Problématique
Les sols forestiers abritent une grande biodiversité et stockent d’importantes quantités de carbone. Face à des pratiques de gestion forestière de plus en plus mécanisées, les dommages causés par l’exploitation sur les sols forestiers tendent à s’accroître, notamment en ce qui concerne le tassement (Herbauts et al. 1998). Le tassement des sols forestiers conduit à une perte de la porosité du sol qui réduit fortement la circulation de l’eau et des gaz dans le sol. Les effets négatifs du tassement des sols par les engins d’exploitation sur la vigueur des peuplements forestiers ont été largement démontrés (Ranger et al. 2020). A long terme, cela entraîne une diminution de la croissance racinaire, de la croissance des arbres, des effets sur la santé des peuplements et provoque des risques de blocage de la régénération. Selon les études (type de sol, climat, niveau d’impact initial, paramètres étudiés), le temps nécessaire pour qu’un sol retrouve un fonctionnement non perturbé, après le passage d’une machine, varie d’une à plusieurs dizaines d’années, voire se mesure en centaines d’années (ONF 2017). Par conséquent, la durabilité des peuplements forestiers s’en trouve menacée. Dans une perspective de développement durable et de préservation de la ressource en sol (non renouvelable à l’échelle d’une vie humaine) la limitation du tassement des sols est donc essentielle. Un meilleur suivi de ce phénomène contribuera à la protection des fonctions écologiques des sols forestiers et à la résilience des écosystèmes face aux pressions anthropiques.
Les mesures réalisées actuellement sur les réseaux de suivi des sols ne permettent ni d’évaluer les surfaces forestières impactées par le tassement des sols et l’orniérage ni de quantifier l’intensité de ces phénomènes à l’échelle du territoire national. Le projet SOLSTIS (Suivi du Tassement par l’Inventaire forestier Statistique) est financé par le plan d’action pour la préservation des sols forestiers du ministère en charge de l’environnement. Son objectif est de mettre en place une collecte de données relative au tassement des sols sur les placettes de terrain de l’inventaire forestier national dans le but d’évaluer les surfaces forestières impactées par le tassement des sols et l’orniérage.
Le tassement du sol impacte également la végétation herbacée associée au peuplement. De façon générale, le tassement se traduit par une forte diminution de la couverture herbacée liée à la diminution de la porosité et de la teneur en oxygène du sol qui impacte le fonctionnement des racines (Gosselin et Laroussinie 2004).
Dans le massif limoneux de Soignes, Godefroid et Koedam (2004) ont étudié les relations entre le taux de couverture des herbacées et la compaction du sol. Sur les 107 taxons étudiés, le taux de couvert de 65 espèces (61 %) était significativement impacté par le tassement du sol. Sur les 41 espèces forestières, 24 (58 % de toutes les espèces forestières testées) ont montré des réponses unimodales ou monotones au compactage du sol. Environ la moitié d’entre elles ont montré une réponse unimodale avec une croissance maximale à un compactage de 200 Newton (Hyacinthoides non-scripta) ou de 400 Newton (Carex pilulifera, Deschampsia flexuosa, Dryopteris dilatata, Melica uniflora et Teucrium scorodonia) ou même 600 Newton (Oreopteris limbosperma). Quelques-unes, telles que Carex strigosa, Epilobium montanum et Mycelis muralis, ont montré une réduction monotone de leur croissance avec l’augmentation du compactage. Enfin, quatre espèces (Carex remota, C. sylvatica, Rumex sanguineus et Veronica montana) ont eu des réponses de croissance positives avec l’augmentation du compactage, au moins jusqu’à 1200 N. Cela contraste avec les espèces non forestières, dont 18 sur 41 ont montré une tolérance élevée aux sols fortement compactés (par exemple, Geum urbanum, Glechoma hederacea, Impatiens parviflora, Polygonum hydropiper, Veronica serpyllifolia). Ainsi ces espèces non-forestières supportent mieux, voire profitent de l’augmentation de la compaction. La compaction des sols pourrait donc être à l’origine d’un changement à plus ou moins long terme de la composition floristique du sous-étage forestier.
Ainsi, sur les sols tassés des communautés végétales spécifiques peuvent se développer, entraînant une perte de biodiversité des milieux et une modification des habitats naturels. Cependant, pour évaluer l’ampleur et la persistance des changements, il est nécessaire de tenir compte du type de sol, de l’importance du compactage et de la composition floristique initiale. Des travaux spécifiques sur l’impact du tassement des sols sur l’évolution de la flore forestière ont été publiés en 2025 (Vennin et al. 2025). Ces travaux, menés sur un réseau de placettes permanentes échantillonnées en 1990 et en 2020 ont montré l’importance de l’impact de la mécanisation sur l’évolution de la flore. Avec notamment une progression des espèces végétales hygrophiles associées à des valeurs indicatrices élevées pour l’humidité du sol et d’azote.

Objectifs du stage
– Echelle nationale : Analyser l’impact du tassement des sols forestiers sur les communautés végétales à partir des relevés de flore et de sol de l’inventaire forestier national. Cet objectif visera en particulier à établir une liste d’espèces végétales indicatrices du tassement en fonction du contexte pédoclimatique.
– Echelle locale : Analyser l’impact sur la flore d’un tassement contrôlé du sol et caractériser la dynamique temporelle des espèces indicatrices du tassement sur deux sites expérimentaux INRAE de tassement dans le Grand-Est (Azeraille et Clermont-en-Argonne).

