La Société Française d’Ecologie (SFE) vous propose ce regard de Jerôme Casas, Professeur d’Ecologie à l’Université de Tours, sur la course à l’excellence en sciences de la biodiversité.
MERCI DE PARTICIPER à ces regards et débats sur la biodiversité en postant vos commentaires après cet article. Les auteurs vous répondront et une synthèse des contributions sera ajoutée après chaque article.
Quelle course à l’excellence
pour les sciences de la biodiversité ?
Jérôme Casas
Professeur d’écologie, Président du comité scientifique ANR-IFB 2005
http://casas-lab.irbi.univ-tours.fr/jerome_casas.html
( Fichier PDF )
Regard R15, édité par Anne Teyssèdre
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Mots clés : recherche, biodiversité, stratégie et politiques, dépense publique, ressources humaines, valeurs, élitisme.
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La préparation fiévreuse des dossiers de candidature aux équipements d‘excellence (EQUIPEX), laboratoires d’excellence (LABEX) et autres initiatives d’excellence (IDEX), qui a déterminé la vie des laboratoires à la rentrée 2010, est une belle illustration d’une idée fixe qui hante les structures françaises de pilotage de la recherche. Une tendance similaire s’exprime en fait de par le monde. La mise au régime sec des économies, des pays européens en particulier, combinée à la relative sauvegarde de la recherche comme domaine porteur d’un meilleur futur, implique que les attentes soient exacerbées, et à juste titre : c’est bien sur la base des possibilités que font miroiter les scientifiques et ingénieurs que la société accepte une telle asymétrie de traitement. Le choc financier est suffisamment douloureux pour que ces attentes s’expriment sur un laps temps court. Il s’agit donc d’investir là où il convient, et de tirer le meilleur profit de ces investissements; la course à l’excellence prend alors tout son sens. A priori.
Sigles et définitions clefs :
- EQUIPEX, LABEX, IDEX : programmes du Ministère de la Recherche dans le cadre des investissements d’avenir, au sein du grand emprunt.
- L’Agence Nationale pour la Recherche, ou ANR, est une agence de financement de projets de recherche budgétisée par l’Etat français.
- L’Institut Français pour la Biodiversité, ou IFB, était de 2000 à 2007 un Groupement d’Intérêt Scientifique rassemblant tous les organismes de recherche sur la biodiversité. Il a cessé de fonctionner en 2008, ses missions étant en grande partie reprises par la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité (FRB).
- Le National Institutes of Health (NIH) des USA est l’institut de recherches biomédicales le plus riche du monde.
Cette course ne date pas de hier. En 2005, l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) mandatait l’Institut Français de la Biodiversité (IFB) pour piloter la partie scientifique d’une série d’appels à projets, les ANR Biodiversité de 2005, 2006 et 2007. Jacques Weber, alors directeur de l’IFB, ainsi que les conseils scientifiques formés par l’IFB pour ces appels ANR, eurent à cœur de rendre possible une recherche jusqu’alors sous-alimentée. Les sommes en jeu, qui n’ont pas été égalées depuis, dépassaient en effet de deux ordres de grandeur ce que nous connaissions habituellement. La nécessité d’aller très vite tout en mettant en place un système rigoureux portant sur l’attribution d’une dizaine de millions d’euros par an a poussé l’équipe mandatée à discuter âprement du concept de l’excellence.
Qu’est – ce que l’excellence ? Le manque d’étalon de l’excellence dans bien des domaines implique de travailler de manière relative. En effet, non seulement l’excellence est rare par définition, mais il est facile d’utiliser le meilleur élément comme borne supérieure. Une simple règle de trois impliquant le pourcentage que l’on veut bien placer dans la catégorie visée détermine alors le nombre d’individus, projets ou structures appartenant à l’élite. Le choix de ce pourcentage peut lui aussi être éludé, par exemple en déterminant le montant maximal par projet que le financeur veut bien considérer. Ou encore en admettant que le budget demandé par ‘le meilleur’, certes quelque peu réduit afin de montrer que décision fut prise, serve d’étalon. En effet, qui saurait mieux que ’le meilleur’ ce qu’il convient de faire et combien demander? Homo academicus étant par ailleurs très friand de tous classements et autres formes de reconnaissance, il suffit de le laisser travailler en amont pour que les structures de pilotage utilisent les classements proposés. Le résultat de cette machine est bien connu : l’élite reconnue par ce système est adulée et ne peut que confirmer les choix pris sur critères ‘objectifs’ tandis que les perdants sont priés de mieux faire la prochaine fois.
