il s’agit d’établir une communication qui prenne en compte la logique des acteurs, facilitant la gestion des biens communs [20]. Mais comment favoriser cette communication? Est-ce que la science participative peut activer l’application des résultats des recherches à la gestion des écosystèmes et à l’aménagement des territoires ?
Science participative et gestion des écosystèmes locaux
Pour répondre à cette question, Finn Dannielsen et al. [21] ont récemment analysé une centaine de publications sur des suivis de biodiversité, dont les données ont été collectées soit par des chercheurs (‘suivis de chercheurs’), soit par des observateurs locaux en relation avec une équipe de scientifiques (‘suivis participatifs’), en termes d’impact sur la prise de décision et les actions environnementales. Résultat de leur analyse : les deux types de suivis diffèrent nettement par le délai et l’échelle géographique de leur impact. Plus exactement, les suivis de chercheurs seuls ont un impact différé – de trois à neuf ans – sur les mesures et politiques régionales, nationales et internationales, tandis que les suivis participatifs ont un impact beaucoup plus rapide – moins d’un an – et à une autre échelle géographique : celle des décisions et actions locales et régionales.
Cette étude confirme le rôle clé des observatoires participatifs dans le dialogue entre science et gestion des écosystèmes, aux échelles locale et régionale. De même, les expériences d’agronomie ou autres sciences expérimentales participatives peuvent conduire à des applications directes en termes de gestion des agro-écosystèmes, potentiellement bénéfiques aussi pour la biodiversité.
Ainsi, dans l’expérience d’agronomie participative au Malawi citée plus haut, les chercheurs ont constaté que plus de 90% des agriculteurs concernés ont opté pour une agriculture combinant maïs et légumineuses – productive, stable et nécessitant peu d’engrais -, et ceci malgré les subventions élevés au maïs et aux engrais octroyées par le gouvernement [10] : il n’y a qu’un petit pas de l’expérimentation au choix de la pratique par les agriculteurs.
Reste à vérifier l’impact des actions entreprises sur l’état des écosystèmes locaux, au moyen de suivis de biodiversité. On peut alors revoir le cercle vertueux de la science participative évoqué plus haut en intégrant à ce cercle, non seulement les progrès des connaissances, mais leur application à la gestion des écosystèmes locaux et régionaux, selon le schéma ci-contre.
De la science participative à la culture citoyenne et aux politiques écologiques
La science participative favorise donc l’application des recherches à la gestion des écosystèmes locaux et régionaux. Mais les résultats sont-ils concluants ? Les socio-écosystèmes terrestres et aquatiques étant par construction ouverts et connectés entre eux, leur gestion durable à l’échelle locale et régionale a malheureusement ses limites. Dans un monde globalisé, leur préservation requiert une gestion coordonnée à plusieurs niveaux, des collectivités territoriales aux échelles nationales et internationales, impliquant des interactions ‘horizontales’ et ‘verticales’ entre institutions [22].
Mooney et Mace (op.cit.) soulignent que les politiques économiques et environnementales sont très en retard sur les progrès des connaissances en sciences de la conservation. Mais ces politiques sont décidées par des gouvernements qui, tout au moins dans les démocraties, sont choisis par des citoyens électeurs. Ces derniers pourraient contribuer à une gestion raisonnée et proactive (anticipatrice) des écosystèmes, à vaste échelle spatiale, en influant sur les politiques et mesures environnementales et sectorielles… à condition d’être informés des progrès des recherches en science de la conservation – et notamment des résultats et analyses des suivis de biodiversité, synthétisés sous forme d’indicateurs et de scénarios.
La science participative peut, dans ce cadre, favoriser la ‘reconnexion’ des observateurs (notamment citadins) avec la nature [23] et augmenter leurs connaissances en sciences de la conservation, nécessaires pour affronter la crise actuelle de biodiversité. Ses applications et son impact sur la gestion des écosystèmes devraient augmenter avec le nombre des participants, acteurs, gestionnaires et… électeurs. C’est là que les associations et ONG environnementales, souvent étroitement connectées aux observatoires citoyens et autres expériences de science participative, ainsi que les medias, enseignants et autres « communicants » bien informés ont un rôle important à jouer, de diffusion et confrontation des connaissances en sciences de la conservation. Par leur truchement, l’information et les échanges sur l’état de la biodiversité, le fonctionnement des écosystèmes, les enjeux liés à leur maintien et les stratégies et méthodes de préservation devraient toucher non seulement les acteurs locaux, mais aussi un grand nombre d’acteurs ‘globaux – citadins, agriculteurs, entrepreneurs.et électeurs – qui partagent la même biosphère et sont concernés par sa préservation, alors même que leurs valeurs et intérêts immédiats peuvent diverger [24].
En connectant des acteurs aux intérêts très différents, la science participative favorise leur connaissance réciproque et celle de leurs interactions avec la biodiversité, ce qui devrait leur permettre d’atteindre des compromis plus favorables dans la gestion des biens communs [20]. Dans cette optique, élargir le domaine de la science participative à l’ensemble des acteurs des sociétés devrait améliorer la gestion des ressources naturelles et de façon plus générale de la biodiversité, bien commun aux échelles régionales, nationales et internationales.
Le ‘cercle vertueux’ de la science participative s’insère alors dans un système plus vaste de culture citoyenne et participative, activant la prise en compte des progrès en science de la conservation dans les politiques environnementales et sectorielles aux échelles nationales et internationales (cf. schéma ci-contre).
