La Société Française d’Ecologie (SFE) vous propose cette semaine le regard de Claude Grison, Professeur de Chimie à l’Université de Montpellier, sur la chimie verte inspirée par les plantes métallophiles.
MERCI DE PARTICIPER à ces regards et débats sur la biodiversité en postant vos commentaires et questions après cet article. Les auteurs vous répondront et une synthèse des contributions sera ajoutée après chaque article.
Chimie et écologie : une synergie de solutions vertes prometteuses
par Claude Grison, Professeur de Chimie,
Directrice du Labo « Chimie bio inspirée et Innovations écologiques »,
STRATOZ-CNRS, Université de Montpellier 2
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Mots clés : Chimie, écologie, catalyse, plantes, métaux, ressources, épuisement, industrie, société, pollution, innovations,
méthodes et outils, phytoextraction, bioaccumulation, relation Homme-Nature, préservation de la biodiversité
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Le domaine de la Chimie est en pleine mutation. Les acteurs de la discipline mettent en place de nombreuses réglementations, plaçant la chimie durable comme une des filières vertes d’avenir. Au cours de l’année 2011, déclarée année internationale de la chimie, la communauté scientifique a démontré qu’elle possédait les outils et la volonté de contribuer à affronter efficacement les grands problèmes et questions liés aux changements de l’environnement, à l’épuisement des ressources et à la qualité de vie. Elle se propose notamment de contribuer efficacement à la réduction des déchets en développant des technologies vertes innovantes de réutilisation durable, réduction des quantités, remplacement et diversification des matières premières de la discipline.
Un épuisement annoncé des ressources minérales stratégiques
Un des piliers du concept de chimie verte est l’utilisation de systèmes catalytiques impliquant l’intervention de catalyseurs naturels – les enzymes – ou synthétiques. Un catalyseur de type non enzymatique est fréquemment un métal ou une terre rare *. [Petit rappel : Qu’il soit naturel ou synthétique, un catalyseur chimique permet, en faible concentration dans le milieu, d’augmenter la vitesse d’une réaction pour la rendre possible ou efficace.]
Les métaux tels que Rhodium, Palladium, Nickel, Zinc, Cuivre, Chrome, Manganèse et Cobalt sont des catalyseurs essentiels à de nombreuses transformations chimiques. Extraits d’affleurements rocheux riches en métaux (dits gisements miniers) par l’industrie minière, depuis plus de cent ans, leurs réserves dans la croûte terrestre sont limitées. Les domaines de la chimie organique industrielle, de la pétrochimie, de l’agrochimie, des polymères, des plastiques, des textiles, des colorants, des peintures, des cosmétiques et parfums, des dérivés pharmaceutiques et des médicaments sont tous concernés par l’abondance et l’extraction de ces ressources minérales.
En février 2010, le Pôle Interministériel de Prospective et d’Anticipation des Mutations Economiques a publié un rapport inquiétant sur la raréfaction des ressources non renouvelables au titre des réserves ou de la concentration de la production sur quelques pays. Les gisements de l’ensemble des métaux listés ci-dessus, parmi d’autres, s’épuisent et se raréfient. L’accès aux minéraux stratégiques est devenue crucial, non seulement parce que ces ressources s’épuisent, mais aussi parce qu’elles sont détenues par un faible nombre de pays, souvent politiquement instables.
Une grande partie des réserves minérales primaires et stratégiques sont présentes en Chine. L’Union européenne, et la France en particulier, doivent relever un défi majeur basé sur le développement de la compétence et l’innovation.
Pollution et toxicité des sites miniers
Dans les sites miniers de nombreux pays, la forte dégradation voire pollution des sols par l’extraction des éléments métalliques est par ailleurs un problème très préoccupant, car le sol exerce des fonctions essentielles qui déterminent en grande partie la production des produits alimentaires et la qualité de l’eau. De plus, les « éléments traces métalliques» (ou « ETM ») font partie des composés les plus nocifs et ne sont pas biodégradables.Au-delà des conséquences environnementales, les risques sur la santé sont réels : les atteintes des systèmes nerveux, rénal, pulmonaire ou des tissus osseux sont clairement établies. Des exemples récents de plombémies préoccupantes et de premier stade de saturnisme ont été mis en évidence chez des enfants habitants à proximité d’anciens sites miniers français.