En fait, il serait préférable que ces derniers disparaissent au fil du temps, afin de prouver que le système fonctionne comme un escalier vers l’excellence… superbe contradiction dans les termes. De plus, le prix de la course à l’excellence est assez élevé pour l’individu ‘sous-performant’ et ceux qui l’ont payé peuvent ne pas retrouver l’énergie nécessaire pour repartir. Le prix global que la société paie par ailleurs pour cette course n’est que rarement estimé, guère plus que les bénéfices, et sans impact quelconque pour l’instant. Que penser lorsque tous les chercheurs d’un pays travaillent pendant des semaines à écrire des projets, alors que seuls 50 d’entre eux seront pris sur deux ans (LABEX français) ou lorsque l’âge moyen des porteurs ayant leur premier projet accepté par les NIH (National Institutes of Health, USA) est maintenant de 43 ans ? Pourquoi de telles dépenses restent-elles sans conséquences, pourquoi ces efforts ne sont-ils que rarement quantifiés et pourquoi les systèmes de financement n’ont-ils pas le courage de mieux cibler le public désiré, afin de diminuer le contingent de ceux qui ne pourront pas accéder à la ressource ? On ne trouve malheureusement relativement que peu de littérature approfondie à ce sujet.
Une manière de procéder basée sur le concept d’une proportion immuable et très faible de candidats remplissant les critères (par construction mouvants) de l’excellence n’est pas condamnable tant qu’il s’agit de courir le plus vite possible sur une distance limitée ou de marquer des buts, par exemple. A contrario, l’écologie ne peut pas s’offrir le luxe de faire de l’élitisme à outrance. Le nombre d’élus serait alors trop faible au regard de la taille et de la diversité des problèmes auxquels nous devons et devrons faire face.
L’idée selon laquelle une concentration des moyens sur un très petit nombre d’individus, projets ou structures remplissant les critères élitistes serait le meilleur investissement bute contre un problème spécifique à bien des sciences. Il existe en effet une limite à ce qu’un seul individu peut faire, en particulier dans la partie la plus créative du métier de chercheur : sous-traiter la réflexion à d’autres n’est possible que de manière restreinte, et la réflexion profonde tout simplement impossible. Une excellente idée jaillit à un instant précis d’un seul cerveau, et non de celui d’un groupe, même si ce dernier peut servir de creuset.
Il est intéressant à cet égard de suivre les discussions portant sur l’excellence de la recherche française en mathématiques, puisque ce domaine sait mieux que tout autre la cultiver. Parmi les critères indiqués par les mathématiciens eux-mêmes, on retiendra entre autre le lien étroit entre CNRS et universités, une attitude ferme contre l’auto-recrutement, avec publication sur un site international des taux de népotisme par université, et une décentralisation des moyens permettant à de nombreux centres répartis sur tout le territoire de fonctionner. Ceci ne doit pas être confondu avec un saupoudrage égalitariste, méthode qui ne satisfait aucun critère sérieux.
Au vu des éléments précédents, de l’éclatement inhabituel des sciences de l’écologie-évolution-biodiversité, y compris dans ses aspects ‘sciences humaines et sociales’, un élitisme exacerbé ne semble donc pas être une réponse adéquate aux défis à relever, même si l’assiette financière est de taille modeste. La question, lors d’un appel à projet, devient alors la suivante : en supposant qu’il soit possible de hiérarchiser les projets de manière relativement fiable sur une échelle d’excellence, ce que je crois possible malgré les erreurs et difficultés inhérentes, où placer la barre ? Il n’existe pas de solutions toute faites, mais quelques pistes qui ont fait leurs preuves dans le passé:
- Le but n’est pas de placer la barre le plus haut possible, mais le plus bas possible. En d’autres termes, il est préférable de financer quelques projets qui ne le méritent pas plutôt que de les laisser de côté. L’effet immédiat est de réduire la masse financière par projet. Il faut cependant maintenir une zone confortable pour que les projets soient de grande ampleur et soient faisables.