Bibliographie :
1. Article 7 de la CBD (http://www.cbd.int/convention/ ; http://www.cbd.int/doc/handbook/cbd-hb-01-en.pdf )
2. Articles 10, 11 et 13 de la CBD, op.cit.
3. Couvet D., Jiguet F., Julliard R., Levrel H. & A. Teyssèdre, 2008. Enhancing citizen contributions to biodiversity science and public policy. Interdisciplinary Science Reviews, 33, 95–103.
4. Couvet D., F. Jiguet & R. Julliard, 2011. Extensive monitoring and community ecology. A paraître dans C. R. Acad. Sci. Biologie.
5. Cooper C.B. et al., 2007. Citizen science as a tool for conservation in residential ecosystems. Ecology and Society, 12, 11-21.
6. Devictor V. et al, 2010. Beyond scarcity: citizen science programmes as useful tools for conservation biogeography. Diversity Distrib. 16, 354-362.
7. Thomas J.A et al, 2004. Comparative losses of British butterflies, birds, and plants and the global extinction crisis. Science 303:1879–1881
8. Julliard R., Jiguet F. & D. Couvet, 2004. Common birds facing global changes: what makes a species at risk? Global Change Biology, 10, 148–154.
9. Gregory R., van Strien A. et al., 2005. Developing indicators for European birds. Phil. Trans. R. Soc. B, 360, 269-288.
10. Snapp S.S. et al., 2010. Biodiversity can support a greener revolution in Africa. P.N.A.S. 107 (48), 2840-2845.
11. Levrel H., 2007. Quels indicateurs pour la gestion de la biodiversité ? Cahier de l’IFB, octobre 2007, 96 pp.
12. De Heer M., Kapos V. & B.J.E. ten Brink, 2005. Biodiversity trends in Europe : development and testing of a species trend indicator for evaluating the progress towards the 2010 target. Phil. Trans. R. Soc. B 360 : 297-308.
13. Balmford A. et al, 2005. The Convention on Biological Diversity’s target. Science 307, 212-213.
14. Julliard R., Clavel J., Devictor V., Jiguet F. & Couvet D., 2006 : Spatial segregation of specialists and generalists in bird communities”. Ecology Letters 9 (12) : 1237-1244.
15. Devictor V., Julliard R., Clavel J., Jiguet F., Lee A. & D. Couvet, 2008. Functional biotic homogenization of bird communities in disturbed landscapes. Global Ecology and Biogeography, 17, 252–261.
16. Millennium Ecosystem Assessment, 2005. New York, Island Press.
17. Teyssèdre A. & D. Couvet, 2007. Expected impact of agriculture expansion on the world avifauna. C. R. Biologies 330, 2007 : 247-254.
18. Butchart S.H.M. et al., 2010. Global biodiversity indicators of recent decline. Science 328, 1164-1168.
19. Mooney H. & G. Mace, 2009. Biodiversity policy challenges. Science 325, 1474.
20. Ostrom, 2005, Understanding Institutional diversity, Princeton Univ. Press.
21. Danielsen F. et al., 2010. Environmental monitoring : The scale and speed of implementation varies according to the degree of people’s involvement. Journal of Applied Ecology 47, 1166-1168.
22. Berkes F., 2007. Community-based conservation in a globalized world. PNAS 104, 15188-15193.
23. Miller J.R., 2006. Restoration, reconciliation, and reconnecting with nature nearby. Biological Conservation, 127, 356–361.
24. Bourg D. et K. Whiteside, 2010. Vers une démocratie écologique – Le citoyen, le savant et le politique. Paris, Le Seuil.
Et pour en savoir plus (en français) :
– Site web de Vigie-Nature au MNHN : http://www2.mnhn.fr/vigie-nature/
– DVRrom ‘Quelle Nature voulons-nous ? Observatoires et conservation de la biodiversité’. Anne Teyssèdre, MNHN 2007. Distribution CNDP (Librairie en ligne).
– La Revue Durable n°39 : numéro spécial « Eloge de la biodiversité commune » (conseils éditoriaux Anne Teyssèdre).
– Ostrom E. 2010. La Gouvernance des biens communs : pour une nouvelle approche des ressources naturelles. Planète en jeu, de Boek.
Le nombre de projets de sciences participatives augmente.
Quelle perception avez vous de leur fonctionnement ?
Quelles sont les modes employés pour mettre en mouvement les participants ?
Existe t-il des liens entre ces initiatives? Sont elles fédérés et comment s’articulent t-elles ?
Vous semblent elles en adéquation avec les citoyens et si oui en quoi ?
Merci pour vos réponses
Certaines collectivités territoriales ont compris l’intérêt de la science participative et des rencontres chercheurs/citoyens. On pourra citer la Région Ile de France et ses projets PICRI (Programmes institutions/citoyens pour la recherche et l’Innovation), les débats lors des « mardis de l’eau » ou du Festival de l’Oh! organisés par le Conseil Général du Val de Marne par exemple. Toutes ces démarches permettent au citoyen de s’approprier les connaissances nécessaires à un jugement éclairé. Une fois ce pas franchi, des mouvements associatifs peuvent se mettre en place dans le but de peser sur les décisions locales. Les agendas 21 sont également une politique d’aménagement participatif du territoire, qui peut avoir un impact sur la biodiversité. La participation, qu’elle s’exerce en science ou dans d’autres domaines, semble une tendance émergente dans nos sociétés. Votre article montre les retombées positives de cette démarche, et comment le grand nombre de données minore le taux d’erreurs. Là où le spécialiste était seul il y a 25 ans, il peut s’appuyer sur un vaste réseau d’observateurs/exprimentateurs. C’est un tournant dans nos sociétés. Qu’en pensez-vous ?