Les impacts spécifiques aux pollutions métalliques ne sont pas seulement d’ordre environnemental et médical ; ils affectent directement le développement économique et touristique des zones concernées.
L’excavation ou le confinement de zones contaminées ont été mises en place sur certains sites, mais ces techniques ne peuvent pas constituer des solutions satisfaisantes. Peu inspirées, mal acceptées, elles sont coûteuses et ne résolvent rien.
La phytoextraction, un phénomène naturel de recyclage des ressources minérales
Il y a quelques années, il a été découvert l’existence de plantes rares, capables de se développer sur des sols désertiques car chargés en ions métalliques et devenus de ce fait toxiques pour la plupart des végétaux (c-à-d. phytotoxiques) (cf. Grison et al, 2010). Confrontées à des sols riches en métaux, ces plantes ont développé progressivement des stratégies d’adaptation leur permettant de tolérer la pollution, voire même d’extraire les éléments métalliques et de les stocker dans leurs parties aériennes comme pour mieux s’en protéger (cf. le regard n°32 sur cette plateforme).
Les quantités d’éléments métalliques trouvées dans les systèmes foliaires peuvent atteindre des niveaux impressionnants, jusqu’à 7-8% en masse sèche. On parle alors de phytoextraction*. Il s’agit d’une méthode naturelle (« écotechnologie ») de dépollution partielle des sols et des sédiments, par accumulation des ETM dans les parties aériennes des végétaux hyperaccumulateurs. Des études récentes d’évaluation des performances adaptatives de ces végétaux ont mis en évidence la présence d’espèces hyperaccumulatrices de type légumineuses, renforçant l’intérêt de la phytoextraction dans les programmes de restauration écologique.
Des bactéries associées, elles-mêmes uniques et spécifiques de ces sites pollués, sont devenues capables de supporter ces conditions extrêmes. Elles se comportent comme de véritables usines chimiques en transformant l’azote présent dans l’air en engrais naturel afin d’aider les plantes à se développer. En échange, les plantes produisent par photosynthèse des nutriments carbonés aux bactéries, dans un sol appauvri. Malgré l’étude et la compréhension de ces systèmes naturels ingénieux, le développement de la phytoextraction sont restés limités par absence de valorisation de la biomasse contaminée. Elle a été considérée comme un déchet dangereux et sans intérêt.
Un programme de recherche récemment développé au CNRS s’inscrit totalement dans ce cadre en proposant le développement d’une nouvelle filière verte circulaire basée sur le recyclage de ressources minérales. L’objectif principal est de développer à l’échelle internationale un procédé innovant de valorisation chimique des technologies de phytoextraction destinées à remédier à l’accumulation des espèces métalliques dans les sols, consécutives aux exploitations minières intensives et aux activités industrielles métallurgiques.
Un procédé innovant de valorisation de la phytoextraction : la catalyse écologique
Récemment, l’équipe de recherche que je dirige au CNRS a mis au point un procédé innovant de valorisation de ces plantes extraordinaires (voir l’ensemble des références ci-dessous). Celles-ci sont à la base d’un nouveau domaine de la chimie verte, appelé catalyse écologique. Tirant parti de la capacité adaptative remarquable de ces végétaux à accumuler en grandes concentrations dans leurs tissus (« hyperaccumuler ») les cations tels que Zn2+, Ni2+, Mn2+ et/ou Cu2+…, la conception du programme repose sur l’utilisation directe des espèces métalliques d’origine végétale comme catalyseurs de réactions chimiques organiques.
