1) Contexte et problématique du stage

Malgré l’importance des insectes pollinisateurs dans le maintien des communautés végétales sauvages, ornementales et cultivées, de nombreuses populations d’insectes pollinisateurs ont subi un fort déclin au cours des dernières décennies (Biesmeijer et al. 2006; Potts et al. 2010; Goulson et al. 2015). Ce déclin peut être attribué à une combinaison de pressions anthropiques comme la perte et la fragmentation des habitats, le changement climatique, l’intensification des pratiques agricoles et l’usage des pesticides. Par exemple, en Europe, si certaines espèces de bourdons restent relativement communes, d’autres connaissent déjà des contractions d’aires de répartition, voire un risque d’extinction locale (Ghisbain et al. 2023). Cependant, la magnitude de ce déclin reste à évaluer pour de nombreuses espèces à travers la mise en place de suivis standardisés.

Les bourdons (Bombus spp.) représentent un groupe taxonomique clé de pollinisateurs dans les écosystèmes tempérés. Leur capacité de pollinisation vibratile en fait des pollinisateurs essentiels pour de nombreuses plantes sauvages (comme la myrtille sauvage Vaccinium myrtillus) et cultivées (comme les plantes de la famille des Solanacées dont font partie les tomates). Avec plus de 79 espèces décrites en Europe et dans les régions proches (Rasmont, Ghisbain & Terzo 2021), les bourdons contribuent de manière disproportionnée aux services écosystémiques liés à la pollinisation, y compris dans des écosystèmes à haute altitude et latitude où d’autres pollinisateurs sont moins actifs.

Les bourdons se distinguent également par la richesse de leurs signaux acoustiques. Contrairement à d’autres groupes animaux (oiseaux, chauves-souris, amphibiens) où les sons sont produits par des structures spécialisées, les bourdons génèrent des sons incidentaux via les vibrations de leur thorax. Les caractéristiques de ces bourdonnements varient largement selon les espèces, la taille des individus et leurs comportements. Parmi les différents types de bourdonnement, nous pouvons différencier le bourdonnement de vol produit par les battements d’ailes et qui reflète l’activité locomotrice de l’individu, du bourdonnement de pollinisation (ou sonication) qui est émis par contraction rapide des muscles thoraciques lorsque l’individu saisit une fleur pour en libérer le pollen (Vallejo-Marín 2018). Ce bourdonnement est particulièrement distinctif et représente une véritable métrique quantitative de la pollinisation.

Grâce aux récentes avancées technologiques et méthodologiques, l’utilisation de capteurs acoustiques offre des perspectives prometteuses pour le suivi des bourdons (van Klink et al. 2022). En s’appuyant sur les signatures acoustiques des bourdonnements, la bioacoustique, combinée aux récentes approches d’intelligence artificielle, offre une voie innovante pour développer des outils non invasifs et standardisés de suivi de ces pollinisateurs à larges échelles spatiotemporelles (Gradisek et al. 2017; Ribeiro et al. 2021; Truong et al. 2023; Ballesteros et al. 2024). Suite à un premier projet (BumbleBuzz 2023-2025), ayant montré la faisabilité de détecter et classifier les bourdonnements de vol vs. pollinisation à partir d’enregistrements acoustiques, le projet BBeeDeep vise à remplir deux objectifs principaux : (A) décrire finement les paramètres acoustiques des bourdonnements de chaque espèce de bourdons pour les relier à des traits biologiques (sexe, caste, taille de l’individu, état physiologique), et (B) développer des modèles d’IA frugale capables de classifier automatiquement les espèces de bourdons à partir de leurs bourdonnements.

Ce stage de recherche s’inscrit dans le projet BBeeDeep et visera à atteindre le 1er objectif du projet.

2) Objectifs du stage

Les objectifs du stage seront de (i) caractériser et d’analyser les paramètres acoustiques des bourdonnements de vol et de pollinisation des principales espèces de bourdons européens, et (ii) explorer leurs relations avec les traits biologiques des individus (sexe, caste, taille, état des ailes, etc.). Ce travail pourra être étendu à d’autres espèces (abeilles sauvages, syrphes, etc.) selon le temps disponible.

