Contexte
Les populations de grands herbivores ont considérablement augmenté dans l’hémisphère nord depuis ces dernières décennies. Actuellement, après le sanglier, le chevreuil est l’espèce la plus largement répandue en France : il occupe tous les départements métropolitains, à l’exception de la Corse. En cinquante ans, les tableaux de chasse du chevreuil ont été multipliés par 12, avec une forte augmentation initiale de 1973 à 2003, suivie d’une croissance plus modérée de 2003 et 2023 (Réseau Ongulés Sauvages 2024). Parallèlement, le cerf élaphe est l’espèce qui a connu l’une des plus fortes progressions. En trente ans, la superficie occupée par le cerf élaphe a été multipliée par 2,5 et les tableaux de chasse par 6. La gestion de ces populations est devenue primordiale et pour maintenir le niveau de ces populations d’ongulés sauvages à un seuil tolérable pour tous (agriculteurs, forestiers, chasseurs, automobilistes, etc…), il est nécessaire de pouvoir prédire leur évolution en modélisant la dynamique de population.
Dans le cas d’espèces longévives comme le chevreuil et le cerf dont la durée de vie peut dépasser 15 ans et 20 ans respectivement, il est indispensable de mener des suivis à long-terme. De plus, l’identification des paramètres démographiques et la validation de méthodes de suivi nécessitent des variations sensibles d’effectifs. Ces suivis à long-terme permettent l’acquisition de données cruciales sur la compréhension des mécanismes de fonctionnement des populations dans un contexte de changements globaux. Une attention particulière est portée au chevreuil ces dernières années par les gestionnaires et les scientifiques car le ralentissement de prélèvements à la chasse semble refléter à la fois les conséquences de la faible plasticité de cette espèce face au changement climatique (particulièrement notable sur le recrutement) et de la compétition avec les autres espèces d’ongulés sauvages de plus en plus présentes dans les forêts françaises (en particulier le cerf, espèce sympatrique considérée comme « plastique » face aux changements globaux).
Stage
Le projet consiste à comprendre comment l’écologie de la reproduction du chevreuil et du cerf, 2 espèces sympatriques différant en termes de plasticité, répond aux changements environnementaux.
Pour ce faire, le stagiaire disposera de données de suivis de populations de chevreuil mis en place par l’OFB, en collaboration avec le CNRS, dans le Territoire d’Etude et d’Expérimentation de Trois-Fontaines (51, riche en ressource, avec gestion sylvicole) depuis 1975 et dans la RBI de Chizé (79, pauvre en ressources sans gestion sylvicole) depuis 1976, 2 territoires forestiers de plaine « clos ». Concernant le cerf, des suivis de population ont été mis en place dans la RNCFS de La Petite Pierre (67, territoire forestier de moyenne montagne « ouvert ») depuis 1975 et dans le Domaine National de Chambord (41, territoire forestier de plaine clos par un mur) depuis 1982.
Dans un premier temps, le stagiaire étudiera la réponse démographique du chevreuil face à la précocité croissante du printemps avec un focus sur la reproduction. Une étude précédente a montré une absence d’ajustement de la phénologie des mise-bas sur le territoire de Trois-Fontaines, milieu riche en ressources, en réponse au changement climatique (Plard et al., 2014). Le stagiaire mènera la même analyse sur les données issues de la RBI de Chizé (recherche de faons nouveau-nés depuis 1985) afin de vérifier si cette absence de signal perdure dans un environnement beaucoup plus pauvre et où le pic de végétation au printemps a donc une très haute importance pour une espèce très dépendante des ressources (« income breeder ») comme le chevreuil.
Dans un second temps, le stagiaire travaillera sur les changements potentiels de tactique de reproduction face au changement climatique sur d’autres paramètres que la phénologie : le statut reproducteur, la taille de portée et la masse corporelle. Des travaux très récents sur le chevreuil ont en effet mis en évidence que, pour une masse donnée, les femelles légères sembleraient plus souvent reproductrices mais porteraient moins souvent de jumeaux qu’avant. Le stagiaire réalisera le même type d’analyse sur le cerf à partir de données de fécondité (analyse de tractus) et de masse corporelle collectées depuis 1978 à La Petite-Pierre et 1982 à Chambord. Il disposera également des données climatiques et d’abondance des populations. Contrairement au chevreuil, il est attendu chez le cerf une absence de changement de tactique de reproduction avec une modification de seuil de poids pour la reproduction.
Références bibliographiques
– Plard, F., Gaillard, J.-M., Coulson, T., Hewison, A. M., Delorme, D., Warnant, C., & Bonenfant, C. (2014). Mismatch between birth date and vegetation phenology slows the demography of roe deer. PLoS biology, 12(4), e1001828.
– Réseau Ongulés Sauvages. 2024. Bilan des prélèvements des ongulés sauvages pour la saison 2023-2024. Fiche de synthèse du Réseau Ongulés Sauvages OFB-FNC-FDC. https://www.ofb.gouv.fr/sites/default/files/Fichiers/Lettre%20information/EXE_PRELEVEMENT_2023_2024.pdf
Compétences requises
Nous recherchons une personne avec le profil suivant :
– Autonomie, rigueur et motivation ;
– Intérêt et connaissances pour la biologie et l’écologie des grands mammifères ;
– Solides connaissances en dynamique des populations ;
– Compétences en statistiques et programmation (dont la maîtrise du logiciel R).
Lieu et conditions de travail
– Le stage se déroulera à Chateauvillain (52), au sein du Service « Conservation et gestion durable des espèces exploitées » de l’Office Français de la Biodiversité (OFB : http://ofb.gouv.fr), en collaboration étroite avec le Laboratoire de Biométrie et Biologie Evolutive (LBBE).
– Durée et période du stage : 5 à 6 mois ; de janvier à juin 2026.
– Rémunération : 4,35 euros/heure ;
– Les frais de déplacements associés au stage seront pris en charge.
Encadrement-contact
Le stage sera encadré par :
– Maryline PELLERIN (cheffe de service adjointe « Conservation et gestion durable des espèces exploitées ») ;
– Jean-Michel GAILLARD (Directeur de recherche au LBBE).
Pour contact et renseignements :
Maryline PELLERIN – maryline.pellerin@ofb.gouv.fr
Jean-Michel GAILLARD – jean-michel.gaillard@univ-lyon1.fr
Candidature (CV détaillé et lettre de motivation) à envoyer par courriel avant le 30 novembre 2026 à maryline.pellerin@ofb.gouv.fr et jean-michel.gaillard@univ-lyon1.fr avec « reproduction chevreuil-cerf » en objet.
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