Contexte :
Les habitats marins biogéniques (e.g. récifs coralliens, forêts de laminaires, herbiers marins) jouent un rôle important dans le fonctionnement des écosystèmes marins1. En influençant d’une manière singulière leur environnement, ils constituent des zones importantes de biodiversité2. Par exemple, les forêts de laminaires créent de vastes zones abritées sous leur canopée abritant de nombreux poissons juvéniles3, et les récifs d’huîtres offrent un substrat dur supportant divers organismes sessiles4. Ces habitats sont toutefois vulnérables face aux changements climatiques et impacts anthropiques5. Ils sont donc voués à jouer un rôle clé dans le future de la biodiversité marine2. Pourtant, leur influence sur la faune marine reste mal caractérisée, car elle repose sur un ensemble de processus complexes2,6,7.
Les espèces fondatrices qui sont à l’origine de ces formations biogéniques présentent des traits physiques (e.g. taille, complexité) et biologiques (e.g. productivité, durée de vie) différents. Ces traits modulent leur influence sur leur environnement et la biodiversité associée. Leur influence est aussi susceptible d’être plus importante sur des espèces qui présentent certains traits (en termes de régime trophique ou de mobilité)8. Cette idée que des associations entre espèces se produisent dans la nature selon la compatibilité de leurs traits est connue sous le nom de « trait-matching »9. Ces appariements entre traits structurent particulièrement les écosystèmes terrestres (en particulier pour des réseaux plantes/polinisateurs)10, mais leur rôle en milieu marin reste inexploré (à l’exception des interactions trophiques structurées par la taille).
En milieu marin, ces approches sont très limitées en raison (1) du manque d’informations pertinentes sur les traits des espèces côtières, et (2) des difficultés d’observer ou d’estimer les interactions entre espèces10. Pourtant, il est essentiel d’identifier les règles d’appariement entre espèces fondatrices et faune marine pour comprendre et prédire l’évolution des écosystèmes côtiers face aux changements des paysages marins sous l’effet des changements climatiques et impacts anthropiques. Nous proposons dans ce stage d’explorer par les traits les patrons de co-occurrences d’espèces fondatrices et de faune marine dans la mesure où ces traits déterminent 1) la répartition des espèces (et donc un potentiel d’interaction) et 2) la réalisation d’interaction selon la compatibilité de leurs traits. Si cette approche tend à simplifier la nature complexe des interactions écologiques11, elle permet de combler le manque de connaissances sur les associations entre espèces marines et d’inférer certains des mécanismes pouvant les expliquer10,12.
Objectif du stage :
L’objectif principal du stage est d’étudier l’appariement des traits des espèces fondatrices et de la faune associée (poisson et macro-invertébrés). Pour ce faire, le·la candidat·e s’appuiera sur un réseau de co-occurrences reconstruit dans le cadre de la thèse de T. Benoit, à partir de données acquises depuis 2008 sur près de 3300 récifs rocheux et coralliens autour du globe par le Reef Life Survey.
Le·la candidat·e devra notamment :
1. Construire une matrice de trait pour les espèces de la faune associée : Sur la base de recherche bibliographique et de dire d’experts, le·la candidat·e devra 1) identifier des traits fonctionnels faunistiques pertinents13,14 et 2) collecter les traits d’espèces de macro-invertébrés benthiques (une matrice de traits de poisson a déjà été collectée).
2. Modéliser les associations (voir pour exemple : Albrecht et al., 201815 ou Chiquet et al., 202116) : Utiliser la matrice de traits faunistique ainsi qu’une matrice de traits d’espèce fondatrice construite antérieurement au stage pour caractériser, les associations espèces fondatrices et faune marine, et tester leur significativité (e.g. via une analyse combinée RLQ et fourth-corner17).
Déroulement du stage :
– Durée : 6 mois (démarrage flexible à partir de janvier 2024).
– Lieu d’accueil : Le·la stagiaire sera basé·e au laboratoire d’Écologie Benthique Côtière (unité DYNECO, au Centre Ifremer de Bretagne, à Plouzané).
– Projet : Ce stage se déroule dans le cadre du projet ANR TRIDENT (TRaIt-Based MoDEls To Predict MariNe EcosysTem Dynamics).
