Contexte
Le PEPR SOLU-BIOD (https://www.pepr-solubiod.fr/) est un programme national de recherche qui vise à mettre en œuvre et évaluer des Solutions fondées sur la Nature, qui sont des approches de protection, restauration ou gestion des écosystèmes ayant des impacts positifs à la fois sur le plan social, environnemental, économique et sur la biodiversité. Un living-lab a été mis en place en Île de France en tant que consortium inter- et transdisciplinaire, promouvant la co-construction entre scientifiques et parties prenantes. Ses objectifs sont notamment d’évaluer quels sont les moteurs de la dynamique de la biodiversité sous les contraintes du changement climatique en relation avec la gestion des terres dans les zones urbaines, et de déterminer si on peut élaborer des scénarios d’interventions qui pourraient s’attaquer à la fois aux défis de la biodiversité et du changement climatique.
Cadre conceptuel
Dans ce cadre, nous proposons un sujet de thèse de doctorat portant spécifiquement sur la connectivité du paysage dans un contexte de changement climatique, incluant un volet dédié aux organismes ingénieurs du sol.
La réponse la plus fréquente de la biodiversité au changement climatique est que les espèces déplacent leur aire de répartition, typiquement vers les pôles et en altitude, suivant ainsi l’évolution des températures [1,2]. Cela peut toutefois s’avérer impossible dans les paysages dominés par l’homme, où la fragmentation de l’habitat limite la dispersion des espèces [3]. Une stratégie d’atténuation du changement climatique consiste alors à gérer les paysages de manière à maintenir ou à restaurer des corridors écologiques (trames vertes et bleues). Ces « corridors climatiques » correspondent à une connectivité directionnelle permettant aux espèces de rejoindre, depuis leur aire de répartition actuelle, les habitats qui deviendront favorables pour eux à l’avenir du fait des changements climatiques [4].
L’identification de ces zones de connectivité est ainsi un enjeu majeur de l’aménagement de territoires résilients au changement climatique dans les régions fortement anthropisées, laissant peu de place aux espaces de dispersion naturels, telles que l’Île de France. Toutefois, la question se pose de savoir si les mêmes corridors climatiques peuvent bénéficier à des espèces possédant des habitats et des modes de dispersions contrastés. D’autre part, favoriser la dispersion des espèces dans un but d’adaptation au changement climatique est également susceptible de profiter à des espèces exotiques envahissantes ou porteuses de pathogènes dont on souhaiterait au contraire limiter la dispersion [5]. Parmi les espèces tout particulièrement impliquées dans des services écosystémiques majeurs, les vers de terre [6] peuvent voir leur dispersion entravée par un usage intensif des sols, augmentant ainsi leur vulnérabilité face aux changements globaux. En effet, dans ces régions les propriétés physiques, chimiques et biologiques des sols sont fortement altérées, avec des gammes de conditions pédologiques allant de sols relativement peu perturbés dans certaines parcelles ou parcs préservés, à des sols entièrement aménagés. Ces diverses conditions forment une mosaïque d’habitats pédologiques dont certains sont plus ou moins favorables à la dispersion des organismes vivant dans les sols.
Objectifs de la thèse
L’objectif de la thèse sera ainsi d’identifier, par des approches de modélisation, la localisation de corridors climatiques existants ou potentiels en Île de France, et de tester l’efficacité de ces corridors pour la dispersion d’espèces de vers de terre via une approche de génétique des populations [7]. Spécifiquement, le·la candidat·e aura en charge :
(i) De modéliser la connectivité entre aires de répartition présentes et futures, selon différents scénarios de changement climatique, pour différentes espèces incluant : (a) des espèces virtuelles (simulant des espèces avec des écologies prédéfinies), (b) des espèces inscrites sur les listes rouges d’Île de France et de France métropolitaine, à définir en fonction des données disponibles, (c) des espèces exotiques envahissantes, à définir en fonction des données disponibles et de leur importance vis-à-vis des écosystèmes natifs, puis enfin (d) des espèces de vers de terre dont l’habitat particulier et les services écosystémiques qu’ils fournissent les rendent particulièrement pertinentes à cet égard. Les aires de répartition de ces espèces seront estimées à l’aide de méthodes de modélisation de niche écologique, puis la connectivité sera modélisée via des outils tels que Circuitscape [8,9] qui déterminent les zones de passage les plus probables en fonction des usages des sols et de leur perméabilité estimée à la dispersion des individus ou de leurs propagules.
