Contexte
La connectivité écologique représente le degré de facilité avec lequel des organismes peuvent se déplacer dans le paysage (Meriam, 1984). Elle se divise en 2 grandes catégories : la connectivité structurelle ou la continuité physique des éléments du paysage; et la connectivité fonctionnelle, qui tient compte de la réponse comportementale des individus, espèces ou processus écologiques à la connectivité structurelle des habitats, aussi bien au niveau des éléments du paysage, qu’à celui de la configuration spatiale du paysage entier (Baguette et al., 2013; Calabrese and Fagan, 2004; Fletcher and Fortin, 2018; Tischendorf and Fahrig, 2000).
Les chiroptères utilisent l’écholocalisation (ultrasons) pour se déplacer et sont particulièrement sensibles à la structure du paysage et à la fragmentation écologique. Ces mammifères sont ainsi grandement impactés par la connectivité de leurs habitats (i.e., patches et structures de végétation) dans les paysages (Bellamy et al., 2013; Frey-Ehrenbold et al., 2013; Froidevaux et al., 2022; Heim et al., 2015; Lacoeuilhe et al., 2018). Leurs populations ont été fortement impactées au cours du siècle dernier et de ces dernières décennies par le changement d’usage des sols à l’origine de la fragmentation et dégradation de leurs habitats ainsi que plusieurs autres grands facteurs d’origine anthropique comme l’intensification et la conversion de l’agriculture (Park, 2015; Treitler et al., 2016) ; la déforestation ou encore la pollution (Browning et al., 2021; Frick et al., 2024; Williams-Guillén et al., 2016).
Les chauves-souris insectivores jouent par ailleurs un rôle capital en tant qu’auxiliaire de culture dans les espaces agricoles, notamment dans les vergers. Elles peuvent consommer en une nuit 40 à 125% de leur masse en arthropodes selon les espèces et selon la période de l’année, soit un à dix kilogrammes d’arthropodes par an et par individu (Cleveland et al., 2006 ; Kunz et al., 2011 : Ober et al., 2011). En France, les 36 espèces de chauves-souris présentes sont toutes majoritairement insectivores. Un déclin des populations de 43% a été estimé entre 2006 et 2021 (Vigie Nature et al., 2022). Préserver ces petits mammifères notamment via leurs habitats et corridors de déplacements clés a donc une importance capitale d’une part pour leur valeur intrinsèque et d’autre part pour conserver et favoriser le service de biocontrôle qu’elles offrent et la fonctionnalité des écosystèmes agricoles à laquelle elles contribuent.
Dans ce contexte et dans le cadre de la thèse de Montaine Delmotte visant à favoriser durablement la lutte biologique en vergers de pommiers par les Chiroptères, nous souhaitons réaliser une cartographie de la connectivité fonctionnelle du site d’étude pour les chiroptères (site atelier de la Basse Vallée de la Durance au Sud d’Avignon, une vaste zone agricole recouvrant une grande surface de vergers de pommiers). Celle-ci permettra d’identifier les corridors potentiels favorables aux chiroptères à l’échelle du site atelier. Cette cartographie sera également intégrée dans un des volets de la thèse portant sur la complexité des réseaux trophiques (relations entre insectes volants et chiroptères) en lien avec la connectivité fonctionnelle à différentes échelles.
Objectifs du stage
Les objectifs de ce stage seront :
1) De réaliser différentes cartes de modélisation spatiale du potentiel de connectivité fonctionnelle du site d’étude (site atelier de la Basse Vallée de la Durance) pour les chiroptères (identification des grands corridors de déplacement, différentes hypothèses de perméabilité du paysage).
2) De participer à la collecte des données acoustiques sur une centaine de sites répartis le long de gradients de connectivité fonctionnelle afin d’évaluer les cartes réalisées.
3) D’explorer la relation entre l’activité des chiroptères et la connectivité écologique fonctionnelle à l’échelle régionale (site d’étude).
Déroulement du stage
Après une phase de prise en main du sujet (bibliographie, familiarisation avec les notions de connectivité écologique, structurelle et fonctionnelle, avec la zone d’étude et identification des grands corridors écologiques et habitats clés des chiroptères), la ou le stagiaire réalisera une cartographie des éléments du paysage favorisant le déplacement des chiroptères à l’échelle du site d’étude situé au sud-est d’Avignon (site atelier de la Basse Vallée de la Durance) en s’appuyant sur la cartographie des occupations du sol existante (données de l’unité de recherche PSH ou de l’IGN par exemple). Il/elle/iel modélisera ensuite la connectivité fonctionnelle de ce site pour les chiroptères à l’aide du logiciel Circuitscape basé sur la théorie des circuits. La personne sélectionnée considérera plusieurs hypothèses écologiques correspondant par exemple à différentes espèces ou guildes de chiroptères afin d’établir les cartes de connectivité correspondantes. A partir de la fin du printemps, elle participera également à une phase de collecte de données sur le terrain avec la pose d’enregistreurs acoustiques entre juin et août le long de gradients de connectivité fonctionnelle prédits. Cet ensemble de données lui permettra ainsi, si le temps le permet, de tester l’adéquation des cartes établies entre la connectivité fonctionnelle prédite et l’activité des chiroptères.
Profil recherché
Nous recherchons un.e étudiant.e en M2 d’écologie ou équivalent ou en césure ayant un intérêt pour l’étude et la préservation des chiroptères, l’acoustique, l’agroécologie et pour la cartographie et la modélisation. Des compétences sur les logiciels R et/ou, QGIS et éventuellement Circuitscape, seront appréciées. Une appétence pour le terrain est également souhaitée puisque la ou le stagiaire sera amené.e à installer sur le terrain des capteurs acoustiques.