– Encadrement : Thomas Benoit, Aurélien Boyé, Martin Marzloff
– Indemnité de stage : ~ 800€ / mois.
Profil recherché :
– Deuxième année de master, ou fin de cycle ingénieur en écologie marine, halieutique, modélisation ou statistiques.
– Intérêt particulier pour la compréhension du fonctionnement des écosystèmes côtiers.
– Goût prononcé pour l’écologie quantitative.
– Bonne connaissance des outils d’analyse multivariée.
– Capacité à mener un travail méthodique durant les premiers mois du stage (collecte de la matrice de traits).
– Maitrise du langage de programmation R.
Contacts :
Pour postuler, veuillez envoyer lettre de motivation et CV à : Thomas Benoit (Thomas.Benoit@ifremer.fr), Aurélien Boyé (Aurelien.Boye@ifremer.fr), Martin Marzloff (Martin.Marzloff@ifremer.fr).
Références :
1. Airoldi, L., Balata, D. & Beck, M. W. The Gray Zone: Relationships between habitat loss and marine diversity and their applications in conservation. Journal of Experimental Marine Biology and Ecology 366, 8–15 (2008).
2. Bulleri, F. et al. Harnessing positive species interactions as a tool against climate-driven loss of coastal biodiversity. Plos Biology 16, (2018).
3. Teagle, H., Hawkins, S. J., Moore, P. J. & Smale, D. A. The role of kelp species as biogenic habitat formers in coastal marine ecosystems. Journal of Experimental Marine Biology and Ecology 492, 81–98 (2017).
4. Boudreaux, M. L., Stiner, J. L. & Walters, L. J. BIODIVERSITY OF SESSILE AND MOTILE MACROFAUNA ON INTERTIDAL OYSTER REEFS IN MOSQUITO LAGOON, FLORIDA. shre 25, 1079–1089 (2006).
5. Wernberg, T. et al. Impacts of Climate Change on Marine Foundation Species. Annual Review of Marine Science 16, 247–282 (2024).
6. Crain, C. M. & Bertness, N. D. Community impacts of a tussock sedge: Is ecosystem engineering important in benign habitats? Ecology 86, 2695–2704 (2005).
7. Nyström, M. et al. Confronting Feedbacks of Degraded Marine Ecosystems. Ecosystems 15, 695–710 (2012).
8. Moreira-Saporiti, A. et al. A trait-based framework for seagrass ecology: Trends and prospects. Frontiers in Plant Science 14, (2023).
9. Pichler, M., Boreux, V., Klein, A.-M., Schleuning, M. & Hartig, F. Machine learning algorithms to infer trait-matching and predict species interactions in ecological networks. Methods in Ecology and Evolution 11, 281–293 (2020).
10. Manca, F. et al. Unveiling the complexity and ecological function of aquatic macrophyte–animal networks in coastal ecosystems. Biological Reviews 97, 1306–1324 (2022).
11. Blanchet, F. G., Cazelles, K. & Gravel, D. Co-occurrence is not evidence of ecological interactions. Ecology Letters 23, 1050–1063 (2020).
12. de Juan, S., Ospina-Alvarez, A., Hinz, H., Moranta, J. & Barberá, C. The continental shelf seascape: a network of species and habitats. Biodivers Conserv 32, 1271–1290 (2023).
13. Lam-Gordillo, O., Baring, R. & Dittmann, S. Ecosystem functioning and functional approaches on marine macrobenthic fauna: A research synthesis towards a global consensus. Ecological Indicators 115, 106379 (2020).
14. Morim, T., Henriques, S., Vasconcelos, R. & Dolbeth, M. A roadmap to define and select aquatic biological traits at different scales of analysis. Sci Rep 13, 22947 (2023).
15. Albrecht, J. et al. Plant and animal functional diversity drive mutualistic network assembly across an elevational gradient. Nat Commun 9, 3177 (2018).
16. Chiquet, J., Mariadassou, M. & Robin, S. The Poisson-Lognormal Model as a Versatile Framework for the Joint Analysis of Species Abundances. Front. Ecol. Evol. 9, (2021).
17. Dray, S. et al. Combining the fourth-corner and the RLQ methods for assessing trait responses to environmental variation. Ecology 95, 14–21 (2014).
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