Contexte
L’utilisation de lumière artificielle la nuit (ALAN – Artificial Light At Night) n’a fait que croitre ces dernières décennies, jusqu’à entrainer aujourd’hui une pollution lumineuse généralisée à une grande partie des territoires terrestres du monde (Falchi et al., 2016, Koen et al., 2018). Les effets de cette pollution lumineuse, documentés chez divers groupes taxonomiques (oiseaux, mammifères, invertébrés, amphibiens, reptiles, poissons, plantes), sont multiples : perturbation de la physiologie et du cycle biologique, changement de l’activité et des comportements des individus, modification des traits d’histoire de vie, baisse de la diversité et l’abondance des espèces, perturbation des relations inter- et intra-spécifiques (Koen et al., 2018, Brayley et al., 2022, Jägerbrand & Spoelstra, 2023, Sordello et al., 2025). Les connaissances sur l’impact de cette pollution lumineuse chez les reptiles (mises à part les tortues marines) restent néanmoins limitées (Jägerbrand & Spoelstra, 2023) : seules quelques études traitent de ce sujet chez ce groupe taxonomique et adressent les changements d’activité chez des espèces diurnes, qui voient leur période d’activité journalière augmentée et peuvent rester actives de nuit lorsque des lumières artificielles sont présentes dans leur habitat (Baxter-Gilbert et al., 2021, Taylor et al., 2022). A contrario, nous nous intéressons ici à l’impact de la lumière artificielle pendant la nuit sur l’activité d’un reptile nocturne. Les impacts de la lumière artificielle la nuit sur les reptiles nocturnes restent peu étudiés, hors on sait que chez d’autres groupes d’espèces nocturnes (oiseaux, chiroptères), celle-ci a un impact particulièrement important.
Le Phyllodactyle d’Europe (ou Eulepte d’Europe) Euleptes europaea Gené, 1839 est un gecko à l’activité strictement nocturne et lucifuge. C’est une espèce presque exclusivement insulaire, que l’on peut retrouver sur des (très) petits îlots non-habités, mais aussi sur des îles de plus grande taille (ex : Porquerolles, Port-Cros et le Levant sur les îles d’Hyères, de Pomègues et de Ratonneau de l’archipel du Frioul à Marseille), voir des très grandes îles (Corse, Sardaigne, Sicile), qui peuvent être habitées et donc concernées par l’utilisation de lumière artificielle la nuit. Contrairement à la Tarente de Maurétanie Tarentola mauritanica (Linnaeus, 1758), gecko que l’on peut retrouver en chasse au niveau des lampadaires et autres sources de lumière, le Phyllodactyle semble lui fuir les espaces éclairés la nuit. Nous cherchons ainsi à étudier la sensibilité à la lumière artificielle du Phyllodactyle d’Europe, en milieu contrôlé, afin de déterminer (1) quel est l’impact de la lumière sur l’activité du Phyllodactyle et (2) à partir de quel niveau de luminosité y a-t-il un impact.
Ce stage se place plus largement dans un projet de thèse intitulé « Dynamique et gestion des petites populations isolées : collecte et intégration des données pour la conservation du Phyllodactyle d’Europe. », co-encadré dans le cadre d’une bourse CIFRE par AGIR écologique et la SETE CNRS de Moulis. Il se place aussi dans le cadre des missions de l’Initiative PIM.
Présentation des différents acteurs du projet
• Initiative PIM : L’Initiative pour les Petites Iles de Méditerranée (PIM) est une ONG internationale qui a pour objectif principal la conservation des patrimoines naturels des petites îles de Méditerranée (iles de moins de 1000 ha), ainsi que des espaces littoraux qui leurs sont proches. L’essentiel des actions mises en place dans le cadre de nos activités sont les suivantes : (1) améliorer les connaissances sur les sites insulaires, (2) appui à des systèmes de cogestion, (3) organisation d’opérations de restauration écologique, (4) renforcement de capacité auprès de professionnels de l’environnement, (5) communication, promotion et plaidoyer pour les îles et leurs protecteurs.
• AGIR écologique : à l’interface entre aménagement et préservation de la biodiversité, à la fois bureau d’études et entreprise de travaux (essentiellement réalisées dans le quart Sud-Est de la France). Spécialisés dans les opérations de génie écologique, les écologues de la structure s’investissent, depuis sa création en 2013, dans toutes les formes d’expertises et de travaux liés à la biodiversité.