Le principe repose sur une approche mimant des catalyseurs naturels, les enzymes. Ils permettent d’accélérer des réactions infiniment lentes et sont régénérés après transformation des molécules organiques. Les catalyseurs produits à partir des plantes hyperaccumulatrices* sont capables de catalyser les réactions plus complexes. Ils sont constitués d’espèces chimiques originales et rares, que la métallurgie n’a jamais su produire.
Ces catalyseurs « biosourcés » montrent une réactivité tout à fait inhabituelle. Souvent plus efficaces que les catalyseurs classiques de la chimie, ils permettent la synthèse de molécules d’intérêt – anticancéreux, agents antiviraux, molécules actives contre la malaria, arômes naturels, cosmétiques, intermédiaires clés de l’industrie chimique… – dans des conditions douces et d’efficacité surprenante.
Bon nombre de ces molécules préparées sont présentes dans la nature. Le chimiste n’est pas à l’origine de leur activité biologique ; il se contente de la constater, d’essayer de la comprendre, de l’expliquer et de s’en inspirer. La synthèse de ces molécules permet en revanche de préserver les ressources naturelles.
Ecologie et chimie verte
La nature a donc trouvé des solutions pour s’adapter aux pollutions lourdes engendrées par les activités anthropiques : la phytoextraction. La découverte, la compréhension de ce système naturel est aujourd’hui à l’origine de vastes programmes d’ingénierie écologique (voir le Regard n°44 sur ce sujet, de Thierry Dutoit) que nous développons sur de nombreux sites miniers (France, Nouvelle-Calédonie, Chine, …). Il permet également de développer des solutions innovantes pour développer le recyclage des ressources minérales et constitue une solution concrète à l’épuisement des matières minérales non-renouvelables. Enfin, ces plantes permettent aujourd’hui de développer des catalyseurs chimiques aux performances inégalées.
L’ensemble du programme scientifique est réalisé en association étroite avec les acteurs locaux, issus des collectivités et des structures étatiques. Il est également l’objet d’actions de valorisation soutenues auprès de groupes industriels aux domaines d’applications complémentaires (Ecologie de la restauration, industries minière et chimique).
Ce travail de recherche interdisciplinaire est totalement bio-inspiré. A finalité appliquée et industrielle, il entend être un moteur de la reconstruction environnementale et socio-économique de sites meurtris par des activités industrielles et minières.
Les performances de la nature sont uniques : adaptables aux conditions extrêmes et génératrices de systèmes chimiques précieux. Celle-ci est une source d’inspiration multidisciplinaire, que le chercheur se doit de comprendre pour la restaurer et la valoriser durablement. La nature est dans ce cas précis le point de départ d’une nouvelle filière verte à économie circulaire* qui réconcilie l’écologie et la chimie.
Glossaire
• Cation : Ion chargé positivement (exemples: Na+, Ca++, Fe++, Zn++). Les ions métalliques sont des cations.
• Economie circulaire : Système économique dont les flux de production et de consommation suivent un cycle fermé.
• ETM : Eléments traces métalliques. Métaux dissous en très faible concentration (ppm) dans le sol ou d’autres milieux.
• Métallicole : se dit d’une plante qui se développe et se reproduit sur des sols riches en métaux.
• Métallifère : se dit d’une roche ou d’un sol riche en métaux.
• Métallophyte : espèce végétale qui vit spécifiquement sur des sols riches en éléments traces métalliques (ETM).
• Phytoextraction : Méthode naturelle de dépollution partielle des sols et des sédiments, par accumulation des ETM dans les parties aériennes des végétaux hyperaccumulateurs.
• Plante hyperaccumulatrice : Plante capable d’extraire du sol des éléments traces métalliques tels que les cations Zn2+, Ni2+, Mn2+ et de les accumuler en grandes concentrations dans ses tissus ou certains organes (feuilles, tige, racines…).
• Terre rare : Groupe de métaux aux propriétés voisines, comprenant le Scandium 21Sc, le Lanthane 57Ln, le Lutécium 71Lu et une quinzaine d’autres métaux chimiquement similaires. Très électropositifs, on les trouve naturellement sous forme de cations trivalents (ex : Lu3+, Sc3+, Ln3+), formant avec des anions (ions négatifs) des complexes trivalents.
