Toutes les informations et modalités de candidature à:
https://jobs.inrae.fr/ot-23166
L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) est un établissement public de recherche rassemblant une communauté de travail de 12 000 personnes, avec 272 unités de recherche, de service et expérimentales, implantées dans 18 centres sur toute la France. INRAE se positionne parmi les tout premiers leaders mondiaux en sciences agricoles et alimentaires, en sciences du végétal et de l’animal. Ses recherches visent à construire des solutions pour des agricultures multi-performantes, une alimentation de qualité et une gestion durable des ressources et des écosystèmes.
Environnement de travail, missions et activités
Le/la candidat-e sera accueilli-e dans l’Unité Écosystèmes Aquatiques et Changements Globaux (UR EABX) appartenant au centre INRAE Nouvelle-Aquitaine Bordeaux et localisée à Cestas Gazinet. Les recherches menées par l’Unité ont pour missions de développer les connaissances, fournir des méthodes et améliorer les outils pour définir et comprendre le statut et la dynamique des écosystèmes aquatiques continentaux (i.e. estuaires, lacs, rivières) en évaluant la réponse de ces systèmes et de leurs espèces-clés (dont les poissons migrateurs amphihalins migrant entre mer et rivière pour réaliser leur cycle de vie) à une gamme de pressions humaines (e.g. pêche, fragmentation des habitats, pollution, changement climatique) (https://eabx.bordeaux-aquitaine.hub.inrae.fr/).
Dans ce contexte, le/la candidat-e s’inscrira dans un projet de longue durée au sein de l’Unité, à savoir la sauvegarde de l’esturgeon européen (Acipenser sturio) (e.g. Rochard, 1992 ; Delage, 2015 ; Carrera-Garcia, 2017). Cette espèce emblématique de grands fleuves européens comme la Gironde (France), l’Elbe (Allemagne) ou encore le Guadalquivir (Espagne) est classée en « danger critique d’extinction » sur la liste mondiale de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN, 2023). La dernière population sauvage est issue du bassin de la Gironde (France) avec la dernière reproduction naturelle observée en 1994. Les actions menées historiquement en France depuis les années 90 (Elie, 1997 ; Rochard, 2002) et dans la première phase du Plan National d’Actions français (PNA) en faveur de la restauration de l’esturgeon européen 2011-2015 (MEDDTL, 2011) ont permis d’éviter la disparition de l’espèce. Un stock d’individus captifs a été constitué dans les années 90 (Williot et al., 2011) ; ce dernier a permis de mettre au point une méthode de reproduction assistée (Williot et Chèvre, 2011) afin de produire et de relâcher des jeunes poissons dans le milieu naturel. Ainsi, depuis 2007, près de 1,7 millions d’individus (larves et juvéniles) ont été lâchés dans les parties basses des fleuves Dordogne et Garonne (France) et, dans une moindre mesure, 20 000 juvéniles ont été lâchés dans l’Elbe (Allemagne) où l’espèce fait également l’objet d’un plan national d’actions (Gessner et al., 2010). Des lâchers expérimentaux ont également été réalisés dans le Rhin (Brevé et al., 2019).
De l’autre côté de l’océan Atlantique Nord, l’esturgeon Atlantique (Acipenser oxyrinchus) est actuellement présent dans les rivières de la côte américaine, du Québec (Canada) jusqu’en Floride (États-Unis). Néanmoins, l’espèce a été marquée par des diminutions drastiques pouvant aller jusqu’à 90 % des abondances à la fin du XIXème siècle, mais sans véritable rebond depuis. Aux États-Unis, un moratoire sur sa pêche côtière a été mis en place en 1998 avant l’inclusion de l’espèce dans l’Endangered Species Act en 2012 comme espèce « menacée » ou « en danger » en fonction des états considérés (Hilton et al., 2016). Ce classement préserve l’espèce de toute exploitation commerciale aux États-Unis. Bien que sujet d’une pêcherie régulée au Canada, les populations des fleuves Saint-Laurent et Saint John et des zones Atlantiques côtières adjacentes sont listées comme « menacées » par le Comité sur la Situation des Espèces en Péril (COSEPAC/COSEWIC, 2011).
Historiquement, la présence de l’esturgeon Atlantique en mer Baltique a été mise en évidence par des analyses paléo-génétiques (Ludwig et al., 2002). Alors que l’on envisageait initialement une colonisation autour de l’an 1000, des résultats plus récents ont mis en évidence une présence de cette espèce dans toute l’Europe du Nord au moins depuis 1500 avant notre ère (Desse-Berset et Williot, 2011 ; Nilkulina et Schmölcke, 2016 ; Popovic et al., 2014). Le statut des îles britanniques est encore incertain en ce qui concerne l’espèce qui a habité les systèmes fluviaux (Steve Colclough, comm. pers.). Aujourd’hui, l’esturgeon Atlantique est considéré comme « régionalement éteint » dans le milieu naturel en Europe (Kottelat et Freyhof, 2007). Cependant, cette espèce est en cours de réintroduction dans la mer Baltique, avec des lâchers dans les principaux bassins versants de la Baltique tels que l’Oder, la Vistule, le Niemen, le Gauja et la Narva, principalement sur la base d’un stock ex-situ importé du fleuve Saint John (Nouveau-Brunswick, Canada).