Matériel et méthode
Les sites expérimentaux INRAE de suivi du tassement
Les sites expérimentaux INRAE d’étude du tassement (Azerailles et Clermont-en-Argonne) ont respectivement été installés en 2007 et en 2008. Ils visent à étudier les effets à court et moyen terme d’une compaction limitée du sol par un porteur forestier sur la dynamique de reconstitution du sol et du peuplement. A 10 ans, les résultats ont montré que sur les deux sites, la fréquence, la durée et le niveau d’apparition d’une nappe perchée ont augmenté très rapidement après les deux passages du porteur, par diminution de la vitesse d’infiltration verticale de l’eau dans le sol. Cet engorgement de surface cause une asphyxie du sol une partie de l’année (Goutal-Pousse et al. 2014; Bonnaud et al. 2019). Dans tous les cas, le tassement a limité la hauteur des chênes dès les premières années. Cet effet est très variable d’une année à l’autre à Azerailles, où il atteint 20% de diminution 5 ans après le tassement, pour n’être plus que de 8 % environ au bout de 11 ans. Pour le site de Clermont-enArgonne, l’effet est plus fort dès la première année (10% d’écart) et se maintient autour de 10-15% sur les 10 années suivantes. La croissance radiale est aussi durablement affectée par le tassement sur les deux sites d’études : en effet, les circonférences mesurées à 8 ans et 11 ans après tassement sont significativement plus faibles sur les traitements tassés des deux sites, avec un écart de 10 à 20% pour le site d’Azerailles, et d’environ 20 % pour le site de Clermont en Argonne.

Les données IFN
Chaque année, l’inventaire forestier national collecte des données dendrométriques, écologiques et pédologiques sur environ 6 000 placettes en France métropolitaine. Ces données pédologiques associées à des données climatiques et au découpage par régions naturelles (GRECO, sylvoécorégions, régions forestières nationales) permettront de caractériser les différents contextes pédoclimatiques en France. Les données levées sur les placettes de l’inventaire forestier national permettront ensuite, grâce la représentativité statistique des échantillons annuels et à la combinaison de plusieurs campagnes, d’estimer des surfaces ou d’autres grandeurs d’intérêt à des échelles variées (département, sylvoécorégion, GRECO et jusqu’à l’échelle du territoire national). Pour avoir une première évaluation de l’ampleur du phénomène de tassement des sols forestiers, en 2015 l’IGN a ajouté au protocole de l’inventaire forestier la donnée « ORNIERE » qui permet de suivre de manière simplifié le tassement du sol. La présence d’ornières est estimée sur la placette d’observation de 20 ares et l’analyse ne porte que sur l’ornière la plus profonde, avec uniquement 3 classes de profondeur (inférieure à 10 cm, entre 10 et 30 cm et supérieure à 30 cm). La simplicité du protocole a été motivée par le peu de temps nécessaire pour effectuer la mesure de la donnée mais cette donnée a montré une faible répétabilité. Selon les travaux d’un stage mené en 2017 (Ceyrac 2017), il en ressort qu’environ 21 % des placettes d’inventaire sont concernées par des ornières en 2015 et environ 23 % en 2016. Dans le cadre de ce stage, la donnée ORNIERE levée par l’Inventaire forestier fera l’objet d’une analyse statistique sur la période où elle est disponible (2015-2025). Les données floristiques levées par l’Inventaire forestier feront l’objet d’analyses statistiques des relations entre la présence potentielle de tassement du sol (déduite d’une part de la donnée ORNIERE et d’autre part d’informations de texture et/ou de la présence d’hydromorphie en surface) et la présence de certaines plantes (Juncus effusus, Carex remota, etc.). Une liste d’espèces végétales indicatrices du tassement sera établie en fonction du contexte pédo-climatique.

Collaborateurs
Jean Luc Dupouey, Directeur de recherche spécialiste des changements à long terme des forêts, équipe ECOSILVA, UMR SILVA.
Joseph Levillain, Ingénieur de Recherche spécialiste des sols forestiers, équipe ECOSILVA, UMR SILVA.
Noémie Pousse, chargée R&D pédologie au pôle Recherche, développement et innovation (RDI) à l’ONF.

Lieu de travail Le stage se déroulera dans les locaux de l’UMR SILVA à Champenoux, et en interaction forte avec l’équipe du projet SOLSTIS.

Profil recherché :
Le candidat devra avoir de l’intérêt pour les thématiques suivantes :
– la manipulation et les analyses statistiques de données avec le logiciel R,
– la modélisation,  la flore forestière,
– les systèmes d’information géographique,  les outils de bureautique.
La connaissance et les expériences déjà acquises dans une partie des champs et outils précédents sont un plus, mais ne sont pas requises.

Aptitudes générales :
– Esprit critique, goût pour le travail de modélisation,
-Grande rigueur, soin et capacités d’organisation et rédactionnelle,
– Capacité de travail en équipe,
– Ouverture d’esprit,
– Dynamisme.

Conditions pratiques du stage :
– Gratification de stage sur les 6 mois : environ 540 à 590 €/mois.
– Accès à tarif préférentiel au self du centre INRAE de Champenoux.
– Droit à une carte de bus pour le transport gratuit depuis Nancy vers le site de Champenoux.
– Comité d’Entreprise (ADAS) pour un accès aux activités sportives et culturelles.
– Dispositifs de développement des compétences : formation, conseil en orientation professionnelle.

Modalités de candidature : Envoyer un CV et une lettre de motivation avant le 5 décembre 2025.

Le contenu de cette offre est la responsabilité de ses auteurs. Pour toute question relative à cette offre en particulier (date, lieu, mode de candidature, etc.), merci de les contacter directement. Un email de contact est disponible: joseph.levillain@inrae.fr

Pour toute autre question, vous pouvez contacter sfecodiff@sfecologie.org.