Bibliographie
GRISON C.M., J. ESCARRE, M.L. BERTHOMME, J. COUHET-GUICHOT, C. GRISON et F. HOSY, 2010. Thlaspi caerulescens, un indicateur de la pollution d’un sol ? Une réflexion partagée entre étudiants et chercheurs autour d’un problème environnemental. Actualité Chimique, 2010, 340, 27-32.
GRISON C., 2012.- Quand la dépollution devient productive… InfoChimie Magazine 2009, 496, 34-36 ; Prix «Technologies Innovantes pour l’Environnement» décerné par Pollutec – ADEME 2009
GRISON C., 2012. Métaux lourds et chimie verte, La Recherche, Avril 2012
GRISON C., 2012. Les Phytotechnologies appliquées aux sites et sols sollués, Guide opérationnel, Ed. ADEME, 2012, 38-40.
LOSFELD G., V.ESCANDE, T. MATHIEU et C. GRISON, 2011. Phytoextraction et biodégradation dynamisée : une approche interdisciplinaire inventive au service de l’environnement. Techniques de l’Ingénieur, 2011, IN 135, 1-8.
GRISON C., G. LOSFELD et V. ESCANDE, 2011. Les plantes métallicoles, tolérantes aux métaux lourds! In: Stratégies végétales : petits arrangements et grandes manoeuvres (Garrone B., Martin P., Schatz B. & Les Ecologistes de l’Euzière, Eds.), Editions Ecologistes de l’Euzière, Prades-le-Lez, 2011, 152-153.
GRISON C., et H. PETIT, 2011. Dépolluer avec les plantes, un procédé économiquement viable, Biofutur, 2011, 326, 54-55.
Et ces trois « regards » en ligne, sur la plateforme SFE :
Barot S. et F. Dubs, 2012. Mieux comprendre et utiliser la biodiversité des organismes du sol. Regards et débats sur la biodiversité, SFE, Regard n°28, 17 février 2012.
Dutoit T., 2013. L’ingénierie écologique, nouvel oxymore ou nouveau paradigme écologique ? Regards et débats sur la biodiversité, SFE, Regard n°44, 5 avril 2013.
Faucon M-P., 2012. Trésor minéral et diversité végétale. Regards et débats sur la biodiversité, SFE, Regard n°32, 23 mai 2012.
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Article édité par Anne Teyssèdre.
Cet article m’a beaucoup intéressée. N’étant pas du tout scientifique, j’ai une inquiétude sans doute non fondée : n’y a-t-il pas un risque que ces plantes accumulatrices de métaux, semées dans des sites pollués, ne s’échappent pour proliférer ailleurs où elles n’auraient que faire ? Dans un champ d’aubergines, par exemple. Il n’y a pas besoin de ces feuilles évidemment, mais de plus est-ce que les aubergines ne seraient pas contaminées par les métaux ?
Merci d’avance pour votre réponse,
Marienka
Bonsoir Marienka,
Merci pour les commentaires et la question posée. Aucune inquiétude,les plantes hyperaccumulatrices de zinc ne se développent que sur les sols pollués où elles se sont adaptées.
Bonne soirée,
Claude
Bonjour,
je fais partie de l’équipe qui est à l’origine de ce projet. Pour répondre à votre question, il n’y a pas d’inquiétude à avoir quant à une possible « échappée » des plantes hyperaccumulatrices en dehors de leurs sites de culture. En effet, sur un sol peu ou pas contaminé (typiquement comme un champ d’aubergines) les plantes hyperaccumulatrices que nous avons sélectionnées supportent très mal la compétition avec les autres espèces, non accumulatrices. Si bien que même si elles s’échappaient, elles ne survivraient pas en dehors de leur site contaminé. C’est justement parce que sur les sols fortement contaminés aucune autre espèce n’est capable de survivre que les plantes hyperaccumulatrices peuvent se développer, la compétition ayant été éliminée par les fortes teneurs en éléments traces contenus dans le sol.