(ii) De tester si les zones de connectivité ainsi identifiées correspondent effectivement à une dispersion plus efficace chez des espèces d’ingénieurs du sol, les vers de terre, en utilisant des méthodes de génétique du paysage. Une sélection d’espèces de vers de terre aux capacités et aux modes de dispersion contrastés sera échantillonnée dans des sites franciliens afin de tester le lien entre les flux de gènes estimés et la connectivité modélisée précédemment.
(iii) De concevoir des scénarios de restauration ou de création d’écosystèmes semi-naturels afin d’améliorer la connectivité climatique au niveau régional, sur la base des modèles de connectivité déjà produits dans la 1ère partie de la thèse.
Les résultats obtenus sont destinés à être partagés au sein du living-lab, notamment avec une thèse de doctorat qui se déroulera en parallèle et qui évaluera les trames de fraicheurs au sein de la Métropole du Grand Paris. La thèse fera aussi l’objet de communication auprès de divers partenaires institutionnels au sein du GREC francilien (https://grec-idf.eu/).
Compétences souhaitées
• Master en écologie
• Expérience et appétence pour la modélisation et les SIG, incluant une bonne connaissance du langage R
• Compétences en génétique des populations, de préférence à la fois théorique et en laboratoire
Lieu du stage : Le·la doctorant·e sera basé·e au sein de l’UMR iEES, à l’Université Paris-Est Créteil (UPEC).
Encadrement : Yoan Fourcade (MCF UPEC) et Lise Dupont (Pr UPEC)
Candidatures : Les candidatures se font par envoi d’un CV et d’une lettre de motivation par courriel à yoan.fourcade@u-pec.fr et lise.dupont@u-pec.fr.
Début de la thèse : Au plus tard le 1er mars 2025
Bibliographie :
[1] Lajeunesse, A., & Fourcade, Y. (2023). Temporal analysis of GBIF data reveals the restructuring of communities following climate change. Journal of Animal Ecology, 92(2), 391–402.
[2] Parmesan, C. (2006). Ecological and evolutionary responses to recent climate change. Annual Review of Ecology Evolution and Systematics, 37(1), 637–669.
[3] Opdam, P., & Wascher, D. (2004). Climate change meets habitat fragmentation: Linking landscape and biogeographical scale levels in research and conservation. Biological Conservation, 117(3), 285–297.
[4] Nunez, T. A., Lawler, J. J., McRae, B. H., Pierce, D. J., Krosby, M. B., Kavanagh, D. M., Singleton, P. H., & Tewksbury, J. J. (2013). Connectivity planning to address climate change. Conservation Biology, 27(2), 407–416.
[5] Rudnick, D., Ryan, S., Beier, P., Cushman, S., Dieffenbach, F., Epps, C., Gerber, L., Hartter, J., Jenness, J., Kintsch, J., Merenlender, A., Perkl, R., Perziosi, D., & Trombulack, S. (2012). The Role of Landscape Connectivity in Planning and Implementing Conservation and Restoration Priorities. Issues in Ecology. Issues in Ecology, 16.
[6] Blouin, M., Hodson, M. E., Delgado, E. A., Baker, G., Brussaard, L., Butt, K. R., Dai, J., Dendooven, L., Peres, G., Tondoh, J. E., Cluzeau, D., & Brun, J.-J. (2013). A review of earthworm impact on soil function and ecosystem services : Earthworm impact on ecosystem services. European Journal of Soil Science, 64(2), 161 182.
[7] Dupont L, Torres-Leguizamon M, René-Corail P & Mathieu J (2017) Landscape features impact connectivity between soil populations : a comparative study of gene flow in earthworms. Molecular Ecology, 26, 3128-3140
[8] McRae B.H., Shah V.B., Edelman A. (2016) Circuitscape: Modeling Landscape Connectivity to Promote Conservation and Human Health.
[9] Sonntag, S., & Fourcade, Y. (2022). Where will species on the move go? Insights from climate connectivity modelling across European terrestrial habitats. Journal for Nature Conservation, 66, 126139.
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