Les projets de gestion participatives menés à l’échelle locale ou régionale sont en effet de plus en plus nombreux. Entrepris par des associations naturalistes, des collectivités locales ou impulsés et subventionnés par la Communauté européenne (Natura 2000), ils visent souvent à préserver ou restaurer des écosystèmes semi-naturels menacés par la pollution, la surexploitation ou les conflits d’usage. Ces projets peuvent conduire à des résultats positifs au plan local ou régional. Citons par exemple la ‘libération’ du cours de la Loire dans les années 2000, ou les multiples expériences de gestion adaptative conduites par le MAB dans les réserves de biosphère (cf. Regard 7 sur cette plateforme)..
En règle générale, ces projets de gestion adaptative locale ou régionale ont des objectifs et cibles bien circonscrits dans l’espace, et ne demandent pas à être associés à d’autres projets. En outre, les méthodes de mesure et de suivi de la biodiversité sur lesquels ils s’appuient sont généralement propres à chacun d’eux : leurs données peuvent difficilement être rassemblées dans des analyses à plus large échelle géographique.
Dans l’article ci-dessus, nous nous intéressons surtout aux projets de science participative à large échelle spatiale, dont les multiples données sont collectées selon un seul et même protocole sur l’ensemble du territoire exploré. Ces projets d’échelle nationale ou internationale sont encore peu nombreux. En France, il s’agit principalement des projets Vigie-Nature menés par le CERSP (cf. ref. à la fin de l’article). L’ensemble a été recensé par TelaBotanica. A l’échelle européenne, citons le European Bird Census Council (http://www.ebcc.info ) pour les oiseaux, le Butterfly Conservation Europe (http://www.bc-europe.org ) pour les papillons, la Large Carnivore Initiative Europe (http://lcie.org ) pour les grands carnivores et Planta Europea ( http://www.plantaeuropa.org/ ) pour les plantes.
Ces programmes donnant des résultats solides, cela devrait stimuler les collaborateurs volontaires. Quant aux les indicateurs et scénarios de biodiversité issus de ces suivis extensifs, ils pourraient – à condition d’être diffusés et discutés par les medias, ONG et enseignants -contribuer significativement à la culture citoyenne en écologie, et donc favoriser le choix de politiques plus favorables à la biodiversité dans les années/décennies à venir..
De manière très très simple: les acteurs citoyens de la science participative auraitent un rôle de collecteur de données + relai efficace de la connaissance globale acquise vers la société. Pourraient-ils aussi être intégrés dans l’exploitation et la valorisation à l’échelle locale des données qu’ils collectent ?
C’est à dire, dans le 1er diagramme, il est logique que les conclusions à large échelle soient travaillées par les scientifiques. Mais les scientifiques ne pourront pas être dans chaque communauté de commune, chaque département, etc… là où les citoyens ont leurs principaux moyens d’action.
D’où le besoin d’outils simples et robustes pour leur permette de décliner localement les conclusions des recherches nationales.
Quelles forces et faiblesses pour cette approche ? Illusoire ou à travailler ?
Le recensement réalisé par Tela Botanica en octobre 2009 des programmes ou des projets qui peuvent être qualifiés de « science citoyenne », c’est à dire répondant à un protocole et réalisés par un large échantillon d’intervenants (dénommé pour l’occasion « citoyens ») montre que leur typologie n’est pas unique.
Nous avons d’une part des programmes initiés par des chercheurs ou des organismes de recherche qui font appels aux « citoyens » pour les accompagner dans la collecte des données (par exemple Vigie-Nature), et d’autre part des programmes initiés par des structures autres que la recherche, comme des associations, des conservatoires, des collectivités qui produisent des résultats de « qualité scientifique » qui peuvent être utilisés par différents acteurs, y compris les chercheurs, c’est le cas notamment de nombreux de atlas (orchidées par exemple) ou d’inventaires spécifiques comme ceux réalisés par l’ONEM
L’université UCAM de Montréal étude particulièrement ce dernier type de projets conduits dans le cadre de réseaux participatifs. Voir le résumé de la communication faite par Serge PROULX lors du colloque de Association of Internet Researchers (AoIR 2010), le 22 Oct. 2010 à Gothenburg en Australie.
Dans les deux cas, la boucle « vertueuse » CHERCHEURS – OBSERVATEURS est la même, seuls différent le processus d’amorçage et les objectifs poursuivis.
L’intervention de Daniel Mathieu souligne la volonté des associations naturalistes de s’impliquer dans les suivis de biodiversité, et dans la recherche en sciences de la conservation de manière plus générale.
Pour répondre à Pierre-Yves H., l’utilisation des résultats des suivis nationaux dans les analyses et la valorisation locale de la biodiversité est tout à fait faisable, pas besoin de chercheurs spécialisés en écologie ou en analyse des systèmes pour cela !
Toute collectivité locale comporte généralement, si ce n’est quelque scientifique, agronome ou ingénieur professionnel, au moins des professeurs de sciences de la vie et de la Terre (SVT), de maths ou de sciences économiques et sociales (SES), ou encore des personnes de niveau scientifique universitaire capables d’analyses statistiques simples.. ou de se former à ces analyses.