3) Déroulement du stage

L’étudiant.e sera amené.e à :
-Réaliser une revue bibliographique sur la bioacoustique des bourdons ;
-Participer à l’annotation via le logiciel Audacity d’une partie des enregistrements acquis en France et au Royaume-Uni les années précédentes dans le cadre du projet BumbleBuzz et des données collectées lors de ce stage ;
-Participer à des campagnes de terrain pour l’acquisition de nouvelles données acoustiques avec du terrain prévu dans le Haut-Doubs et dans le massif du Mont-Blanc avec l’équipe du CREA Mont Blanc ;
-Extraire les paramètres acoustiques des bourdonnements de vol et de pollinisation et tester leurs relations avec les traits biologiques des bourdons ;
-Réaliser une base de données sur les traits acoustiques des bourdons ;
-Présenter les résultats et contribuer à leur valorisation scientifique (rédaction d’un rapport, possibilité de participation à une publication).

En parallèle, le.la stagiaire aura la possibilité de participer activement au développement en cours d’un algorithme de reconnaissance des espèces de bourdons et de leurs comportements.

4) Profil recherché :

Écologue spécialiste en bioacoustique avec une solide formation scientifique et une expérience pratique en analyse acoustique.
Compétences requises

-Formation recommandée : Master 2 en écologie, bioacoustique, data science appliquée à l’environnement, ou école d’ingénieur équivalente ;
-Compétences attendues : Solides compétences en analyse de données (analyses statistiques avec R) et, si possible, en bioacoustique ;
-Fort intérêt pour l’écologie acoustique et la recherche scientifique ;
-Compétence appréciée en entomologie/identification des Apidés ;
-Capacité à travailler en équipe ;
-Autonomie, rigueur scientifique et bonnes capacités rédactionnelles (français et anglais).

5) Informations pratiques

Durée et période : 6 mois, à partir de janvier 2026 ;
Laboratoire d’accueil : UMR Chrono-environnement, Université Marie & Louis Pasteur/CNRS, 16 route de Gray, 25000 Besançon ;
Indemnité mensuelle : selon la réglementation en vigueur.
Encadrant principal : Jérémy Froidevaux (Université Marie & Louis Pasteur, UMR 6249 Chrono-environnement, Besançon)
Partenaires du projet : Nicolas Farrugia (IMT Atlantique, Brest) ; Colin Van Reeth (CREA Mont-Blanc, Chamonix)

6) Modalités de candidature

Envoyer un CV, une lettre de motivation et une lettre de référence à jeremy.froidevaux@univ-fcomte.fr, en précisant l’intitulé du stage. Le recrutement se fera au fil de l’eau et ce jusqu’au vendredi 24 octobre 2025 midi.

Références:
Ballesteros R.A. et al. (2024) Towards acoustic monitoring of bees: Wingbeat sounds are related to species and individual traits. Philosophical Transactions of the Royal Society B: Biological Sciences, 379, 20230111.
Biesmeijer J.C. et al. (2006) Parallel declines in pollinators and insect-pollinated plants in Britain and the Netherlands. Science 313: 351–354
Ghisbain G. et al. (2024) Projected decline in European bumblebee populations in the twenty-first century. Nature 628: 337–341.
Goulson D. et al. (2015) Bee declines driven by combined stress from parasites, pesticides, and lack of flowers. Science 347:1255957.
Gradisek A. et al. (2017) Predicting species identity of bumblebees through analysis of flight buzzing sounds. Bioacoustics 26, 63-76.
Potts S. et al. (2010) Global pollinator declines: trends, impacts and drivers. Trends in Ecology & Evolution 25: 345-353.
Rasmont P., Ghisbain G. & M. Terzo (2021) Bumblebees of Europe and neighbouring regions – Hymenoptera of Europe. NAP edition.
Ribeiro, A.P. et al. (2021) Machine learning approach for automatic recognition of tomato-pollinating bees based on their buzzing-sounds. PLoS computational biology 17, e1009426.
Truong T.H. et al. (2023) A deep learning-based approach for bee sound identification. Ecological Informatics 78, 102274.
Vallejo-Marín M. (2018) Buzz pollination: studying bee vibrations on flowers. New Phytologist 224: 1068-1074.
van Klink, R. et al. (2022) Emerging technologies revolutionise insect ecology and monitoring. Trends in Ecology & Evolution 37: 872-885.

Le contenu de cette offre est la responsabilité de ses auteurs. Pour toute question relative à cette offre en particulier (date, lieu, mode de candidature, etc.), merci de les contacter directement. Un email de contact est disponible: jeremy.froidevaux@univ-fcomte.fr

Pour toute autre question, vous pouvez contacter sfecodiff@sfecologie.org.