- Une forte corrélation entre potentiel futur et performances passées n’est pas synonyme de déterminisme. La part de l’imprévu dans le succès ou la pertinence des recherches est une raison supplémentaire pour ne pas financer les meilleurs des projets avec des moyens excessifs.
- Il existe souvent des sauts importants de qualité entre groupes de projets. Il est en effet assez commun de repérer des groupes de projets plutôt qu’un continuum selon l’axe qualité. Il est parfois possible d’augmenter le budget global pour aller jusqu’au dernier projet de l’un de ces groupes, quitte à déterminer un budget plus faible au départ. Ceci implique une souplesse entre lignes budgétaires, chose peu aisée mais possible avec une volonté politique forte.
Afin de minimiser les pertes d’efforts et d’enthousiasme des auteurs des très nombreux projets rejetés en 2005 et 2006, l’équipe avait mis sur place un suivi personnalisé de projets susceptibles d’être retenus à l’appel suivant. Ce suivi, original, a porté ses fruits dans certains cas, dans d’autres non. Il nous a été par la suite demandé d’arrêter cette procédure, qui induisait un biais entre candidats. C’est possible, bien que non prouvé par une analyse statistique sur les cas en question, et laisse la question en suspends de que faire alors des 90% de projets non retenus, dont on sait pertinemment que certains sont tout aussi bons une fois quelques points, parfois mineurs, élucidés?
Ces questions ne se limitent pas aux financements par l’ANR, mais sont communes à tout appel à propositions de recherches dans lesquels l’excellence est recherchée. Elles sont lancinantes et se posent avec d’autant plus d’acuité dans un pays qui compte un grand nombre de statutaires dont le salaire reste versé, avec ou sans projet, d’autant que la masse financière de leurs salaires représente une partie énorme du budget des organismes de recherche.
D’autres questions se posent alors inéluctablement. Que font tous les scientifiques sans projet ? Obtiennent-ils d’autres financements et lesquels? Si ce n’est pas le cas, comment peuvent-ils alors monter ‘l’escalier de l’excellence’ et migrer d’un statut à un autre ? Peut-on alors s’en passer, tout simplement, puisqu’ils ne produisent que des contributions ‘mineures’ ? Selon quel principe peut-on continuer à payer des personnes ‘sous-performantes’ sans leur proposer (voire imposer) d’alternative alors que les jeunes n’accèdent à un premier emploi qu’avec grande difficulté ? Quelle instance se mobilisera un jour pour comptabiliser ces coûts? Quelle instance ne peut pas les considérer comme des coûts externes et se doit, un jour, de les incorporer dans son budget ? Comment se fait-il que les scientifiques ne se mobilisent pas eux-mêmes pour proposer un système satisfaisant de gestion de ressources humaines ? La course à l’excellence a des coûts, et ce n’est que lorsque ceux-ci sont mis en regard des bénéfices obtenus (et non pas espérés, car les coûts ne sont pas hypothétiques), qu’un bilan clair des choix et des investissements consentis peut être tiré.
Lors d’une des franches discussions que nous avions, Jacques Weber se souciait du degré trop élevé de rigueur avec lequel le comité scientifique traitait des projets soumis pour financement à l’ANR biodiversité 2005. Cette démarche écartait en effet des projets de personnes dont « on savait pertinemment produire de la qualité ». Souci rigoriste des deniers publics contre confiance dans la capacité des individus, autre formulation pour les mêmes questions.
Jacques avait alors déterminé un mode opératoire qui allait dans le sens désiré: au comité scientifique de faire son classement rigoureux, à lui en tant que directeur de l’IFB de faire en sorte que l’assiette financière soit agrandie pour faire passer un ou deux projets supplémentaires qui le méritaient. Cette recherche de façons de ‘rendre possible’, sans concession sur la qualité, ne répond que partiellement à la question car les quelques repêchés sont une goutte d’eau dans l’océan des recalés. Mais au regard du peu de réponses possibles, c’est déjà beaucoup.