En ce qui concerne votre question sur l’accumulation de métaux par les aubergines, une étude expérimentale (Topcuoglu & Onal 2007, http://www.tropentag.de/2007/abstracts/full/161.pdf ) montre que lorsqu’elles sont exposées à des éléments-traces, les aubergines les accumulent très peu (valeurs très inférieures aux seuils limites de consommation). Dans le cas d’une exposition à de fortes concentrations, celles-ci se révèlent phytotoxiques et la plante meurt. Toutefois, même si une plante n’est pas particulièrement accumulatrice, il est préférable d’éviter sa culture sur un sol potentiellement contaminé et de se renseigner auparavant sur sa composition, puisque même si les plantes n’accumulent pas les métaux, les travaux nécessaires à la culture (béchage, manipulation de la terre, etc.) poseraient des risques pour la santé du jardinier.
Bien cordialement,
Vincent
Bonjour,
Pour compléter les réponses de Claude et Vincent, je dirais au plan des processus que :
– De manière générale, l’ensemble des espèces accumulatrices de métaux/ETM sont a priori peu compétitives (= ont un désavantage sélectif) en terrain pauvre en ces éléments, parce que l’équipement physiologique nécessaire à l’extraction des ETM du sol, à leur tolérance à ces éléments et à leur accumulation implique un coût physiologique/énergétique globalement élevé, qui désavantage ces plantes en milieu non contaminé.
[ – Comme l’indique Claude dans son exposé, les plantes métallophiles (= métallophytes) stockent les ETM/métaux dans leurs feuilles et tiges – non pas dans les graines ni le pollen, par lesquelles elles se reproduisent et colonisent éventuellement d’autres habitats. Elles sont donc incapables de transporter des métaux d’un habitat à un autre lorsqu’elles colonisent un nouveau site.]
– Enfin, les plantes hyperaccumulatrices de métaux se contentent de décontaminer les sols pollués en métaux : elles sont bien sûr incapables de synthétiser des éléments métalliques sur des sols pauvres en métaux. En d’autres termes, même si ces plantes ne souffraient pas d’un désavantage sélectif et pouvaient coloniser un terrain pauvre en ETM – ce qui n’est pas le cas -, elles seraient incapables d’hyperaccumuler des métaux sur ces terrains pauvres, resteraient donc elles-même pauvres en ETM, et seraient donc totalement inoffensives (pour les autres plantes et) pour les herbivores et leurs prédateurs fréquentant ces terrains.
Bien cordialement,
Anne
Bonjour Marienka,
Ta question a suscité un débat intéressant. Il me semble que Vincent et Anne ont parfaitement répondu à tes interrogations. N’hésite pas à nous faire part de tes réflexions.
Bon dimanche,
Claude
Bonjour à toutes et à tous,
La sélection naturelle contre les flux de gènes entre plantes sur site pollué et sur site non pollué a été un modèle expérimental fondateur qui nous a aidé à comprendre les processus sélectifs. Il s’agit des travaux de Janis Antonovics au début des années 1970 ! Aucune inquiétude à avoir donc.
Bon dimanche,
Finn
Me voilà donc tranquillisée. Merci à tous pour vos réponses.
Marienka
Bonjour Claude,
Je suis à vrai dire intriguée par l’étape de chimie appliquée à la phytoextraction et dépollution des sols dans le schéma ci-dessus (Figure 3). Pourrais-tu décrire l’un de ces catalyseurs bio-sourcés « constitué d’espèces chimiques originales et rares, que la métallurgie n’a jamais su produire » ?
La partie gauche du schéma semble indiquer que des « pilules » de ces catalyseurs sont utilisées dans les sols dénudés et pollués par les ETM pour favoriser la phytoextraction des métaux. Est-ce bien le cas?