Plus encore, toute collectivité locale, ou groupe de communes, comporte au moins un collège ou/et un lycée avec des classes de 3e à Terminale, dont les élèves doivent « officiellement » – et depuis peu – en France étudier la crise actuelle de la biodiversité, ses causes, ses enjeux et les pistes de préservation des écosystèmes, ainsi que celles du développement durable.. Les associations naturalistes locales pourraient donc s’associer à des classes et professeurs de SVT, SES et maths pour – éventuellement collecter, mais aussi – analyser les données locales sur la biodiversité et bâtir ensemble des projets de valorisation et préservation de la biodiversité… [Sans vouloir me faire de la pub, ils peuvent pour cela s’aider du DVDrom « Quelle Nature voulons-nous ? Observatoires et conservation de la biodiversité » réalisé au MNHN en 2007 et distribué par le CNDP.]
Reste que les actions locales sont très insuffisantes, voire inutiles, si elles s’opposent aux politiques économiques, agricoles et environnementales nationales et internationales. D’où la dernière partie du topo ci-dessus, soulignant le rôle moteur de la culture citoyenne en écologie dans la mise en place des politiques sectorielles, nationales et internationales.
Dans le domaine marin, il y a aussi Cybelle Méditerranée (http://www.cybelle-planete.org/mediterranee/) qui travaille conjointement avec des scientifiques et des écovolontaires pour récolter et analyser des données sur la biodiversité Méditerranéenne. Le travail de ce groupe passe aussi par la mise en place de protocoles simples et non-destructifs, comme par exemple pour le comptage et la mesure des populations d’oursins (http://www.mendeley.com/research/effects-recreational-fishing-paracentrotus-lividus-populations-sea-urchins-mediterranean-shallow-water/).
Bonjour,
En charge du suivi des dossiers « faune,flore,milieux naturels » dans un service déconcentré de l’Etat, je suis également botaniste amateur et participe depuis deux au programme vigie-flore. Si j’adhère totalement aux programmes qui relèvent de la science participative, je regrette que les résultats qui en découlent sont encore assez peu adaptés aux besoins des décideurs publics locaux. Certes, des programmes tel que le STOC ont permis de mettre en lumière les enjeux en terme de prise en compte de la biodiversité ordinaire et ont permis d’identifier des indicateurs « clé » pour faire connaître l’état de santé environnemental de notre territoire national mais force est de constater que leur déclinaison au niveau local demeure encore compliquée. Or, beaucoup de décisions pouvant influencer l’état de conservation de la biodiversité se prennent localement (département, collectivités locales) à travers divers instances (commissions départementales sur la chasse et la faune sauvage, commission sites, natures et paysages…mais aussi conseil municipal ou communautaire…) et nécessitent que l’on puisse se référer à des indicateurs vulgarisables qui contribuent à une meilleure appropriation collective de l’enjeu lié à la préservation de la biodiversité. A mon sens, il y a donc également d’encourager fortement les initiatives qui permettent de mobiliser rapidement de « la matière naturaliste et scientifique » au niveau local pour qu’élus, autorités administratives, représentants des organisations socio-professionnelles puissent s’approprier ces résultats et donc ce type d’entreprise au sein de leur territoire.
Bien cordialement,
David
je voudrais savoir l’etat de leiu de la biodiversité en algerie, les facteurs de degradation, et les perspectives futures pour la protection.
est ce que je peux avoir des images satellites sur le parc national de Theniet El Had en algerie parceque j’ai une grande difficulté a en avoir.
merci
j’attends vos réponses svp.
Botaniste amateur, je me suis inscrit également à l’action « Vigie-flore » menée par le Muséum d’Histoire Naturelle, ainsi qu’à un groupe « Agenda 21 » dans ma commune. Une des difficultés à surmonter est la force d’inertie des municipalités qui sont souvent pour le moins très frileuses à s’impliquer dans des actions qu’elles jugent contraignantes. Le chemin est encore long…
Réponse à Richie Mafunga Mpali :
En effet, la science participative n’a pas encore percé en Afrique, ni dans la plupart des pays du Sud… Un projet majeur est d’étendre ces suivis à l’ensemble du monde. Dans son rapport annuel sur les perspectives dans le domaine de l’environnement publié ce 17 février, L’UNEP (Programme des Nations Unies pour l’Environnement) y consacre deux pages.
Cela étant, les sciences participatives fonctionneront d’autant mieux qu’elles peuvent s’appuyer sur des équipes scientifiques en place, et sur un tissu social solide, avec des associations dynamiques. Le bassin du Congo ne semble pas un cas très favorable actuellement, du fait de son instabilité politique et des nombreux conflits sociaux qui l’agitent…
On peut aussi espérer que les sciences participatives contribuent à la création d’équipes scientifiques et au renforcement du monde associatif, mais c’est peut-être beaucoup leur demander !
Je reprends vos propos:
Plus encore, toute collectivité locale, ou groupe de communes, comporte au moins un collège ou/et un lycée avec des classes de 3e à Terminale, dont les élèves doivent « officiellement » – et depuis peu – en France étudier la crise actuelle de la biodiversité, ses causes, ses enjeux et les pistes de préservation des écosystèmes, ainsi que celles du développement durable.. Les associations naturalistes locales pourraient donc s’associer à des classes et professeurs de SVT, SES et maths pour – éventuellement collecter, mais aussi – analyser les données locales sur la biodiversité et bâtir ensemble des projets de valorisation et préservation de la biodiversité…
Enseignante moi même, mère de grands enfants sortant de lycées et de bacs scientifiques, je peux vous assurer que, en l’état actuel des lycées, c’est que ce « voeu pieux » est parfaitement impossible à réaliser… Certes ils étudieront (pendant une heure de cours et peut être avec le support de votre DVD) la crise de la biodiversité, mais il est illusoire de penser, qu’avec le concours de leur prof de SVT -qui ferait ça avec toutes les classes dont il a la charge ?- les ados vont passer leur temps à s’associer à ce genre de travaux.