Laboratoire d’accueil
Plantes et Systèmes Horticoles (PSH) – Domaine Saint-Paul, INRAE d’Avignon – 228 route de l’Aérodrome – Site Agroparc – CS 40509, 84914 Avignon Cedex 9.
Conditions d’accueil
La ou le candidat.e retenu.e sera accueilli.e au sein de l’équipe Contrôle Biologique par Conservation (CBC) du laboratoire Plantes et Systèmes Horticoles (PSH) de l’INRAE d’Avignon dans le cadre d’une collaboration avec l’OFB. Cette personne bénéficiera d’une gratification de stage au tarif en vigueur ainsi qu’un accès à la cantine INRAE avec un tarif avantageux.
Encadrement
Le stage sera réalisé dans le cadre du projet de thèse de Montaine Delmotte. Il sera co-encadré par Montaine Delmotte (doctorante en deuxième année à l’INRAE, montaine.delmotte@inrae.fr) avec le soutien de Claire Lavigne (INRAE), Thomas Delattre (INRAE), Florence Matutini (OFB) et David Pinaud (CEBC-CNRS).
Durée :
5 à 6 mois à partir de février-mars 2026.
Modalités de candidature :
CV + lettre de motivation à envoyer par mail à Montaine Delmotte : montaine.delmotte@inrae.fr.
Publications de membres de l’équipe encadrante en lien avec le sujet :
– Delattre, T., Baudry, J., Burel, F., 2018. An onion-like movement corridor? Possible guidelines emerging from small-scale movement rules. Ecological Informatics 45, 48–58. https://doi.org/10.1016/j.ecoinf.2018.03.006.
– Matutini, F., Baudry, J., Fortin, M.-J., Pain, G., Pithon, J., 2023. Conservation networks do not match the ecological requirements of amphibians. Peer Community Journal 3. https://doi.org/10.24072/pcjournal.290.
– Pinaud, D., Claireau, F., Leuchtmann, M., Kerbiriou, C., 2018. Modelling landscape connectivity for greater horseshoe bat using an empirical quantification of resistance. Journal of Applied Ecology 55, 2600–2611. https://doi.org/10.1111/1365-2664.13228.
– Pinaud, D., Varoux, M., Leuchtmann, M., Pontier, D., 2025. Modelling connectivity at a regional scale during seasonal movements of the greater horseshoe bat. Journal of Applied Ecology n/a. https://doi.org/10.1111/1365-2664.70115.
– Ricci, B., Franck, P., Valantin-Morison, M., Bohan, D.A., Lavigne, C., 2013. Do species population parameters and landscape characteristics affect the relationship between local population abundance and surrounding habitat amount? Ecological Complexity 15, 62–70. https://doi.org/10.1016/j.ecocom.2013.02.008.
Autres références bibliographiques sur le sujet :
– Cable, A.B., O’Keefe, J.M., Deppe, J.L., Hohoff, T.C., Taylor, S.J., Davis, M.A., 2021. Habitat suitability and connectivity modeling reveal priority areas for Indiana bat (Myotis sodalis) conservation in a complex habitat mosaic. Landscape Ecol 36, 119–137. https://doi.org/10.1007/s10980-020-01125-2.
– Frey-Ehrenbold, A., Bontadina, F., Arlettaz, R., Obrist, M.K., 2013. Landscape connectivity, habitat structure and activity of bat guilds in farmland-dominated matrices. Journal of Applied Ecology 50, 252–261. https://doi.org/10.1111/1365-2664.12034.
– Froidevaux, J.S.P., Duarte, G., Fonseca, A., Zina, V., Conde, S., Ferreira, M.T., Fernandes, M.R., 2022. The location and vegetation physiognomy of ecological infrastructures determine bat activity in Mediterranean floodplain landscapes. Agriculture, Ecosystems & Environment 332, 107929. https://doi.org/10.1016/j.agee.2022.107929.
– Le Roux, M., Redon, M., Archaux, F., Long, J., Vincent, S., Luque, S., 2017. Conservation planning with spatially explicit models: a case for horseshoe bats in complex mountain landscapes. Landscape Ecol 32, 1005–1021. https://doi.org/10.1007/s10980-017-0505-z.
– Park, K.J., 2015. Mitigating the impacts of agriculture on biodiversity: bats and their potential role as bioindicators. Mammalian Biology, Special Issue: Bats as Bioindicators 80, 191–204. https://doi.org/10.1016/j.mambio.2014.10.004.
– Safi, K., Kerth, G., 2004. A Comparative Analysis of Specialization and Extinction Risk in Temperate-Zone Bats. Conservation Biology 18, 1293–1303. https://doi.org/10.1111/j.1523-1739.2004.00155.x.
– Tournant, P., Afonso, E., Roué, S., Giraudoux, P., Foltête, J.-C., 2013. Evaluating the effect of habitat connectivity on the distribution of lesser horseshoe bat maternity roosts using landscape graphs. Biological Conservation 164, 39–49. https://doi.org/10.1016/j.biocon.2013.04.013.
– von Hirschheydt, G., Kindvall, O., de Jong, J., 2020. Testing bat abundance and diversity predictions by PREBAT, a connectivity-based habitat suitability model for insectivorous bats. Eur J Wildl Res 66, 29. https://doi.org/10.1007/s10344-020-1368-1.
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