Sur la base de l’aire de répartition historique et du fait que la disparition des populations européennes de l’esturgeon Atlantique est plus ancienne que celle de l’esturgeon européen, le consensus en Europe de l’Ouest est de réintroduire l’esturgeon européen (A. sturio) dans l’Atlantique, la Manche et la mer du Nord en produisant des juvéniles à partir de la dernière souche génétique sauvage (Roques et al., 2018). La réintroduction de l’esturgeon Atlantique (A. oxyrinchus) est limitée à la mer Baltique[1].
Cependant, la disponibilité actuelle de l’esturgeon Atlantique au Canada et la disponibilité temporairement limitée de juvéniles d’esturgeons européens (maturation tardive des géniteurs du stock captif) ont amené à des discussions sur la réintroduction de l’esturgeon Atlantique. Quoi qu’il en soit, la réintroduction de l’esturgeon Atlantique dans les rivières de l’Atlantique Est et de la mer du Nord pourrait amplifier le risque de chevauchement et d’interaction directe avec les individus d’esturgeons européens résultant du repeuplement actuellement en cours dans la Gironde (France) et l’Elbe (Allemagne). Cette interaction et ses conséquences potentielles doivent être mieux évaluées et sont au centre de cette fiche de poste.
D’un point de vue technique, les modèles de distribution d’espèces ont été employés ces dernières décennies dans des contextes variés et notamment pour évaluer la favorabilité de sites de réintroductions pour les espèces menacées (Hunter-Ayad et al., 2020). Dans la famille des modèles de distribution, les approches sont variées. Cette fiche de poste fait appel au modèle de distribution hybride baptisé HyDiaD qui associe un calcul de la favorabilité de l’habitat continental à un module de dynamique de population simplifié prenant en compte des contraintes de distance à la dispersion avec notamment le calcul du chemin le plus court entre deux bassins versants en passant par le plateau continental en milieu marin (Barber-O’Malley et al., 2022). Aussi, dans un contexte de réintroduction, la réflexion supplémentaire menée ici concerne la prise en compte de la population « source » dans la représentation et l’utilisation de la niche en modélisation. En effet, pour l’esturgeon européen comme pour l’esturgeon Atlantique, les sources d’individus pour la réintroduction dans les rivières européennes sont limitées, i.e. le bassin Gironde-Garonne-Dordogne (France) pour la première et la rivière Saint John (Canada) pour la seconde. Ainsi, la niche de la population « source » pourrait ne représenter que partiellement la niche de l’espèce, classiquement employée en modélisation de la distribution des espèces. Ce point nécessite d’être appréhendé au préalable afin d’éclairer les conclusions des modèles et passera alors par la comparaison des niches des populations « sources » à celle définie pour l’espèce à partir des connaissances paléo-écologiques et historiques acquises sur les deux espèces.
Vous serez plus particulièrement en charge de :
Mener, avec l’aide d’un stagiaire de Master 2, un travail innovant sur (1) la comparaison des niches populationnelles pour l’esturgeon Atlantique dans la rivière Saint John au Canada et l’esturgeon européen dans le système Garonne-Dordogne de même que (2) la comparaison des niches spécifiques de l’esturgeon Atlantique sur la côte Est-Américaine et de l’esturgeon européen en Europe ; documenter la qualité de la calibration des différentes niches environnementales et comparer les amplitudes et évaluer les recouvrements de niches ;
Établir des modèles de distribution hybrides pour les deux espèces, i.e. (1) adapter le modèle HyDiaD pour intégrer, entre autres, l’attractivité des bassins versants et les barrières biogéographiques dans le processus de dispersion ainsi que des interactions interspécifiques pour l’habitat, et (2) revoir la calibration du modèle HyDiaD pour l’esturgeon européen et réaliser une première calibration pour l’esturgeon Atlantique ;
Définir, avec les experts de la conservation des esturgeons, des scénarios plausibles de soutien de population à tester et évaluer la distribution continentale des deux espèces d’esturgeons en Europe de l’Ouest en fonction de ces scénarios jusqu’à la fin du XXIème siècle sous contraintes du changement climatique ;
Évaluer les risques associés en termes de superposition des futures distributions potentielles et de maintien des deux espèces en Europe ;
Discuter ces résultats avec les parties prenantes pour proposer d’éventuelles recommandations de gestion à large échelle.
Commentaires récents