Quand il y en a un ou 2 par lycée qui, dans une asso, s’intéressent et participe à ces projets de suivi des populations d’oiseaux par exemple, à des sorties « naturalistes », on peut se réjouir…
Science participative!
L’urgence et la trop forte dégradation des écosystèmes amène Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, à inciter les peuples à la révolution. (1)
Voici un mot qui veut dire quelque chose, lorsque l’on est (on naît) Français !
Il y a certainement plusieurs façons de mener une révolution. Mais il me semble, dans ce cas précis, que l’engagement des chercheurs vis-à-vis du grand public est indispensable.
En cela, les sciences participatives sont très certainement un des exemples d’action qui peut permettre d’impliquer le plus grand nombre dans une démarche active de sauvegarde de la biodiversité.
Comme moi, beaucoup se sentent inefficaces.
Nos petits agissements quotidiens apparaissent dérisoires : nous trions, nous signons des pétitions, nous boycottons l’huile de palme, nous effectuons des dons…
Quelle en est l’importance au regard de l’immensité du travail à accomplir : 16306 espèces menacées d’extinction, des kilomètres carrés de forêts tropicales qui disparaissent quotidiennement, l’artificialisation grandissante des zones tempérées, les 10% de la France urbanisés (l’équivalent de 10 département)…?
Comme moi, beaucoup espèrent des résultats.
Les scientifiques progressent. Les politiques sont motivés. Même les grandes entreprises commencent à prendre conscience de l’importance de la biodiversité (2). Tout le monde aime la nature. La motivation n’est jamais apparue aussi grande et pourtant les problèmes n’ont jamais été aussi graves.
Je veux bien croire qu’il y ait un décalage entre une action et son résultat.
L’opinion s’imagine certainement que les problèmes se règlent en amont, par des réformes politiques, des normes, des contrôles à l’importation, des réserves naturelles…
Mais les comportements individuels peinent réellement à changer.
C’est quand même bizarre : nos dirigeants, Ban Ki-moon en tête, nous demandent de faire une révolution. Alors que dans le passé, c’est nous, le peuple, qui faisions les révolutions et guillotinions nos dirigeants !
Dans quelle léthargie nous sommes nous enlisés ?
La révolution se réalisera dans les cœurs
Réveillez-vous cœurs endormis ! La diversité de la vie sur terre réclame votre aide.
Si vous vous sentez une âme de guerrier : apportez vos connaissances et vos convictions, formez des bataillons de bénévoles, haranguez vos troupes, progressez dans vos connaissances et enrôlez de nouvelles recrues.
Si vous vous sentez une âme de sage : apportez vos connaissances et vos convictions, formez des communautés de bénévoles, instruisez-les et convertissez de nouveaux adeptes.
Si vous vous sentez une âme de poète : apportez vos connaissances et vos convictions, formez des cercles de bénévoles, faites-les rêver et restez convaincus que votre idéal doit être partagé par le plus grand nombre.
Mais quelque soit votre état d’esprit : sortez de vos labos, rencontrez du monde, beaucoup de monde, encore plus de monde.
Votre rôle est important… Si important…
« Il n’y a de grand parmi les hommes que le poète, le prêtre et le soldat » Charles Baudelaire
Il s’agit peut être là, des trois seules professions capables de faire évoluer les Hommes !
(1) « Nous avons besoin d’une révolution, une véritable pensée révolutionnaire, une action révolutionnaire, une révolution du marché libre pour l’avenir durable mondial » http://www.unep.org/Documents.Multilingual/Default.asp?DocumentID=655&ArticleID=6888&l=fr
(2) Enquête sur la prise de conscience des entreprises sur l’importance de la biodiversité http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/LPS72.pdf
Réponse à David :
Il est plus simple de faire des diagnostics à échelle nationale : il suffit de faire la moyenne des résultats sur l’ensemble des sites (p.e. 10 000 sites pour le STOC en France), et d’examiner la dynamique temporelle. On peut par ailleurs effectuer des comparaisons spatiales (ex : voir les variations de la diversité des papillons de jardin sur l’ensemble de la France sur le site de vigie-nature).
A échelle locale, on se heurte souvent à la difficulté que les suivis sont récents : on ne dispose alors pas de la dynamique dans le temps nous renseignant sur la dégradation, ou l’amélioration des communautés biologiques concernées. Cependant, quelle que soit l’ancienneté du site, on peut valoriser les données locales :
1- en comparant statistiquement ces données avec celles d’autres sites locaux de qualité/caractéristiques comparables (par les densités humaines, l’intensité de l’agriculture..), demandées au coordinateur de l’observatoire, pour déterminer si l’état du site reflète l’état des pressions locales. C’est ce que peuvent faire les participants à l’Observatoire des papillons de jardins (OPJ), avec une comparaison de type sommaire par rapport à des sites plus ou moins proches géographiquement, même commune, même département…
2- dans un deuxième temps, en comparant les données (moyennes et écarts-types de différentes variables, notamment des indices de spécialisation des communautés) avec celles d’autres sites, comparables hormis certaines pressions (par ex. : moindre intensification de l’agriculture), on peut évaluer le potentiel d’amélioration sur ce site.
Réponse à Fleur bleue :
En matière de sensibilisation des jeunes à la crise actuelle de biodiversité, et d’information / participation des collèges et lycées aux progrès des connaissances en sciences de la conservation, nous ne sommes pas aussi pessimistes.