• SETE CNRS : Station d’Ecologie Théorique et Expérimentale de Moulis, Unité d’Appui et de Recherche du CNRS et de l’Université de Toulouse. La Station œuvre au développement de connaissances nouvelles sur la biodiversité, les écosystèmes et leur inéraction avec les sociétés pour contribuer à leur durabilité à long terme, en utilisant des approches théoriques et expérimentales.
Missions/objectifs du stage
• Recherches bibliographiques sur le sujet.
• Participation à la mise en place et réalisation d’un protocole d’étude de la sensibilité à la lumière chez le Phyllodactyle d’Europe, en captivité.
• Analyse des données vidéos récoltées au cours de ce protocole d’étude de la sensibilité à la lumière.
• Participation au maintien en captivité des individus de Phyllodactyle d’Europe au sein de l’animalerie de la station : élevage des insectes proies, mise en place et visionnage du suivi vidéo de l’état de santé des individus, …
• Participation aux missions de terrain et autres protocoles en captivité associé au projet de thèse.
• Mission bonus (à déterminer en fonction de la motivation et du temps disponible chez le.a candidat.e) : recensement des actions/mesures mises en place en faveur du Phyllodactyle d’Europe sur le territoire français, dans le cadre d’une réflexion autour d’un Plan National d’Action.
Profil recherché
• Etudiant.e en Master 2 (ou équivalent) de biologie, écologie
• Intérêt pour la mise en place et réalisation de protocoles scientifiques
• Intérêt pour l’herpétologie et les enjeux insulaires est un plus
• Autonomie et esprit d’équipe
• Mobilité (la mission peut amener l’étudiant à se déplacer sur diverses îles en Provence)
• Maîtrise des outils statistiques (R)
Les candidatures pour le stage (CV et Lettre de motivation) sont à envoyer au mail suivant : julie.quessada@agirecologique.fr
Conditions d’accueil du/de la stagiaire
• Basé à la Station d’Ecologie Théorique et Expérimentale (09200 Moulis). Possibilités de logement sur place (chambre étudiante aux frais du.de la stagiaire).
• Missions de terrain prévues dans la région PACA (Bouches-du-Rhône, Var, …).
• Gratification de stage selon la réglementation en vigueur
Références bibliographiques
Baxter-Gilbert, J., Baider, C., Florens, F. B. V., Hawlitschek, O., Mohan, A. V., Mohanty, N. P., Wagener, C., Webster, K. C., & Riley, J. L. (2021). Nocturnal foraging and activity by diurnal lizards : Six species of day geckos (Phelsuma spp.) using the night-light niche. Austral Ecology, 46(3), 501‑506. https://doi.org/10.1111/aec.13012
Brayley, O., How, D. M., & Wakefield, D. A. (2022). Biological Effects of Light Pollution on Terrestrial and Marine Organisms. International Journal of Sustainable Lighting, 24(1), 13‑38. https://doi.org/10.26607/ijsl.v24i1.121
Falchi, F., Cinzano, P., Duriscoe, D., Kyba, C. C. M., Elvidge, C. D., Baugh, K., Portnov, B. A., Rybnikova, N. A., & Furgoni, R. (2016). The new world atlas of artificial night sky brightness. Science Advances, 2(6), e1600377. https://doi.org/10.1126/sciadv.1600377
Jägerbrand, A. K., & Spoelstra, K. (2023). Effects of anthropogenic light on species and ecosystems. Science, 380(6650), 1125‑1130. https://doi.org/10.1126/science.adg3173
Koen, E. L., Minnaar, C., Roever, C. L., & Boyles, J. G. (2018). Emerging threat of the 21st century lightscape to global biodiversity. Global Change Biology, 24(6), 2315‑2324. https://doi.org/10.1111/gcb.14146
Sordello, R., Ouédraogo, D.-Y., Chassoulier, C., Aulagnier, S., Coulon, A., & Reyjol, Y. (2025). Does artificial light interfere with the activity of nocturnal mammals? An experimental study using road underpasses. Biological Conservation, 302, 110960. https://doi.org/10.1016/j.biocon.2024.110960
Taylor, L. A., Thawley, C. J., Pertuit, O. R., Dennis, A. J., Carson, I. R., Tang, C., & Johnson, M. A. (2022). Artificial light at night alters diurnal and nocturnal behavior and physiology in green anole lizards. Physiology & Behavior, 257, 113992. https://doi.org/10.1016/j.physbeh.2022.113992
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