Si oui, comment des « pilules » de ces catalyseurs peuvent-elles agir dans le sol sans que les molécules complexes non protégés qui les constituent soient rapidement métabolisées/détruites par les bactéries du sol ? Comment ces « pilules » de catalyseurs bio-sourcés interagissent-elles avec les plantes métallophytes dans les sols pollués, ou/et en quoi sont-elles nécessaires à la dépollution de ces sols, puisque les plantes métallophytes elles-mêmes (dont les graines peuvent être semées dans les sites pollués) sont capables d’extraire et d’accumuler les ETM ?
Bien cordialement,
Anne
Bonjour Anne,
Merci pour ta question ; elle est importante.
La figure 3 prête peut-être à confusion ; des explications complémentaires sont nécessaires.
Dans le procédé développé, les ETM présents dans les feuilles sont transformés en catalyseurs, c’est-à-dire en entités capables de transformer des molécules simples en molécules complexes, tels que des médicaments. La structure des catalyseurs issue des plantes est très différente de celle des catalyseurs qui dérivent de la métallurgie. Ainsi, les catalyseurs bio-sourcés ont un comportement original et une réactivité différente. Ils sont capables de permettre la préparation de médicaments d’une façon plus efficace, et avec des procédés plus respectueux de l’environnement. Leur intérêt est tel qu’ils constituent un réel encouragement au développement de la phytoextraction. La flêche qui relie la « pilule » au site pollué illustre cet aspect. En revanche, la « pilule » ne se retrouve pas dans le sol.
J’espère que mes propos permettent de mieux comprendre la figure 3.
Bien cordialement,
Claude
Bonsoir Claude,
Merci pour ta réponse, qui explique la signification de la boîte de « pilules » (médicaments synthétisés à l’aide de catalyseurs biosourcés) et celle de la flèche reliant (indirectement) ces médicaments à l’étape de phytoextraction, dans la figure 3.
Mais ma première question reste en plan : Pourrais-tu décrire grosso modo l’un de ces catalyseurs bio-sourcés « constitués d’espèces chimiques originales et rares, que la métallurgie n’a jamais su produire » ? Ou tout au moins expliquer l’originalité chimique de ces catalyseurs métalliques synthétisés par les plantes métallophiles ?
Merci pour tes réponses,
Anne
Bonjour,
Je suis un chimiste de l’équipe de Claude Grison. La composition des catalyseurs bio-sourcés est très complexe et difficilement descriptible ici. L’originalité de ces catalyseurs est leur composition polymétallique particulière qui leur permet d’interagir avec une plus grande gamme de composés (ou avec plusieurs fonctions chimiques d’un même composé) que le ferait un catalyseur classique. Il en découle la découverte de nouvelles réactions ou l’amélioration de réactions connues. Dans certains cas, ces catalyseurs permettent également d’accéder à des produits différents que ceux obtenus par l’intermédiaire de catalyseurs classiques lors de la même réaction.
Bon week-end,
Brice
Bonjour Brice,
Merci pour votre réponse. Ce n’est pas évident en effet de décrire des molécules complexes hors de revues de chimie, mais donner une idée des caractéristiques structurales ou fonctionnelles générales de ces molécules à des non spécialistes me semble une bonne chose !
Cordialement,
Anne
Bonjour,
J’ai une question sur votre projet, une précision qui vous semblera peut-être évidente!!!
Vous dites que le but de votre projet est de récupérer les élément métalliques directement des plantes les ayant accumulés,afin de s’en servir comme catalyseurs. Commet procédez-vous physiquement? Cette technique est-elle destructrice pour la plante, ou broyez-vous seulement les parties aériennes pour permettre au plan de se régénérer, et ainsi, continuer à stocker ces ETM?
Merci d’avance pour vos précisions.
L’article est très intéressant, bonne réussite dans vos travaux.
Chloë
Bonsoir Chloé,
La technique permettant de préparer des catalyseurs ne détruit pas la plante. Nous récoltons uniquement les feuilles les plus intéressantes. La plante n’est jamais mise en péril. C’est un aspect très important, car l’objectif premier est bien la réintroduction durable d’une végétation adaptée.
Merci d’avoir posé cette question,
Claude
Bonjour,
Merci pour cet article très intéressant.
