Cadre conceptuel et objectif du stage
Depuis quelques années, il a été démontré que certaines plantes sont capables de développer des stratégies végétales particulières, et ainsi, piloter le microbiote associé au cycle de l’azote dans les sols. La stratégie d’inhibition biologique de la dénitrification ou BDI s’établit par la production de métabolites secondaires (procyanidines) inhibant l’activité de dénitrification [1,2] des sols (responsable de la réduction du nitrate en formes gazeuses d’azote, N2 ou N2O). Cette stratégie a été démontrée pour la première fois pour les Renouées du Japon [1,2,3,4]. Elle permet à la Renouée de détourner à son profit le nitrate de la voie microbienne et de ne plus être dépendante de la quantité d’azote des sols [4,5,6]. Très récemment, nous avons montré que la présence de procyanidines (seules molécules connues impliquées dans le BDI) dans le système racinaire de jeunes germinations de Renouées menait à une stratégie BDI précoce [5]. Ces résultats démontrent la possibilité d’une production de procyanidines à tous les stades de croissance chez les plantes. En effet, les procyanidines sont des molécules largement répandues (des Bryophytes aux Angiospermes) dérivant des anthocyanes (pigments) et jouent d’importants rôles dans la résistance aux stress [7] surtout présentes dans les parties aériennes de nombreuses plantes, et encore peu étudiées au niveau racinaire. La stratégie BDI a d’ores et déjà été mise en évidence sur deux autres espèces naturelles [2], la fougère aigle et la bruyère cendrée. Ces résultats suggèrent que la répartition des procyanidines racinaires est potentiellement large et retrouvée dans plusieurs familles des Angiospermes. Nous faisons l’hypothèse que ce pilotage du microbiote azoté est très probablement répandu chez les Angiospermes et pourrait se retrouver chez des espèces d’intérêt pour l’Homme (espèces agronomiques, horticoles, ornementales…)
A contre-courant de ce qui est généralement fait pour piloter le microbiote (e.g. inoculations), nous avons choisi d’inscrire ce sujet avec un parti-pris original : travailler directement sur le végétal comme acteur de sa propre croissance et nutrition, au travers les stratégies de pilotage du microbiote qu’il développe. L’idée est de penser la production procyanidines et la stratégie BDI comme nouveaux leviers d’action dans le pilotage du microbiote associé au cycle de l’azote. L’hypothèse centrale de ce sujet est que la production de procyanidines au niveau racinaire est une caractéristique largement répandue dans la phylogénie des Angiospermes, et ce, même à des stades précoces. Ce sujet de Master 2 cherche à : (1) définir les ordres/familles végétales et les espèces d’intérêt pouvant produire des procyanidines au niveau racinaire dans la phylogénie des Angiospermes, (2) mettre en évidence les liens entre un trait phyto-chimique menant à une stratégie végétale particulière (BDI) et les traits fonctionnels classiques en écologie végétale (biomasses et architecture racinaire), et (3) explorer si la production de proanthocyanidines est toujours synonyme de production de procyanidines
Méthodologie
Afin de faciliter le criblage du trait phytochimique « production de procyanidines » sur l’ensemble des espèces testées (environ 170 espèces d’Angiospermes), une première étape a déjà été réalisée : mettre en évidence sur le système racinaire la production de proanthocyanidines racinaires. Les proanthocyanidines incluent les procyanidines et se mettent facilement en évidence par colorimétrie (DMAC [8]), en colorant en bleu les systèmes racinaires possédant ces molécules (technique maîtrisée par l’équipe d’accueil EVZH, LEHNA).
Environ 60 espèces végétales ont été sélectionnées pour leur production de proanthocyanidines racinaires et 20 espèces pour la non-production de proanthocyanidines (espèces témoins). Elles seront cultivées au stade plantule (i.e., 2 feuilles) par lot d’une vingtaine d’espèces avant et pendant le stage. Lors du stage, les extraits racinaires des 80 espèces seront réalisés pour (1) caractériser la qualité et quantité de procyanidines produites par U-HPLC au Centre d’études des Substances Naturelles (LEM) et (2) évaluer les traits fonctionnels aériens et racinaires des espèces testées.
Les différentes tâches du projet sont :
1- Croissance et récolte des espèces
Sur les 80 espèces testées, un lot d’individus par espèce sera semé en plaque de culture dans du terreau (taille du lot dépendante du taux de germination de chaque espèce) et mis en chambre climatique. Les espèces seront cultivées par lot de 15 à 20 espèces afin d’étaler la culture. La production de procyanidines étant efficiente dès le stade BBCH 12 [5], 20 individus par espèce seront récoltés à ce stade (15 pour l’extraction racinaire et le dosage en HPLC et 5 pour la mesures des traits fonctionnels).
2- Phytochimie et métabolome végétal
Les procyanidines seront extraites des parties souterraines et quantifiées à l’aide de standards en U-HPLC selon les protocoles utilisés en routine au Centre d’études des Substances Naturelles (CESN) au LEM.
3- Traits fonctionnels des espèces testées
Les traits de croissance et de stockage des végétaux tant au niveau aérien que racinaire seront mesurés afin de coupler les traits fonctionnels classiques et le trait phytochimique « production de procyanidines ». Les traits mesurés sont les traits fonctionnels classiques décrits dans la littérature [9, 10], un focus particulier sera fait sur les traits racinaires de par leur importance dans les interactions plantes-stratégie de gestion de l’azote dans les sols [11].
4- Analyses statistiques
La présence d’un signal phylogénétique associé à la production de procyanidines racinaires dans la phylogénie végétale sera déterminée avec le package phylosignal dans R ou encore la réalisation de pACP.
Profil recherché :
Etudiant(e) master 2 ou école d’ingénieur en Ecologie/Agroécologie/Biologie végétale intéressé(e) par la phytochimie, la phylogénie des Angiospermes et l’écologie fonctionnelle ayant des bases solides en statistiques et visualisations de données sous R.
Début du stage souhaité entre janvier et début mars 2025
Laboratoires d’accueil
UMR 5557 CNRS-Lyon1 UMR 1418 INRAE – Ecologie Microbienne , équipe : Diversité fonctionnelle et cycle de l’azote, responsable du stage : Amélie Cantarel, amelie.cantarel@univ-lyon1.fr ; et Laboratoire d’Ecologie des Hydrosystèmes Naturels et Anthropiséséquipe : Ecologie Végétale et Zones Humides, responsable du stage : Florence Piola, florence.piola@univ-lyon1.fr,
Bibliographie
[1] Bardon, C. et al. 2014. New Phytol. 204: 620–630
[2] Bardon, C. et al. 2018. Ecosphere 9: e02426
[3] Dassonville, N. et al. 2011. Biol Inv 13: 1115–1133
[4] Cantarel ,A.A.M. et al. 2020. Diversity 12: 15
[5] Cantarel, A.A.M. et al. 2024. Annal of Botany 133, 533-546
[6] Dixon, R.A et al. 2005. New Phytol 165: 9-28
[7] Béraud, C. et al. 2024. SBB. Volume 188, 109188
[8] Prior, R.L. et al. 2010. J. Sci. Food Agric. 90, 1473–1478
[9] Cornelissen et al. 2003. 232: 973–1122
[10] Freschet et al. 2021. New Phytol 232: 973–1122
[11]Cantarel et al. 2015 96(3), 788–799
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