Les programmes scolaires en France et ailleurs ont une certaine inertie, c’est vrai, mais ils intègrent tout de même progressivement les progrès des connaissances dans le domaine scientifique et essaient de s’adapter aux conventions internationales concernant l’environnement/la biodiversité et l’éducation. Il doivent tenir compte, notamment, de la décennie 2005-2014 d’éducation au développement durable instituée par les Nations Unies..
L’indicateur STOC des oiseaux communs par habitat est présenté dans les livres de troisième depuis l’an dernier, par exemple. Le nombre de professeurs de SVT et SES utilisant au lycée le DVDrom « Observatoires et conservation de la biodiversité » produit par le MNHN et distribué par le CNDP augmente quant à lui régulièrement depuis trois ans. Des projets de science participative à l’école et au collège sont tentés ou en cours de développement depuis quelques années… Il faut laisser un peu de temps non seulement aux professeurs de collège et lycée pour s’informer et comprendre les atouts scientifiques, pédagogiques et écologiques de la science participative, mais aussi au Ministère de l’Education Nationale pour reconnaître ces atouts et inscrire la science participative dans les programmes scolaires.
Je n’ai pas parlé d’INERTIE de l’Éducation Nationale… Je ne suis pas pessimiste non plus, je parle de l’immensité de la tâche des professeurs et de l’impossibilité d’IMPOSER la participation des élèves à des projets ASSOCIATIFS (qui serait garant des objectifs de ces associations, de leur « neutralité » ?). C’est une impossibilité « technique », structurelle, je parle en connaissance de cause.
L’investissement dans un projet associatif par ailleurs doit rester, à mon sens, la démarche, choisie, d’un individu responsable. Ce ne peut être, en aucun cas, le choix d’un prof qui implique sa classe entière.
Vous avez vu du pessimisme dans mon commentaire (il n’y en a pas, juste ce que je connais de la réalité), je vois dans votre réponse une certaine naïveté ou, au moins, une méconnaissance du système scolaire.
Réponse à FleurBleue :
Bien sûr, la participation à une association est une démarche personnelle. Il reste que :
– Les professeurs de collège et lycée n’ont pas besoin d’adhérer à une association pour s’informer sur les principes, méthodes et principaux résultats de la science participative. Ils peuvent par exemple explorer le site web de Vigie-Nature au Muséum/CERSP, lire le « regard » ci-dessus ou d’autres ouvrages sur le sujet.
Parmi eux, des profs de SVT ou de SES pourront décider de présenter et d’expliquer à leurs élèves, voire d’explorer davantage avec eux, les principes, résultats et enjeux associés aux suivis et aux indicateurs de biodiversité – ceci dans leurs cours sur la crise actuelle de la biodiversité, sur le développement durable ou sur d’autres thématiques associées, ‘officiellement’ inscrites dans les programmes scolaires. (Ils pourront pour cela s’aider du DVDrom mentionné plus haut.)
Ils peuvent aussi aller à la rencontre d’observateurs bénévoles participant à des suivis de biodiversité, en conviant l’un d’eux à faire un exposé en classe, ou mieux en organisant une sortie de terrain avec intervenant sur le thème de la science particiative ..
– Il n’est pas non plus nécessaire d’adhérer à une association naturaliste pour collaborer à un observatoire citoyen de biodiversité (même si de nombreux observateurs bénévoles sont également membres de la LPO ou d’autres associations). De nombreux profs – de SVT, anglais, maths, histoire-géo, …- participent depuis plusieurs années aux suivis nationaux du Muséum (STOC, OPJ…), dont une partie seulement sont affiliés à une association. Ces profs peuvent mettre à profit leur expérience pour expliquer les principes et résultats de ces suivis de biodiversité en cours de SVT, de SES ou de maths, à l’intérieur des programmes scolaires évoqués ci-dessus. Ils peuvent aussi décider d’analyser en classe – de SVT, SES ou maths – les données locales ou régionales de terrain, en relation éventuellement avec une association naturaliste locale ou régionale, comme nous l’avons vu plus haut avec David (cf. commentaires n°8 et 14 ci-dessus).
– Cependant, tant que ces efforts pour faire connaître et explorer la science participative au collège et/ou au lycée se limiteront à des initiatives individuelles de professeurs, son intérêt et ses enjeux resteront relativement peu connus des élèves et professeurs au niveau régional et national. Un pas important sera franchi quand l’étude des méthodes, des résultats et des enjeux de ces recherches sera inscrite dans les programmes scolaires, puis un autre quand des projets de science participative à l’intention des écoles, collège ou/et lycée seront élaborés avec des équipes de chercheurs et proposés aux professeurs par l’Education Nationale. La prise en compte des progrès des sciences de la conservation dans les programmes scolaires requiert du temps, et c’est cette inévitable ‘inertie’ de l’Education Nationale que nous avons évoquée plus haut.
Personnellement, je fais confiance aux enseignants pour présenter les données à leurs élèves, je connais leur engagement, je sais leurs efforts pour aborder l’ensemble du programme.Je sais aussi les difficultés, les limites (même , simplement les limites liées au temps de travail…)
Je n’entre pas plus avant dans ma réponse, dans ma « participation » au débat parce que je ne vois pas d’avancée dans la réflexion… je suppose que, encore une fois une looooonnnngue réponse interviendra. Sur un site qui souhaite les échanges, je trouve difficile de ne pouvoir apporter le moindre bémol…
Pour répondre brièvement : nous ne mettons pas en question l’engagement des enseignants, mais ce ne sont pas eux qui élaborent les programmes scolaires : c’est le Ministère de l’Education Nationale. Le facteur limitant que nous soulignons est le délai inévitable de prise en compte des progrès des connaissances – donc des principes, méthodes, principaux résultats et enjeux de la science participative – dans ces programmes, par ce Ministère.