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Article édité, illustré et mis en ligne par Anne Teyssèdre.
Ce ‘regard’ est adapté d’une contribution à un ouvrage collectif en l’honneur de Jacques Weber, économiste et anthropologue, Directeur de l’IFB de 2000 à 2007. L’éditrice remercie Frédéric Jiguet, Benoît Fontaine, Romain Julliard, Karine Princé et Hélène Cheval (CERSP, MNHN) pour leur collaboration amicale et photogénique à cet article !
Ce texte, très intéressant, ramène, d’une certaine façon, le débat de base sur les modes de financement de la recherche. Au delà du « processus » de sélection, la « modalité » de financement me semble être un point essentiel. Ici, au Canada, comme en France, le financement de la recherche est purement public. Il s’agit d’un choix de société qui a certe ses bénéfices mais, qui au final fait en sorte que tous mangent dans la même main. On penserait que ce choix mène à un financement plus équitable, surtout pour la recherche fondamental. Or, au Canada, ce n’est pas ce qui se produit. Relativement aux USA, système à financement public et privée, la recherche fondamentale au Canada pâtie d’un manque flagrant de ressource. Le taux d’acceptation au NSF (national scientific fund) est d’environ 7% et pourtant, les infrastructures de recherche fondamental États-Uniennes sont parmis les plus avancées au monde. On peut donc en arriver à la conclusion, certe facile et simpliste, mais, réaliste, qu’une diversité de porte feuille et d’intérêt mène nécessairement à un plus grand nombre de « gagnant ». Je ne fais pas ici l’apogée d’une privatisation de l’éducation mais plutôt, je suggère qu’il sera peut-être nécessaire de repenser le paysage « homogène » de financement de la recherche pour en faire une mosaique « hétérogène », favorisant ainsi la diversité des intérêts et donc une maximisation du nombre de prétendant à « l’excellence ».
Je vous propose quelques extraits de deux articles importants qui analysent cette fameuse « excellence » dont on nous abreuve à foison :
« Son Excellence l’excellence » : radiographie d’une imposture (1/2, 2/2)
Pascal Maillard, MEDIAPART, février et mars 2011
1/2 http://bit.ly/gVGWsW
2/2 http://bit.ly/hktZpE
Faire l’autopsie de l’excellence est en effet une urgence si on ne veut pas, d’ici peu de temps, faire celle de la recherche et des universités françaises assassinées par un pauvre mot, un petit mot aux conséquences incalculables. Assassinée par un mot et la chose que flush le vide apparent qu’il flush.
C’est que la politique de l’excellence est d’abord une politique du chiffre.
«Ce brain drain à l’envers sera construit sur un processus bottom-up et ouvert»-
phrase extraite d’un projet «Initiative d’excellence».
«L’excellence, c’est le meilleur»- Valérie Pécresse
«La République, elle est dans l’excellence»- Nicolas Sarkozy
La mise en rapport des trois citations disposées en épigraphe de ce billet d’humeur allégorise à elle seule l’inanité de l’excellence qu’on nous impose: importation irréfléchie et placage d’un modèle managérial inadapté dans une novlangue, tautologie creuse, valorisation idéologique d’une notion impensée.
L’excellence est le mot par lequel Sarkozy privatise en ce moment même la science française avant d’opérer demain la privatisation de la Sécurité Sociale.
l’intelligence contre l’excellence
Le concours en -ex :
En définitive, un gouvernement irresponsable a inventé, par temps de crise économique et démocratique, et au risque de l’aggraver, le concours national le plus cher et plus absurde de toute l’histoire de la fonction publique.
Mais l’excellence, c’est aussi du vent.
L’excellence n’est pas un concept de la science, mais un artefact idéologique qui scelle une union perverse et dangereuse de la science avec la finance.
Merci à J Casas pour cette courageuse prise de position et réflexion personnelle sur la manière dont il convient d’insuffler de la qualité et du dynamisme dans un domaine particulier de la recherche publique.