Je vais peut-être poser une question évidente, mais quelles sont les quantités d’ETM stockées dans les sols de ces sites pollués, dont la surface est faible par construction ? En effet, il s’agit d’une méthode (douce) d’extraction des éléments d’un sol. La quantité d’éléments extractibles est donc limitée, au même titre que d’autres éléments tel que le phosphore et le potassium, par exemple. Et cette quantité d’ETM représente-t-elle / peut-elle représenter dans le futur une alternative sérieuse aux sources conventionnelles, en terme de quantités produites annuellement ? J’imagine déjà le futur pic de production.
Bonjour Rodolphe,
Les plantes étudiées sont qualifiées d’hyperaccumulateurs d’ETM.
Par définition, un hyperaccumulateur de zinc ou de manganèse accumule au minimum 10 000 mg.kg-1 d’ETM ; pour le cuivre, le cobalt, le chrome ou le nickel, il s’agit au moins de 1000 mg.kg-1 d’ETM. Pour les meilleurs d’entre eux, nous atteignons donc plusieurs % dans la matière sèche.
Les quantités sont donc très importantes. Ils peuvent être une alternative aux ressources conventionnelles, à condition d’en avoir un usage adapté. Les applications que nous avons développées s’appuient sur ce principe. Nous les utilisons comme catalyseurs de chimie organique, où quelques % suffisent pour avoir une bonne activité.
Bonjour,
je suis très intéressée par la dépollution des sols et la réhabilitation des sites par phytoremédiation et j’aimerais savoir s’il y a, aujourd’hui, des résultats concrets sur l’utilisation des plantes hyperaccumulatrices. Est-ce que des sites ont été totalement dépollués de leurs métaux lourds grâce à cette technique? Si oui, avez vous des noms de sites à me communiquer pour en apprendre plus sur le sujet?
Je vous rapporte également une question qui m’a été posée lorsque j’évoquais le sujet de la phytoremédiation et à laquelle je n’ai pas su répondre: La phytorémediation est elle viable lorsque les polluants sont en profondeur? Si non, quelle est la limite de profondeur pour laquelle les plantes sont efficaces?
En vous remerciant d’avance pour vos réponses, je souhaitais également vous remercier pour avoir trouvé le moyen de valoriser cette technique de dépollution auprès des professionnels.
Bonjour Maël,
La phytoextraction est une technique de dépollution lente et progressive, qui doit être gérée sur le long terme. Avant de dépolluer, l’objectif immédiat est le développement d’un couvert végétal stable et durable, capable de confiner les poussières métalliques, afin de limiter l’érosion éolienne et donc leur envol vers les habitations voisines. L’érosion pluviale est également limitée. Ces aspects sont déjà très importants.
Ces différents objectifs sont développés à grande échelle et sur sites miniers par notre laboratoire (Laboratoire de Chimie Bio-inspirée et Innovations écologiques FRE 3673 CNRS UM2 Stratoz) en collaboration avec la jeune entreprise innovante Stratoz.
Pour aller jusqu’à une dépollution totale, il faut être capable de valoriser la biomasse produite. Ceci est aujourd’hui possible grâce au concept que nous développons, l’écocatalyse. Les feuilles chargées en éléments métalliques sont récoltées et transformées en écocatalyseurs. Ce sont de nouveaux outils chimiques permettant la synthèse de biomolécules à haute valeur ajoutée.
Pour répondre à la seconde question, la profondeur de dépollution est liée à l’amplitude des racines. Il est ainsi important de disposer de métallophytes variés, au système racinaire différent et de longueur complémentaire. Les situations sont très différentes selon les sites et la biodiversité locale. Une dépollution d’une première couche superficielle est possible, et n’exclut pas de dépolluer des couches plus profondes dans un second temps.
J’espère que ces premiers éléments de réponse vous seront utiles. Des informations précises seront bientôt disponibles sur le site web du laboratoire et de la société Stratoz.
A bientôt donc sur notre site.
Claude