On pourrait enlever le « S » à la fin de « Regards » je crois… Entre les auteurs, les éditeurs, les conseillers d’édition qui « se passent le tour » pour répondre au simple citoyen (pourtant « invité », dans la présentation du projet, à participer aux « échanges), je reste sur l’impression qu’il s’agit d’UN regard, d’UN point de vue… Ou alors ce sont là les « limites » de la communication sur le net ?
Je ne suis pas très d’accord avec Fleur bleue, car si je ne me trompe pas il y a maintenant 16 « regards » sur cette plateforme, signés par plus de vingt auteurs différents et commentés par plusieurs centaines d’internautes aux points de vue très divers, souvent contradictoires !
Bravo donc à l’équipe SFE pour la pertinence et la variété des « regards » proposés, et pour les intéressants débats qui les suivent !
S.
Merci à Sittelle et aux autres amateurs de cette plateforme pour leurs encouragements et leur soutien. Nous essayons en effet de diversifier les sujets traités et les disciplines abordées : écologie, agronomie, systématique, climatologie, économie, sociologie, droit, philosophie… Nous essayons aussi de faire communiquer entre eux, non seulement spécialistes et non spécialistes, mais aussi des spécialistes de différentes disciplines qui n’ont pas le même langage ni les mêmes valeurs, pour favoriser des approches interdisciplinaires ou transdisciplinaires de la biodiversité.
Et on dirait que ça marche plutôt bien : chaque « regard » fait l’objet de plus de 1400 visites en moyenne (plus de 22.000 visites au total), et de deux à 25 commentaires. Ces derniers sont postés en majorité par des étudiants et des spécialistes de différentes disciplines, souvent entre disciplines (un des buts recherchés), mais aussi par des non scientifiques qui s’intéressent aux questions soulevées et font rebondir les débats. Une petite contribution à la science citoyenne et participative évoquée dans ce regard, donc !
Bien entendu, je ne parlais pas dans mon commentaire du nombre d’articles publiés, je disais que le simple citoyen était fort peu représenté sur cette « plateforme ». Il suffit de regarder le nom des contributeurs qui sont, souvent les éditeurs de l’article, les auteurs de l’article précédent ou suivant… Je rappelle quand même « l’intention de départ » de ces « regards » de la SFE:
Ce projet repose sur l’interactivité : ces regards sur la biodiversité sont mis en ligne pour susciter des discussions fructueuses entre experts et avec le grand public. Contribuez nombreux aux débats en postant vos avis, opinions et commentaires à la fin des articles ! »
Je demande simplement où est le grand public ?
Je ne suis pas très grand! Je ne représente que moi! Et je m’étonne également qu’il n’y ai pas plus d’interventions sur ce forum!
Il me semble que le grand public -dont je suis- est un peu intimidé par les grands chercheurs.
Il me semble que c’est aux chercheurs d’essayer de faire trouver « leurs soupes bonnes ».
C’est aux chercheurs de se rapprocher du grand public, des écoles où vont leurs enfants, de leurs municipalités, des associations naturalistes en tous genres…
Il me semble qu’un chercheur – dans l’un des nombreux domaines de la biodiversité-, risque de n’avoir plus beaucoup de recherches à faire s’il ne s’implique pas dans la protection de la biodiversité et dans la sensibilisation du « grand public ». N’oubliez pas que c’est pour ce grand public que la biodiversité est actuellement ravagée…
Bonjour,
Comme Fleur Bleue et Hervé Coves, nous aimerions que davantage de « non spécialistes » interviennent sur cette plateforme. Cependant rappelons que le public ciblé par ces échanges sur la biodiversité est multiple : ces « regards » sont destinés non seulement au grand public, mais aussi aux scientifiques de différentes disciplines, à d’autres experts non scientifiques, aux étudiants… Ce dialogue « multipublics » est une expérience originale et nouvelle – à notre connaissance, aucun site n’a tenté ce rapprochement -, pas forcément facile, mais dont les premiers résultats nous semblent encourageants.
Il est vrai que les étudiants et chercheurs interviennent davantage que le grand public sur cette plateforme, et échangent entre eux des propos parfois un peu trop spécialisés. Pour inciter le grand public à intervenir plus souvent, il faut sans doute demander aux auteurs et surtout aux intervenants scientifiques de faire un effort de vulgarisation dans les articles qu’ils proposent et dans leurs commentaires et débats. C’est ce que nous essayons de faire, avec plus ou moins de succès : ce n’est pas évident d’être à la fois scientifique et vulgarisateur ! Et ce n’est pas évident non plus pour notre équipe de modérer/modifier les commentaires des chercheurs…
D’autre part, pour répondre à une autre critique de Fleur Bleue : Si les conseillers éditoriaux de cette plateforme – tous bénévoles et indépendants – sont également auteurs de « regards » déjà mis en ligne, c’est tout simplement parce qu’il s’agit des personnes les plus impliquées dans ce projet. Les regards de nombreux autres chercheurs et experts sont en attente ou en révision.