Sans prendre trop de risques de doublonner, je me permets de resservir ci-dessous un commentaire posté hier sur le site de SLR (Sauvons La Recherche) à propos d’un article sur les -ex et les tripatouillages associés:
Le leitmotiv de l’excellence, décliné dans tous les Labex, Idex, Equipex et autres primes d’excellence, claironné partout jusqu’à la nausée, est le faux-nez ultra-libéral du poujadisme d’état qui règne dans ce pays pour tout ce qui à trait à la science et à la culture, pour ne citer qu’elles.
Personne ne peut être contre l’excellence, bien entendu. Au café du commerce, on entend souvent rabâcher la phrase « des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent on en cherche », et M. Tout-le-Monde désire, à juste titre, que ses impôts servent « à quelque chose » et se demande régulièrement si c’est bien le cas. Surtout s’il lit les médias qui reprennent en chœur les déclarations alarmistes du gouvernement sur la place beaucoup trop modeste qu’occuperaient les universités françaises dans le classement dit de Shangaï et que par ailleurs il y a trop de fonctionnaires dans notre beau pays. Donc allons-y pour l’excellence, prenons un gros bâton avec une carotte au bout, la carotte pour attirer les « excellents » et le bâton pour repousser les autres dans leur médiocrité. Que les meilleurs gagnent donc, et au bout de l’exercice il ne restera plus qu’à attendre que les médiocres s’en aillent d’eux-mêmes, dégoutés, ou au moins qu’ils partent vite à la retraite mais de toutes façons on ne remplacera pas leurs postes… Si on rajoute dans tout ça une louche de plus en plus grande d’intéressement personnel pour ceux qui auraient accédé au statut d’excellence (primes du même non, possibilité d’augmenter son salaire sur les montants des contrats de recherche, etc…) alors on est assuré d’avoir les meilleurs ! Après-tout, ça marche bien pour les équipes de foot avec le célèbre Mercato, n’est-ce pas ? Alors pourquoi pas également pour la recherche et l’enseignement supérieur ?
Le problème est que même pour le foot, qui est pourtant quelque chose dont les objectifs sont évidents et simplissimes par rapport à ceux de la recherche, ça ne marche pas très fort. Merci à l’équipe de Chambéry de nous l’avoir rappelé, côté clair, et côté sombre merci à la sélection française de nous avoir démontré qu’il ne suffisait pas de bien payer les joueurs pour gagner un mondial…
Si l’on oublie donc les finalités ultimes et si on pense que l’excellence est quelque chose d’univoque, alors effectivement tartinons en une couche sur tout ce qui passe, et demandons à un jury international de distribuer les prix de cette course à l’échalote. Nous sommes sûrs comme ça de ne mécontenter que les râleurs, par exemple ceux qui pensent que la science est aussi une affaire citoyenne et qu’elle ne produit pas forcément que de « l’avantage compétitif » au sens du protocole de Lisbonne, et que même si on n’a que cet objectif en vue, le meilleur moyen pour y arriver n’est pas forcément celui qui consiste à exacerber la concurrence de tout le monde avec tout le monde à tout instant, comme c’est le cas actuellement. Nous vivons une époque formidable, et les fabricants de bulles économiques et technologiques ont la mémoire courte et le triomphe compétitif pas très modeste. Madoff et Tepco ne seraient-ils pas là pour nous le rappeler ? Alors pourquoi vouloir à tout prix engloutir la science française dans ce creuset ultralibéral dont même les parois risquent de fondre ?
Ah, au fait, pour oiseaux de mauvais augure, un site qu’il faut voir en ce moment : http://www.natureasia.com/en/publishing-index/global/. La médiocrité bat son plein…
Merci aux intervenants pour leurs contributions à ces débats. Il serait très utile de rassembler les expériences de différentes structures de financements de la recherche à ce propos, y compris dans différents pays comme le montre le propos de E. Harvey, et de diffuser bien plus largement les résultats. C’est fait partiellement en Europe avec des structures comme les ERA-Nets et il existe des programmes de recherches comparatifs. Je ne crois pas que le fait que les financements soient principalement publics (ou privés) implique automatiquement une uniformisation des buts et une absence de portofolio. C’est tout l’enjeu des programmes thématiques et leur poids relatifs en comparaison aux programmes ouverts, enjeu sur lesquels il existe aussi de nombreux débats et un peu de littérature.