L’équipe SFE des « regards et débats »
Je vous cite: « …il faut sans doute demander aux auteurs et surtout aux intervenants scientifiques de faire un effort de vulgarisation dans les articles qu’ils proposent et dans leurs commentaires et débats. C’est ce que nous essayons de faire, avec plus ou moins de succès : ce n’est pas évident d’être à la fois scientifique et vulgarisateur ! Et ce n’est pas évident non plus pour notre équipe de modérer/modifier les commentaires des chercheurs… »
Pas évident peut être, mais c’est la nature même d’un débat que d’apporter un autre « regard »… Il paraît que c’est la nature même du chercheur d’accepter la (remise en) question, enfin ça devrait selon moi.
Bonjour,
J’aimerais simplement demander si la richesse ou l’abondance de biodiversité d’un milieu amène bel et bien à conclure au « bon état écologique » de ce milieu ? J’habite sur le littoral (Bassin d’Arcachon), et j’aimerais savoir quels pourraient être (hormis les oiseaux) les indicateurs de « qualité » de ce milieu, des indicateurs simples et accessibles pour tous… car je crois aux sciences participatives ! Existe-t-il des documents pouvant m’instruire à ce sujet ?
En vous remerciant et bien cordialement,
L.
Non, on ne peut pas dire grand chose d’une mesure ponctuelle d’abondance ou de richesse en espèces d’un site, car d’une part ce n’est qu’un échantillon qui est mesuré (vous ignorez quelle fraction de la communauté représente cet échantillon), et d’autre part parce que deux communautés d’effectifs comparables peuvent correspondre à des régimes de fonctionnement très différents d’un écosystème, l’un considéré comme souhaitable et l’autre dégradé.
Pour utiliser une mesure d’abondance ou de richesse spécifique d’une communauté (d’insectes, plantes, oiseaux, mammifères..), il faut la comparer à d’autres mesures d’abondance ou de richesse, prises selon le même protocole / la même méthode :
– soit de la même communauté locale, au cours de plusieurs années : vous pouvez alors suivre la dynamique de la communauté au fil des ans, et voir si elle est stable, décline ou s’enrichit depuis la première mesure…
– soit d’autres communautés échantillonnées dans des habitats comparables, de même surface et à la même époque de l’année : vous pourrez alors vérifier si « votre » communauté locale se porte mieux ou moins bien que d’autres communautés comparables.
En outre, pour vous faire une idée sur la « santé » d’un écosystème, il vaut mieux évaluer un indicateur de structure ou de complexité tel que le nombre de niveaux trophiques (= alimentaires) ou l’indice de spécialisation des communauté.
Un lac oligotrophe peut présenter un grand nombre de niveaux trophiques, depuis les cyanobactéries et algues jusqu’au prédateurs de vertébrés aquatiques (loutres..), en passant par les invertébrés et les poissons herbivores et carnivores : malgré la faible abondance des algues et bactéries, on peut le considérer comme « en bonne santé ». Un lac eutrophe, en revanche, comportera une grande abondance de bactéries anaérobies et d’algues toxiques, en peu d’espèces, mais aussi peu ou pas de poissons et encore moins de prédateurs secondaires.
Quant à l’index de spécialisation des communautés (CSI), proposé par Julliard et al. en 2006, des études récentes ont montré qu’il varie dans le sens inverse de la dégradation et/ou perturbation des habitats : il peut donc en première approximation être utilisé comme index de qualité des habitats.
Pour en savoir plus :
– au plan pratique, selon les communautés et groupes fonctionnels explorés (insectes pollinisateurs, papillons de jardin, oiseaux..), vous pouvez consulter le site de Vigie-Nature : http://vigienature.mnhn.fr/
– au plan théorique : Ecologie et biodiversité, D. Couvet et A. Teyssèdre, Belin, 2010 (dont bibliographie sur le fonctionnement des écosystèmes et sur les indicateurs de biodiversité).
AAAAHHHHHH….. Le fonctionnement vous dis-je, le fonctionnement!!! L’abondance (ou la richesse) en différentes espèces n’est rien sans le fonctionnement …
La bibliographie proposée est quand même très succinte non ?
Oui, la bibliographie sur le sujet est assez volumineuse. Il y a pas mal de références dans le bouquin cité, mais n’hésitez pas à en citer d’autres sur cette plateforme si vous le voulez…
Quoi qu’il en soit, il m’a semblé que « Lul » voulait surtout des informations pratiques pour évaluer la qualité des habitats et écosystèmes semi-naturels de sa région. C’est pourquoi je l’ai renvoyé surtout à Vigie-Nature, qui mène de nombreux suivis avec des réseaux d’observateurs divers à l’échelle nationale, et dont le site présente plein d’informations sur les protocoles de mesures, l’analyse et les résultats par groupe/communauté étudié (des plantes aux chauves-souris), ce qui pourrait aider voire guider Lul dans sa démarche.
D’autres infos et pistes sont bienvenues, bien sûr..
Bonjour,
Voici une information utile pour compléter ces échanges de 2011 : Pour les enseignants intéressés par ces observatoires de biodiversité participatifs, le site Vigie-Nature Ecole présente depuis quelques mois de nombreux protocoles de suivis adaptés aux classes d’école et de collège, jusqu’à la troisième (ainsi que l’intérêt de ces suivis) : http://www.vigienature-ecole.fr/ .
Une section de ce site comporte des ressources pédagogiques utiles aux enseignants, pour compléter leur formation sur la biodiversité, les enjeux de son déclin, et les stratégies, approches et outils de préservation : http://www.vigienature-ecole.fr/l-espace-enseignants .
Bien cordialement à tous,
Anne