Les extraits de texte repris par F. Bonhomme ainsi que les deux textes très éclairants signalés par S. Gerber pointent, comme le fait ma contribution, sur les dérives actuelles, exacerbés par un hold-up du monde politique sur le nom non-protégé d’excellence. La coïncidence temporelle de ces cris d’alarme n’est pas fortuite. Par contre, peu de solutions sur les difficultés génériques y sont proposées, ce que je souligne dans mon propos. C’est ennuyeux, car le problème se pose de par lui-même, avec ou sans hold-up politique. Ne pas y chercher des réponses est une solution aussi facile que de critiquer l’existant. La problématique est un mélange complexe de concepts de justice, d’allocations de ressources et d’optimisation, questions qui anime une partie non négligeables des écologues, scientifiques de tout poils, sociologues et autres philosophes. La littérature à ce sujet est immense, mais souvent générique. C’est la déclinaison opérationnelle des réponses à ces problèmes dans le contexte spécifique de la recherche qui est inexistante. A quand une synthèse des enjeux entre méritocratie et justice, au-delà du cas de l’école? la France a une très bonne école de pensée pour ces domaines, mais tout n’est pas transposable dans le domaine de la recherche.
Bonjour, et merci pour cet article intéressant.
Je loue les efforts de l’auteur pour favoriser une recherche saine et efficace.
Un commentaire m’est venu à l’esprit en lisant les mots « excellence / élitisme / qualité… » fréquemment utilisés dans cet article. Il me semble que l’on ne réfléchît pas à la question centrale dans ce débat : qu’est-ce que l’excellence ?
On fait naturellement l’hypothèse que la « qualité » d’un chercheur est unique et unanimement reconnue, ce qui n’est bien sur pas le cas. De plus, si l’objectif de ces réflexions est centré sur le « retour sur investissement » de la recherche française, l’article insiste sur le bénéfice que NOUS en tirerions, mais pas sur ce que la SCIENCE en tirerait.
En d’autres termes, qu’est-ce qui fait qu’un chercheur est excellent ? Qu’est-ce qu’une « excellente idée » ? Avec une vue (simplifiée) de changement de paradigme par exemple, qu’est-ce qui nous assure que l’excellence que nous avons retenu va réellement apporter ‡ la discipline ce changement de paradigme (et donc autre chose que des articles de « la science normale » comme l’appelée T. Kuhn !).
Peut-on encore explorer de nos jours des idées de recherche audacieuses, innovantes ? Je n’en ai pas l’impression. C’est sur ce point que je souhaiterais depuis longtemps que l’on réfléchisse.
Il n’est sans doute pas de solutions toutes faites ‡ cet Ègard, mais un fond additionnel, avec des critères de sélection radicalement différents de ceux habituels (comme le sous-entend le mode opératoire suggéré par J. Weber) pourrait certainement remplir cet objectif.
Souvenons-nous de cette (Éclairante) image d’un homme qui cherche ses clés au pied d’un réverbère, qui se fait bientôt aider d’un autre qui, ne trouvant pas plus les clés, fini par lui demander : es-tu sur de les avoir perdu ici ? Et l’autre de répondre ; pas du tout, mais c’est le seul endroit où il y a de la lumière !
Par ces débats, il me semble que nous améliorons l’Éclairage de ce réverbère. Mais nous ne trouvons pas la personne qui pose la question d’installer un nouveau réverbère, et encore moins de le faire…
En tous les cas, merci encore pour vos réflexions.
Pour contre-balancer les propos, si on regarde les publications du NCIS de Los-Angeles, sur lesquelles le gouvernement se base principalement, les études durent entre 20 et 40 minutes et les résultats sont là.
cf : http://www.cbs.com/primetime/ncis/
Alors, on peut toujours reprocher à Nicolas Sarkozy de ne pas avoir eu une excellente note dans son UE « diversité » (culturelle et biologique), mais c’était une UE avec peu de crédits !